cuire [ kɥir ] v. <conjug. : 38> I ♦ V. tr.
1 ♦ (XIe) Rendre (un aliment) propre à l'alimentation par une forte chaleur qui transforme la consistance, le goût (⇒ cuisson). Cuire de la viande, des légumes. Cuire le pain. « Embrochez la bête, cuisez la bête, j'ai faim, moi ! » (Jarry). Cuire des aliments sur un fourneau, une cuisinière, un réchaud. Cuire au four, au gril, à la broche, au bain-marie, au barbecue. ⇒ frire, 1. griller, rôtir. Cuire sur le gaz, sur des plaques électriques, au micro-ondes. Cuire à feu doux, à petit feu (⇒ braiser) , à feu vif (⇒ revenir, rissoler, saisir) . Ustensiles pour cuire les aliments; art de les préparer, de les faire cuire. ⇒ cuisine. Cuire à l'eau, à la vapeur. Cuire à l'étouffée, à l'étuvée. Salade à cuire, fruits à cuire, qui ne peuvent être consommés que cuits. Chocolat à cuire.
2 ♦ Par ext. Transformer (un corps quelconque) par l'action de la chaleur, dans un but déterminé. Cuire une poterie (cf. Terre cuite). Cuire la porcelaine. « Des fours au mazout pour cuire le bleu » (Chardonne).
3 ♦ Loc. fam. Être dur à cuire : opposer une grande résistance. Subst. « Notre colonel, qui était ce qu'on nomme un dur à cuire » (Vigny). ⇒ dur.
II ♦ V. intr.
1 ♦ Devenir propre à l'alimentation grâce à l'action de la chaleur. Poulet prêt à cuire. Les pâtes doivent cuire dans beaucoup d'eau. Laisser cuire vingt minutes. Viande qui cuit dans son jus. La soupe cuit doucement, à petit feu. ⇒ frémir, frissonner, mijoter, mitonner. Cuire à gros bouillons. ⇒ bouillir. Cuire trop fort. ⇒ attacher, brûler ; fam. cramer.
2 ♦ Fig. Être exposé à une grande chaleur. « Paris cuisait au feu d'un dimanche d'août » (Martin du Gard). Fam. Cuire dans son jus, et absolt cuire : avoir très chaud. Ouvrez les fenêtres, on cuit là-dedans ! ⇒ étouffer.
3 ♦ Produire une sensation d'échauffement, de brûlure. ⇒ brûler. Les mains lui cuisent d'avoir pétri des boules de neige. Les yeux me cuisent. ⇒ piquer. PROV. Trop gratter cuit, trop parler nuit.
♢ Loc. En cuire à qqn, entraîner des ennuis pour lui. Il pourrait vous en cuire. « Fais à ta tête, père Ubu, il t'en cuira » (Jarry).
⊗ HOM. Cuir.
● cuire verbe transitif (latin populaire cocere, du latin classique coquere) Rendre un aliment propre à la consommation en le soumettant à l'action de la chaleur : Cuire un rôti. Soumettre une matière, un objet à la chaleur pour les durcir, les fixer, leur faire subir des modifications, pour les rendre propres à un usage spécifique : Cuire de la porcelaine au four. En parlant d'une source de chaleur, faire subir à quelque chose une modification (mûrissement, dessèchement, brûlure, etc.) : Le soleil cuit les prés. ● cuire (difficultés) verbe transitif (latin populaire cocere, du latin classique coquere) Emploi On dit couramment faire cuire qqch ou mettre à cuire qqch, mais cuire qqch ou mettre cuire qqch sont également corrects : faire cuire un rôti ; mettre à cuire un gâteau ; cuire des pommes de terre, du pain ; mettre cuire au four. ● cuire (homonymes) verbe transitif (latin populaire cocere, du latin classique coquere) cuir nom masculin ● cuire verbe intransitif Être soumis à l'action de la chaleur pour être propre à la consommation, à l'usage précis qu'on veut en faire : Les légumes doivent cuire à l'eau bouillante salée. Familier. Avoir très chaud, souffrir de la chaleur : On cuit ici, ouvrez un peu la fenêtre. Être le lieu d'une sensation de brûlure ; brûler : Les yeux lui cuisent. ● cuire (expressions) verbe intransitif Familier. Il vous en cuira, vous risquez de graves ennuis, des représailles. ● cuire (homonymes) verbe intransitif cuir nom masculin ● cuire (synonymes) verbe intransitif Être soumis à l'action de la chaleur pour être propre...
Synonymes :
- mijoter
Être le lieu d'une sensation de brÛlure ; brÛler
Synonymes :
- brûler
cuire
v.
rI./r v. tr.
d1./d Soumettre à l'action du feu, de la chaleur, afin de préparer pour la consommation. Cuire des légumes, de la viande.
d2./d Soumettre (un corps) à l'action transformatrice du feu, de la chaleur, pour le rendre propre à un usage déterminé. Cuire des briques.
d4./d (Suisse) (Sans compl.) Cuisiner. Personne sachant cuire.
d5./d Réaliser la cuisson (en parlant d'une source de chaleur). La braise cuit mieux que la flamme.
rII./r v. intr.
d1./d être soumis à l'action du feu, de la chaleur, pour devenir propre à l'alimentation. La soupe cuit. Cette viande cuit bien, mal, elle est facile, difficile à cuire.
|| Fig., Fam. Un dur à cuire: une personne très résistante (à la fatigue, à la douleur, etc.).
|| (Belgique) Bouillir. L'eau cuit.
d2./d Fig., Fam. Avoir très chaud. Ouvre la fenêtre, on cuit ici!
d3./d Causer une sensation de brûlure, une douleur. Cette écorchure me cuit.
|| Loc. impers. En cuire à (qqn). Il vous en cuira: vous vous en repentirez.
⇒CUIRE, verbe.
I.— Emploi trans.
A.— Soumettre une matière à l'action du feu ou d'une source de chaleur correspondante qui modifie cette matière dans sa substance, généralement pour la rendre propre à un certain usage.
1. [Le compl. d'obj. désigne des aliments] Soumettre à l'action d'une source de chaleur qui modifie l'aliment dans sa substance, pour le rendre propre à la consommation.
a) [Le suj. désigne une pers.] Cuire du pain, cuire qqc. à la broche, à petit feu. Le dîner était acheté : la concierge le cuirait (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 450). Elle sait (...) cuire les confitures de cassis (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 51) :
• 1. ... il n'est pas un prisonnier qui n'ait profondément méprisé la barbarie teutonne en matière de cuisine. Un pays où la grillade est inconnue, où l'on ne conçoit pas de cuire une viande autrement qu'à l'eau, ...
AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, p. 191.
SYNT. Cuire une brioche, un potage; cuire qqc. en cocotte, au four, à four doux, sur le fourneau; cuire qqc. sur un feu vif.
♦ À cuire [En parlant d'un aliment] Qui n'est à consommer que cuit. Loche [en normand : « secoue l'arbre pour faire tomber... »] des pommes à cuire (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Vieux, 1884, p. 133).
♦ Au fig. Dur à cuire [En parlant d'une pers.] Qui résiste. Notre colonel, qui était ce qu'on nomme un dur à cuire (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 196). Des gaillards durs à cuire (ROMAINS, Knock, 1923, I, p. 3). Cf. dur-à-cuire.
— Emploi pronom. à sens passif. Tout cela se cuisait en cachette sur des feux de fortune (AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946p. 40).
— En partic., emploi abs. Cuire du pain. Ce boulanger cuit deux fois par jour (Ac. 1835-1932). Ceux qui avaient cuit la veille lui offrirent du pain frais (THARAUD, Ville et champs, 1907, p. 140).
♦ Proverbe, vieilli. Vous viendrez cuire à mon four, ,,Vous aurez quelque jour besoin de moi, et je trouverai l'occasion de me venger`` (Ac. 1835, 1878).
b) [Le suj. désigne l'agent physique de la cuisson] Un trop grand feu brûle les viandes, au lieu de les cuire (Ac. 1798-1932).
— P. anal., vieilli. [Le compl. d'obj. désigne des fruits] Faire mûrir. Le soleil n'est pas assez chaud dans ce pays-là pour bien cuire les melons (Ac. 1798-1932). Le jour est brûlant comme un fruit Que le soleil fendille et cuit (NOAILLES, Ombre jours, 1902, p. 12).
2. [Le compl. d'obj. désigne certains matériaux] Soumettre à l'action d'une source de chaleur qui modifie le matériau dans sa substance pour le rendre propre à un usage spécifique.
a) [Le suj. désigne une pers.] Cuire des briques, la chaux, des couleurs; fourneau à cuire les émaux. Ils (...) pétrissaient et cuisaient des vases d'argile (A. FRANCE, Pierre bl., 1905, p. 19) :
• 2. [Les habitants des Pays-Bas] ont eu l'idée de cuire [la terre] et de cette façon la brique, la tuile, qui sont les meilleures défenses contre l'humidité, se trouvent sous leur main.
TAINE, Philos. de l'art, t. 1, 1865, p. 258.
— Emploi pronom. à sens passif. Le plâtre se cuit entre murs (SER, Phys. industr., 1890, p. 2).
b) [Le suj. désigne l'agent physique de la cuisson] La vapeur destinée à cuire les couleurs est introduite entre l'enveloppe intérieure et l'enveloppe intermédiaire (Manuel fabric. coul., t. 2, 1884, p. 303).
— Emploi abs. Les fours très vieux cuisent moins vite et moins bien que les fours neufs (AL. BRONGNIART, Arts céram., 1844, p. 229).
3. P. plaisant. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Brûler, soumettre au supplice du feu. Démons, damnés, maudits, sont dans la cuve atroce (...) et le bain Qui les cuit, rafraîchit là-haut le chérubin (HUGO, Religions et religion, 1880, p. 194).
B.— P. anal.
1. Soumettre à l'action de la chaleur qui peut en modifier l'apparence.
a) Rare. [Le suj. désigne une pers.] Vinca (...) cuisait paisiblement au soleil ses hautes jambes (COLETTE, Blé en herbe, 1923, p. 125).
b) [Le suj. désigne l'agent physique (source de chaleur)] Peau cuite par le soleil. Nous ne sentons même pas les rayons qui nous cuisent (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 82) :
• 3. En semaine, Philippe ne va pas à l'auberge, et le soleil seul cuit ses joues; mais chaque dimanche, après vêpres, le vin achève de les cuire.
RENARD, Nos frères farouches, 1910, p. 153.
2. [La cause du processus peut ne pas être une source de chaleur] Donner l'aspect de quelque chose qui a été soumis à l'action de la chaleur qui en modifie l'état. Je devine (...) Quelles larmes cuisaient comme l'eau de la mer, Au long des nuits, tes yeux (A. FRANCE, Poés., Noces corinth., 1876, p. 246). Fougères cuites par la gelée (MORAND, Lewis et Irène, 1924, p. 24). Le soleil cuisait les pivoines (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 137).
C.— Au fig. [Le suj. désigne un sentiment] Provoquer une sensation d'irritation ou de douleur psychologique. Alors j'avais envie de l'interroger, une envie qui me cuisait le cœur (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Masque, 1889, p. 1165).
II.— Emploi intrans.
A.— Être soumis à l'action du feu ou d'une source de chaleur correspondante qui modifie la matière traitée dans sa substance, généralement pour qu'elle devienne propre à un certain usage.
1. [Le suj. désigne des aliments] Être soumis à l'action d'une source de chaleur pour devenir propre à la consommation. Faire cuire à petit feu, dans du vin, au four; mettre à cuire cinq minutes. Le bouc en morceaux cuisait dans le beurre rance (FLAUB., Tentation St Antoine, 1856, p. 642). Des légumes cuisaient à la vapeur dans des percolateurs (MORAND, New York, 1930, p. 94) :
• 4. Tante Agathe, (...) a fait cuire le souper. Mais vous pensez bien qu'il faut néanmoins surveiller à la cuisine. Même les plats qui paraissent cuire tout seuls, comme le jambonneau, le salé aux pommes de terre, (...) on dirait qu'ils ont besoin de sentir qu'on a l'œil sur eux.
MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 45.
♦ ,,Ces légumes, ces fèves, ces pois, etc., cuisent bien, ne cuisent pas bien.`` (Ac. 1798-1932). ,,Ils sont faciles ou difficiles à cuire`` (Ac. 1798-1932).
— Au fig., fam. [Le suj. désigne une pers.] Rester sans aide, sans secours. Je cuisais dans cette affreuse situation, quand Monseigneur vous envoya chez nous (FABRE, Courbezon, 1862, p. 127). Il faut le laisser s'énerver dans l'attente! Le laisser cuire! (COLETTE, Képi, 1943, p. 46). Il me met surtout en garde contre le mauvais esprit de la population qui, gavée depuis la guerre, dit-il, a besoin de cuire dans son jus (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1063).
Rem. Dans la conversation fam., on emploie l'expr. Va te faire cuire un œuf au sens de « va-t-en, tu m'importunes ».
2. [Le suj. désigne des matériaux] Être soumis à l'action d'une source de chaleur qui modifie le matériau dans sa substance, pour devenir propre à un usage spécifique. [Il y a] cuisson simple (...) [quand] la pâte et l'enduit vitreux [peuvent] cuire à la même température (AL. BRONGNIART, Arts céram., 1844 p. 181) :
• 5. Il trouva de l'argile sur des terres qu'il possédait à Leers, fit cuire de la brique « à l'air », sans four, à la mode d'autrefois comme l'a fait Vauban pour ses fortifications.
VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 477.
3. P. plaisant. [Le suj. désigne une pers.] Être soumis au supplice du feu. [Théodore d'Héraclée] que l'on fit cuire jadis, dans la ville d'Amasée, à petit feu (HUYSMANS, Cathédr., 1898, p. 462).
B.— P. anal. [La cause du processus peut ne pas être une source de chaleur] Prendre l'aspect de quelque chose qui a été soumis à l'action de la chaleur qui en modifie l'état. Ses yeux bleus avaient cuit dans les larmes (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 305). Il a fait cet été une chaleur extraordinaire, il semblait vraiment que le soleil était une arme du mal. Qui pouvait regarder sans colère les beaux feuillages en train de cuire? (GIONO, Chron., Noé, 1947, p. 321).
C.— P. ext.
1. [Le suj. désigne un animé ou un inanimé] Être soumis à une grande chaleur. Pendant que tu avais froid à Terre-Neuve, on cuisait ici, et, pendant que tu grillais en Afrique, nous grelottions dans nos habits d'été (SAND, Corresp., t. 4, 1812-76, p. 278). D'amples parkings sans ombrage où cuisent les tôles des voitures (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 36).
♦ [Avec un suj. impers.] :
• 6. Dans la ville, (...) une torpeur morne régnait. (...) Seul le vieux malade de Rieux triomphait de son asthme pour se réjouir de ce temps. — Ça cuit, disait-il, c'est bon pour les bronches. Ça cuisait en effet, mais ni plus ni moins qu'une fièvre. Toute la ville avait la fièvre, c'était du moins l'impression qui poursuivait le docteur Rieux,...
CAMUS, La Peste, 1947, p. 1240.
— [La cause n'est pas une source de chaleur] Le beau froid! un cent d'aiguilles me picotent les joues. (...) Je cuis. Loué soit Dieu! mon teint reprend son lustre (ROLLAND, C. Breugnon, 1919, p. 26).
2. [Le suj. désigne une partie du corps humain; le verbe est suivi d'un compl. second. désignant une pers.] Être le siège ou la cause d'une sensation de brûlure. La peau lui cuit. Il cacha dans ses mains ses joues chaudes, ses yeux dont les paupières lui cuisaient (GREEN, Moïra, 1950, p. 101) :
• 7. La rouette de madame Lepic se lève, prête à cingler. Poil de Carotte, pâle, croise ses bras, (...) les reins chauds déjà, les mollets lui cuisant d'avance, ...
RENARD, Poil de carotte, 1894, p. 210.
♦ Rare. [Sans compl. second] Tu ne connais pas le désert, quand il y monte une tempête de sable... Les yeux cuisent, le sang vous aveugle, on n'y voit plus clair (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 296).
♦ Loc. proverbiale, vieilli. Trop gratter cuit, trop parler nuit (Ac. 1798-1932). Si l'on dépasse la mesure, il en résulte un mal au lieu d'un bien.
3. Au fig. Causer une douleur morale, un sentiment pénible. Mon remords, qui me cuisait cruellement parfois, a disparu sans raison (L. DAUDET, Cœur et abs., 1917, p. 159). Me précipitant tout-à-fait dans la franchise, au risque de recevoir quelque demi-mot ou quelque regard humiliant qui me cuise pendant six mois (STENDHAL, Corresp., t. 2, 1800-42, p. 310).
— Emploi impers. En cuire à qqn. S'il vous en cuit, je m'en lave les mains, vous l'aurez cherché! (SAND, Beaux MM. Bois-Doré, t. 1, 1858, p. 164). Tâche à présent de voir l'avenir plus en rose, ou cette fois il t'en cuira (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 171) :
• 8. ... je ne te conseille pas de dresser contre Egisthe ta petite tête venimeuse : il sait, d'un coup de bâton, briser les reins des vipères. Crois-moi, fais ce qu'il t'ordonne, sinon il t'en cuira.
SARTRE, Les Mouches, 1943, I, 5, p. 38.
♦ [Le verbe est suivi d'un compl. à valeur causale (subst. ou inf.) introduit par de] Il vous en cuira de votre trop de confiance (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 124). On n'est sage qu'après qu'il en a cuit de ne pas l'être (ROLLAND, Âme ench., 1925, p. 25).
Prononc. et Orth. :[], (je) cuis []. Ds Ac. 1694-1932. Homon. cuir. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 881 « brûler (d'un corps humain) » coist parfait 3e pers. pronom. (Eulalie, 20 ds HENRY); LITTRÉ note ,,dans le style familier, faire périr par le supplice du feu``; 2. 1269-78 « griller, flétrir [les plantes] (en parlant des intempéries) » (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 17884); 3. 1606 fig. cuit « ivre » (Merlin Coccaie ds ESN.); 4. 1675 il est cuit « il est perdu » (WIDERHOLD). B. 1. 1155 char quite (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 11486); 2. ca 1165 « soumettre à l'action du feu » or cuit (B. DE STE-MAURE, Troie, 25138 ds T.-L.); 3. a) 1611 fig. il sera bien dur à cuyre (en parlant d'un homme comparé à un oiseau) (P. DE LARIVEY, Tromperies, V, 5 ds Anc. théâtre fr., t. 7, p. 94); 1829 subst. un dur à cuire (d'apr. ESN.); b) 1866 arg. cuire dans son jus (DELVAU, p. 103). C. 1. ca 1170 au fig. (B. DE STE-MAURE, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 18724 : de cuizans moz); début XIVe s. impers. je me doubte qu'il ne me cuise (Pamphile et Galatée, éd. J. de Morawski, 936); 1660 il lui en cuira (OUDIN); 2. 1180-90 « brûler, faire mal (d'une plaie) » (Renart, éd. E. Martin, X, 1112). Du b. lat. cocere, lat. class. coquere « cuire », « brûler, fondre (chaux, métal) »; « faire mûrir, dessécher »; « digérer », « méditer »; « tourmenter ». Fréq. abs. littér. :602. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 468, b) 1 111; XXe s. : a) 1 081, b) 914. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — LYER (S.). Part. prés. actif avec le sens passif. Archivum Romanicum. 1932, t. 16, p. 302.
cuire [kɥiʀ] v. [CONJUG. conduire.]
ÉTYM. V. 880; du lat. pop. cocere, lat. class. coquere.
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I V. tr.
1 Rendre (une substance comestible) propre à l'alimentation, par le feu, par la chaleur. ⇒ Cuisson. || Cuire de la viande, des légumes, des fruits, de la pâtisserie. || Cuire le pain, le faire en cuisant la pâte. Absolt. || Le boulanger cuit deux fois par jour, fait deux fournées de pain dans la journée. — Cuire des aliments sur un fourneau, une cuisinière, un réchaud. || Cuire qqch. au feu de bois à la crémaillère, dans la braise, dans la cendre. || Cuire de la viande, des légumes dans une marmite norvégienne. || Cuire de la viande au four, au gril, à la broche, au bain-marie. || Cuire qqch. à feu doux, à petit feu. || Ustensiles pour cuire les aliments; art de les préparer, de les faire cuire. ⇒ Cuisine. || Cuire à l'eau en faisant bouillir (⇒ Bouillir), sans faire bouillir (⇒ Infuser). || Cuire dans plusieurs eaux, en changeant l'eau de cuisson. || Cuire dans un récipient fermé, et à feu doux. ⇒ Braiser, étouffée (cuire à l'), étuvée (cuire à l'). || Cuire avec une matière grasse. ⇒ Frire. || Cuire dans le beurre, l'huile… || Cuire au lard. || Cuire à sec. ⇒ Griller, rôtir, rissoler. — (À cuire). || Salade à cuire, fruits à cuire, qui ne peuvent être consommés que cuits. || Chocolat à cuire, qui doit être utilisé pour préparer la boisson du même nom, pour la pâtisserie (opposé à à croquer).
1 Ils les cuisent et apprêtent à diverses sauces.
Montaigne, Essais, I, 106.
2 « J'ai vu, dit-il, un chou plus grand qu'une maison.
— Et moi, dit l'autre, un pot aussi grand qu'une église. »
Le premier se moquant, l'autre reprit : « Tout doux :
On le fit pour cuire vos choux ».
La Fontaine, Fables, IX, 1.
3 Embrochez la bête, cuisez la bête, j'ai faim, moi !
A. Jarry, Ubu roi, IV, 6, p. 14.
♦ Par ext. Transformer (une substance non alimentaire) par l'action du feu et dans un but déterminé. ⇒ Calciner. || Cuire une poterie. ⇒ Cuit (terre cuite). || Cuire la porcelaine. ⇒ Biscuiter. || Cuire le plâtre, la chaux, des briques. || Cuire du fil, de la soie.
4 (…) le seul matériau du pays est l'argile, qu'on cuit ou qu'on sèche au soleil.
Daniel-Rops, le Peuple de la Bible, I, 1.
5 Je dépense beaucoup dans cette nouvelle Fabrique et dans l'ancienne où j'ai remplacé les fours au feu de bois par des fours au mazout pour cuire le bleu.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, III, p. 407.
♦ ☑ Loc. (1611). Fig. et fam. Être dur à cuire : opposer une grande résistance. — N. (1829). || Un dur à cuire, une dure à cuire. ⇒ Dur.
6 Notre colonel, qui était ce qu'on nomme un dur à cuire, voulut prendre sa revanche.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, III, VIII, p. 244.
7 (…) Michaud (…) un homme de ceux que les troupiers appellent soldatesquement des durs à cuire, surnom fourni par la cuisine du bivouac, où il s'est plus d'une fois trouvé des haricots réfractaires.
Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 133.
2 (Le sujet désigne la source de chaleur ou ce qui permet de cuire). Opérer la cuisson de (qqch.). || Ce four cuit bien la pâtisserie. — Vx. || Fruits que le soleil a cuits.
8 — C'est une eau que vous supposez contaminée ?
— Non… non…
— Alors quoi ? Elle vous paraît trop dure ? trop lourde ? Elle ne dissout pas le savon ? Elle cuit mal les légumes ?
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XI, p. 84.
3 Par ext. (Fam.). Faire chauffer en exposant à une source de chaleur (soleil, etc.). || Cuire ses jambes, son dos au soleil. — Les rayons du soleil le cuisaient. — Au p. p. || Peau cuite par le soleil. — Pron. || Se cuire au soleil. ⇒ Bronzer, dorer, rôtir (se).
———
II V. intr.
1 Devenir propre à l'alimentation par l'action du feu. || Les pâtes doivent cuire dans beaucoup d'eau. || Mettre des pâtes à cuire. || Laisser cuire vingt minutes. || Viande qui cuit dans son jus. || Le ragoût cuit doucement, à petit feu. ⇒ Frissonner, mijoter, mitonner. || Cuire à gros bouillons. ⇒ Bouillir. || La viande a cuit trop fort, trop longtemps. — Faire cuire qqch. || Faire cuire à feu vif dans un corps gras (⇒ Blondir, rissoler). || Faites-le cuire deux fois. ⇒ Recuire. || Trop cuire. ⇒ Attacher, brûler, cramer, renverser. || Aliment qui cuit bien, facile à cuire. ⇒ Cuisant. || Ces lentilles cuisent bien.
9 (…) je me charge de vous le faire cuire sous la cendre sans goût de fumée.
G. Sand, la Mare au diable, VIII, p. 70.
10 (…) certaines volailles qui ne cuisent bien qu'au bois vert (…)
Léon Bloy, la Femme pauvre, I, p. 100.
♦ Par ext. || Porcelaine qui cuit.
2 Être exposé à une grande chaleur. Fam. (Personnes). || Cuire dans son jus, et, absolt, cuire : avoir très chaud. || Ouvrez les fenêtres, on cuit là-dedans ! ⇒ Étouffer. ☑ Loc. Laisser qqn cuire dans son jus, se désintéresser de lui et de ses ennuis; ne pas l'aider.
11 Paris cuisait au feu d'un dimanche d'août.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 9.
♦ Spécialt et iron. || Faire cuire qqn, lui faire subir le supplice du feu. ⇒ Brûler.
12 Je vais te faire cuire à petit feu.
A. Jarry, Ubu roi, IV, 4, p. 128.
3 Sujet n. de chose : partie du corps, etc. (Cuire à qqn). Produire une sensation d'échauffement, de brûlure. ⇒ Brûler. || Les mains lui cuisent d'avoir pétri des boules de neige. || Les joues me cuisent. ⇒ 1. Feu (être en). || Les yeux me cuisent. ⇒ Piquer. || Cette écorchure est à vif et me cuit. ⇒ Cuisant. — (Absolt). || Ça cuit. ☑ Prov. Trop gratter cuit, trop parler nuit. ⇒ Gratter.
♦ ☑ Loc. (1660). En cuire (à qqn) : causer des souffrances morales, des ennuis (à qqn). || Il vous en cuira si vous agissez de la sorte. ☑ Il pourrait vous en cuire, il vous en cuira : vous vous en repentirez.
13 On n'est sage qu'après qu'il en a cuit de ne pas l'être.
R. Rolland, l'Âme enchantée, t. II, p. 33.
14 Fais à ta tête, Père Ubu, il t'en cuira.
A. Jarry, Ubu roi, III, 1, p. 80.
14.1 Je ne cause pas avec la figuration. Qu'on m'amène un flic avec du galon. Vous oubliez que je suis la fille du plus grand maquignon de tout le Limousin. À Paris aussi, j'ai des relations très haut placées, il pourrait vous en cuire.
A. Blondin, Monsieur Jadis, p. 144.
——————
cuit, cuite p. p. adj. et n.
1 Qui a subi la cuisson afin d'être consommé. || Artichauts cuits. || Aliment cuit à point, bien cuit. || Baguette bien cuite. || Aliment trop cuit (⇒ Attaché, brûlé, calciné, collant, cramé, roussi), peu cuit, dur, ferme. || Viande peu cuite (⇒ Bleu, rose, saignant), cuite à point (⇒ 1. Point [à]), bien cuite, trop cuite. || Légumes cuits au beurre. || Viande cuite au four. || Acheter des aliments tout cuits.
♦ Vin cuit, épaissi par évaporation d'une partie du moût. || Vin cuit servi comme apéritif.
15 (…) il courut au logis
De la cigogne son hôtesse,
Loua, très fort la politesse,
Trouva le dîner cuit à point.
La Fontaine, Fables, I, 18.
16 (…) des étouffoirs, qui nécessitaient les copieuses rasades des bières et des jus fermentés de mûres, des vins secs ou tannés et cuits (…)
Huysmans, Là-bas, VIII, p. 117.
17 (Des) truffes noires, que l'on mange cuites sous la cendre de bois.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, I, I, p. 37.
♦ N. m. || Le cuit (opposé à cru). — Le Cru et le Cuit (1964), ouvrage de Cl. Levi-Strauss dans lequel l'auteur tente d'expliciter la structure et la signification de mythes relatifs au domaine de la nourriture préparée, montrant qu'ils sont construits sur des systèmes d'opposition.
2 ☑ Loc. (XVIe). Fig., vx. Être cuit : être ruiné. — (1675). Mod. || Être cuit : être pris, vaincu, battu. → Fait, fichu, refait; et aussi Être bon (1. Bon, I., C., 1.). || C'est cuit, on ne gagnera plus : c'est fini, sans espoir. — Par métaphore. ☑ Les carottes sont cuites.
17.1 Tu vois bien : tu crèves de ne pas avoir cette femme et tu crèverais de l'avoir. Tu es cuit. Je m'étais déjà dit cela. De plus, il paraissait plutôt réjoui.
Maurice Clavel, le Tiers des étoiles, p. 248-249.
♦ N. m. ☑ C'est du tout cuit : c'est facile, c'est réussi d'avance (→ C'est dans la poche). — Adj. ☑ (Vieilli). C'est tout cuit : c'est simple, facile. — ☑ Elle ne te tombera pas toute cuite dans tes bras, pas facilement.
♦ ☑ Loc. Avoir son pain cuit : avoir ce qu'il faut pour vivre aisément le reste de sa vie.
18 Vente, grêle, gèle, j'ai mon pain cuit (…)
Villon, Ballades.
3 Brûlé (par le soleil, le froid). || Avoir le visage cuit. || Mains cuites par la neige. || Pierres, plantes cuites. ⇒ Griller.
19 Les visages bruns, cuits par le soleil, les visages émaciés par la fatigue ruisselaient de sueur sous le bonnet à passepoils rouges.
P. Mac Orlan, la Bandera, VI, p. 66.
20 Les légionnaires (…) connaissaient par expérience la monotonie affreuse de l'existence quotidienne d'un poste cuit comme une brique dans un four (…)
P. Mac Orlan, la Bandera, VIII, p. 90.
♦ ☑ Loc. Fig., vx. Un homme cuit et recuit, endurci.
4 Qui a subi la cuisson pour un usage particulier. || Terre cuite. ⇒ Terre (→ Aviser, cit. 6). — Soie cuite, lors de l'opération du décreusage (⇒ Décreuser).
21 Pour une porcelaine dure, cuite à une température très élevée et dont l'émail, comme chez nous, est profondément incorporé à la pâte, la difficulté est grande.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, III, III, p. 410.
♦ Peint. || Tons cuits, couleurs cuites d'un tableau, chauds, chaleureux. — Vx (argot des peintres). Travaillé.
21.1 (…) Dupré, qui allume familièrement une pipe, se met à décrocher ses tableaux, et me les fait passer sous les yeux, sans me dissimuler ses admirations pour ses enfants, me disant de celui-ci : « Oh ! c'est un des plus cuits ! ».
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 10 juil. 1866.
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CONTR. V. Refroidir. — (Du p. p.) Cru, incuit.
DÉR. Cuisage, cuisant, cuiseur, cuite. V. Cuisine.
COMP. Biscuit. Recuire, surcuire. Précuit.
Encyclopédie Universelle. 2012.