limite [ limit ] n. f.
• 1355; lat. limes, itis
1 ♦ Ligne qui sépare deux terrains ou territoires contigus. ⇒ bord, borne, confins, démarcation, frontière, lisière. Établir, marquer, tracer des limites. ⇒ borner, circonscrire, délimiter, limiter. Ce ruisseau « marquait la limite de la propriété » (P. Benoit). Limites entre deux pays. ⇒ frontière. Limites d'un terrain de football, de tennis. — En appos. Zone limite. — Par ext. Limite d'une aire dialectale. ⇒ isoglosse. — Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable (formule en usage dans le métro parisien).
2 ♦ Partie extrême où se termine une surface, une étendue. La limite d'une forêt. ⇒ lisière, orée. La mer s'étendait alors au-delà de ses limites actuelles. « La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie » (Flaubert).
3 ♦ Terme extrême (commencement ou fin) d'un espace de temps. Les limites d'une période. La dernière limite. À six heures, dernière limite (cf. Dernier carat). Dans les limites du temps qui nous est imparti. — Limite d'âge : âge au-delà duquel on ne peut se présenter à un examen, exercer une fonction. Atteindre la limite d'âge. En appos. L'âge limite. Date limite de vente, de consommation. — Boxe Gagner avant la limite (de temps),avant que tous les rounds prévus ne soient écoulés.
4 ♦ Fig. Point que ne peut ou ne doit pas dépasser l'influence, l'action de qqch. ⇒ barrière, borne, extrémité, seuil. « D'étroites limites fermaient le champ de mes recherches » (France). Aller jusqu'à la limite de ses forces. Être à la limite de la crise de nerfs. ⇒ bord (au bord de). Limites fixées par la loi. Dans les limites de nos moyens. Se fixer des limites. Franchir, dépasser les limites. Ma patience a des limites ! Loc. Il y a des limites (à tout) : on ne peut tout se permettre. — Dans la limite du possible. Dans une certaine limite. ⇒ mesure. — SANS LIMITES : illimité. ⇒ borne, frein. Une ambition sans limites. ⇒ démesuré.
♢ Degré extrême (de qqch.). Reculer les limites du possible. Ça dépasse les limites du supportable.
5 ♦ Math., philos. Grandeur fixe dont une grandeur variable peut approcher indéfiniment sans l'atteindre (cf. Asymptote). En appos. Cas limite. ⇒ extrême. Vitesse limite. ⇒ maximum. Des expériences-limite(s). — Loc. À LA LIMITE : si on se place en pensée au point vers lequel tend une progression sans l'atteindre jamais; cour. en poussant les choses à l'extrême (cf. À la rigueur, au pis aller). À la limite, je préfère ne rien manger que manger ça. — Mécan. Limite d'élasticité, de rupture. Vitesse limite : valeur limite vers laquelle tend la vitesse d'un corps qui se déplace dans un milieu résistant sous l'action d'une force constante. Opt. Angle limite : le plus petit angle d'incidence sous lequel se produit la réflexion totale.
6 ♦ Possibilités (physiques ou intellectuelles) extrêmes. « C'est presque toujours par vanité qu'on montre ses limites » (A. Gide). Connaître ses limites. Cet athlète semble avoir atteint ses limites.
7 ♦ Adjt Fam. Être limite : convenir à peine, être tout juste acceptable. Le budget est limite. Ta plaisanterie est franchement limite.
● limite nom féminin (latin limes, -itis, frontière) Ligne séparant deux pays, deux territoires ou terrains contigus : Le Rhin marque la limite entre les deux pays. Ligne qui circonscrit un espace, marque le début et/ou la fin d'une étendue : Les limites du terrain de jeu. Ce qui marque le début et/ou la fin d'un espace de temps ou ce qui le circonscrit : Dans les limites du temps qui m'est imparti. Borne, point au-delà desquels ne peuvent aller ou s'étendre une action, une influence, un état, etc. : Il a montré ses limites dans cette affaire. Degré extrême de quelque chose, seuil de ce qui est acceptable : Ce crime atteint les limites de l'horreur. En apposition, indique un seuil au-delà duquel quelque chose n'appartient plus à l'ensemble donné : Date limite d'inscription. Écologie Ligne idéale d'un territoire, au-delà de laquelle on ne trouve plus, ou presque plus, de représentants d'une espèce animale ou végétale donnée. (Ainsi, en montagne, la limite supérieure d'altitude, les limites imposées par la durée de l'ensoleillement dans les vallées étroites sont d'une grande netteté pour la végétation.) Mathématiques Élément duquel se « rapprochent » les images d'une fonction (ou d'une suite), lorsque les antécédents correspondants se « rapprochent » d'une certaine valeur de l'ensemble de départ. Sports En boxe, nombre de rounds prévus pour un combat. ● limite (citations) nom féminin (latin limes, -itis, frontière) Arthur Adamov Kislovodsk 1908-Paris 1970 L'homme ne saurait connaître la loi, mesurer ses limites, qu'en passant outre. L'Aveu Le Sagittaire Confucius, en chinois Kongzi ou Kongfuzi [maître Kong] 551-479 avant J.-C. Dépasser les limites n'est pas un moindre défaut que de rester en deçà. Entretiens, VI, 11 (traduction S. Couvreur) ● limite (difficultés) nom féminin (latin limes, -itis, frontière) Orthographe On écrit sans trait d'union : date limite, cas limite (plur. : des dates limites, des cas limites). - On écrit au pluriel sans limites : un pouvoir sans limites, une autorité sans limites. - Hors limite prend ou non la marque du pluriel, en fonction de la situation ou du contexte : la déclaration étant parvenue hors limite, il n'est plus possible de donner suite à cette demande (= après la limite, la date fixée) ; la règle s'applique dans toute sa rigueur à l'intérieur de la circonscription mais, hors limites, elle est beaucoup plus souple (= hors des limites, des frontières administratives). Emploi On dit atteindre la limite d'âge (et non être atteint par la limite d'âge). ● limite (expressions) nom féminin (latin limes, -itis, frontière) À la limite, si on envisage le cas extrême. Connaître ses limites, ses possibilités intellectuelles ou ses capacités physiques. Familier. Être limite, être peu acceptable. Cours limite, cours au-delà duquel (en cas d'ordre d'achat) ou en deçà duquel (en cas d'ordre de vente) un ordre de Bourse ne doit pas être exécuté. Point limite, chacun des deux cercles de rayon nul, d'un faisceau (ou pinceau) de cercles, lorsqu'ils existent. Passage à la limite, calcul d'une valeur de la forme f(a) en la considérant comme limite de la suite f(xn), n ∊ N où (xn) est une suite tendant vers a. (Il faut naturellement que f soit continue en a.) Angle ou incidence limite, plus grand angle que puisse faire le rayon réfracté avec la normale, lorsque la lumière passe d'un milieu dans un autre plus réfringent, par exemple de l'air dans l'eau. (Lorsque, dans le milieu plus réfrigent, l'angle d'incidence est plus grand que l'angle limite, la lumière subit la réflexion totale.) ● limite (synonymes) nom féminin (latin limes, -itis, frontière) Ligne séparant deux pays, deux territoires ou terrains contigus
Synonymes :
- cadre
- démarcation
- frontière
- séparation
Ligne qui circonscrit un espace, marque le début et/ou la...
Synonymes :
- bord
- bordure
- confins
- extrémité
- fin
- lisière
- orée
Borne, point au-delà desquels ne peuvent aller ou s'étendre une...
Synonymes :
- borne
Degré extrême de quelque chose, seuil de ce qui est acceptable
Synonymes :
- terme
limite
n. f.
d1./d Ce qui sépare un terrain, un territoire d'un autre; ce qui est contigu. Bornes qui marquent la limite d'un champ. Limite entre deux états voisins. Limite d'une forêt.
d2./d Par anal. La limite du XIXe et du XXe siècle.
|| Limite d'âge: âge au-delà duquel on ne peut plus se présenter à un concours, ou après lequel un fonctionnaire doit être mis à la retraite. Atteindre la limite d'âge.
|| SPORT Avant la limite: avant la fin du temps imparti. Combat de boxe gagné avant la limite.
d3./d Fig. Point où s'arrête qqch; borne. Courir jusqu'à la limite de ses forces. Exercer une autorité sans limites.
|| Loc. Dépasser les limites: aller au-delà de ce que la bienséance permet.
d4./d MATH Valeur vers laquelle tend une expression algébrique. La limite de 1 n lorsque n tend vers l'infini est égale à zéro.
— (En appos.) Vitesse limite.
⇒LIMITE, subst. fém.
A. — Ligne qui détermine une étendue, une chose ayant un développement spatial; ligne qui sépare deux étendues. Synon. borne, frontière. La limite de la langue bretonne est entre Loudéac et Pontivy (MICHELET, Journal, 1831, p. 89). Une ligne d'établissements humains correspond souvent à la limite où l'olivier, avec les cultures qui l'accompagnent, cède la place au châtaignier (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 88). Les limites cellulaires sont toujours très nettes, marquées fréquemment par des condensations protoplasmiques, des membranes même dans certains cas (POLICARD, Histol. physiol., 1922, p. 166). En Palestine, Baudoin fondait dans ses limites historiques le royaume de Jérusalem (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 70). Je vis, à la limite du front et de la chevelure (...) jaillir (...) des perles de sueur (VERCORS, Silence mer, 1942, p. 78) :
• 1. Il fallait y regarder attentivement pour comprendre où se terminait la mer, où le ciel commençait, tant la limite était douteuse, tant l'un et l'autre avaient la même pâleur incertaine (...) et le même infini.
FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 164.
SYNT. Limite(s) du monde, d'un pays, d'un territoire, d'une ville, d'une zone; limite de l'horizon; limite du regard, de la vue; limite(s) changeante(s), extrême(s), naturelle(s), précise(s); dernière(s) limite(s) (de qqc.); atteindre, dépasser, franchir, passer, toucher la/les limites(s) (de qqc.); rester dans/entre les limites (de qqc.); sortir des limites (de qqc.); aller en dehors des limites (de qqc.); établir, fixer, tracer la/les limite(s) (de qqc. /entre deux choses); étendre, reculer la/les limite(s) (de qqc.); assigner, attribuer, fixer une/des limite(s) (à qqc.); arriver à la limite (de qqc.); aller jusqu'aux limites (de qqc.); au-delà, hors des limites (de qqc.); s'arrêter sur la limite (de qqc.); étendue qui n'a pas de limite(s), qui a qqc. pour limite, qui comprend qqc. dans ses limites; qqc. constitue, indique, marque la/les limites(s) (de qqc./entre deux choses); qqc. sert de limite (à qqc.); limite qui sépare deux étendues; limite(s) où commence, où finit qqc.; horizon, mer sans limite(s).
♦ SPORTS, au plur. Lignes qui déterminent un terrain de sport. Limites d'un court. Les lignes droites, blanches et pures, des limites tracées à la chaux sur le gazon (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 359).
♦ En appos. Zone(-)limite. Au moment où la Nahe débouche à travers les arches du pont de pierre, sur le parapet duquel le lion de Hesse tourne le dos à l'aigle de Prusse (...) au moment, dis-je, où la Nahe (...) sort de dessous ce pont-limite, le bras vert de bronze du Rhin saisit brusquement la blonde et indolente rivière et la plonge dans le Bingerloch (HUGO, Rhin, 1842, p. 231).
— P. anal. Moment, espace de temps qui détermine une durée, qui sépare deux durées. Jusqu'ici nous ne sommes pas encore sortis des limites de l'équinoxe du printems (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 183). À la limite du moyen âge et des temps modernes, à l'époque de Philippe Le Bel, de Louis XI (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 451). Les couchants et les aurores étaient les douces limites de journées chaudes et bleues (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 181). V. effiler ex. 3 :
• 2. Quant au présent, il se réduit à une pure limite, sans épaisseur, à un pur rapport entre le passé et le futur...
J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 181.
SYNT. Limites d'une saison; tel jour est la dernière limite pour les inscriptions; déborder la/les limite(s) du temps imparti; sans limite de durée, de temps.
♦ Limite d'âge. Âge au-delà duquel on ne peut plus exercer une fonction, se présenter à un concours, à un examen. Entrer dans une administration à la limite d'âge; être maintenu en activité sans limite d'âge. J'avais souvent regretté que l'impitoyable limite d'âge l'ait, au moment de la guerre, éloigné de tout commandement (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 276). Songez qu'au concours mondial de beauté de cette année, la limite d'âge était de vingt-deux ans... (MONTHERL., Pitié femmes, 1936, p. 1164). V. âge ex. 24.
♦ SPORTS. Avant la limite. Avant la fin de la durée prévue pour un match. Choc de puncheurs pour le second combat [de boxe] entre Paderni, vainqueur de Fonteix, Mazilli, avant la limite (...) et Chiappini dont la puissance de frappe est légendaire (L'Œuvre, 14 mars 1941).
♦ En appos. Il faut (...) que j'arrive à joindre Maurice Boucher au téléphone et que je sache de lui la date limite à laquelle je puis remettre mes quinze pages (DU BOS, Journal, 1928, p. 115). Je calculais avec désespoir : « On n'a pas le droit de se marier avant quinze ans! » Encore était-ce un âge limite (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 102).
B. — Au fig.
1. Ce qui détermine un domaine, ce qui sépare deux domaines. Limite entre la santé et la maladie; être à la limite du délire. La limite qui sépare l'erreur de la vérité n'est pas toujours facile à marquer, à fixer, à reconnaître (Ac.). La limite où se confondent la raison et la démence (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 688). La limite au-delà de laquelle l'excès commence est (...) variable, suivant les peuples ou les milieux sociaux (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 219). Distinguer la limite où le bovarysme cesse d'être l'expression d'un progrès normal pour dévier vers la pathologie (GAULTIER, Bovarysme, 1902, p. 226).
Être à la limite de... (et de ...) :
• 3. J'ai (...) pleuré un peu. Je ne saurais dire combien cet état d'extase a duré. Car, petit à petit, cela tournait à l'extase, c'était à la limite de la douleur et de la joie.
DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 154.
2. Ce qui ne peut ou ne doit être dépassé. Je déplore mes écarts d'esprit ou de raison, la faiblesse et les courtes limites de mes facultés physiques et morales (MAINE DE BIRAN, Journal, 1820, p. 271). L'obéissance, c'est la vertu de se soumettre. Jusqu'à quelle limite ceux qui obéissent doivent-ils obéir? (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1907, p. 115). Autour de moi, on prônait le dévouement, mais on lui assignait pour limites le cercle familial; hors de là, autrui n'était pas un prochain (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 180).
• 4. ... de nouvelles conférences eurent lieu (...) pour établir des prévisions nouvelles qui, tout en restant dans la limite des 420 millions imposés par le gouvernement, comprendraient certains travaux urgents qui avaient été omis dans le programme du 27 février.
JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 57.
SYNT. Limite(s) de l'autorité, de la connaissance, du désespoir, de ses forces, de ses possibilités, du possible, du pouvoir, de la raison, de la science; limite(s) assignable(s), convenable(s), déterminée(s), étroite(s), extrême(s), idéale(s), permise(s), précise(s), raisonnable(s), rigide(s), rigoureuse(s); dans la limite des places disponibles; à l'intérieur des limites (de qqc.); bêtise, confiance, liberté, pouvoir sans limite(s); qui n'a pas, qui ne connaît pas de limite(s); pousser un raisonnement jusqu'aux dernières limites (à la limite); déterminer, fixer, indiquer la/les limite(s) (de qqc.); assigner, poser une/des limite(s) (à qqc.); faire éclater, reculer la/les limite(s) (de qqc.); atteindre, déborder, dépasser, franchir la/les limites(s) (de qqc.); sortir des limites (de qqc.); rester dans les limites du sujet; être compris, contenu, enfermé dans les limites (de qqc.); il y a une/des limite(s) (à qqc.)/à ne pas dépasser.
a) Locutions
♦ À la limite. En poussant à l'extrême un raisonnement, une manière de voir, de sentir; en allant jusqu'au point idéal que peut atteindre une progression. On ne peut souhaiter la mort de tout le monde ni, à la limite, dépeupler la planète pour jouir d'une liberté inimaginable autrement (CAMUS, Chute, 1956, p. 1508) :
• 5. ... si, comme cela m'est arrivé de façon inoubliable, j'écoute, assis au fond d'une grotte, le bruit des flots, est-ce de la musique? Je réponds oui, à la limite.
SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 75.
♦ Il y a des limites (à tout). Il ne faut pas exagérer. Que vous vous moquiez du monde, soit! Mais il y a des limites à tout (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 1er tabl., II, p. 34) :
• 6. Le congrès socialiste sera quelque chose d'inouï. Il paraît qu'on y entendra Vera Sassoulitch, qui a tué, dans l'ancien temps, le préfet de Saint-Pétersbourg. Je comprends l'hospitalité française; mais il y a des limites.
DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 8.
b) En appos. Cas (v. cas1 I B 2), concept, idée, situation (-) limite; prix, vitesse limite. Cet état limite où seule la conscience de pouvoir se tuer (...) rend tolérable un prolongement de l'existence (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 36). Le vol est comme une symbolisation limite de l'indiscrétion et de l'impudeur agressives, du moins le vol primitif (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 482) :
• 7. La joie comme la cataplexie sont des états-limites, et échappent le plus souvent à l'expérience.
VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 112.
c) Le plus souvent au plur., en partic. Possibilités (intellectuelles) qui ne peuvent être dépassées. Limites de l'esprit humain, de l'intelligence; accepter,(re)connaître, trouver ses limites; chacun a ses limites. Son esprit [de Fontanes] d'ailleurs, si vif et si brillant, avait ses limites très-arrêtées, auxquelles on atteignait assez vite en causant avec lui (SAINTE-BEUVE, Chateaubr., t. 2, 1860, p. 121) :
• 8. ... la limite de Gide et de son œuvre c'est que quand (...) on vit en contact permanent avec son plan personnel le plus profond, Gide ne vous est à peu près de rien.
DU BOS, Journal, 1925, p. 359.
d) Spécialement
— MATH. Valeur dont une grandeur peut s'approcher sans jamais l'atteindre. Cet infini mathématique dont le caractère est tout négatif puisque le propre de la limite c'est de n'être jamais atteinte (BLONDEL, Action, 1893, p. 58). Dans le dernier tiers du XIXe siècle (...) Dini et Arzelà précisent les conditions nécessaires pour que la limite d'une suite de fonctions continues soit continue (BOURBAKI, Hist. math., 1960, p. 229) :
• 9. ... on dit qu'une fonction f (x) est (...) différentiable en un point x si, lorsque x' tend vers x, le rapport de (f)x'-(f)x à x'-x tend vers une limite bien déterminée, appelée dérivée de f(x) au point x.
Gds cour. pensée math., 1948, p. 279.
— PHYS. Valeur que ne peut ou ne doit dépasser un phénomène physique. Limite d'élasticité (d'un matériau), de résistance; limite de cisaillement, de rupture. La fusion est une réelle altération des pâtes céramiques. Elles peuvent l'éprouver lorsque la limite de densité de masse que doit leur donner la cuisson est dépassée (BRONGNIART, Arts céram., t. 1, 1844, p. 271) :
• 10. Il est à remarquer (...) que Pasteur n'a nullement pris le soin de déterminer par l'expérience directe la limite de température que ses fameux germes peuvent supporter sans perdre leur capacité de développement.
J. ROSTAND, Genèse vie, 1943, p. 124.
Prononc. et Orth. : [limit]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1372 fém. « ce qui borne un terrain, un territoire; ligne de démarcation entre des terrains, des territoires contigus » (Mon. de l'hist. de Neuchâtel, p. 998 ds GDF. Compl.); 1513 masc. (LEMAIRE DE BELGES, Illustr., III, 2 II, 367 ds HUG.); 2. fig. 1539 limites de son debvoir (EST., s.v.); 1572 (AMYOT, Comm. Concept. contre les Stoïques, 13 ds HUG. : le vice a son limite); 1580 (MONTAIGNE, Essais, I, XV, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 68 : La vaillance a ses limites); 1595 (ID., op. cit., I, XXVI, éd. citée, p. 158 : Si nous sçavions restraindre les appartenances de nostre vie à leurs justes et naturels limites); 3. 1765 math. « toute grandeur dont une autre grandeur peut approcher à l'infini sans jamais l'égaler exactement » (Encyclop. t. 9, p. 542 a). Empr. au lat. limes, -itis « chemin bordant un domaine, sentier entre deux champs; limite, frontière ». Fréq. abs. littér. : 4 273. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 4 798, b) 4 342; XXe s. : a) 4 071, b) 9 308.
limite [limit] n. f.
ÉTYM. 1372; rare av. le XVIe; souvent masc. (1513, jusqu'au XVIIe); du lat. limes, limitis, d'abord « chemin, sentier bordant un domaine ».
❖
1 Ligne qui sépare deux champs, deux domaines, deux territoires contigus. ⇒ Bord, borne, bout, confins, démarcation, extrémité, frontière (cit. 4), lisière; commencement, fin. || Ensemble des limites. ⇒ Cadre, circonscription, circuit, contour, 1. enceinte, périmètre. || Limites définies. || Bornes (cit. 2), chemin, poteaux marquant une limite. || Les limites d'un héritage, d'une propriété, d'un terrain, d'une terre, d'un champ. || La limite d'un État, d'un territoire, d'un empire (cit. 16). ⇒ Frontière. || Limites naturelles (→ Couvrir, cit. 33), conventionnelles. || Rivière, fleuve (cit. 7) servant de limite. || Pays situés sur les limites d'un pays. ⇒ Limitrophe. || Fixer, établir, marquer, tracer les limites de… ⇒ Circonscrire, délimiter, limiter; localiser. || Étendre, reculer les limites. ⇒ Agrandir.
1 Peut-on dire (…) comme le croient certains partis, que les limites d'une nation sont écrites sur la carte et que cette nation a le droit de s'adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours, pour atteindre telle montagne, telle rivière, à laquelle on prête une sorte de faculté limitante à priori ?
Renan, Discours et Conférences, Œuvres, t. I, p. 902.
2 Ce ruisseau avait un lit pierreux, profond par endroits de quatre à cinq mètres. Il marquait la limite de la propriété.
Pierre Benoit, Mlle de La Ferté, p. 112.
♦ Par ext. || Limite d'une zone d'influence, d'un dialecte (→ Français, cit. 14). || La limite de la culture de la vigne. — Au delà de cette limite les billets ne sont plus valables, formule en usage dans le Métro parisien, reprise métaphoriquement. — Appos. || Région, zone limite.
2 Par ext. Partie extrême où se termine une étendue, une surface. || Point situé en dehors des limites de l'épure. ⇒ Cadre. || La mer s'étendait alors au delà de ses limites actuelles (→ Fossile, cit. 1). || Qui a des limites (⇒ Fini, limité). || Sans limites (⇒ Illimité, infini; → Indéfini, cit. 1, Descartes).
3 La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie.
Flaubert, Correspondance, t. IV, p. 376 (éd. Charpentier).
4 Vers la nuit, les limites de mon horizon s'agrandirent très soudainement et très sensiblement (…) parce que j'arrivais au-dessus des régions aplaties qui avoisinent le cercle arctique.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Histoires extraordinaires, « Hans Pfaal ».
♦ Spécialt (milit.). || Limite courte, limite longue d'un tir : lignes entre lesquelles doivent se situer les points d'impact.
♦ En appos. || Zone limite, région limite.
3 Terme extrême (commencement ou fin) d'un espace de temps. || Dans les limites d'un discours. || Dans les limites de ce bref exposé. || Les limites d'une période. ⇒ Commencement, début; fin, terme. || Pour l'inscription, la dernière limite est fixée au 30 octobre. — Limite d'âge : âge au-delà duquel on ne peut se présenter à un examen, exercer une fonction. || Être atteint par la limite d'âge.
5 Juan Moratin comprit parfaitement que sa vie s'écoulerait, désormais, dans le rayonnement de ce refrain jusqu'au jour inexorable où les légionnaires sont atteints par la limite d'âge.
P. Mac Orlan, la Bandera, XX.
♦ En appos. || Il a atteint l'âge limite. || La date limite.
♦ (1924, in Petiot). Sports (boxe). || Gagner avant la limite, avant que tous les rounds prévus ne soient écoulés. — (1948, in Esnault). || Tenir, atteindre la limite : réussir à éviter la mise hors de combat.
4 (1539, les limites de son debvoir). Fig. Point que ne peut ou ne doit pas dépasser le domaine, l'influence, l'action de quelque chose; point que ne peuvent dépasser les possibilités physiques ou intellectuelles. ⇒ Barrière (infra cit. 9), borne. || Étroites (cit. 7) limites. || L'extrême, la dernière limite. ⇒ 1. Comble, extrême. || C'est la dernière limite pour ce travail. (En fonction d'adv.). || Ce travail doit être fini fin septembre dernière limite (→ fam. Dernier carat). || Limite qu'on ne saurait dépasser (→ Nec plus ultra). || Limite supérieure, inférieure. ⇒ Maximum, minimum. || Limite à partir de laquelle… (→ Fisc, cit. 3). || Limite de perception. ⇒ Seuil, liminaire, liminal. — À la limite de… || Être à la limite, à l'extrême limite de ses forces. || Jusqu'à une certaine limite. ⇒ Concurrence (jusqu'à concurrence de). — ☑ À la limite : en poussant les choses à l'extrême. — ☑ Dans une certaine limite : jusqu'à un certain point, dans une certaine mesure (→ Anarchie cit. 4). — La limite, les limites de… || Limites de la liberté (→ Imposer, cit. 12), d'un pouvoir, d'une compétence (⇒ Ressort). || Limite d'émission d'une banque. ⇒ Plafond. || Limite de portée d'une arme. — ☑ Atteindre, dépasser, franchir, passer les limites (→ Archaïque, cit. 1; art, cit. 49). || Ne plus connaître de limites. || Aller au delà des limites permises. ⇒ Excéder, outrepasser, transgresser; → Passer toute mesure. || Reculer les limites du possible, de l'inconnaissable (cit. 2). — Assigner, fixer une limite, des limites à une action. || Limites fixées par la loi (→ Autonomie, cit. 4). || Enfermer, renfermer qqch. dans des limites précises. ⇒ Circonscrire, confiner, délimiter, limiter. || Enfermé dans des limites trop strictes. || Les limites que nous nous sommes fixées, imparties. ⇒ Cadre, domaine, sphère. — ☑ (Avec avoir). La patience a des limites. || Le cœur (cit. 69) a ses limites. || Ses écarts de conduite étaient excusables mais il y a des limites ! — ☑ Sans limites : illimité (au propre ou au fig.). ⇒ Absolu, illimitable; → Sans bornes. || Ambition, autorité, confiance, liberté, obstination, pouvoir sans limites. ⇒ Frein (→ Héros, cit. 28; indéfini, cit. 2). || Désirs, rêves sans limites (→ Flottant, cit. 11; freiner, cit. 4). || Sans restriction ni limite (→ Humanisme, cit. 1). || La charité (cit. 5) ne connaît ni règle ni limite. — Au plur. Possibilités extrêmes (surtout dans le domaine intellectuel). || Les limites de quelqu'un (→ Cerner, cit. 1). || Connaître ses limites (→ Avancer, cit. 40). ⇒ Moyen(s), possibilité(s)… || Chercher à dépasser (cit. 15) ses limites.
6 Il est nécessaire de relâcher un peu l'esprit : mais cela ouvre la porte aux plus grands débordements. Qu'on en marque les limites.
Pascal, Pensées, VI, 380.
7 C'était assurément beaucoup pour elle et pour moi, dans une pareille situation, d'avoir pu poser des limites que nous ne nous soyons jamais permis de passer.
Rousseau, les Confessions, IX.
8 Quand la règle est franchie, il n'est plus de limite
Et la première faute aux fautes nous invite.
F. Ponsard, l'Honneur et l'Argent, III, 5.
9 (…) la puissance de Dieu est infinie, mais la nature humaine a ses limites.
Balzac, l'Initié, Pl., t. VII, p. 425.
10 Je m'y étais, autant que je l'avais pu, renfermé dans les limites du sujet, comme on dit en rhétorique.
Flaubert, Correspondance, t. II, p. 122 (éd. Charpentier).
11 La science peut encore beaucoup. Elle peut enseigner à l'homme à accepter ses limites naturelles, les hasards qui l'ont fait naître, le peu qu'il est.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 224.
♦ Spécialt. ⇒ Démarcation, frontière, séparation. || Limite entre espèces (cit. 30). || « Où est la limite de l'inspiration à la folie » (→ Artiste, cit. 4), entre l'inspiration et la folie.
♦ En appos. || Idée, situation limite. — Fam. (en valeur d'adj.). || C'est un peu limite.
5 Sc. et philos. Grandeur fixe dont une grandeur variable peut approcher indéfiniment sans l'atteindre. — Appos. || Valeur limite. || Cas limite. || Des expériences limite. || Vitesse limite. ⇒ Maximum (→ ci-dessous, mécan., autre sens). — À la limite : si on se place en pensée au point vers lequel tend une progression sans l'atteindre jamais. — Math. || Limite d'une fonction, d'une grandeur (→ Infini, cit. 22, d'Alembert). || La notion de limite est à la base de l'analyse mathématique (→ Infinitésimal, cit. 1; intégral, cit. 2). || La somme 1+1/2+1/4+1/8+1/16… a pour limite 2, tend vers 2. — Limite d'une suite.
12 Nous appelons limite d'une grandeur variable une grandeur constante, telle que la différence entre elle et la variable puisse devenir et rester moindre que toute grandeur désignée.
J.-M. Duhamel, Des Méthodes dans les sciences de raisonnement, II, p. 385.
♦ Mécan. || Limite d'élasticité, de rupture; limite (de résistance) à la compression, à la traction, au cisaillement. — Appos. || Résistance limite. || Vitesse limite : valeur limite vers laquelle tend la vitesse d'un corps qui se déplace dans un milieu résistant sous l'action d'une force constante. — Opt. || Angle limite : le plus petit angle d'incidence sous lequel se produit la réflexion totale.
♦ Par ext. Point vers lequel tend qqch. || « La nature est la limite du mouvement de décroissance de l'habitude » (Ravaisson).
Encyclopédie Universelle. 2012.