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ÉQUILIBRE
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La notion d’équilibre a une puissance heuristique exceptionnelle. Il n’est pas de régions d’objectivité où elle ne se retrouve. Si elle joue un rôle fondamental dans l’ensemble des sciences de la nature, elle est aussi centrale dans les sciences sociales. Bien plus, il se peut qu’elle constitue l’objet propre, tant des savoirs portant sur les normes (depuis la gymnastique jusqu’à la médecine ou à la psychanalyse) que de ceux portant sur les valeurs (esthétique, éthique, religion, etc.). Il s’agit donc d’une notion à vocation transdisciplinaire. Elle semble subsumer sous un même idéal d’intelligibilité des recherches qui vont de l’étude des systèmes aux déterminismes les plus rigoureux — et, à la limite, des systèmes formels eux-mêmes — jusqu’aux approches des ensembles flous de préceptes des conduites humaines. Toutefois, une telle étendue de significations possibles ne va pas sans poser de nombreux problèmes, et on peut se demander quelle unité objective désigne une telle notion, si ce n’est une unité d’ordre purement métaphorique, à valeur de connaissance très pauvre. Pourtant, les systèmes physiques ou chimiques, les organisations biologiques ou sociales aussi bien que les structures symboliques et imaginaires peuvent être comprises effectivement comme autant de diverses modalités d’une condition générale d’équilibre, condition qui leur attribue, tout à la fois, les lois de leur stabilité comme les raisons de leurs devenirs.

C’est sur la base d’un tel constat que l’épistémologue Jean Piaget a fait l’hypothèse d’un processus général d’équilibration, qui correspondrait au principe d’organisation immanent en toute genèse de structures matérielles ou formelles. Cette hypothèse de Piaget a fait l’objet de très nombreuses critiques. Par exemple, sur le plan psychologique, il lui a été reproché de renforcer, par cette insistance sur les critères d’équilibre, l’aspect normatif de la psychologie cognitive (J. Nuttin, R. Zazzo...). Sur le plan épistémologique, nombreux sont ses détracteurs qui, précisément, dénoncent l’extrême généralité d’un tel point de vue, qui met trop facilement en correspondance des niveaux de réalité, au lieu d’en voir au contraire les spécificités irréductibles les unes aux autres (S. Toulmin, J. Fodor). Il n’en reste pas moins que cette hypothèse d’un processus général d’équilibration, qui sous-tend toute l’œuvre de Piaget, semble effectivement la plus plausible pour rendre compte de la complexification croissante des niveaux d’organisation où se déploient les objets, autant que des filiations par stades d’intégration des structures cognitives du sujet. Toutefois, l’hypothèse d’un processus universel d’équilibration présente des difficultés. En effet, n’ayant ni abordé la question d’une approche historique de la notion d’équilibre elle-même, ni étudié ses ancrages dans des champs tels que l’esthétique, l’éthique, le politique, le psychanalytique, etc., et encore moins approfondi le rôle symbolique de cette notion et son universalité dans d’autres cultures, Piaget ne s’est pas donné les armes philosophiques nécessaires pour répondre à ses détracteurs. Il a reçu la notion d’équilibre comme telle, d’une façon non critique, et a construit à partir d’elle des modèles et des concepts importants. Mais il n’a pas approfondi la signification humaine que revêt cette notion, et qui est susceptible précisément de fonder son universalité comme de rendre compte de sa dimension interdisciplinaire.

Sans revenir sur les aspects cognitifs, catégoriaux et épistémique de la notion d’équilibre, il est possible d’ouvrir l’hypothèse, qui est d’ordre épistémologique, sur un questionnement plus général des rapports qui, par l’être humain, relient la logique structurale des formes naturelles à ce qu’il faudrait appeler un idéal universel d’équilibre. De fait, la notion d’équilibre semble pourvue d’un extraordinaire pouvoir de prégnance sur l’imaginaire humain.

Sous des formes et des contenus très variés, les modèles d’équilibre se retrouvent régulièrement réinvestis dans l’histoire de la pensée. À travers eux, la notion d’équilibre joue sur des registres très différents et s’intègre dans des représentations du monde apparemment incommensurables (par exemple, le modèle «isonomique» de la cité grecque, ou le modèle de concurrence de la sélection darwinienne). Sur la base de l’histoire des sciences, Gérard Holton a pu faire de l’équilibre un des themata de l’imagination scientifique. Bien que cette analyse soit juste du point de vue où cet auteur se place, elle reste insuffisante. Derrière l’idée d’équilibre, un enjeu humain autrement plus important se fait jour. Elle schématise, à travers les différentes représentations imaginaires qu’elle suscite, une exigence a priori de notre connaissance.

L’équilibre désigne tout le jeu d’images qui réalise le passage de l’un à l’autre et fonde une représentation du monde. C’est comme idéal qu’il régule a priori, à travers son champ imaginaire, l’intersubjectivité propre à une époque, une culture, une unité de connaissance. Mais ce serait manquer sa problématique que de réduire cette fonction régulatrice de l’imaginaire collectif à un simple phénomène d’«idéologie» — et c’est là que l’œuvre de Piaget, et son hypothèse d’un processus général d’équilibration, retrouve toute sa portée philosophique et son fondement. L’équilibre est l’expression imaginaire de notre pouvoir naturel d’auto-organisation. C’est à travers cet idéal que les dimensions individuelles et collectives des connaissances se dialectisent et que s’accomplit le processus d’individuation psychique, comme lente approche d’un centre d’équilibre entre les contraires.

équilibre [ ekilibr ] n. m.
equalibre n. f. « force égale » 1544; lat. æquilibrium, de libra « balance »
Égalité de force entre deux ou plusieurs choses qui s'opposent; état de repos de ce qui est soumis à de telles forces.
1Sc. Le fait, pour plusieurs forces agissant simultanément sur un système matériel, de ne modifier en rien son état de repos ou de mouvement; état d'un système matériel soumis à l'action de forces quelconques, lorsque toutes ses parties demeurent au repos. Équilibre des forces. statique. Forces en équilibre. Équilibre d'un point matériel libre (la résultante des forces appliquées à ce point étant nulle), d'un point mobile sur une surface (la résultante des forces étant nulle ou normale à la surface). Équilibre stable, tel que le système matériel, légèrement écarté de sa position, tende à y revenir par de petites oscillations. Équilibre instable, dans lequel le corps, écarté de sa position, se met en équilibre dans une position différente. Équilibre indifférent, dans lequel le corps, écarté de sa position, reste en équilibre dans sa nouvelle position. « Traité de l'équilibre des liqueurs », de Pascal (1663). hydrostatique.
Chim. État d'une substance dont la composition ne varie pas, soit qu'aucune réaction chimique n'apparaisse, soit que deux réactions inverses se produisent à la même vitesse et s'annulent. Réaction d'équilibre (notée ⇄ ). Équilibre métastable : état apparent d'équilibre pouvant cesser sous l'action d'un catalyseur.
Phys. Équilibre dynamique, entre deux processus opposés qui s'accomplissent à la même vitesse, laissant le système inchangé. Équilibre radioactif, d'une substance dont la désintégration donne un nouveau produit radioactif (lorsqu'il y a autant d'atomes formés que d'atomes détruits).
2Cour. Attitude ou position stable. Équilibre du corps. aplomb, assiette, attitude. Garder l'équilibre. Perdre l'équilibre, son équilibre. chanceler, pencher, 1. tomber. « Le coup de tête dans l'estomac lui fit perdre l'équilibre » (Aragon). Troubler, rompre l'équilibre de qqch. Équilibre instable. porte-à-faux. Rétablir l'équilibre. — EN ÉQUILIBRE. Être, mettre en équilibre. équilibrer. Marcher en équilibre sur une poutre, sur un fil de fer. Tenir en équilibre. Pile de livres en équilibre, en équilibre instable.
Spécialt Tour, exercice d'équilibre ( équilibriste) . Équilibre sur les mains. Danse Position du corps reposant sur un seul pied. Équilibre sur pointe, sur demi-pointe.
Physiol. Sens de l'équilibre : ensemble d'impressions et de sensations fournies par la vision, l'appareil vestibulaire de l'oreille interne et la sensibilité interne, qui permettent à l'individu de se maintenir et de se mouvoir normalement. Troubles de l'équilibre.
3Rapport convenable, proportion heureuse entre des éléments opposés ou juste répartition des parties d'un ensemble; état de stabilité ou d'harmonie qui en résulte. accord, 1. balance, harmonie, pondération. « L'amour durable est celui qui tient toujours les forces de deux êtres en équilibre » (Balzac). Faire, rétablir l'équilibre : rendre les choses égales. Cela fait équilibre. compenser, contrebalancer.
(Abstrait) « ses œuvres les plus parfaites, celles qui réalisent le mieux l'équilibre de ses passions et de sa volonté » (R. Rolland).
Polit., écon., fin. Le monde moderne « doit atteindre un certain équilibre politique, culturel et économique » (Valéry). L'équilibre des pouvoirs dans la Constitution. Équilibre entre les États, les nations d'un continent, du monde. Équilibre européen. L'équilibre des forces en présence. Équilibre de la terreur : paix maintenue entre deux ou plusieurs nations par la crainte réciproque des armes nucléaires ( dissuasion) . — Équilibre entre la production et la consommation. Équilibre de la balance commerciale. Équilibre de la balance des paiements. Équilibre budgétaire. Rétablir l'équilibre entre les recettes et les dépenses ( rééquilibrer) . Équilibre économique.
4Harmonie entre les tendances psychiques qui se traduit par une activité, une adaptation normales ( équilibré). C'est un homme très intelligent, mais il manque d'équilibre. Il a perdu son bel équilibre ( déstabiliser) . Facteur d'équilibre. Conserver, reprendre, retrouver son équilibre. 1. calme, sérénité. « cet équilibre physique et moral qu'elle avait mis des années à conquérir » (Martin du Gard). On craint pour son équilibre mental. raison.
5Répartition des lignes, des masses, des pleins et des vides; agencement harmonieux (d'une œuvre d'art, d'un ouvrage d'architecture). eurythmie, proportion, symétrie. Équilibre des masses, des volumes. Équilibre d'un tableau. « cet équilibre de ligne, très distinct de l'équilibre de proportion » (Hugo).
⊗ CONTR. Déséquilibre, instabilité. Disproportion.

équilibre nom masculin (bas latin aequilibrium, du latin classique aequus, égal, et libra, balance) État de repos, position stable d'un système obtenus par l'égalité de deux forces, de deux poids qui s'opposent : Mettre les plateaux d'une balance en équilibre. État de quelqu'un, d'un animal qui maîtrise sa position et ses mouvements, qui ne tombe pas : Avoir peine à garder son équilibre. Juste proportion entre des éléments opposés, entre des forces antagonistes, d'où résulte un état de stabilité, d'harmonie : Une période d'équilibre politique. Juste répartition des éléments d'un tout : Équilibre de l'alimentation. Rapport d'harmonie entre les tendances psychiques, les rythmes ou les domaines d'activité de quelqu'un : Dans ces circonstances difficiles, il a su garder un bel équilibre. Chimie État d'un système de corps dont la composition ne varie pas. (L'équilibre peut résulter d'une absence de réaction chimique ou de l'existence de deux réactions inverses se produisant avec la même vitesse.) Chorégraphie Pose acrobatique tenue en général la tête en bas, le corps dressé à la verticale, la tête et les mains servant de point d'appui au sol. Cirque Exercice consistant soit à conserver immobile son corps placé en position instable, soit à maintenir stables des objets étagés d'une manière apparemment fragile. Économie Situation d'une économie caractérisée par l'égalité entre les volumes d'offre et de demande sur les marchés des marchandises, des capitaux, du travail. Pédologie Résultat des interactions complexes des différents facteurs du milieu (climat, végétation, êtres vivants et facteurs physiques locaux tels que la topographie) sur le milieu minéral, qui aboutissent aux sols naturels. ● équilibre (citations) nom masculin (bas latin aequilibrium, du latin classique aequus, égal, et libra, balance) Maurice Barrès Charmes, Vosges, 1862-Neuilly-sur-Seine 1923 […] le magnifique équilibre des imbéciles. Stanislas de Guaita Plon Jean Grenier Paris 1898-Dreux 1971 Il est aussi noble de tendre à l'équilibre qu'à la perfection ; car c'est une perfection que de garder l'équilibre. Nouveau Lexique Gallimardéquilibre (expressions) nom masculin (bas latin aequilibrium, du latin classique aequus, égal, et libra, balance) En équilibre (instable), dans une position qui risque d'entraîner la chute, à la limite de la stabilité. Équilibre de la terreur, maintien de la paix entre des pays par crainte mutuelle de leurs armes nucléaires. Faire équilibre à, contrebalancer : Faire équilibre à un pouvoir trop absolu. Rétablir l'équilibre, remettre les choses égales. Équilibre naturel, état d'un écosystème dont la biocénose reste sans grand changement pendant longtemps. Équilibre budgétaire, principe selon lequel les recettes (ressources fiscales) et les dépenses sont égales. Équilibre radioactif, état de deux radioéléments en filiation radioactive, tel que le rapport des activités de ces deux éléments est constant dans le temps. Théorie de l'équilibre, théorie, due à Fritz Heider (1946), qui repose sur le postulat que les individus ont tendance à développer une vue et un jugement cohérents de leur environnement. ● équilibre (synonymes) nom masculin (bas latin aequilibrium, du latin classique aequus, égal, et libra, balance) État de repos, position stable d'un système obtenus par l'égalité...
Contraires :
- déséquilibre
État de quelqu'un, d'un animal qui maîtrise sa position et...
Synonymes :
- aplomb
- assiette
Rapport d'harmonie entre les tendances psychiques, les rythmes ou les...
Synonymes :
- calme
- paix
- sérénité
- tranquillité
Chorégraphie. Pose acrobatique tenue en général la tête en bas, le...
Synonymes :
- poirier

équilibre
n. m.
d1./d état d'un corps en repos, sollicité par des forces qui se contrebalancent.
|| CHIM Mélange de plusieurs corps dont la composition ne varie pas, par absence de réaction ou du fait de la présence de deux réactions inverses de même vitesse.
|| GEOMORPH Profil d'équilibre: courbe de descente définitivement décrite, de la source à l'embouchure, par un fleuve qui n'alluvionne pas.
|| ECON, FIN équilibre entre la production et la consommation. équilibre des échanges extérieurs. équilibre budgétaire.
d2./d Position d'une personne qui se maintient sans tomber. Se tenir en équilibre sur les mains. Perdre l'équilibre.
d3./d Fig. Disposition, arrangement de choses différentes ou opposées, harmonieusement combinées. L'équilibre d'une composition artistique.
d4./d Harmonie psychique, santé mentale.

⇒ÉQUILIBRE, subst. masc.
A.— Usuel.
1. Attitude ou position stable (généralement verticale pour le corps humain) d'un corps ou d'un objet dont le poids est partagé également des deux côtés d'un point d'appui, de sorte que ce corps ou cet objet ne bascule ni d'un côté ni de l'autre. Manquer d'équilibre, rattraper son équilibre; sens, troubles de l'équilibre. Synon. aplomb, assiette. Transformer une carrière et une forêt, en édifice, en équilibres magnifiques (VALÉRY, Eupalinos, 1923, p. 137). Ses mains s'activèrent pour rétablir l'équilibre de son petit chapeau (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 93).
P. métaph. La dame continuait à tenir en équilibre instable son sourire (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 424) :
1. ... il [Fiodor] aura mis la maison sens dessus dessous. D'ailleurs, pauvre maison, elle est toujours sens dessus dessous... Telle est la nature de son équilibre, on n'arrivera pas à la mettre d'aplomb tout à fait, c'est une habitude à prendre. Je finirai par marcher exprès la tête en bas...
BERNANOS, Joie, 1929, p. 672.
Locutions
adv. En équilibre, plus rarement d'équilibre. Dans une position parfois difficile, précaire, mais stable. Quartiers de rochers en équilibre sur leurs angles (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 360). L'impossibilité physique, (...) de mettre un cône pesant en équilibre sur sa pointe, quoique l'équilibre soit mathématiquement possible (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 44). Femmes qui portent une cruche d'argile en équilibre au-dessus du front (BENDA, Trahis. clercs, 1927, p. 299). V. chavirer A 2, cit. de Musset :
2. Les nageoires pectorales et ventrales ne paroissent pas être d'un grand usage dans le mouvement progressif des poissons; mais ils s'en servent pour se tenir en équilibre et en repos, en les étendant chaque fois qu'il faut corriger une vacillation.
CUVIER, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 507.
verbale. Perdre l'/son équilibre. Pencher exagérément d'un côté, au risque de tomber. Il perdit l'équilibre, faillit s'étaler (ZOLA, Terre, 1887, p. 66). L'ivrogne, perdant l'équilibre, oscillait sur sa chaise (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Champ d'oliv., 1890, p. 97).
En partic., domaine du spectacle. Dans une attraction de cirque ou de music-hall, performance d'une personne (parfois d'un animal) réussissant à se tenir ou à faire tenir des objets dans cette position. (Quasi-)synon. acrobatie. Tour d'adresse des jongleurs et (...) équilibres des funambules (CHATEAUBR., Polém., 1818-27, pp. 319-320). Faire des tours d'équilibre avec une queue de billard et deux boules (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 5).
P. métaph. [Mr Balfour] parvint, par des prodiges d'équilibre, à se maintenir encore toute une année sur la corde raide (MAUROIS, Édouard VII, 1933, p. 169). J'abordai cette carrière inconfortable où je suis, m'engageant avec innocence sur un fil d'équilibre où j'avance péniblement (CAMUS, Env. et endr., 1937, p. 14).
2. P. anal. ou au fig.
a) Juste rapport, proportion harmonieuse entre des éléments opposés ou convenable pondération des parties d'un ensemble; p. méton. état de stabilité qui en résulte. Équilibre harmonieux, heureux, parfait, précaire; juste, nouvel équilibre; équilibre des traits. Plus que la rareté de chacun des détails, il goûtait l'équilibre de leur ensemble, l'harmonie, l'ordre, le mariage de cette riche diversité (BARRÈS, Cahiers, t. 3, 1904, p. 247). Tout commerce entre deux humains est un difficile équilibre (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 894). V. bride ex. 3 :
3. Il faut donc conclure que la réalité consiste en un état d'équilibre entre deux forces, dont l'une tend à disjoindre et à diviser sans cesse le continu et l'homogène, dont l'autre s'oppose à ce travail de disjonction, s'efforce de maintenir assemblés, de soustraire à la possibilité d'une division nouvelle les états fragmentaires déterminés déjà par la force adverse parmi la trame du continu.
GAULTIER, Bovarysme, 1902, p. 273.
4. En remontant chez moi pour y passer la soirée à travailler de mon mieux, je me disais que le monde n'est pas construit pour l'équilibre. Le monde est désordre. L'équilibre n'est pas la règle, c'est l'exception. Et je faisais le serment de travailler pour l'ordre et l'équilibre.
DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 167.
Faire équilibre. Opposer une force morale ou une personne à une autre pour la contrebalancer. Synon. faire contrepoids. [L'aristocratie] a fait équilibre à la royauté; elle a été contrepoids (HUGO, Homme qui rit, t. 3, 1869, p. 127). Compter sur Giraud pour faire équilibre à de Gaulle (DE GAULLE, Mém. 1956, p. 161).
Rem. On rencontre, notamment ds le domaine esthétique, un emploi péj. dans lequel l'équilibre est conçu comme un état statique en conflit avec la transgression créatrice de l'artiste. La beauté ne saurait naître que d'un déséquilibre, et elle évite l'équilibre, lequel engendre la mort (COCTEAU, Poés. crit. I, 1959, p. 121).
b) En partic.
Domaines de l'activité intellectuelle et psychique
♦ Domaines intellectuel et moral. État du cœur et de l'esprit quand aucun trouble intérieur ou extérieur ne gêne leur fonctionnement normal. Équilibre intérieur, intellectuel, moral; (re)trouver son équilibre. Synon. calme, sérénité, tranquillité. Une santé d'esprit, un équilibre de toutes ses facultés, qui lui causait une volupté physique (ROLLAND, J.-Chr., Matin, 1904, p. 210). Cet équilibre physique et moral qu'elle avait mis des années à conquérir (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 174). V. conflit ex. 6.
♦ Domaine psychique. État de psychisme dont la structure et le fonctionnement ne sont gênés par aucun trouble intérieur; ,,Caractère harmonieux, sans prédominance aucune, sans névrose`` (ANCELIN 1971). (Quasi-) synon. bon sens, raison. Anton. démence, folie. Cet équilibre que nous appelons la raison (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 210). Un acte qui fait douter de ton équilibre (JAMMES, Corresp. [avec Gide] ds CLAUDEL-GIDE, Corresp. 1899-1926, p. 227).
Domaine des arts et des lettres
ARTS PLASTIQUES et MUS. Répartition heureuse, distribution harmonieuse de la composition d'une œuvre. Tel est l'équilibre du nu sculpté qu'il n'y a plus de centre, mais que chaque partie obéit à toutes (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 233). Sobre majesté des parfaits équilibres du Poussin (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 80). Cette espèce [de contrepoint, à savoir le fleuri] est très facile à écrire si l'on n'a cure de rythmes harmonieux, et si l'on procède au hasard sans se soucier de l'équilibre des rythmes ni de la musicalité de l'ensemble (KOECHLIN, Règles contrepoint, 1926, p. 41).
LITT. Qualité d'un ouvrage, d'un style, d'une expression, résultant de l'agencement heureux de la composition ou d'une parfaite maîtrise des possibilités de la langue. Fixer par ce chef-d'œuvre [Les Provinciales] l'équilibre de la prose française (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 122).
B.— Emplois spéc.
1. SC. DE LA NATURE
a) MÉCAN. et PHYS. Fait, pour plusieurs forces ou actions agissant sur un système, de se contrebalancer exactement, ne modifiant en rien son état de repos ou de mouvement; p. méton. situation d'un système soumis à ces forces ou actions et qui reste dans l'état. Anton. déséquilibre. Balance dont les deux plateaux sont en équilibre (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 38). Déterminer les conditions d'équilibre d'un corps soumis à diverses forces de contact (F. PERRIN, Dyn. relativ., 1932, p. 4). V. accélération ex. 12 :
5. La propriété principale de l'équilibre qui constitue un corps est l'élasticité. Elle dépend d'un état de tension qui se produit et s'établit de proche en proche, entre les molécules liées qui viennent à subir une action extérieure, choc, pression ou traction, tant que des limites, d'ailleurs très-variables, ne sont pas dépassées.
RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. 57.
6. ... pour un physicien la place qu'occupe la plus petite balle de sureau s'explique par le conflit ou l'équilibre de lois d'attraction et de répulsion qui gouvernent des mondes bien plus grands.
PROUST, Prisonn., 1922, p. 213.
Équilibre stable. Équilibre qui tend à se rétablir spontanément lorsqu'il est légèrement troublé. Anton. équilibre instable, non stable. L'équilibre est stable dans les positions où le centre de gravité du système est le plus bas, et l'équilibre n'est pas stable, dans les positions où ce centre est le plus haut (POISSON, Mécan., t. 2, 1811, p. 299).
P. métaph. Quatre-vingts ministres essayèrent en vain de tenir en équilibre la bascule royale (VIGNY, Mém. inéd., 1863, p. 76).
PHYS. NUCL. Équilibre radioactif. ,,État atteint par une substance radioactive dont la désintégration donne un nouveau produit radioactif, lorsque le nombre d'atomes formé pendant chaque intervalle de temps est égal au nombre d'atomes disparus`` (UV.-CHAPMAN 1956). Courbe obtenue avec le radium en équilibre radioactif (Mme P. CURIE, Radioactiv.. t. 2, 1910, p. 109).
SYNT. Équilibre des forces, d'un système; point, position, rétablissement, rupture d'équilibre; assurer, chercher, conserver, détruire, maintenir, réaliser, troubler l'équilibre.
b) CHIM. et THERMODYNAMIQUE. ,,État d'un corps ou d'un système de corps qui dépendent des conditions de leur milieu (température, pression, etc.) d'une façon telle qu'à chaque état défini de ces conditions, appelées facteurs de l'équilibre, corresponde un état déterminé et toujours le même du corps ou du système considérés, quel que soit le sens dans lequel s'est effectuée la variation du milieu`` (LAL. 1968). Équilibre de température; équilibre adiabatique. Pour exprimer l'équilibre thermodynamique, on doit égaler les énergies émises et absorbées en moyenne par seconde (L. DE BROGLIE, Théorie quanta, 1959, p. 84). L'équilibre thermique tend à se rétablir horizontalement grâce aux vents, et verticalement grâce aux ascendances (Jeux et sp., 1968, p. 1619).
c) BIOCHIMIE et PHYSIOL. Fait, pour plusieurs constituants d'un corps, d'être en proportion constante; p. méton. état d'un corps dont les constituants restent en proportion constante. Équilibre organique; maintien de l'équilibre. Équilibre du carbone et de l'azote dans les animaux (C. BERNARD, Notes, 1860, p. 54). Ces substances qui deviennent de violents poisons sitôt que leur équilibre chimique est rompu (BERNANOS, Imposture, 1927, p. 370). V. antigène ex. 1.
Vx. Équilibre des humeurs. Exacte distribution des humeurs dans l'organisme, facteur de santé. Ces effets [de l'eau carminative] annoncent toujours en l'homme un équilibre parfait entre les humeurs (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 48).
d) BIOL. et ÉCOLOGIE. Situation dans laquelle les interactions entre la flore et la faune, le sol et la végétation d'un milieu donné sont telles que la structure et le fonctionnement de ce milieu restent constants. Équilibre biologique :
7. Du reste, la nature est si loin de partager nos préjugés, nos dégoûts, nos peurs enfantines, qu'elle semble soigner et protéger spécialement les espèces rongeuses qui contrarient l'économie de nos petites cultures, mais qui ailleurs l'aident utilement à maintenir l'équilibre des espèces et à combattre l'encombrement végétal de certains climats.
MICHELET, Insecte, 1857, p. 9.
2. SC. HUM.
a) Domaine de l'activité écon. et pol.
ÉCONOMIE
ÉCON. FIN. Équilibre d'un budget; équilibre budgétaire, financier. Situation dans laquelle les dépenses d'un budget annuel sont entièrement couvertes par les recettes. Proclamer tous les ans l'équilibre d'un budget, qui n'a jamais été équilibré depuis qu'il existe (GONCOURT, Journal, 1864, p. 5). Assurer l'équilibre de son budget sans faire appel à des subventions étrangères (Civilis. écr., 1939, p. 3806).
ÉCON. POL. Situation dans laquelle le déficit ou l'excédent du commerce international sont équivalents. Équilibre des échanges internationaux. Le rétablissement de notre équilibre économique et monétaire (DE GAULLE, Mém., 1954, p. 21). L'équilibre de la balance touristique des pays européens (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p. 268).
POLITIQUE
POL. INTÉRIEURE. Équilibre des pouvoirs. Situation dans laquelle les pouvoirs politiques d'un pays se pondèrent et se contiennent mutuellement, de façon à exclure la prédominance de l'un d'eux. Décret absurde qui transformait l'équilibre des pouvoirs en hostilités réciproques (STAËL, Consid. Révol. fr., 1817, p. 275).
POL. INTERNAT. Situation dans laquelle des États limitent et contiennent leurs influences ou leurs pouvoirs de façon qu'aucun d'eux n'ait une prépondérance particulière ou qu'ils soient solidaires en cas de nécessité. Il existait alors en Europe un équilibre de forces; mais la paix d'aujourd'hui ne fait songer qu'à une sorte d'équilibre de faiblesses, nécessairement plus instable (VALÉRY, Regards sur monde act., 1931, p. 30). On a dû rarement observer dans l'histoire du monde un changement aussi brusque dans l'équilibre des forces (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 58) :
8. Le propre de l'équilibre européen, c'est d'établir entre les divers états une solidarité telle, que, le plus grand se trouvant menacé dans le péril des moindres, tous les forts sont engagés, non par vertu, mais par égoïsme (ce qui est plus sûr), à la défense de tous les faibles.
A. DE BROGLIE, Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 53.
Équilibre de la terreur. ,,Principe de stabilité fondé sur l'espoir que la terreur qu'inspirent les armes nucléaires dissuadera les adversaires d'en faire usage`` (GILB. 1971).
b) Domaine de la géogr. hum.
DÉMOGR. Situation dans laquelle la population d'un pays est en harmonie avec les ressources du pays considéré. Équilibre de population, écueil de nos économistes (FOURIER, Nouv. monde industr., 1830, p. 32).
GÉOGR. et AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. Métropole d'équilibre.
SOCIOL. Équilibre social. ,,État d'intégration dans lequel les tendances compétitives ou antagonistes se compensent réciproquement`` (WILLEMS 1970). Il est impossible que les peuples les plus forts ne tendent pas à s'incorporer les plus faibles (...); c'est une loi mécanique de l'équilibre social non moins nécessaire que celle qui régit l'équilibre des liquides (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 332).
Rem. Équilibre est utilisé le plus souvent au sing.; on le rencontre parfois au plur. au sens usuel pour marquer un effet de style (cf. supra A 1, citat. de Valéry) et dans les domaines sc. ou économique.
Prononc. et Orth. :[]. Cf. équi-. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1544 « équivalence, égalité » equalibre (MAURICE SCÈVE, Delie, 419 ds HUG.); a) 1611 « égalité de poids » equilibre (COTGR.); b) spéc. 1663 (PASCAL, Traité de l'équilibre des liqueurs); 2. 1748 domaine pol. (MONTESQUIEU, Esprit des Lois, XIII, 17, note ds DG). Empr. au lat. impérial aequilibrium « exactitude des balances, équilibre » composé de aequus « égal » et libra « balance ». Fréq. abs. littér. :2 926. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 441, b) 2 357; XXe s. : a) 3 548, b) 6 964. Bbg. BAUDEZ (J.). Le Cirque et son lang. Vie Lang. 1962, p. 509. — JOURJON (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. et Litt. 1915-1916, t. 29, p. 63.

équilibre [ekilibʀ] n. m.
ÉTYM. V. 1540, équalibre; lat. æquilibrium, de æquus « égal », et libra « balance ».
Égalité de force entre deux ou plusieurs choses qui s'opposent; état de repos de ce qui est soumis à de telles forces.
1 Sc. Le fait, pour plusieurs forces agissant simultanément sur un système matériel, de ne modifier en rien son état de repos ou de mouvement; état d'un système matériel soumis à l'action de forces quelconques, lorsque toutes ses parties demeurent au repos. || Équilibre des forces. Statique. || Forces en équilibre. || Faire équilibre à : équilibrer. || Poids qui se font équilibre, sur les plateaux d'une balance. Égalité. || Poids qui fait équilibre à un autre. Contrepoids. || Équilibre d'un point matériel libre (la résultante des forces appliquées à ce point étant nulle), d'un point mobile sur une surface (la résultante des forces étant nulle ou normale à la surface). || Équilibre d'un corps solide. || Équilibre stable, tel que le système matériel légèrement écarté de sa position, tende à y revenir par de petites oscillations ( Stabilité). || Équilibre instable, dans lequel le corps, écarté de sa position, se met en équilibre dans une position différente. || Équilibre indifférent, dans lequel le corps, écarté de sa position, reste en équilibre dans sa nouvelle position.En équilibre (→ ci-dessous, 2.). || Une sphère homogène placée sur un plan horizontal est en équilibre indifférent. Astatique.Équilibre d'un appareil d'aviation. Équilibrage, sustentation. || Équilibre des liquides. Hydrostatique. || Traité de l'Équilibre des liqueurs, de Pascal (1663).
1 Si l'on a bien compris, dans le Traité de l'Équilibre des liqueurs, de quelle manière elles font impression par leur poids contre tous les corps qui y sont, on n'aura point de peine à comprendre comment le poids de la masse de l'air, agissant sur tous les corps, y produit tous les effets qu'on avait attribués à l'horreur du vide (…)
Pascal, Traité de la pesanteur…, II, 2.
2 Deux corps étant en équilibre en l'air, ne le sont point dans l'eau (…) deux corps, l'un de cuivre, l'autre de plomb, étant également pesants, et par conséquent de différent volume (…) on les trouvera en équilibre, en les mettant chacun dans un bassin (plateau) de balance : mais si on met cette balance dans l'eau, ils ne sont plus en équilibre (…)
Pascal, Traité de l'équilibre des liqueurs, V.
3 Tous les géomètres conviennent que deux corps dont les directions sont opposées, se font équilibre quand leurs masses sont en raison inverse des vitesses avec lesquelles ils tendent à se mouvoir (…) il n'y a qu'un seul cas où l'équilibre se manifeste d'une manière claire et distincte; c'est celui où les masses de deux corps sont égales, et leurs vitesses égales et opposées. Le seul parti qu'on puisse prendre (…) pour démontrer l'équilibre dans les autres cas, est de les réduire (…) à ce premier cas simple et évident…
d'Alembert, Traité de dynamique, Introd.
Équilibre électrique. Électricité (statique), électrostatique.
(1877). Chim. || Équilibre (chimique), équilibre dynamique ou mobile : état qui existe lorsque les substances primitives réagissent à la même vitesse que les substances nouvelles réagissant entre elles pour reformer les premières. || Réaction d'équilibre, où la réaction directe est limitée par une réaction inverse qui atteint la même vitesse. || La réaction d'équilibre est une réaction réversible (notation ⇄). || La dissociation est une réaction d'équilibre. || Équilibre réel; faux équilibre ou équilibre métastable : état apparent d'équilibre pouvant cesser sous l'action d'un catalyseur, etc. (→ Contrainte chimique).Équilibre d'un mélange.
tableau Vocabulaire de la chimie.
Phys. || Équilibre radioactif : équilibre d'une substance dont la désintégration donne un nouveau produit radioactif (lorsqu'il y a autant d'atomes formés que d'atomes détruits).
(1690). Biol. || Équilibre des constituants d'un liquide organique, du sang ( Crase).Vx. || Équilibre des humeurs.
Météor. || Équilibre adiabatique.
2 Cour. Attitude ou position stable. || Équilibre du corps. Aplomb (cit. 3), assiette, attitude (→ Danse, cit. 16). || Garder l'équilibre. || L'équilibre de qqn. || Perdre l'équilibre, son équilibre : chanceler, choir (cit. 4), pencher, tomber, trébucher, vaciller. || Retrouver son équilibre. || Troubler, rompre l'équilibre de quelque chose.
4 (…) pour tirer un coup de pistolet à la figure de ce géant, il a bien fallu me pencher en avant et m'élever sur l'étrier; aussi ai-je un peu perdu l'équilibre; mais je crois qu'il est par terre aussi.
A. de Vigny, Cinq-Mars, IX.
5 Respellière (…) fonça tout à coup sur le soldat. François l'évita mal, et le coup de tête dans l'estomac lui fit perdre l'équilibre.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XXVII, p. 186.
6 Cependant que l'acrobate est en proie à l'équilibre le plus instable, nous faisons un vœu. Et ce vœu est étrangement double et nul. Nous souhaitons qu'il tombe, et nous souhaitons qu'il tienne.
Valéry, Autres rhumbs, p. 242.
6.1 Derrière l'enfant, l'homme à la béquille a cessé à son tour tout mouvement; il est penché en avant, le dos courbé, dans un équilibre qui paraît précaire, rendu possible par la béquille tenue oblique pour étayer le corps et serrée fermement dans la main (…)
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 92.
Loc. adv. En équilibre. || Être, mettre en équilibre. Équilibrer. || Marcher en équilibre sur une poutre, sur un fil de fer.Pile de livres, château de cartes en équilibre, en équilibre instable.
(1762). Spécialt. || Tour, exercice d'équilibre ( Acrobatie; équilibriste).Danse. Position du corps reposant sur un seul pied. || Équilibre sur pointe, sur demi-pointe (→ Chorégraphique, cit.).
Physiol. || Sens de l'équilibre, ensemble d'impressions et sensations fournies par la vision, l'appareil vestibulaire de l'oreille interne et la sensibilité interne, qui permettent à l'individu de se maintenir et de se mouvoir normalement ( aussi Équilibration).
3 (Déb. XVIIIe). Rapport considéré comme bon, proportion considérée comme exacte entre des choses opposées; état de stabilité ou d'harmonie qui en résulte. Accord, balancé, balancement, harmonie, pondération. || L'équilibre des forces en présence (→ Balancer, cit. 13; cohésion, cit. 4). || Faire l'équilibre, rétablir l'équilibre : rendre les choses égales. || Cela fait équilibre. Compenser, contrebalancer. || Leur amour avait trouvé un équilibre (→ Palier, cit. 3). || Équilibre entre deux personnes, deux êtres (→ Bout, cit. 36).
7 Arriver à un certain état d'équilibre entre le crime et la vertu (…)
Massillon, Carême, Sur la tiédeur…, II, in Littré.
8 (…) l'un jouit du bonheur d'aimer, l'autre de celui de plaire, un peu moins vif à la vérité, mais auquel se joint le plaisir de tromper, ce qui fait équilibre.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CXXXI.
8.1 (…) une action et une réaction perpétuelles, une foule de vices et de vertus, un parfait équilibre en un mot résultant de l'égalité du bien et du mal sur la terre; équilibre essentiel au maintien des astres, à la végétation, et sans lequel tout serait à l'instant détruit.
Sade, Justine…, t. I, p. 199.
9 (…) l'ingratitude vient peut-être de l'impossibilité où l'on est de s'acquitter. La femme qui aime plus qu'elle n'est aimée sera nécessairement tyrannisée. L'amour durable est celui qui tient toujours les forces de deux êtres en équilibre.
Balzac, Physiologie du mariage, Pl., p. 672.
10 L'équilibre est la loi suprême et mystérieuse du grand Tout.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, VI.
11 Si ton ami boite du pied droit, boite du gauche, pour que votre amitié reste dans un équilibre harmonieux.
J. Renard, Journal, 10 mai 1906.
12 Qu'est donc l'équilibre d'un organisme en mouvement, sinon une lutte perpétuelle pour rétablir le jeu des forces contraires et pour créer un accord d'autant plus beau qu'il est instable et menacé.
G. Duhamel, Défense des lettres, IV, IV, p. 295.
Équilibre des facultés. Eurythmie (fig.), stabilité. → Annuler, cit. 2. || Équilibre intellectuel (→ Diminuer, cit. 19). || Équilibre des passions et de la volonté, des impulsions et de la raison.Avoir des facultés en équilibre (cit. 14), en état d'équilibre.(Avec un adj.). || Un équilibre heureux, stable (des facultés, des affects).
13 Le propre de la plus haute intelligence est dans un équilibre supérieur.
Sainte-Beuve, Proudhon…, p. 37.
14 (…) si l'on possède des facultés en équilibre parfait, ou mieux, si la balance de l'idiotisme ne l'emporte pas de beaucoup sur le plateau dans lequel reposent les nobles et magnifiques attributs de la raison (…)
Lautréamont, les Chants de Maldoror, IV, p. 161.
15 (…) ses œuvres les plus parfaites, celles qui réalisent le mieux l'équilibre de ses passions et de sa volonté (…)
R. Rolland, Michel-Ange, p. 70.
16 (…) si tranquille qu'on se croie quand on aime, on a toujours l'amour dans son cœur en état d'équilibre instable.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 28.
17 Je me réveille tout hébété (…) Ah ! je brame après cette santé, cet équilibre heureux que je goûte auprès de M. (…) je parviens néanmoins à me maintenir en état de joie (…)
Gide, Journal, 4 mars 1918.
(Av. 1778). || Équilibre mental, ou, absolt, équilibre : harmonie entre les tendances psychiques qui se traduit par une activité, une adaptation normales ( Équilibré). || C'est un homme très intelligent, mais il manque d'équilibre. || On craint pour son équilibre mental. || Conserver, reprendre, retrouver son équilibre.
18 (…) ce n'est pas par résignation ou fatigue que je supporte mieux mes maux, mais par équilibre.
Cocteau, la Difficulté d'être, p. 120.
Équilibre politique, économique, social, dans une société humaine (→ Condition, cit. 26; convulsion, cit. 9). || Équilibre entre le gouvernement et ses gouvernés. → Ordre, cit. 25. || Équilibre d'une civilisation (→ Contrepoids, cit. 6). || L'équilibre du monde (→ Bouleverser, cit. 5).
19 D'immenses poussées d'ensemble régissent les faits humains et les amènent tous dans un temps donné à l'état logique, c'est-à-dire à l'équilibre, c'est-à-dire à l'équité.
Hugo, les Misérables, IV, VII, IV.
20 Si le monde moderne (…) doit atteindre un certain équilibre politique, culturel et économique, il faut regarder comme probable que les diverses régions du globe, au lieu de s'opposer par leurs différences de tous ordres, se compléteront par elles.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 107.
Spécialt. || L'équilibre des pouvoirs dans la constitution. || L'équilibre de l'exécutif et du législatif.
21 Comme il n'y a point ici d'autre volonté de corps qui, résistant à celle du prince, fasse équilibre avec elle, il doit arriver tôt ou tard que le prince opprime enfin le souverain et rompe le traité social.
Rousseau, Du contrat social, III, 10.
22 Montesquieu avait (…) montré, dans le célèbre chapitre VI du livre XI de l'Esprit des lois, que tout l'art politique consiste à organiser l'équilibre des différentes forces gouvernantes (…)
L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. II, III, p. 542.
Équilibre entre les États, les nations d'un continent, du monde. || L'équilibre européen, l'équilibre de l'Europe. Balance (cit. 30). || L'équilibre des forces (entre puissances opposées).(1955). || Équilibre de la terreur : paix maintenue entre deux ou plusieurs nations par la crainte réciproque des armes nucléaires (→ Dissuasion).
Écon. || Équilibre entre la production et la consommation. || Niveau d'équilibre. || Équilibre des échanges. || Équilibre de la balance commerciale. || Équilibre de la balance des comptes.Commerce extérieur en équilibre.Démogr. || Équilibre de population, entre le nombre d'habitants et les ressources d'un pays.
23 La balance économique d'un pays est en équilibre lorsque le montant des dettes extérieures qu'il a payées est égal à celui des créances dont il a reçu le paiement de l'étranger.
Reboud et Guitton, Précis d'économie politique, t. II, p. 212.
24 Les hommes du XIXe siècle, en certains pays du moins, ont dû croire qu'ils avaient trouvé le secret de l'équilibre : il y avait, d'un côté, les nations industrielles qui produisaient et vendaient les articles par elles fabriqués. Les autres nations, de préférence consacrées à l'agriculture, avaient pour fonction essentielle d'acheter les produits des nations industrielles.
G. Duhamel, Manuel du protestataire, IV, p. 108.
Fin. || Équilibre entre les dépenses et les recettes, entre le débit et le crédit. Balance (II.); → Déficit, cit. 2. || Équilibre budgétaire. || Comptes en équilibre.
4 (1674). Répartition des lignes, des masses, des pleins et des vides; agencement harmonieux de la composition d'une œuvre d'art. Eurythmie, harmonie, proportion, symétrie; balancé, balancement. || Équilibre des volumes, dans un groupe sculpté. || Équilibre d'un tableau, d'une statue.Par ext. || L'équilibre des traits d'un visage.Équilibre d'une orchestration. || Équilibre d'un ensemble architectural. || L'équilibre d'un texte, d'un récit. || Ce film manque d'équilibre.
25 Son front, son nez et son menton offraient cet équilibre de ligne, très distinct de l'équilibre de proportion, et d'où résulte l'harmonie du visage (…)
Hugo, les Misérables, I, III, III.
CONTR. Déséquilibre; crise, instabilité. — Aliénation (mentale), folie.
DÉR. Équilibrer, équilibriste.

Encyclopédie Universelle. 2012.