CIRQUE
Tel qu’il fut à ses débuts, tel qu’il demeure dans sa forme, indépendamment des valeurs de spectacle qu’il propose, le cirque est le centre où viennent se cristalliser les émotions des spectateurs en quête d’exceptionnel, de fantastique, d’extraordinaire. Sous son aspect architectonique, il est l’arène des belluaires, l’hippodrome des voltigeurs, le manège des écuyers, l’amphithéâtre pour pantomimes équestres, cavalcades et chevauchées, vélodrome, stade, podium ou ring. Sa forme répond si bien à sa raison d’être qu’elle résout un problème scénique et optique toujours constant: trouver l’aire d’évolution répondant à la plus grande liberté des acteurs dans un spectacle où chacun doit voir avec la même intensité quelle que soit la place qu’il occupe. La question, toujours posée et identiquement résolue, assure au cirque sa forme naturelle.
1. Cirque et équitation
Des origines aux Franconi
Le cirque tel que nous le connaissons aujourd’hui n’est comparable que dans sa forme aux cirques et aux hippodromes anciens. Si les artistes de l’adresse, de la force et de l’agilité qui en font l’agrément ont eu de lointains prédécesseurs, c’est au XIXe siècle seulement que les troupes d’acrobates nomades occupent une place qu’ils défendent avec succès dans les manèges et les amphithéâtres envahis depuis le siècle précédent par des compagnies équestres.
On suppose qu’il y avait déjà des cirques en Égypte, bien qu’on ne relève comme preuve de cette possibilité que des jongleurs, des équilibristes et des acrobates à cheval qui figurent sur les documents – poteries, sculptures, peintures – parvenus jusqu’à nous. Il est probable que, sans avoir construit d’édifices qui puissent se comparer aux cirqueshippodromes romains, les artistes grecs de la force et de l’agilité se sont produits autant sur les places publiques que dans les stades, comme celui d’Olympie, plus particulièrement réservés aux athlètes et aux évolutions équestres.
Rome posséda plusieurs cirques: cirque de Flore, de Maximus, de Flaminius, que nous appellerions des hippodromes. Il existait dans tout l’Empire des amphithéâtres, tel le Colisée, réservés aux mimes, aux combats des gladiateurs, aux dompteurs de bêtes sauvages et aux dresseurs d’animaux domestiques. Mais, sauf à Byzance, il ne restait plus, après la chute du monde antique, aucun hippodrome au Moyen Âge européen.
Disparu pendant des siècles, oublié, le cirque ressuscite d’abord sous le nom de «manège», quand l’art équestre d’origine aristocratique et d’esprit militaire gagne au XVIIIe siècle la bourgeoisie arrivée au pouvoir. L’amélioration des races chevalines, rendue nécessaire par la multiplication des routes et des transactions, requiert l’attention des pouvoirs publics. Il faut sélectionner des chevaux de trait pour le charroi, des chevaux de fond pour la poste, des chevaux de selle pour l’armée. C’est l’époque où le comte Brancas de Lauraguais achète en Angleterre des chevaux de course et tente, de concert avec les frères du roi, d’acclimater en France les compétitions hippiques. Pendant plusieurs années, on pariera sur des chevaux courant, près de Paris, dans la plaine des Sablons. De nombreux écuyers dressent des traités d’équitation, ouvrent des manèges dans le quartier du Marais, où la bourgeoisie opulente et la noblesse s’installent dans des hôtels particuliers. Les professeurs de haute école se trouvent bientôt en présence d’écuyers de passage, forains ou saltimbanques, qui pratiquent à des fins spectaculaires l’équitation jusqu’alors utilitaire.
Philip Astley, un ex-chevau-léger anglais, et son fils John donnent en 1782, pendant six semaines, au lieu-dit les Chantiers dans le faubourg du Temple, des spectacles d’exercices équestres et différents tours de force et de souplesse. Le succès ayant répondu à leur entreprise, ils font construire l’année suivante, au même endroit, un amphithéâtre garni de plusieurs rangs de loges. C’est, en fait, la date et le lieu de naissance, en France, du premier spectacle équestre à demeure.
Au début de la Révolution, l’Italien Antonio Franconi, directeur d’une troupe équestre composée de ses enfants et de quelques élèves, prend possession de l’Amphithéâtre anglais du faubourg du Temple, en l’absence d’Astley retourné précipitamment dans son pays natal, en raison des événements. Le Théâtre national d’équitation, sous la direction de Franconi, jouera pendant des années des pièces exaltant les gloires nationales et rappelant les dates mémorables des événements révolutionnaires. Les fils d’Antonio, Laurent et Henry, après plusieurs essais dans des quartiers en expansion, acquièrent des héritiers d’Astley la propriété de l’Amphithéâtre anglais, le relèvent de ses ruines, quittent le premier Cirque olympique de la rue Saint-Honoré et en ouvrent un deuxième, que les pouvoirs publics limitent dans ses activités pour ne pas concurrencer les théâtres; il est la proie des flammes en 1826. Un troisième Cirque olympique, construit sur le boulevard du Temple, dirigé par Adolphe Franconi, fils et neveu de Laurent, et par Ferdinand Laloue, aura sans restriction aucune le privilège de représenter les pantomimes équestres et militaires, ainsi que des pièces en un ou deux actes sous la condition expresse que des exercices équestres entreront toujours dans l’action. Les représentations théâtrales seront toujours précédées ou suivies d’exercices équestres, dont les directeurs ne pourront se dispenser sous aucun prétexte, comme formant «la partie essentielle et spéciale du genre qui leur est affecté». Le cirque reste, en dehors de quelques intermèdes acrobatiques, avant tout un théâtre équestre. La profession ne manque pas d’écuyers valeureux.
Le cirque, théâtre équestre
En effet, l’équitation spectaculaire s’est développée partout, dès la Restauration. La fin des guerres de l’Empire, la dispersion des corps de cavalerie offrent alors aux saltimbanques le moyen de s’élever dans la hiérarchie des gens du voyage. On vend à bas prix dans tous les pays des chevaux réformés dressés pour la monte, habitués à la musique, aux parades et aux manœuvres militaires. Les acrobates réussissent à cheval les exercices qu’ils faisaient à terre. Les troupes équestres se multiplient. Elles ne peuvent s’établir à Paris: les Franconi, forts de leur privilège, les font interdire. En province, les directeurs de théâtre prélèvent sur les cirques le cinquième de leurs recettes. Jacques Tourniaire préfère partir en Europe centrale. Il est à Saint-Pétersbourg en 1825, à Moscou en 1826. Il meurt à Königsberg en 1829. Les Jolibois, les Bassin, les Loisset, les Avrillon, se partagent l’Europe du Nord l’été, l’Europe méridionale l’hiver. Leurs troupes rentrent en France après 1830, enrichies par l’expérience et par des sujets nouveaux. Le cirque Franconi, qui a toujours été une exploitation de type familial et d’esprit paternaliste, ne peut qu’opposer la tradition française à des troupes qui ont diversement puisé aux sources nationales des pays qu’ils ont visités. Le Cirque olympique, théâtre équestre, a plus besoin d’acteurs que d’écuyers, mais, en 1835, Adolphe Franconi obtient la permission d’établir sur le carré Marigny, aux Champs-Élysées, un cirque d’Été destiné aux arts équestres. L’équitation savante, dite «haute école», redevenue à la mode, retrouve le brillant qu’elle a perdu depuis la Ire République. Louis Pellier, professeur à l’École royale d’équitation sous Charles X, et son neveu Charles Jules Pellier enseignent les principes vieux comme le monde de la bonne tenue à cheval. François Baucher, promoteur d’une nouvelle méthode de dressage, alors fort discutée, les aide en enseignant les moyens de dominer les chevaux les plus rétifs et de restituer à la haute école sa primauté. Face à eux, Adolphe Franconi, directeur du cirque, pratique empiriquement la technique de l’équitation spectaculaire et reste le chef de file d’une école qui doit tout à l’expérience et rien à la théorie. Chacun d’eux a ses élèves, des femmes surtout, qui réussissent, qui s’affrontent, qui se concurrencent. Il en résulte un engouement chez les amateurs de chevaux pour les spectacles du cirque des Champs-Élysées et pour les écuyères, appelées à devenir des étoiles et à se disputer entre elles la célébrité et des situations auxquelles, sans trop y croire, elles espèrent parvenir en entrant dans la carrière.
Adolphe Franconi est tout disposé à ouvrir le cirque des Champs-Élysées aux vedettes sorties des manèges privés. Et Caroline Loyo, Antoinette Cuzent et sa sœur Pauline, élève de Baucher, Camille Leroux, Virginie Kennebel, rivalisent entre elles. Les écuyers sortis des écuries franconiennes préfèrent chercher fortune ailleurs. François Laribeau, dit Paul, et Sébastien Gillet, dit Bastien, mariés à des filles Franconi, partent en Espagne. L’un monte un cirque à Madrid, l’autre à Barcelone. Dix ans plus tard, Paul Cuzent, las d’avoir des rôles de figurant au théâtre du Cirque olympique, se présente avec les siens à Vienne et à Berlin. Il est appelé à diriger le cirque de Saint-Pétersbourg que le tsar vient de faire construire. L’influence du cirque français prédomine en Russie jusqu’à la Première Guerre mondiale; Camille Leroux, Caroline Loyo, Pauline Cuzent, les Ciniselli, les Bassin, trouveront jusqu’à la guerre de Crimée des situations dignes d’envie en Russie.
Extension du cirque en hippodromes
La renaissance de l’équitation savante, l’admiration exagérée pour les écuyères devenues les reines de la piste, l’intérêt de la société aisée pour les compétitions hippiques, les mises en scène de plus en plus fastueuses des pantomimes incitent les entrepreneurs de spectacle à élargir le domaine de leurs tentatives, la dimension traditionnelle de la piste – 13 à 14 mètres de diamètre – limitant l’aire des évolutions équestres.
En 1845, Ferdinand Laloue, ex-codirecteur du Cirque olympique, auteur dramatique, fournisseur depuis vingt ans de tous les mélodrames, féeries, pantomimes du cirque, ouvre avec Victor Franconi, écuyer, un hippodrome à ciel ouvert, construit en bois et de forme ovale, à la barrière de l’Étoile. Le privilège qui le couvre stipule qu’il est destiné au genre équestre et devra s’en tenir aux exercices dont la vitesse fera tout l’intérêt. Victor Franconi monte Le Camp du drap d’or , une pantomime fastueuse, mais, n’ayant pas à s’employer dans la haute école, démissionne et retire des capitaux de l’affaire. Laloue fait faillite. Repris par P. C. Arnault qui annexe à l’établissement tous les spectacles que l’exiguïté du Cirque olympique ne peut accueillir, l’Hippodrome devient un lieu de divertissements où les courses de haies, les sauts d’obstacles, les tournois et les joutes, les chars allégoriques avec des animaux apocalyptiques, les batailles rangées auxquelles l’armée prête son concours, les quadriges conduits par des femmes, les acrobaties aérostatiques, les fantasias, les corridas, les rodéos se succèdent, enrichis par une figuration féminine qui donne aux spectacles un attrait apprécié. Céleste Mogador, future comtesse Lionel de Chabrillant, la reine Pomaré, la polkeuse du bal Mabille, Mlle Amalia, «la Fille de l’air», qui se balancera suspendue dans une nacelle, y trouveront le début de leur célébrité. On verra courir dans l’arène vingt-quatre chevaux attelés, au triple galop. Chassé de la barrière de l’Étoile par l’extension de Paris, Arnault ouvre un deuxième hippodrome, à la porte Dauphine. L’établissement est la proie du feu en 1869. Plusieurs autres hippodromes se succéderont, couverts ceux-là, de moindre envergure, au pont de l’Alma (1875), au Champ-de-Mars (1885) et place Clichy (1905).
2. Acrobatie, ménagerie et «variétés»
Le Cirque olympique du boulevard du Temple ferme définitivement ses portes en 1847. Il ne reste à Paris que le cirque national des Champs-Élysées. Louis Dejean, gérant, qui l’a fait construire (1841), organise des tournées à l’étranger pour occuper ses artistes engagés à l’année. Il fait édifier le cirque de Berlin, qu’il loue en 1852 à Ernst Renz, son concurrent le plus acharné à le chasser d’Allemagne. En effet, Dejean a obtenu entre-temps le privilège d’un cirque à construire, le cirque Napoléon, aujourd’hui cirque d’Hiver. Mais c’est une extension pure et simple du privilège du cirque des Champs-Élysées, limité aux exercices équestres et à quelques intermèdes d’équilibre. Pourtant, en compensation des pantomimes qui lui sont retirées en faveur du Châtelet, le cirque Napoléon annexe la pantomime sautante italienne et les clowneries. En accueillant les jeux forains et les acrobaties de place publique, le cirque se démocratise et devient un spectacle acrobatique dans toute l’acception du terme. La haute école et la danse à cheval perdent la première place et ne trouvent d’encouragement que chez les amateurs de la haute société.
Déjà Risley et John Lees, des Américains, ont vulgarisé le jonglage antipodiste et les jeux icariens. Helbing, un Allemand, présente des acrobaties sur une barre aérienne, et les Wilsons des équilibres au trapèze. Les moniteurs des gymnases militaires introduisent en piste la gymnastique aux agrès: anneaux, barres parallèles aériennes, échelles horizontales, perche suspendue, etc., tous accessoires qui, empruntant au progrès mécanique, donnent naissance à des spécialités nouvelles. Jules Léotard assure le succès des évolutions au trapèze volant. Ugo Ancillotti crée avec sa famille la première troupe d’acrobates cyclistes. Les acrobaties sur roue, parties du patin à roulettes (Cirque olympique, 1824) iront jusqu’au looping the loop et aux sauts périlleux en automobile, après 1900.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les chapiteaux voyageurs démontables se multiplient; ils font appel à des sources nouvelles pour se concurrencer. Les frères Sanger ont la plus importante ménagerie d’Angleterre avant 1870. La colonisation allemande, qui érige la vente des animaux exotiques à la hauteur d’une exploitation, transforme le cirque équestre et acrobatique en ménagerie. Après la Première Guerre mondiale, la traction automobile chasse des cirques une partie des chevaux employés jusqu’alors pour les déplacements. La rotation plus rapide d’un matériel de plus en plus imposant (toiles, mâts, gradinage, sièges pliants, voitures d’administration, loges des artistes, voitures-couchettes du personnel, voitures-cages, réserves de nourriture, cuisine, groupe électrogène, voitures-ateliers, chaufferie, citernes à eau et à essence, etc., tous éléments étudiés en fonction de représentations d’un seul jour dans des villes différentes) améliore la rentabilité des investissements dans des cirques qui s’étendent de plus en plus, tandis que les petits cirques qui ne peuvent résister à la concurrence disparaissent.
Après la Seconde Guerre mondiale, les écuries des cirques se vident encore au profit des ménageries. Les arts équestres s’appauvrissent. Puis le déclin commence avec la désaffection d’une clientèle sollicitée par les spectacles mécaniques, cinéma et télévision. Pour équilibrer leur budget, les directeurs s’associent à des entrepreneurs de publicité. Le cirque transforme à des fins mercantiles sa fonction spectaculaire. Pour attirer la clientèle, le spectacle engage des vedettes sportives – boxeurs, coureurs, nageurs, patineurs –, des comédiens fantaisistes qui font les clowns, des acteurs lyriques qui chantent à cheval, des célébrités de la chanson qui occupent la piste la moitié du temps. Le cirque équestre, acrobatique et clownesque devient d’année en année un établissement de variétés.
3. Le cirque dans le monde
L’évolution du cirque s’est poursuivie dans les mêmes conditions en Europe et sur le Nouveau Continent. Les artistes, voyageurs par destination, anciens ou nouveaux venus, apportent avec leurs techniques des habitudes que les entrepreneurs de spectacle mettent immédiatement à l’épreuve.
Après Philip Astley, le créateur du cirque moderne en Angleterre, son fils John lui succédant monte le Pavillon olympique: ce qualificatif sert partout depuis que le nom du premier cirque parisien des Franconi est à la mode. De grands directeurs de cirque anglais se succéderont, plus nombreux encore qu’en France, et essaimeront dans les nombreuses colonies britanniques, jusqu’à Bertram Mills, l’un des grands organisateurs de spectacles des années soixante.
C’est Christophe de Bach qui en 1807 établit, sur le Prater de Vienne, le Circus gymnasticus. Dans le milieu du siècle, après l’installation à Berlin du Cirque olympique de Paris, Ernst Renz, directeur d’une troupe équestre, prend la relève du cirque français qui lui abandonne en location, pour plusieurs années, l’établissement qu’il pensait occuper durant l’hiver. Renz suscitera dans les pays centraux de nombreux concurrents. Le développement des cirques allemands ne cessera qu’après l’introduction dans les pistes des spectacles d’animaux que l’expansion coloniale allemande favorisera jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Entre 1830 et 1840, des troupes équestres françaises vont exploiter les grandes villes espagnoles. Et ce sont des écuyers français qui, entre 1840 et 1850, révèlent au public russe les ressources spectaculaires des artistes français partis à la conquête de toute l’Europe au moment du développement des chemins de fer. Paul Cuzent, un écuyer, devient le directeur du premier cirque de Moscou construit en 1849. Après sa disparition, ce ne sera qu’à la fin des années soixante qu’un Allemand, Hinné, viendra à Saint-Pétersbourg et construira un cirque baptisé plus tard cirque Ciniselli, du nom d’un écuyer formé aux traditions de l’école française d’équitation, sous Louis-Philippe. Depuis, le cirque russe est réputé par sa tenue et par la technique éprouvée des artistes distingués qui le servent encore aujourd’hui.
Le succès des hippodromes parisiens et de leurs spectacles équestres incita Seth Howes, un entrepreneur des États-Unis, à monter un établissement analogue avec le concours de Victor Franconi, l’un des créateurs à Paris du premier hippodrome. Les États-Unis possédaient déjà des cirques. Le premier, construit à Philadelphie en 1778 par Bill Ricketts, un écuyer, n’était qu’un modeste amphithéâtre. L’immensité du territoire yankee rendit obligatoire l’usage des grandes tentes-chapiteaux par les cirques, lors de leurs randonnées vers les nouvelles cités qui se multipliaient jusqu’au lointain Far West. Le cirque américain persévéra et persévère sous sa forme nationale de chapiteau errant, qu’ont adoptée à présent tous les cirques voyageurs. Le cirque américain atteint son apogée, par ses parades, ses attractions et ses curiosités, avec Barnum, et les hippodromes, par leurs défilés, leurs évolutions et leurs courses équestres, avec Buffalo Bill.
Quoi qu’il en soit, le cirque demeure. Dans tous les pays du monde, un renouvellement s’annonce par un retour aux sources et par une révision des habitudes et des méthodes d’exploitation. Partout, dans les vieux pays comme dans les pays neufs, de nouvelles générations d’artistes s’apprêtent à perpétuer un spectacle qui, ayant de telles traditions, ne peut disparaître.
cirque [ sirk ] n. m.
• v. 1355; lat. circus
I ♦
1 ♦ Enceinte à ciel ouvert, où les Romains célébraient les jeux publics (courses de chars, combats de gladiateurs, naumachies). ⇒ amphithéâtre, arène, vx 2. carrière. Cirque de forme ovale. Gradins, arène, podium du cirque. Les jeux du cirque.
2 ♦ Dépression à parois abruptes, d'origine glaciaire, fermée le plus souvent par une barre rocheuse (⇒ verrou). Le cirque de Gavarnie. — Par anal. Cirque lunaire.
II ♦ (fin XVIIIe; angl. circus « piste circulaire pour des exercices équestres »)
1 ♦ Lieu de spectacle comportant une piste circulaire où sont présentés des exercices (d'équilibre, de domptage), des numéros, des exhibitions, etc. Un numéro de cirque. Cirque ambulant, forain. Chapiteau, mâts, gradins, piste, tremplin d'un cirque. Les gens du cirque, dits gens du voyage (acrobate, clown, dompteur, écuyer, équilibriste, gymnaste, pitre). Musique de cirque; fig. musique tapageuse. Un chien de cirque, dressé pour faire des numéros. — Emmener les enfants au cirque.
2 ♦ Entreprise qui organise ce genre de spectacle. Le cirque Untel. Le cirque de Moscou.
3 ♦ Fig. et fam. Activité désordonnée. Allons, silence ! Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? C'est le cirque, ici ! — Comédie. Arrête ton cirque. ⇒ cinéma.
● cirque nom masculin (latin circus, cercle) Enceinte où se déroulaient, chez les Romains, les jeux publics. À partir du XVIIIe s., enceinte, le plus souvent circulaire et couverte, où se donnent des spectacles équestres, acrobatiques, etc. Ensemble de ces spectacles et des activités qui s'y rapportent : Les gens du cirque. Entreprise spécialisée dans ce genre de spectacles. Familier. Lieu où règne une agitation désordonnée : Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? Familier. Situation obligeant à des manœuvres complexes : Quel cirque pour se garer ! Populaire. Comédie outrée ; scène : Il a fait un de ces cirques ! Dépression de forme semi-circulaire à bords raides, entaillée par les glaciers : Le cirque de Gavarnie. Cratère à la surface d'une planète. Géologie À la Réunion, caldeira : Le cirque de Cilaos. ● cirque (synonymes) nom masculin (latin circus, cercle) Enceinte où se déroulaient, chez les Romains, les jeux publics.
Synonymes :
- amphithéâtre
- arène
- carrière
À partir du XVIII e siècle , enceinte, le plus souvent...
Synonymes :
Familier. Lieu où règne une agitation désordonnée
Synonymes :
- bazar (familier)
Populaire. Comédie outrée ; scène
Synonymes :
- cinéma (familier)
cirque
n. m.
d1./d Lieu destiné chez les Romains à la célébration de certains jeux (en principe, courses de chevaux, de chars). Les jeux du cirque.
d2./d Enceinte circulaire, où l'on donne en spectacle des exercices d'équitation, d'adresse, d'acrobatie, de domptage, des numéros de clowns. Les gens du cirque.
d3./d GEOMORPH Dépression en cuvette semi-circulaire, circonscrite par des montagnes abruptes et produite par l'érosion ou l'effondrement d'un cône volcanique. Cirque glaciaire. Cirque de Gavarnie, dans les Pyrénées françaises.
d4./d ASTRO Dépression circulaire d'origine météorique à la surface de certains astres. Les cirques lunaires.
⇒CIRQUE, subst. masc.
I.— ANTIQ. ROMAINE. Vaste enceinte à ciel ouvert ou tendue d'un velarium, au sol couvert de sable, entourée de gradins, dans laquelle on donnait des jeux publics (courses de chars, combats de fauves, de gladiateurs, etc.) :
• 1. Les Anciens avaient le plaisir grand, leurs distractions étaient le cirque, les combats des animaux, la vraie mort des hommes, les exécutions des martyrs sur une large échelle. Les lampions de leurs illuminations étaient des chrétiens résineux.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1855, p. 201.
II.— Moderne
A.— Usuel, JEUX
1. Piste entourée de gradins abritée dans un bâtiment en maçonnerie ou sous une toile de tente en forme de chapiteau où se donnent des spectacles variés :
• 2. Cirques fixes et cirques voyageurs. Peu d'années après sa création, le cirque fermé et couvert trouva le moyen de devenir nomade. La tente de toile ou « chapiteau » soutenue par un mât central, les gradins démontables, une enceinte formée de matériaux légers, ont permis au cirque de transporter son spectacle de ville en ville. Dès le premier tiers du XIXe siècle, des troupes équestres se formèrent pour couvrir la France et tout le continent européen, tandis qu'en Angleterre et aux États-Unis grandissait la vogue du cirque-ménagerie aux proportions colossales...
Arts et litt. dans la société contemp., 1935, p. 7616.
SYNT. Cirque stable, forain, ambulant; cirque équestre; numéro. attraction de cirque; spectacle, bête de cirque.
— P. métaph. :
• 3. Chaque cerveau est comme un cirque, où tourne éternellement un pauvre cheval enfermé. Quels que soient nos efforts, nos détours, nos crochets, la limite est proche et arrondie d'une façon continue, sans saillies imprévues et sans porte sur l'inconnu. Il faut tourner, tourner toujours, par les mêmes idées, les mêmes joies, les mêmes plaisanteries, les mêmes habitudes, les mêmes croyances, les mêmes écœurements.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Suicides, 1883, p. 825.
2. P. méton. Entreprise qui organise ces spectacles. Cirque Pinder.
— Spéc. Cirque espagnol. Arènes où se déroulent les corridas. Les taureaux du cirque espagnol sont toujours tués par les matadors (VIGNY, Le Journal d'un poète, 1853, p. 1308).
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. cirqueux. Personne appartenant au monde du cirque. Mounnezergues demandait à tout cirqueux qu'il rencontrait si celui-ci ne saurait lui dire où il aurait des chances, lui Mounnezergues, de rencontrer Psermis (QUENEAU, Pierrot mon ami, 1942, p. 144).
3. Au fig. Agitation désordonnée, tumultueuse; attitude outrancière. Quel cirque!, faire le cirque, arrête ton cirque!
— En partic. [Empl. comme déterminant d'un subst. désignant une pers.] De cirque. Dont l'attitude est si outrancière que sa sincérité est douteuse. L'empressement à la servitude de quelques patriotes de cirque (CLEMENCEAU, L'Iniquité, 1899, p. 257).
B.— [P. anal. de forme] GÉOGR. Plaine de forme plus ou moins circulaire creusée dans les flancs d'un massif montagneux. Glacier de cirque; cirque d'érosion, de collines, de rochers; cirque de Gavarnie :
• 4. Le Marborée, c'est quelque chose d'indescriptible. Une muraille de glaces, de neiges, de rochers incommensurables entourant un cirque où l'on est mouillé par la chute de cascades de douze cents pieds perpendiculaires. Des ponts de neige sur lesquels passent des caravanes de pâtres et de troupeaux...
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 4, 1855, p. 16.
— P. ext. Cirque lunaire. Dépression circulaire creusée à la surface de certains astres ou planètes.
Prononc. et Orth. :[]. Seule transcr. de circus ds LAND. 1834 : cir-kuce. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. XIVe s. [date du ms.] antiq. rom. (BERS., Tit. Liv., B.N. 20312ter, f° 2e ds GDF. Compl.); 2. 1812, 10 janv. spectacles (JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 1, p. 25); 1946 fig., fam. « agitation désordonnée » (P. VIALAR, La Mort est un commencement, Le Bal des sauvages, p. 84); 3. 1778-1821 (L. DE FONTANES, Œuvres complètes, t. 1, p. 76 : La nature [...] voulut [...] Bâtir un cirque [Gavarnie] immense et digne de ses mains). Empr. au lat. class. circus « cercle » puis p. anal. de forme « enceinte circulaire où l'on célébrait les jeux ». Fréq. abs. littér. :770. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 553, b) 1 857; XXe s. : a) 1 109, b) 1 140. Bbg. GOUG. Mots. t. 2 1966, pp. 80-81. — GRIMAUD (F.). Petit gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1968, p. 112.
cirque [siʀk] n. m.
ÉTYM. V. 1355; du lat. circus.
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1 Vaste enceinte où les Romains célébraient les jeux publics (courses de chars, combats de gladiateurs, naumachies, etc.). ⇒ Amphithéâtre, arène, carrière. || Cirque de forme ovale. || Gradins, arène, méta, podium, vomitoire d'un cirque antique. || Jeux du cirque. ⇒ Belluaire, char (course de chars, de chevaux), gladiateur; naumachie.
1 Les jeux par excellence, c'étaient ceux du cirque : circenses. Ils ne se conçoivent pas en dehors des édifices dont ils tiennent leur nom et qui, bâtis exprès pour eux, déployèrent des dimensions variables sur le plan uniforme d'un long rectangle dont les petits côtés s'incurvent en hémicycles.
J. Carcopino, la Vie quotidienne à Rome…, III, 3, p. 245.
2 (1832; empr. à l'angl. circus « piste circulaire pour les chevaux », le spectacle équestre britannique étant à l'origine de ce spectacle en France puis dans le monde entier). Cour. Lieu de spectacle comportant une piste circulaire où ont lieu des exercices (d'équitation, de domptage, d'équilibre…), des exhibitions, des pantomimes, etc.; ensemble du matériel et du personnel nécessaire à ce genre de spectacle. || Cirque ambulant, forain. || La caravane d'un cirque. || Tente, mâts, gradins, piste, tremplin d'un cirque. || Le chapiteau du cirque. ⇒ Chapiteau. || Personnel d'un cirque. || Les gens du cirque, dits gens du voyage. ⇒ Acrobate, clown (et auguste), dompteur, écuyer, équilibriste, gymnaste, pitre (cf. Homme-canon, homme-obus). || Orchestre d'un cirque. || Musique de cirque. — Fig. Musique tapageuse. || Cavalerie, ménagerie d'un cirque. || Garçon de cirque chargé du soin des bêtes. ⇒ Belluaire (2.). || Spectacle d'un cirque. ⇒ Équitation, gymnastique; voltige. — Aller au cirque. || Emmener des enfants au cirque.
2 (…) les cinq mille places assises du Cirque Royal étaient toutes occupées, mais les travées étaient pleines de manifestants debout (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 51 (→ Battement, cit. 3).
3 On peut voler à ton âge
Le cirque est un cerf-volant
Sur ses voiles, sur ses cordages,
Volent les voleurs d'enfants.
Cocteau, Poèmes, p. 164.
♦ Entreprise qui organise ce genre de spectacle. || Le cirque Barnum. || Un grand cirque allemand. — Absolt. || Le cirque. || Aimer le cirque. || L'Opéra chinois tient à la fois du théâtre, de la musique et du cirque.
REM. R. Queneau (Pierrot mon ami, p. 120) forge l'adj. cirqueux, substantivé au sens de « celui qui appartient au personnel d'un cirque » (2.), probablt d'après le n. fam. théâtreux.
3 Fig., fam. a Comportement outrancier plus ou moins affecté et bouffon. ⇒ Comédie, séance. || Arrêtez ce cirque, ça ne prend pas ! ⇒ Cinéma.
4 Il marmonnait : « Je vais bien te forcer à remonter, moi, tu vas voir, petite imbécile. Qu'est-ce que c'est que ce cirque, je vous demande un peu ! »
J. Dutourd, les Horreurs de l'amour, p. 656.
5 Ils entrèrent dans le bistrot. Des journalistes à la poursuite de Pinero. Puig, très à son aise, leur indiqua l'hôtel, là-bas, qui dominait le village. Les types démarrèrent en trombe. « Manquait plus que ça, dit Puig. Ça va être un vrai cirque. C'est vraiment un si grand peintre que ça ? »
H.-F. Rey, les Pianos mécaniques, p. 212.
b Activité désordonnée. — Endroit où une telle activité se donne cours, lieu où règnent la confusion, la gabegie. || Quel cirque, cette boîte !
4 (Fin XVIIIe). Géol. et cour. Amphithéâtre de parois abruptes, entourant un fond accidenté de roches moutonnées, avec lacs ou marécages, et fermé le plus souvent par une barre qui ressemble à un verrou (De Martonne). || Le cirque de Gavarnie.
♦ Par anal. Dépression circulaire de la surface de la Lune, de Mars. || Cirque lunaire. || Le cirque Hipparque.
Encyclopédie Universelle. 2012.