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affadir

affadir [ afadir ] v. tr. <conjug. : 2>
• 1226; de 1. a- et fade
1Vx Faire défaillir, écœurer. Un été orageux sévit, « affadissant toutes les volontés » (Huysmans).
2(XVIe) Rendre fade, priver de saveur, de force (en art). La sensiblerie des personnages affadit le sujet. Traduction qui affadit un texte. Pronom. « De Molière oublié le sel s'est affadi » (Voltaire).
⊗ CONTR. Affermir. Pimenter, relever.

affadir verbe transitif Rendre un mets fade, sans saveur. Affaiblir la vigueur d'un propos, d'un texte. ● affadir (synonymes) verbe transitif Affaiblir la vigueur d'un propos, d'un texte.
Synonymes :
- affaiblir
- édulcorer
- ternir

affadir
v. tr. Rendre fade, insipide. Affadir une sauce. Affadir des couleurs.
|| v. Pron. Fig. Son style s'est affadi.

⇒AFFADIR, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— Affecter d'une sensation désagréable, écœurer.
1. [L'obj. désigne les organes affectés par la nausée : « cœur », estomac, bouche...] :
1. Ce fut la faim qui me réveilla avant le jour, une faim qui tiraillait l'estomac et m'affadissait le cœur.
H. MALOT, Romain Kalbris, 1869, p. 89.
2. ... chacune de ces créatures, tassées sur leur chaise comme des paquets de linge sale, s'acharne à raconter une vilenie, un scandale, un crime... Lâchement, j'essaie de sourire avec elles, d'applaudir avec elles, mais j'éprouve quelque chose d'insurmontable, quelque chose comme un affreux dégoût... Une nausée me retourne le cœur, me monte à la gorge impérieusement, m'affadit la bouche, me serre les tempes... Je voudrais m'en aller...
O. MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, p. 67.
3. ... rien que de voir cet escalier, cela m'affadit l'estomac, me coupe les jambes, et je suis prise d'un désir fou de me sauver...
O. MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900 p. 287.
4. Ses nerfs [de Mario, résolu à venger l'assassinat de sa maîtresse] vibraient. Un goût de meurtre lui affadissait la bouche.
A. LE BRETON, Du Rififi chez les hommes, 1953, p. 154.
Rem. De toutes les expr. employées dans ces ex., seul affadir la bouche semble demeurer vivant.
2. Au fig., rare. Écœurer (cf. affadi ex. 4).
B.— Rendre fade, affaiblir la vigueur.
1. Rare. [L'obj. du verbe désigne un mets, une sauce...] Rendre fade par un excès de douceur :
5. Affadir une sauce, un ragoût, en y mêlant quelque chose de trop doux.
Ac. 1798-1932.
P. anal. :
6. ... les airs italiens l'emportaient de beaucoup en nombre, dans la collection du grand-père. Ils avaient été le pain musical du petit Olivier. Nourriture peu substantielle, et un peu analogue aux sucreries de province, dont on bourre les enfants : elles affadissent le goût, démolissent l'estomac, et risquent d'enlever pour toujours l'appétit pour des aliments plus sérieux.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, Antoinette, 1908, pp. 842-843.
2. Au fig. [L'obj. du verbe désigne une fac. ou une attitude hum.; un sentiment, un produit de l'esprit hum.; la vie de l'homme en gén.] Rendre fade (une chose), en affaiblir la vigueur originelle :
7. À la droite de sa mère s'assit le jeune duc d'Orléans. (...) La régularité froide et féminine de ses traits ne s'éveillait jamais du demi-rêve d'ennui et de fatigue qui affadissait tout dans son aspect et son langage incertain.
A. DE VIGNY, Mémoires inédits, 1863, p. 102.
8. — Vulgariser une science, mon mignon, c'est la délayer, l'affadir autant que possible...
É. ZOLA, Contes à Ninon, 1864, p. 292.
9. (10 h. m.) Achevé la lettre à Madrina, avec mélancolie.
— Toute cette sentimentalité musicale qui nous affadit l'âme m'a paru une sorte de vampirisme, dont il nous faut nous défendre par le travail énergique. La musicolâtrie rend esclave, elle nous livre à l'ennemi, par l'énervement de la pensée et du vouloir. (...) Et l'âme qu'elle enchaîne, oubliant tout effort, De sons voluptueux avec amour bercée, S'abandonne elle-même et lâchement s'endort.
H.-F. AMIEL, Journal intime, 9 févr. 1866, p. 123.
Rem. Énervement « action d'ôter le nerf », vx.
10. « À quoi bon par des promesses d'éternité affadir la vie dont la plus grande beauté est qu'elle est brève et qu'elle ne se recommence jamais. »
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 4, 6 juill. 1905-6 mai 1906, p. 154.
11. Presque tous les maîtres de l'École française ont un je ne sais quoi de rude et de tendu, plusieurs même une certaine rusticité. Sans affadir leur doctrine, ce jésuite [Bérulle] l'humanise.
H. BREMOND, Hist. littéraire du sentiment religieux en France, t. 3, 1921, p. 275.
12. Sévèrement, la critique de l'écran dénonce la guimauve qu'étirent les scenarii américains, leur infantilisme, leur application à affadir, en le répétant, un gag applaudi.
COLETTE, La Jumelle noire, 1938, p. 257.
13. ... la Storia do Mogor, (...) n'eut pas moins de six éditions en France et à La Haye entre 1705 et 1715 sous le titre de Histoire générale de l'Empire du Mogol, dont le Père François Catrou, de la Compagnie de Jésus, (...) prétend être l'auteur, mentionnant tout juste le nom du Vénitien (...), lui qui a (...) expurgé son vocabulaire; lui qui a affadi avec emphase un style primesautier, cru, direct, ce style qu'ils employaient tous à la grande époque les voyageurs, les marins, les hommes d'armes, les découvreurs, ...
B. CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 15.
P. méton. [L'obj. désigne une pers.] (Cf. affadi A 3).
Emploi abs. :
14. Humour : (...) Je me fais une haute idée morale et littéraire de l'humour. L'imagination égare. La sensibilité affadit. L'humour, c'est, en somme, la raison. L'homme régularisé. Aucune définition ne m'a suffi. D'ailleurs, il y a de tout dans l'humour.
J. RENARD, Journal, 1910, p. 1266.
II.— Emploi pronom. S'affadir.
A.— [Le suj. désigne une substance phys.] Perdre sa saveur, devenir insipide. Une sauce qui s'est affadie.
Par métaph., au fig. :
15. Tout poète se moque de nous, mais en se moquant d'abord de lui-même. Suavement, d'ordinaire, et sans qu'il y paraisse trop. Aussi, pour que ne s'affadisse pas, au moins dans l'âme des poètes, le sel indispensable de l'humour, paraissent à point nommé les enfants terribles de la poésie : La Fontaine, après le trop solennel Malherbe; Musset, après les mages romantiques; ...
H. BREMOND, La Poésie pure, 1926, pp. 86-87.
Rem. Sous cette image, ainsi que sous l'ensemble des emplois fig. du verbe pronom., agit, plus ou moins directement, l'image biblique bien connue : MATTHIEU, V, 13 ,,[Jésus à ses disciples] Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s'affadit, avec quoi le salera-t-on? il n'est plus bon qu'à être jeté dehors et piétiné par les hommes.``
B.— Au fig. Devenir fade, perdre toute vigueur, toute originalité.
1. [Le suj. désigne une réalité phys., création de l'esprit hum., notamment dans le domaine des B.-A., de la mus.] :
16. L'orchestre jouait toujours la valse. Cette musique molle, dont le rythme monotone s'affadissait à la longue, redoublait l'exaspération de la jeune femme.
É. ZOLA, La Curée, 1872, p. 567.
17. ... son timbre [le timbre du Cornet] peut-il se comparer à celui de la Trompette, surtout dans le registre aigu, où il s'affadit et se décolore?
Ch.-M. WIDOR, Technique de l'orchestre moderne, 1904, p. 62.
P. méton. [Le suj. désigne un artiste] :
18. L'Angleterre de Shakespeare et des sœurs Brontë, peuplée de fantômes et traversée de sombres ardeurs, n'a jamais eu les peintres qu'elle méritait, même parmi ceux qui, venus de loin comme Van Dyck, munis d'un tempérament fougueux, eussent pu, tels Le Gréco à Tolède, refléter ses vertus et ses vices profonds. Ce Van Dyck qui, jeune, eut des audaces extraordinaires, s'affadit en ce pays respectueux des « apparences » et ne nous laisse aucune page dépassant en intensité les œuvres de ceux qu'il influença. Cette absorption, par un climat spécial, des facultés héroïques des artistes les plus doués, m'apparaît comme un phénomène inexplicable dont l'actuelle exposition, au Louvre, souligne l'étrangeté.
A. LHOTE, Peinture d'abord, 1942, p. 95.
2. [Le suj. désigne une fac. hum. ou une de ses manifestations] :
19. Sa colère peu à peu s'affadissait, et sa trouble rancune lui envoyait au visage des bouffées de sang de plus en plus faibles.
J. RICHEPIN, La Glu, 1881, p. 79.
P. méton. [Le suj. désigne une pers.] :
20. Reste le mal de gorge et reste la toux; mais ce sont mes moindres soucis; pourvu que je rattrape un peu de forces et que je puisse vivre sans me traîner, je suis content. Il n'y a rien de pis que de s'affadir et de se fondre dans un lit. Sans être empereur, je voudrais mourir debout.
M. DE GUÉRIN, Correspondance, 1839, p. 372.
21. Pour les salons, je n'en suis sorti jamais sans trouver mon cœur diminué et refroidi. L'impression qui me reste en sortant d'un salon, c'est le désespoir de la civilisation. Si la civilisation devait fatalement aboutir à cet avortement, si le peuple à son tour, devait s'user de la sorte, et, au bout de quelques siècles, s'affadir au sein de la vanité et du plaisir, Caton aurait raison, il faudrait envisager comme des instruments de mollesse et briser sagement tout ce qui est à nos yeux instrument de culture et de perfectionnement, (...) Rien n'égale, en province surtout, la nullité de la vie bourgeoise, et, je ne vois jamais sans tristesse et sans une sorte d'effroi l'affaiblissement physique et moral de la génération qui s'élève; ...
E. RENAN, L'Avenir de la science, 1890, pp. 466-467.
Prononc. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[], j'affadis []. Enq. :/afadi, afadis/. Conjug. agir. 2. Dér. et composés : affadissant, affadissement. Cf. fade. — Rem. FÉR. Crit. t. 1 1787 propose la graph. afadir avec un seul f.
Étymol. ET HIST. — 1. 1226 « affaiblir, rendre languissant » emploi fig., part. passé (Histoire de Guillaume Le Maréchal, éd. Meyer, 8990, Romania XI, 64 ds T.-L. : forment est amaladiz, Si li est li cuirs [cuers] afadiz K'il ne puet ester ne seier [seeir], Gesir l'estuet par estouver), en ce sens au Moy. Âge seulement; 2. 1558, « rendre fade, sans saveur » (BONAVENTURE DES PERIERS, Nouv. recreat., du bon yvrogne Janicot Milieu ds GDF. Compl. :Sa femme bien souvent... luy beuvoit le vin de sa bouteille, laquelle elle remplissoit d'eau, que le povre Janicot beuvoit en dormant : et bien souvent se resveilloit a ce goust aquactique, qui luy affadissoit toute la bouche); 3. 1611 « causer du dégoût, écœurer » (COTGR. : Affadir. To make or grow tastlesse, wallowish, waterish; weake; unsauorie; witlesse).
Dér. de fade; préf. a-, dés. -ir.
STAT. — Fréq. abs. litt. :32.
BBG. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BOISS.8. — DUP. 1961. — FÉR. 1768.

affadir [afadiʀ] v. tr.
ÉTYM. 1226; de 1. a-, et fade.
1 Vx. Causer à (qqn, son cœur) du dégoût par une sensation de fadeur. Écœurer.
1 Comme il y a de bonnes viandes qui affadissent le cœur, il y a un mérite fade, et des personnes qui dégoûtent avec des qualités bonnes et estimables.
La Rochefoucauld, Maximes, 155, variante.
2 La tarte à la crème m'a affadi le cœur, et j'ai pensé vomir au potage.
Molière, Critique de l'École des femmes, III.
Fig. Inspirer de la répugnance à (qqn). Fatiguer, lasser.
3 Ces gens (…) l'affadissaient,
L'endormaient en contant leur flamme;
Ils déplaisaient tous à la dame.
La Fontaine, Contes, XIII, « Le petit chien ».
2 (XVIe). Mod. a (Concret). Rendre fade, insipide. || Affadir une sauce, un ragoût, en y mêlant quelque chose de trop doux (Académie).
b (Abstrait). Littér. Rendre fade ou plus fade. Affaiblir, décolorer, édulcorer. || La sensiblerie des personnages affadit le sujet.Vx. || Affadir la volonté, le courage. Énerver (vx), amollir.
4 Je gâtai ma pièce (Œdipe), pour leur plaire, en affadissant par des sentiments de tendresse un sujet qui les comporte si peu.
Voltaire, Lettre au P. Porée sur « Œdipe », 7 janv. 1729.
5 Un été orageux sévit, charriant tous les énervements, affadissant toutes les volontés (…)
Huysmans, En route, p. 101.
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s'affadir v. pron.
1 (Concret). Devenir fade, insipide.
2 (Abstrait). Devenir fade, faible; perdre son originalité.
6 De Molière oublié le sel s'est affadi
Voltaire, Épîtres, CL, in Littré.
Au p. p. Qui s'est affadi.
7 J'ai songé à vous, — à vous, jeune ami, affadi là-bas dans vos plaisirs (…)
Sainte-Beuve, Volupté, 16.
8 (Voltaire) écrivain d'un âge énervé et affadi (…)
Hugo, Littérature et Philosophie mêlées, p. 62.
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affadi, ie p. p. adj.
Fade, douceâtre. || Une odeur affadie.Rendu, devenu fade.
9 Ils avaient pour professeurs des hommes brillants d'intelligence qui leur livraient la connaissance dans son intacte splendeur. Mes vieilles institutrices ne me la communiquaient qu'expurgée, affadie, défraîchie. On me nourrissait d'ersatz et on me retenait en cage.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, p. 123.
CONTR. Assaisonner, pimenter, relever. — Raffermir.
DÉR. Affadissant, affadissement.

Encyclopédie Universelle. 2012.