exister [ ɛgziste ] v. intr. <conjug. : 1>
1 ♦ Avoir une réalité. ⇒ 1. être. Le bonheur existe-t-il ? Tout ce qui existe. ⇒ nature, univers; réel. Un héros légendaire qui n'a jamais existé, qui a peut-être existé. « Il est indispensable de reconnaître que le monde existe en dehors de l'homme, qu'il n'est pas le reflet de son rêve » (Daniel-Rops). « Ce qui existe a une grande vertu, c'est d'exister » (Maurois). — Fam. Des choses pareilles ne devraient pas exister. Loc. Si ça n'existait pas, il faudrait l'inventer.
♢ (Dans le temps) Commencer à exister. ⇒ naître. Exister en même temps. ⇒ coexister; contemporain. Cette ancienne coutume existe encore. ⇒ continuer, demeurer, durer, persister, subsister. Une loi qui n'existe plus (cf. Avoir cours, être en vigueur). Cesser d'exister (⇒ disparaître) .
♢ (Dans l'espace) Se trouver quelque part. ⇒ 1. être, se rencontrer. Cette variété d'oiseau n'existe pas en Europe. Marchandises existant en magasin, en stock. ⇒ existant (2o).
♢ Impers. ⇒ 1. avoir (il y a). Il en existe de plusieurs sortes. « Il existe une façon pratique d'éviter la contagion des maladies : c'est de supprimer les malades » (Paulhan).
2 ♦ Vivre. Quand j'aurai cessé d'exister. Depuis qu'elle existe : depuis qu'elle est née. « Il se livrait au plaisir d'exister, si vif à cet âge » (Stendhal). « Exister, c'est ça : se boire sans soif » (Sartre).
♢ Péj. Mener une vie purement végétative. « cette lettre qui lui permettrait de vivre pendant quelques mois. C'est-à-dire qui lui permettrait d'exister sans âme et sans volonté » (Mac Orlan).
3 ♦ (Sens fort) Avoir de l'importance, de la valeur. ⇒ compter. « Bon ou mauvais, ça existe tout de même l'esprit français » (Renard). — (Surtout en tournure négative) Faire comme si qqch. n'existait pas. « Les autres, s'il y a des compétiteurs, n'existent pas à côté de moi » (Michaux). Le passé n'existe pas pour elle. Plus rien n'existe pour lui lorsqu'il travaille.
● exister verbe intransitif (latin existere, sortir de) Avoir la vie, vivre : Aussi longtemps qu'il a existé, il a lutté. Être dans la réalité, se trouver quelque part, être repérable dans le temps ou dans l'espace : Coutume qui existe depuis longtemps. Avoir une réalité : L'amitié, ça existe. Avoir de l'importance, de la valeur : Le profit seul existe à ses yeux. S'affirmer, se faire reconnaître comme une personne aux yeux de la société, d'un groupe, de quelqu'un : La révolte est souvent un moyen d'exister aux yeux de la société. ● exister (citations) verbe intransitif (latin existere, sortir de) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Exister, c'est dépendre, c'est être battu du flot extérieur. Entretiens au bord de la mer Gallimard Alphonse Allais Honfleur 1854-Paris 1905 Avant de prendre congé de ses hôtes, Dieu convint, de la meilleure grâce du monde, qu'il n'existait pas. Le Courrier français La Table Ronde Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Rien n'est mort que ce qui n'existe pas encore Près du passé luisant demain est incolore. Alcools, Cortège Gallimard Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Qu'ai-je fait pour exister ? Lettre sur les aveugles Eugène Grindel, dit Paul Eluard Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952 Ce qui a été compris n'existe plus. Capitale de la douleur, le Miroir d'un moment Gallimard Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Par cela même que je connais les choses, les choses n'existent plus. L'Éducation sentimentale André Gide Paris 1869-Paris 1951 Ce qui n'est pas, c'est ce qui ne pouvait pas être. Journal Gallimard Jean Grosjean Paris 1912 Exister s'exténue comme un hymne. Apocalypse Gallimard Julien Offray de La Mettrie Saint-Malo 1709-Berlin 1751 Qui sait si la raison de l'existence de l'homme ne serait pas dans son existence même ? L'Homme machine André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Celui qui se tue court après une image qu'il s'est formée de lui-même : on ne se tue jamais que pour exister. La Voie royale Grasset Gabriel Marcel Paris 1889-Paris 1973 Ce dont l'existence pourrait être démontrée ne serait pas et ne pourrait pas être Dieu. Journal métaphysique Gallimard Gabriel Marcel Paris 1889-Paris 1973 Exister, c'est coexister. Présence et immortalité Flammarion Georges Poulet Chênée 1902-Bruxelles 1991 Comprendre, c'est presque l'inverse d'exister. La Distance intérieure, Balzac Plon Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Ne pas croire qu'une chose existe parce qu'il serait trop horrible qu'elle n'existât pas. Il n'y a pas de preuve par l'horrible. Pensées d'un biologiste Stock Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 Tout homme est utile à l'humanité par cela seul qu'il existe. Julie ou la Nouvelle Héloïse Armand Salacrou Rouen 1899-Le Havre 1989 On ne trahit pas ce qui n'existe plus. Histoire de rire Gallimard Ludwig Feuerbach Landshut 1804-Rechenberg, près de Nuremberg, 1872 Seul celui qui aime existe. Nur der ist etwas, der etwas liebt. Critiques philosophiques, 2 Johann Wolfgang von Goethe Francfort-sur-le-Main 1749-Weimar 1832 MÉPHISTO — Je suis l'esprit qui toujours nie, et c'est avec justice : car tout ce qui existe est digne d'être détruit ; il serait donc mieux que rien n'existât. MEPHISTO — Ich bin der Geist, der stets verneint ! Und das mit Recht ; denn alles, was entsteht, Ist wert, daß es zu Grunde geht ; Drum besser wär's, daß nichts entstünde. Premier Faust, cabinet d'étude Aldous Huxley Godalming, Surrey, 1894-Los Angeles 1963 Les faits ne cessent pas d'exister parce qu'on les ignore. Facts do not cease to exist because they are ignored. A Note on Dogma Edgar Allan Poe Boston 1809-Baltimore 1849 Il n'est pas esprit, car il existe. He is not spirit, for he exists. Tales of the Grotesque and Arabesque, Mesmeric Revelation Dieu Walt Whitman West Hills, Long Island, New York, 1819-Camden, New Jersey, 1892 Exister et rien autre chose, cela suffit ! Enough to merely be ! Feuilles d'herbe ● exister (expressions) verbe intransitif (latin existere, sortir de) Il existe quelqu'un, quelque chose, synonyme de il y a : Il n'existe pas de solution à votre problème. ● exister (synonymes) verbe intransitif (latin existere, sortir de) Avoir la vie, vivre
Synonymes :
- être
- vivre
Être dans la réalité, se trouver quelque part, être repérable dans...
Synonymes :
- régner
exister
v. tr.
d1./d PHILO être en réalité, effectivement. "Celui qui n'est pas ne peut pas se tromper; et j'existe par le fait même que je me trompe" (saint Augustin).
— Cour. "Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer" (Voltaire). Une chose pareille ne saurait exister.
|| v. impers. Il existe: il y a (insistant sur la réalité du fait). Il existe un maire par commune.
d2./d être actuellement, subsister. Ce monument n'existe plus.
|| Vivre. Il a cessé d'exister: il est mort.
d3./d Avoir de l'importance, compter. Elle avait l'impression de ne plus exister à ses yeux.
⇒EXISTER, verbe intrans.
A.— Posséder une réalité. Synon. être au sens fort.
1. PHILOS. Surgir du néant ou avoir une cause (par exemple Dieu) :
• 1. Parfois on fait signifier au mot exister la même chose qu'au mot être, et parfois au mot être la même chose qu'au mot exister. Le mot exister signifie par lui-même qu'une chose a une consistance à partir de, c'est-à-dire à partir d'autre chose. Il s'agira de savoir à partir de quoi ce qui existe a son existence : à partir du néant, comme le pense Heidegger, à partir de causes, comme le pensaient les scolastiques.
J. WAHL, Traité de métaphysique, Paris, Payot, 1968, pp. 547-548.
— En partic., PHÉNOMÉNOLOGIE et EXISTENTIALISME. Être, sur le mode de la conscience individuelle et particulière, libre et situé dans le monde :
• 2. ... l'homme n'est rien d'autre que son projet, il n'existe que dans la mesure où il se réalise, il n'est donc rien d'autre que l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie.
SARTRE, Existent., 1946, p. 55.
♦ Rare, constr. trans. Exister qqc. Faire, être quelque chose en en prenant conscience. J'existe mon corps : telle est sa première dimension d'être (SARTRE, Être et Néant, 1943, p. 418).
2. Cour. [Assorti de coordonnées (espace, temps) et de modalités précises] Être dans la réalité, au monde. L'absolu, le bonheur existent-ils ici-bas? Exister en imagination. L'intolérance des tolérants existe, de même que la rage des modérés (HUGO, Travaill. mer, 1866, p. 118). Ils [les positivistes] décrètent que le satanisme n'existe point (HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 234) :
• 3. L'amour absolu n'existe pas plus que le parfait gouvernement, et l'opportunisme du cœur est la seule sagesse sentimentale.
MAUROIS, Climats, 1928, p. 268.
— Expr. fam. Cela, ça ne devrait pas exister :
• 4. — « Ces choses-là, Monsieur Antoine, ça ne devrait pas exister. » — « Quoi? » fit Antoine, qui décachetait une autre enveloppe. — « Quoi? » répéta l'autre, en écho. — « Qu'est-ce qui ne devrait pas exister? » fit Antoine, qui s'énervait. — « La mort. »
MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1311.
— [L'accent est mis sur la composante « temps, présence, actualité »] Commencer à/d'exister. Apparaître. Continuer à/d'exister. Durer. Qqc. existe encore, toujours, n'existe plus. Persister, durer, être en vigueur, avoir cours. Cesser d'exister. Disparaître. Telle chose, telle qu'elle existe aujourd'hui, actuellement; exister depuis telle année :
• 5. ... la théorie de la cristallisation laisse peu à peu le premier rang à la cristallographie géométrique; sous l'Empire elle cessa d'exister, et fut considérée comme un pur bavardage philosophique à négliger.
METZGER, Genèse sc. cristaux, 1918, p. 184.
♦ Spéc., DR. COMM. Avoir une réalité dûment constatée en un lieu et à une époque donnés. Marchandises existant en magasin (cf. existant II A 2 a). Il s'empara de tous les effets de la succession qui existaient à cette époque (Ac.) :
• 6. Si le mobilier existant lors du mariage, ou échu depuis, n'a pas été constaté par inventaire ou état en bonne forme, il est réputé acquêt.
Code civil, 1804, art. 1499, p. 276.
— [L'accent est mis sur la composante « lieu, espace »] Se trouver, se rencontrer. Au cas où telle chose n'existerait pas à tel endroit. La vessie natatoire n'existe pas dans tous les poissons (CUVIER, Anat. comp., t. 5, 1805, p. 271). La liberté est égalité, parce que la liberté n'existe que dans l'état social, et que hors de l'égalité il n'y a pas de société (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 343) :
• 7. Sur le limon roux qui les [les plates-formes du Valois et du Soissonnais] recouvre, le blé et aujourd'hui la betterave trouvent un sol à souhait. Mais l'eau n'existe qu'à une grande profondeur; et les villages, dont les noms s'accompagnent parfois d'épithètes significatives, ont-ils dû presque exclusivement choisir leur site au bord des vallées, sur les corniches entaillées dans l'épaisseur des plateaux.
VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 102.
— [L'accent est mis sur la composante « manière »] Sons, couleurs, parfums, n'existent que dans leur relation avec l'homme (GIDE, Nouv. Nourr., 1935, p. 274). Le progrès économique n'existe donc que par rapport à des consommations de type secondaire ou primaire (FOURASTIÉ, Gd espoir du XXe s., 1969, p. 23).
— P. ext. (sens atténué). Être, se trouver; en partic. tournure impers. il existe « il y a ». Avoir un aperçu de ce qui existe; aucun espoir n'existe de voir telle ou telle chose changer, évoluer; la différence qui existe entre telle et telle chose. Il n'existe aucune méthode pour connaître l'amour que nous inspirons (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 121) :
• 8. En Europe, la proportion des hommes restant célibataires est moins élevée que celle des femmes, à l'inverse de ce qui a lieu hors d'Europe; cette différence n'est pas sans rapport avec celle existant dans la proportion des veuves non remariées.
Tiers monde, 1956, p. 162.
B.— P. ext. Vivre (avec tous les éléments nécessaires à la vie).
1. [Envisagé du point de vue de la durée de l'existence] Commencer à/d'exister. Naître. Cesser d'exister. Mourir. Elle n'existait plus. Elle était morte. Tant que j'existerai; depuis que j'existe; exister de toute éternité. Un enfant d'abord existe longtemps dans un état de faiblesse (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 291) :
• 9. ... tant que sa mère existera, toutes les familles trembleront de confier à ce petit Restaud l'avenir et la fortune d'une jeune fille.
BALZAC, Gobseck, 1830, p. 380.
2. [Envisagé du point de vue du contenu qualitatif de la vie, de la manière de vivre, de la qualité de l'existence] Avoir une raison d'exister; la joie, le plaisir d'exister; la lassitude d'exister; le besoin d'exister; se sentir exister; exister paisiblement. Je n'existe qu'en état d'émotion; sec, je n'existe plus du tout (DU BOS, Journal, 1927, p. 266) :
• 10. Nous occupions avec nos parents, nos frères et sœurs, la demi-douzaine, petite tribu turbulente, criarde et avide d'exister...
ARNOUX, Roy. ombres, 1954, p. 91.
— Emploi abs. Existe!
• 11. ... « Existe!... Sois enfin toi-même! dit l'Aurore
Ô grande âme, il est temps que tu formes un corps!
Hâte-toi de choisir un jour digne d'éclore,
Parmi tant d'autres feux, tes immortels trésors!
VALÉRY, Charmes, 1922, p. 91. »
— Péj. Avoir une vie végétative, durer :
• 12. ... le plus lourd fardeau c'est d'exister sans vivre. Tout ce qui doit être voulu, seulement pour moi-même, m'assomme.
AMIEL, Journal, 1866, p. 332.
— Exister par qqn ou qqc. :
• 13. Il [le bourreau] n'a de place que dans les malédictions des hommes, il ne sert qu'à leurs vengeances, il n'existe que par leurs crimes.
HUGO, Han d'Isl., 1823, p. 141.
♦ P. anal. C'est le propre de la musique de ne pouvoir exister que par des admirateurs exercés (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 112).
— Exister pour qqn ou qqc. :
• 14. Je n'ai existé pleinement que pour le public. Il a eu tout de moi; il n'aura après ma mort aucune surprise : je n'ai rien réservé pour personne.
RENAN, Souv. enf., 1883, p. 365.
— Expr. Qui (n') a jamais existé. Il [Laurent Franconi] fut, dit-on, le plus extraordinaire écuyer de cirque qui ait jamais existé (Hist. spect., 1965, p. 1524).
3. Vivre, au sens matériel du terme. Moyens d'exister. Synon. subsister :
• 15. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.
Recueils textes hist., 1793, p. 68.
♦ Vieilli. Avec cette fortune on peut exister honorablement (Ac. 1835, 1878) :
• 16. Je ne vis que du produit de mes ouvrages, à la vérité assez considérable pour me faire exister honnêtement, mais non pas pour me donner rien qui ressemble à une fortune.
CHATEAUBR., Corresp., t. 1, 1789-1824, p. 71.
♦ P. anal. [Le suj. désigne une chose] Remarquons (...) qu'il y a une industrie qui ne peut exister qu'aux environs immédiats d'un port (M. BENOIST, PETTIER, Transp. mar., 1961, p. 214).
C.— [Avec valeur intensive; le suj. désigne une pers. ou une chose] Se manifester dans la vie de manière éminente; avoir de l'importance, compter pour quelqu'un. Cesser d'exister pour qqn. La sécheresse de ceux pour qui rien n'a jamais existé que leur ambition de parvenir (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1064) :
• 17. Je me sentais capable d'un dévouement total et même d'un esclavage. Rien au monde n'existait pour moi que toi. Une catastrophe aurait pu anéantir autour de nous tous les hommes que nous connaissions, si tu étais resté, elle ne m'aurait pas semblé grave. Tu étais mon univers.
MAUROIS, Climats, 1928, p. 247.
— C'est comme s'il (qqc. ou qqn) n'existait pas :
• 18. OCTAVE. — Je te dis que tu l'aimes encore.
EDGARD. — Ça n'est pas vrai! Je ne m'en souviens plus du tout... C'est absolument comme si elle n'avait jamais existé...
BARRIÈRE, CAPENDU, Faux bonsh., 1856, IV, 1, p. 141.
• 19. ... il [Christophe] ne parlait plus qu'à Judith, et pour Judith; des deux autres, il ne s'occupait pas plus que s'ils n'avaient pas existé.
ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 424.
— Fam. (Telle chose) ça existe! Cela a de l'importance. Bon ou médiocre, ça existe tout de même l'esprit français (RENARD, Journal, 1896, p. 353). « On a beau dire, la famille ça existe! » Et il pensa avec orgueil à la santé morale des Fleurier (SARTRE, Mur, 1939, p. 187).
— Emploi négatif. [Le suj. désigne une pers. ou une chose] Comme homme d'affaires, il n'existe pas. Il nous a soumis son travail, cela n'existe pas (Ac. 1932). Ah! tu es bien le premier. Je ne te mens pas : les autres, ça n'existe pas (...) mon professeur, et, naturellement, celui-là ne compte pas (FRANCE, Hist. comique, 1903, p. 105).
Prononc. et Orth. :[], (j')existe []. Cf. é-1. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. XVe s. « être actuellement » (P. COCHON, Chronique, éd. Vallet de Viriville, p. 345); 2e moitié XVIe s. (Théologie naturelle de Raym. Sebond, ch. CCXCIII, f° 419 v° ds GDF. Compl. :le corps de Jésus Christ, existant la meme au lieu de la substance du pain); 1760 « vivre » (VOLTAIRE, Lettre Tressan, 12 nov. ds LITTRÉ). Empr. au lat. class. ex(s)istere « sortir de, se manifester, se montrer ». Fréq. abs. littér. Exister : 12 755. Existé : 699. Fréq. rel. littér. Exister : XIXe s. : a) 21 443, b) 12 884; XXe s. : a) 14 390, b) 20 931. Existé : XIXe s. : a) 1 430, b) 785 : XXe s. : a) 812, b) 842. Bbg. WAGNER (R. L.). Il y a. Fr. Monde. 1964, n° 29, pp. 9-15.
1. exister [ɛgziste] v. intr.
ÉTYM. XIVe; rare jusqu'au XVIIe; lat. existere, de ex-, et sistere « être placé ».
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1 (XIVe). Avoir une réalité. ⇒ 1. Être. REM. Selon la philosophie classique, exister est synonyme de être; mais dans la pratique, exister insiste avec plus de force sur la réalité que être, verbe monosyllabique dans ses formes les plus courantes, affaibli par ses emplois de copule et d'auxiliaire : on dit qu'une chose est (« existe »), mais aussi qu'elle est impossible, impensable, irréelle, imaginaire, etc. — Tout ce qui existe. ⇒ Réalité, réel; chose, objet; nature, univers. || L'homme existe. || Un être fabuleux, imaginaire qui n'a jamais existé. || Cette personne n'existe pas, c'est un mythe; elle n'existe que dans sa pensée, son imagination. || « Je pense, donc (cit. 3) Dieu existe… » (La Bruyère). || « Si Dieu (cit. 6) n'existait pas, il faudrait l'inventer » (Voltaire). || La société n'existe et ne vit que par l'individu (→ Autonomie, cit. 3). || Pour La Rochefoucauld, les vertus n'existent pas (→ Dissoudre, cit. 3). || L'amour absolu (cit. 21) n'existe pas. || Vous avez dû inventer ce mot, il n'existe pas. || Cette influence existe, est effective, réelle. || Une chose comme celle-là ne devrait pas exister.
1 L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger.
Voltaire, Satires, « Les cabales ».
2 Quand même Dieu n'existerait pas, la religion serait encore Sainte et divine. Dieu est le seul être qui, pour régner, n'ait même pas besoin d'exister. Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la matière.
Baudelaire, Journaux intimes, « Fusées », I.
3 L'infini, mon cher, n'est plus grand'chose, — c'est une affaire d'écriture. L'univers n'existe que sur le papier. Aucune idée ne le représente. Aucun sens ne le montre. Cela se parle et rien de plus.
Valéry, Monsieur Teste, p. 107.
4 Je sais bien qu'il (le spectre) n'existe peut-être pas, que tous ceux qui prétendent l'avoir rencontré dans ces parages sont peut-être victimes d'une hallucination.
Giraudoux, Intermezzo, I, 1.
5 (…) il est indispensable de reconnaître que le monde existe en dehors de l'homme, qu'il n'est pas le reflet de son rêve, la création de sa pensée. Le meilleur moyen de s'opposer à l'erreur intellectualiste (…) c'est de reconnaître l'existence d'une réalité extérieure à l'homme.
Daniel-Rops, Ce qui meurt et ce qui naît, p. 73.
6 Les institutions que nos ancêtres ont adoptées après six mille ans d'expérience, valent mieux que les constructions d'imbéciles hâtifs et prétentieux. Ce qui existe a une grande vertu, c'est d'exister.
A. Maurois, le Discours du Dr O'Grady, XIV, p. 153.
7 On ne pouvait même pas se demander d'où ça sortait, tout ça, ni comment il se faisait qu'il existât un monde, plutôt que rien. Ça n'avait pas de sens, le monde était partout présent, devant, derrière. Il n'y avait rien eu avant lui. Rien. Il n'y avait pas eu de moment où il aurait pu ne pas exister. C'est bien ça qui m'irritait : bien sûr il n'y avait aucune raison pour qu'elle existât, cette lave coulante. Mais il n'était pas possible qu'elle n'existât pas.
Sartre, la Nausée, p. 170.
7.1 J'ai lu quelque part : « Dieu existe, je l'ai rencontré ! » Ça alors ! Ça m'étonne ! Que Dieu existe, la question ne se pose pas ! Mais que quelqu'un l'ait rencontré avant moi, voilà qui me surprend !
Raymond Devos, Sens dessus dessous, « L'homme existe, je l'ai rencontré », p. 29.
♦ Avec un compl. de lieu. Se trouver (quelque part). ⇒ 1. Être, rencontrer (se), trouver (se). || Cette variété d'oiseau n'existe pas en Europe. || Introduire une plante là où elle n'existait pas (→ Acclimatation, cit. 1). || Institution qui n'existe qu'en France. || L'amour (cit. 13) tel qu'il existe dans la société. ⇒ Régner. — Au p. prés. Spécialt (comm.). || Marchandises existant en magasin. ⇒ Existant.
8 Pour ne pas risquer de trop grands retards, il s'est contenté le plus possible de meubles existant en magasin, ou de solutions simplifiées.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XII, p. 125.
♦ Être, se trouver (à un moment donné, dans une durée). || Choses qui existent en même temps. ⇒ Coexister; contemporain. || Dans ce temps-là, les avions n'existaient pas. || Continuer d'exister. || Cette ancienne coutume existe encore, existe toujours. || La chose telle qu'elle existe actuellement, aujourd'hui. ⇒ Continuer, demeurer, durer, persister, subsister. || Institution qui existe depuis des décennies. || Cette loi, cet usage n'existe plus depuis 1920. ⇒ Périmé (être périmé). → Ne plus avoir cours, ne plus être en vigueur; et aussi abolition, abrogation, suppression. || Cesser d'exister. ⇒ Disparaître.
9 S'il est une chose dont on dise : Vois ceci, c'est nouveau ! cette chose existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés.
Bible (Segond), l'Ecclésiaste, I, 10.
10 Les règles n'existent plus, le bien n'est plus le bien, le mal n'est plus le mal, les usages, les illusions, toutes les vieilles assises sont bouleversées (…)
Montherlant, le Songe, VIII, p. 139.
♦ Avoir une réalité (pour qqn, d'une certaine manière).
11 (…) j'écris les choses comme je les sens, c'est-à-dire comme je crois qu'elles existent.
Flaubert, Correspondance, t. III, p. 371.
12 (…) les êtres n'existent pour nous que par l'idée que nous avons d'eux (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, p. 274.
12.1 Sons, couleurs, parfums, n'existent que dans leur relation avec l'homme.
Gide, les Nouvelles Nourritures, in T. L. F.
♦ Impersonnel. ⇒ 1. Avoir (il y a). || Il existe un commissariat dans chaque arrondissement. || Il existe des croyants (cit. 9) mais il y a des incrédules. || Il en existe de plusieurs sortes, il n'en existe plus.
13 En France, dans presque toutes les Préfectures du second ordre, il existe un salon où se réunissent des personnes considérables et considérées, qui néanmoins ne sont pas encore la crème de la société.
Balzac, la Vieille Fille, Pl., t. IV, p. 243.
14 Il existe une façon pratique d'éviter la contagion des maladies : c'est de supprimer les malades — ou tout au moins de les isoler à jamais.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 143.
15 Il devrait exister un amour si parfait qu'il ferait partager dans l'instant même tous les sentiments de celle que l'on aime.
A. Maurois, Climats, I, XX.
2 (1760). Sujet n. de personne. Vivre (en général avec l'idée de « conscience »). || Quand j'aurai cessé d'exister. || Tant que j'existerai (→ Écriture, cit. 28); depuis que j'existe. || Elle n'existe que pour lui. || La joie d'exister. || Avoir une raison d'exister. — Exister, n'exister que par (un sentiment, une sensation, une activité…). || Il n'existe que par son projet, que par son amour.
15.1 On ne peut rendre ce que je souffris; il me semblait que l'on m'arrachât les membres, et que mon estomac qui portait à faux, dirigé par son poids vers la terre, dût s'entr'ouvrir à tous les instants; la sueur coulait de mon front, je n'existais plus que par la violence de la douleur; si elle eût cessé de comprimer mes nerfs, une angoisse mortelle m'eût saisie.
Sade, Justine…, t. I, p. 69 (1791).
16 (…) il se livrait au plaisir d'exister, si vif à cet âge, et au milieu des plus belles montagnes du monde.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VIII.
17 Croyez-vous cependant, mon cher, que la nature
Laisse ainsi par oubli vivre sa créature ?
Qu'elle nous ait donné trente ans pour exister,
Et le reste pour geindre ou bien pour tricoter ?
A. de Musset, À quoi rêvent les jeunes filles, II, 1.
18 Qu'il me tue donc tout de suite, puisque aussi bien je ne peux exister après un coup pareil.
G. Sand, François le Champi, X.
19 Nous n'existons vraiment que pour ces petits êtres
Qui dans tout notre cœur s'établissent en maîtres (…)
Augier, Gabrielle, V, 5, cité par Guerlac.
20 Il faut autour de soi, pour exister, des réalités qui durent.
Saint-Exupéry, Courrier Sud, II, VI.
21 Exister, c'est ça : se boire sans soif.
Sartre, l'Âge de raison, III, p. 53.
21.1 La vie est malheur. Cela ne m'empêche pas de préférer la vie à la mort, exister à ne pas exister, car je ne suis pas sûr d'être une fois que je n'existerai plus.
E. Ionesco, Journal en miettes, p. 28.
21.2 Il (le bourreau) n'a de place que dans les malédictions des hommes, il ne sert qu'à leurs vengeances, il n'existe que par leurs crimes.
Hugo, Han d'Islande, in T. L. F.
♦ Péj. Mener une vie purement végétative. ⇒ Durer. || Exister sans vivre.
22 Pour nous, vivre, c'est nous modifier; pour les Arabes, exister c'est durer.
E. Fromentin, Une année dans le Sahel, p. 45.
23 Il appréhendait et désirait tout à la fois la venue de cette lettre qui lui permettrait de vivre pendant quelques mois. C'est-à-dire qui lui permettrait d'exister, sans âme et sans volonté, dans le sillage déprimant de la Slaoui, de plus en plus insolente.
P. Mac Orlan, la Bandera, XVI.
3 (1760). Sens fort. Avoir de l'importance, de la valeur. ⇒ Compter. || Le passé n'existe pas pour elle (→ Aujourd'hui, cit. 27). || Rien n'existe pour lui lorsqu'il travaille (→ Application, cit. 9). || Rien n'existait plus à ses yeux. || Pour elle, les autres n'existent pas. || Faire comme si quelqu'un, quelque chose n'existait pas. ⇒ Inexistant. || Untel n'existe pas auprès de vous, votre technique est bien meilleure. || Son projet ? mais il n'existe pas ! || Et les services que je vous ai rendus ? ça existe, tout de même !
24 (…) elle était seule à souffrir. Partout les hommes et les femmes mangeaient, travaillaient et dormaient dans une insouciance à peu près parfaite; leurs petits ennuis n'existaient pas.
J. Green, Adrienne Mesurat, p. 228.
25 Je ne me souviens pas, même au cinéma, d'avoir vu un plongeon en fil à plomb comme j'en exécute (…) Et les autres, s'il y a des compétiteurs, n'existent pas à côté de moi. Aussi n'est-ce pas sans sourire que j'assiste, quand exceptionnellement ça m'arrive, à des compétitions sportives.
Henri Michaux, La nuit remue, p. 21.
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existant, ante p. prés., adj. et n. Voir à l'ordre alphabétique.
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CONTR. Manquer. — Mourir.
DÉR. Existant, 2. exister. V. Existence.
COMP. Coexister, préexister. Inexistant.
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2. exister [ɛgziste] n. m.
ÉTYM. XXe; du v. 1. exister, substantivé.
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♦ Philos. Existence concrète d'un être.
0 Dieu est l'Exister par soi.
Maritain, Court traité de l'existence et de l'existant, p. 83.
Encyclopédie Universelle. 2012.