VÉGÉTATION
Dans les divers pays, le langage a toujours distingué certains types de végétation. On n’a pas besoin de connaître le nom des plantes pour parler de forêt, de lande, de maquis, de savane, de steppe, de pelouse. Étudier la végétation revient à décrire le «paysage végétal».
On confond souvent flore et végétation, réalités pourtant très différentes pour le botaniste: la flore est l’ensemble des plantes composant la végétation et identifiées au moyen de «catalogues» ou dans des «flores»; au contraire, la végétation s’intéresse à la forme, à la «physionomie» des plantes et surtout à leurs groupements. La végétation sera luxuriante, dense, clairsemée, tous caractères indépendants de la flore; celle-ci sera pauvre si la même espèce est abondamment représentée, comme dans une forêt de sapins; en revanche, une pente rocheuse à végétation clairsemée peut avoir une flore riche comportant beaucoup d’espèces différentes.
En un lieu déterminé faisant l’objet d’une étude, une «dition» (un canton par exemple), il est possible de séparer divers types de groupements végétaux qui, en général, se voient sur le terrain car ils ont une physionomie particulière; ces groupements sont des «formations végétales», ou «synécies».
L’étude de la liste des plantes de chacune de ces unités physionomiques fait apparaître la notion d’association végétale , mot mal choisi, car si les plantes sont ensemble, c’est qu’elles peuvent vivre dans les conditions de milieu de la dition: elles sont autant concurrentes qu’associées [cf. PHYTOSOCIOLOGIE]. La physionomie de ces groupements est primordiale et les formes biologiques plus intéressantes que les plantes elles-mêmes. Ces formes biologiques, comportant des caractéristiques physiologiques semblables, sont sous la dépendance du sol et surtout des facteurs climatiques: température, humidité, luminosité. On comprend donc la similitude des formations végétales sous des climats analogues: les forêts caducifoliées d’Europe ressemblent fort à celles des régions atlantiques et septentrionales de l’Amérique du Nord [cf. BIOGÉOGRAPHIE]; dans sa physionomie, la forêt équatoriale du Congo ressemble à celle de l’Amazone, bien que les espèces composantes soient différentes.
La végétation peut être considérée soit comme une entité statique, simple description de son état actuel, soit comme un système dynamique, si on considère sa transformation sous l’action des agents extérieurs, l’homme en particulier. Ce sont des données paléofloristiques et paléoclimatiques (cf. PALÉOCLIMATS, PALYNOLOGIE, TOURBIÈRES) des dix mille dernières années, obtenues par les méthodes de l’analyse pollinique, qui constituent les bases indispensables pour comprendre cette évolution dynamique.
Dans le premier cas – statique –, la représentation cartographique des formations dans le monde fait ressortir une zonation calquée sur les zones climatiques. Dans le second cas – dynamique –, elle met en évidence la notion de séries . Cette cartographie développée dans une perspective climatologique et écologique permet, à petite échelle, de représenter de façon précise les ensembles de formations végétales et, à grande échelle, de faire apparaître les caractères propres à chaque région, et d’en faciliter la mise en valeur.
Classification et étude statique
La classification des types physionomiques de la végétation a naturellement tenté de nombreux auteurs. Celle qu’a adoptée après plusieurs essais (1964, 1965, 1971) le Comité de l’U.N.E.S.C.O., auquel participent des spécialistes de diverses régions du monde, comprend cinq classes de formations (forêts fermées, forêts claires, buissons et fourrés, sous-arbrisseaux et landes basses, végétation herbacée), divisées chacune en sous-classes (sempervirentes, décidues, xéromorphiques) à l’intérieur desquelles se distinguent des groupes, des formations, des sous-formations [cf. BIOGÉOGRAPHIE].
Cette variété du tapis végétal à la surface du globe est due à trois facteurs essentiels. Le facteur climatique d’abord: sur une carte générale de la végétation mondiale, on voit immédiatement une disposition des grands ensembles continentaux plus ou moins parallèles aux zones climatiques. Dans ce cadre climatique, la nature physique , chimique et biochimique du sol intervient en second lieu pour différencier le tapis végétal et y créer une mosaïque de formations diverses. Enfin, sous l’action humaine , de vastes territoires sont cultivés ou transformés à l’emplacement d’anciennes forêts ou d’anciennes formations herbacées.
L’action du climat peut être étudiée par l’emploi des diagrammes ombrothermiques. Établis en fonction des précipitations P en millimètres et de la température moyenne t en degrés centigrades, ils permettent de déterminer l’hypersécheresse P 麗 t , la sécheresse, P 麗 2 t , la subsécheresse P 麗 3t (méthode Bagnouls et Gaussen, cf. aire MÉDITERRANÉENNE). L’emploi de l’indice xérothermique qui correspond au nombre de jours réellement secs durant la période sèche et qui fait intervenir l’humidité atmosphérique s’est révélé très valable dans les pays tropicaux, subtropicaux et méditerranéens (Gaussen).
Pour expliquer l’action du sol, à l’intérieur d’une zone climatique, on doit analyser dans le détail la nature des sols (calcaires, siliceux ou salés, acides ou non, entre autres), leur profil, leur profondeur, leur biologie [cf. SOLS].
Certaines plantes dites plantes indifférentes ne sont pas sensibles à la nature chimique du sol. D’autres au contraire en sont des «indicatrices». Les plantes dites calcifuges ou silicicoles redoutent les sols calcaires (châtaignier); les calcicoles le recherchent et même s’y cantonnent; dans les pays de climat humide, le calcaire procure une certaine sécheresse physiologique, ce qui explique que le chêne vert est calcicole jusqu’aux Pyrénées alors que plus au sud, il pousse sur tous les sols. Les sols riches en certains éléments chimiques (serpentine, cuivre par exemple) portent une flore spécifique (flore cuprique du Katanga); les reposoirs à bestiaux, riches en nitrates, portent des nitrophiles ou rudérales (orties et chénopodes); les terrains salés ont une flore très particulière [cf. HALOPHYTES].
Les montagnes offrent des conditions qui leur sont propres; un gradient de refroidissement se produit par suite de la raréfaction progressive de la pression atmosphérique. Cela crée des conditions climatiques différentes du bas au sommet des montagnes. La végétation forme des ceintures superposées appelées «étages de végétation» dont les dénominations classiques sont dans les pays d’Europe: étages méditerranéen, collinéen, montagnard, subalpin, alpin, avec en général des zones de transition (cf. figure). L’exposition des versants perturbe l’étagement en altitude et l’accumulation de l’air froid en hiver dans les vallées par temps calme peut provoquer une inversion d’étage.
Dans les pays tempérés de l’Europe, on observe un certain parallélisme entre les zones de végétation du sud au nord dans les plaines et les étages de végétation sur les montagnes. Ce parallélisme classique n’est valable que dans ces pays. Il résulte des grandes glaciations qui avaient repoussé presque jusqu’à la Méditerranée la flore des pays arctiques actuels; lors du réchauffement postglaciaire, certaines de ces plantes ont suivi le recul des glaciers dans les plaines jusqu’en Scandinavie, alors que d’autres se sont réfugiées sur les pentes des montagnes. Il n’est pas question de retrouver ce parallélisme dans les pays tropicaux. Par exemple, en Afrique centrale, à la forêt ombrophile succèdent, en plaine, des formations sèches, et sur les montagnes on enfonce jusqu’aux genoux dans des sphaignes humides.
Étude dynamique
L’étude du dynamisme de la végétation est particulièrement importante pour comprendre les possibles évolutions. La végétation, pertubée par l’action de l’homme, les incendies, ou par les catastrophes telles qu’éboulements, avalanches, volcanisme, etc., se transforme pour chercher un état d’équilibre avec les conditions de l’environnement; cet état d’équilibre est appelé climax [cf. BIOCÉNOSES]. Elle passe alors par des étapes successives qui constituent une série de végétation.
Voici un exemple: sous un climat méditerranéen, un terrain nu (culture abandonnée) se couvre d’herbes comme Brachypodium ramosum ; sur cette pelouse s’installe, sur sol calcaire, un tomillare où dominent le thym, la lavande, et auquel succède un stade de sous-arbrisseaux plus grands (genêt, garou, ciste blanc, romarin, kermès) qui constituent la garrigue calcaire; enfin des plantes plus arborescentes, formant un maquis (alaterne, Phillyrea , parfois buis), préparent la forêt de chêne vert qui est le climax. Si le terrain est siliceux, la garrigue sera constituée de Lavandula staechas , ciste de Montpellier, bruyère en arbre; le maquis de calycotome, salsepareille, arbousier, conduira au climax de chêne-liège. Dans le premier cas, on parle de la série progressive du chêne vert sur calcaire, dans le second, de celle du chêne-liège sur sol siliceux. Des séries semblables précèdent l’installation de toute forêt (cf. FORÊTS, CHÊNAIES, HÊTRAIES).
La réalité est cependant plus complexe et au schéma des séries progressives indiquées ci-dessus correspondent diverses sous-séries. Si très souvent le climax est la forêt comme dans les régions tempérées, il peut être aussi une steppe, ou même une formation herbacée comme les pelouses alpines, la prairie nord-américaine, les savanes primaires [cf. HERBES ET PLANTES SOUS-LIGNEUSES].
À ces séries progressives correspondent des séries régressives habituellement produites sous l’action de l’homme; un défrichement est une action régressive [cf. ANTHROPISATION], de même le surpâturage.
Dans des pays surpeuplés comme l’Inde, la régression est si forte que subsistent seulement quelques plantes dont la résistance est à toute épreuve. Savoir à quelle série appartient un territoire donné est alors très difficile.
Connaître la série et ses stades permet de reconstituer une végétation adaptée aux conditions du milieu, d’assurer la mise en valeur de cette végétation et d’accroître sa productivité. Ainsi, dans les climats tempérés, à la série du hêtre correspondent les possibilités économiques suivantes: forêt de hêtres, prairie de fauche, culture de pomme de terre ou de céréales de printemps.
Dans les climats favorables comme le climat équatorial, la forêt est le climax. Mais, cette forêt appelée «forêt vierge» a en général été détruite par l’homme et a été remplacée par une forêt «secondaire» formée souvent d’arbres à croissance rapide mais de valeur économique faible. La surexploitation de ce capital végétal a conduit à la disparition quasi totale des espèces à bois précieux dont il faut maintenant réglementer l’exploitation et assurer le repeuplement [cf. SYLVICULTURE].
Représentation cartographique
À la base de la cartographie de la végétation comme de toute cartographie, on trouve la notion d’échelle. Sur les cartes à très petite échelle, telles les cartes du monde ou les cartes dont l’échelle ne dépasse pas le 1:5 000 000, on représente les grandes zones de végétation; mais il est difficile d’y figurer l’étagement en montagne ainsi que les cultures, dont la représentation nécessite une échelle beaucoup plus grande et des cartes spéciales.
À l’échelle de 1:1 000 000, celle de la Carte internationale du tapis végétal , les cultures apparaissent en blanc; sur ce fond blanc, il est facile de porter des renseignements agricoles de valeur statistique. Des cartons à plus petite échelle permettent l’analyse des facteurs (sol, climat, topographie) déterminant la végétation; l’un d’eux indique le devenir de la végétation en l’absence d’action humaine pendant environ un siècle (plésioclimax).
Aux échelles plus grandes, 1:250 000 ou 1:200 000, la représentation est beaucoup plus détaillée et fondée sur la notion de série (cf. supra ), puis sur celle d’associations végétales, qui peut apparaître sur une carte au 1:20 000 par exemple.
Quelle que soit l’échelle, il est pratique de convenir de modes de représentation identiques: forêt sempervirente en teinte plate, forêt caducifoliée rayée de blanc, broussailles en rayures plus ou moins serrées, formations herbacées en petits points. Une représentation a été ainsi établie pour plus de deux cent cinquante types de formations; elle est adoptée par l’U.N.E.S.C.O. et mondialement reconnue.
Alors que longtemps leur choix a été arbitraire et souvent laissé à l’initiative de l’imprimeur, on convient maintenant de plus en plus de donner aux couleurs une signification écologique (Gaussen); l’environnement étant une synthèse de facteurs, la couleur choisie pour le représenter sera, elle aussi, une synthèse de couleurs représentant chaque facteur, étant entendu que pour chacun de ceux-ci, on définit une gamme de couleurs: couleur vive si le facteur est important, claire ou absente si le facteur n’a pas d’action au lieu considéré. Ainsi il a été admis que la chaleur est représentée par des teintes allant du rouge au jaune et au gris, l’humidité par des teintes allant de l’orangé (milieu sec) au bleu (forte humidité), la luminosité du rose au grisé fin gris. Selon ces normes, la forêt équatoriale chaude et humide apparaîtra en mauve (rouge bleu, cf. carte). Dans une série progressive allant du sol nu (labour abandonné) à la forêt, la succession des étapes se représentera par une variation de teinte allant du clair au foncé (couleur du climax quand il est forestier). D’autre part, la façon de mettre la couleur (hachures, points par exemple) apporte des informations complémentaires.
Dans les pays tropicaux, la végétation offre une physionomie bien différente pendant la saison sèche et la saison des pluies; cette alternance de végétation peut être représentée par la juxtaposition de deux bandes verticales, l’une violette (période chaude et humide), l’autre orangée (période chaude et sèche). En dehors des pays tropicaux, le contraste saisonnier est moins net; si c’est utile et si l’échelle le permet, le sous-bois représenté par des «fenêtres» à contour géométrique peut en donner une idée.
Cette représentation cartographique peut être établie aux formules écologiques (Gaussen) intégrant les différents facteurs, suivis de coefficients: t (température moyenne) de 0 à 6; s (sécheresse) de 0 à 6 (0 très humide, 6 très sec); x (indice xérothermique) de 0 à 6 (6 très sec); l (lumière) de 0 à 3 (3 très lumineux); v (durée de la période de végétation) de 0 à 3 (3 sempervirente); de plus, des indications concernant la nature du sol (calcaire, granit, tourbe...) sont aussi représentées par des modifications de couleur ou des signes. Ainsi en Europe méridionale la chaleur, la sécheresse sont des facteurs défavorables pour le pin d’Alep; sa formule dont les indices élevés de t , s , x sont défavorables, sera t 4 s 2 x 2 - 3 l 3 v 2 (Ca), ce qui donne un orangé rose avec une croix jaune pour représenter le calcaire (Gaussen, 1949).
L’étude graphique de la végétation n’est donc pas exclusivement descriptive; elle cherche à donner une image des interrelations entre le milieu et la végétation, interrelations qui résultent, par exemple, d’études comparatives des cartes de végétation et des cartes des paramètres de l’environnement; elle cherche aussi à préciser l’orientation de l’évolution des formations végétales dans le temps et l’espace en fonction des variations de ces paramètres.
Dans les pays en voie de développement, de telles recherches ont indiscutablement des implications pratiques puisqu’elles peuvent servir de base à la planification de la mise en valeur de ces pays.
végétation [ veʒetasjɔ̃ ] n. f.
• 1525; de végéter, d'apr. le bas lat. vegetatio « animation »
1 ♦ Rare Vie, croissance des végétaux.
2 ♦ (fin XVIIIe) Ensemble des végétaux, des plantes qui poussent en un lieu (⇒ flore). « Une végétation folle et drue qui la dérobait aux regards » (Genevoix).
♢ Ensemble des végétaux distribués à la surface du globe, en fonction du climat, de l'hydrographie, du sol, etc., et étudiés par la géographie botanique et l'écologie. Zones de végétation (glaciale arctique, tempérée, subtropicale, tropicale...).
3 ♦ (1706) Disposition naturelle (notamment, cristallisation) reproduisant des formes végétales. ⇒ arborisation.
4 ♦ (1806) Pathol. Papillome de la peau ou d'une muqueuse ayant un aspect bourgeonnant. Végétations de la muqueuse génitale ou anale. ⇒ condylome. — Végétations adénoïdes : tissu lymphoïde constituant l'amygdale pharyngienne, souvent hypertrophié chez l'enfant. Absolt Faire opérer un enfant des amygdales et des végétations.
● végétation nom féminin (bas latin vegetatio) Fait, pour une plante, de végéter. Ensemble des plantes, des formations végétales qui peuplent un même lieu. Lésion papillomateuse pathologique qui s'élève irrégulièrement sur la peau, les muqueuses ou les organes, à la façon d'une tête de chou-fleur ou des doigts d'une taupe.
végétation
n. f.
d1./d Croissance (des végétaux). Période de végétation.
d2./d Ensemble des végétaux qui croissent en un lieu. La végétation tropicale.
d3./d ANAT Toute production pathologique charnue à la surface de la peau ou d'une muqueuse.
|| Spécial. Les végétations (adénoïdes): hypertrophie du tissu lymphoïde qui constitue l'amygdale pharyngée. Les végétations apparaissent surtout dans l'enfance.
⇒VÉGÉTATION, subst. fém.
A. — 1. Fait de végéter, d'accomplir les fonctions nécessaires à la croissance et à l'entretien de la vie.
a) [À propos d'un végét.] Végétation lente, rapide; végétation des plantes. Dans l'acte de la végétation les roches granitiques founissent aux plantes (...) les alcalis que nécessite leur développement (Al. BRONGNIART, Arts céram., t. 1, 1877, p. 632). La taille fruitière doit (...) se soucier (...) de maintenir l'équilibre végétatif chez l'arbre, (...) d'assurer une végétation normale (...), ainsi qu'une croissance harmonieuse de toutes les parties (BOULAY, Arboric. et prod. fruit., 1961, p. 86).
♦ En (pleine) végétation. Ces bulbes n'étant pas susceptibles d'être retardées dans leur végétation, à l'époque où elles ont coutume de croître, elles pousseront (...). Lorsqu'il [le jardinier] s'apercevra qu'elles commenceront à entrer en végétation, il faut qu'il les en tire [de leurs boîtes] (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 227). Période de végétation. ,,Celle où la plante pousse, et a une vie active; s'oppose aux phases de vie ralentie à l'état de graine, spore, organe souterrain, ou arbre défeuillé`` (PLAIS.-CAILL. 1958). V. printemps A 1 a ex. de Campredon.
b) Peu fréq. [À propos d'un élément organique ou d'un microorganisme] Le retour évolutif d'un organe malade à l'état de santé doit être considéré en général comme la végétation nutritive qui (...) reparaît (Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 163). Le glucose favorise la végétation du streptocoque (ROGER ds Nouv. Traité Méd. fasc. 1 1926, p. 130).
2. P. anal. [À propos d'une chose concr.] Action de croître matériellement à la manière d'un végétal, d'un animal. La végétation successive de quelques filons minéraux, et leurs digitations rameuses, sembleraient (...) les rapprocher (...) des plantes les plus imparfaites, du moins par le mode de leur accroissement (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 256). Cette végétation spontanée d'une cité modèle (VERNE, 500 millions, 1879, p. 152).
3. P. métaph. ou au fig. Il [le Psychologue] voit la naissance des idées, leur développement, leur combinaison (...), les états de conscience toujours en voie de se faire et de se défaire, une compliquée et changeante végétation de l'esprit et du cœur (BOURGET, Nouv. Essais psychol., 1885, p. 8). La vie affluait de partout, le sol de l'antique berceau venait d'être ensemencé d'une nouvelle moisson d'hommes, le progrès de demain y grandirait, avec une vigueur de végétation extraordinaire (ZOLA, Argent, 1891, p. 428).
B. — 1. Ensemble des végétaux. La végétation des temps secondaires est (...) toute différente de la végétation des temps primaires. Le règne des Cryptogames s'efface (...), les Prêles gigantesques ont encore des représentants (...). Mais ce sont les Gymnospermes qui dominent (BOULE, Conf. géol., 1907, p. 105):
• Ils grandissent en stature à mesure que la pluie tombe (...). Telle est (...) la fonction physique de cette espèce de tapisserie à trois dimensions à laquelle on a donné le nom de végétation pour (...) la sorte de vie qui l'anime (...): bien que la faculté de réaliser leur propre synthèse (...) apparente les appareils végétatifs aux animaux (...), néanmoins en beaucoup d'endroits à demeure ils forment un tissu, et ce tissu appartient au monde comme l'une de ses assises.
PONGE, Parti pris, 1942, p. 73.
— En partic.
♦ Ensemble des végétaux réunis (par la nature ou par l'homme) en un même lieu, dans un site particulier. Végétation luxuriante, naturelle, parasite, sauvage, touffue, vigoureuse; abondante, riche végétation; couvert, dépouillé, dépourvu de végétation; sans (trace de) végétation; luxe de végétation. Un parc très-vaste et (...) une belle végétation: des fleurs, des gazons immenses (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 407).
♦ ÉCOL., GÉOGR. Ensemble des végétaux spécifiques d'une zone géographique, climatique, d'un genre de terrain, et qui forment un certain type de paysage. Végétation africaine, exotique, méditerranéenne, tropicale; végétation aquatique, marine; type de végétation. Le comté de Galles (...) a certainement plus de fraîcheur que notre Bretagne. Mais sur la lande pierreuse, c'est bien la même végétation mélancolique: bruyères, fougères, et l'ajonc épineux (...). À l'approche des monts Cambriens (...), la sombre végétation du Nord apparaît en sapinières immenses (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p. 75). Quelle magnificence de végétation représentent ces jardins du M'Zab (...) qui font songer à des climats où la chaleur humide donne à la végétation une exubérance spontanée (BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p. 240).
Étage de végétation. V. étage A 2 b bot. Zone de végétation. Quelques lignes d'habitat (...) correspondent aux zones de végétations qui se succèdent en altitude. Sur les flancs (...) des collines, les habitations s'alignent sur une zone de cultures, qui, surmontant (...) les prairies d'en bas, s'élève au-dessus des brouillards (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 178).
♦ BOT. Groupe de végétaux se présentant sous une forme particulière. Végétation arborescente, buissonneuse. E. Rübel (1930) classe la végétation en ligneuse et herbacée; en tenant compte de la taille et de la texture des feuilles (...), il distingue les divers types de forêts, les végétations herbacées (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 776). V. ligneux ex. de Ballu.
♦ P. métaph. ou au fig. Végétation de la pensée. Cette superbe végétation d'états de conscience meurt (...) avec nous, et nous n'en transmettons à nos descendants qu'un germe indéterminé (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 309). L'art (...) a pâti (...) de cette végétation touffue de paraphrases qui l'enlacent et l'étouffent de leurs vrilles folles (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 6).
2. P. méton.
a) Gén. au plur., vieilli. Synon. de plante, végétal. Une plinthe saillante, sur laquelle s'élevaient plusieurs de ces végétations dues au hasard, des pariétaires jaunes, des liserons, des convolvulus, du plantain, et un petit cerisier (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 25).
b) (Ensemble de) végétaux représentés ou évoqués à travers des formes artistiques. Sur les rebords [de la chaire], s'entrelace une délicate et florissante végétation de marbre, arabesque, feuillages, tout un luxe d'ornements (TAINE, Voy. Ital., t. 2, 1866, p. 54).
3. P. anal.
a) Groupe d'éléments qui évoquent un ensemble de végétaux par leur port dressé ou leur aspect arborescent, filamenteux, ramifié. Des barbes qui (...) ne parvenaient pas à dissimuler la jeunesse, l'innocence des bonnes faces naïves blotties sous ces végétations (A. DAUDET, N. Roumestan, 1881, p. 20). Dans de mystérieux bocaux cristallisaient, autour de tiges rigides, (...) des sels de zinc, de cuivre ou d'autres métaux; (...) ces implacables végétations étaient dénommées arbres de Saturne, de Jupiter, etc. (GIDE, Si le grain, 1924, p. 371).
b) PATHOL., gén. au plur. Petites excroissances plus ou moins bourgeonnantes apparaissant à la surface des téguments, d'un organe. Les lésions osseuses sont dues à la production d'os (...) dont le développement anormal aboutit à des végétations ostéophytiques [relatives à l'ostéophyte] souvent exubérantes (RAVAULT, VIGNON, Rhumatol., 1956, p. 547).
♦ Végétations (adénoïdes). Hypertrophie du tissu adénoïde qui constitue l'amygdale pharingée de Luschka, observée surtout dans l'enfance et qui gêne la respiration nasale et entraîne des troubles du développement (D'après Méd. Biol. t. 3 1972). Opérer qqn des amygdales et des végétations. Larynx (...) Abaisse-langue du Dr G. Laurens pour recueillir les végétations (Catal. instrum. chir. (Duffaud), av. 1914, p. 57). V. adén(o)- ex. 19. Végétations (vénériennes). Papillomes blanchâtres rosés, très contagieux, se développant sur les zones génitales. Synon. condylome (rem. s.v. condyle), crêtes de coq (v. crête B 4 a). Végétations vénériennes (...) des lésions gênantes et finalement peu inquiétantes (J. MONSONEGO, Dysplasies du col utérin et papillomavirus humains, Paris, Maloine, 1988, p. 17). V. papillomateux dér. s.v. papillome ex. de Brumpt.
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694, 1718: vegetation, dep. 1740: végé-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1525 « développement » (D'ADONVILLE, Honneur des nobles, sign. D r° ds GDF. Compl.); d'où 1782 « état d'une personne qui vit comme une plante » (S. GENLIS, Adèle et Théodore, t. 2, p. 69); 2. 1692 « production chimique affectant des formes arborescentes » (Sur une vegetation chimique, appellee Arbre de Diane ds Hist. de l'Ac. royale des sc., année 1733, t. 2, p. 150); 3. 1749 « ensemble des plantes d'un endroit » (BUFFON, Hist. et théorie de la terre, p. 73); 4. a) 1806 méd. « production charnue qui s'élève à la surface d'une plaie » (CAPURON, Dict. de méd. ds QUEM. DDL t. 18); b) 1914 subst. fém. plur., pathol. (Catal. instrum. chir., loc. cit.). Empr. au lat. médiév. vegetatio « action de croître (en parlant d'une plante) », spécialisation du lat. class. « mouvement, excitation », dér. de vegetare (v. végéter). Fréq. abs. littér.:957. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1 968, b) 1 405; XXe s.: a) 1 046, b) 1 008. Bbg. GOHIN 1903, p. 366.
végétation [veʒetɑsjɔ̃] n. f.
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1 Rare. Vie des végétaux (et, spécialt, des végétaux supérieurs); le fait de végéter (1.), de pousser. ⇒ Pousse. || La végétation d'une plante. || Arbre en pleine végétation. ⇒ Croissance.
1 Les pierres de l'escalier, déplacées par la force imperceptible mais continue de la végétation, laissaient passer de hautes herbes et des plantes sauvages.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 607.
♦ Fig., vx. Vie paisible et inactive. ⇒ Végétal (II., 3.), végétatif. || Une douce (Marmontel), une insipide végétation (Mme de Genlis).
2 (V. 1790). a Ensemble des végétaux, des plantes… qui poussent en un lieu (⇒ Flore). || Végétation folle et drue (→ Loge, cit. 4), exubérante (⇒ Exubérance), luxuriante (cit. 1). || Tapis de végétation (→ Fourmiller, cit. 7). || Des végétations aquatiques (→ Marécage, cit. 1), parasites (→ Envahissement, cit. 3). || Sol sans végétation, à végétation pauvre… ⇒ Dénudé, pelé.
b Ensemble des végétaux (formations végétales, etc.) distribués à la surface du globe, en fonction du climat (cit. 1), de l'hydrographie, du sol, de l'environnement biologique…, et étudiés par la géographie botanique (phytogéographie), par l'écologie. || Zones de végétation : glaciale arctique, tempérée (conifères, arbres à feuilles caduques, prairie), subtropicale (arbres, arbustes des steppes, plantes du désert. ⇒ Oasis), tropicale (forêts…), subtropicale australe, antarctique (buissons, plantes herbacées). || Étages, bandes de végétation, selon l'altitude. || Végétation spontanée. || Action de l'homme sur la végétation. ⇒ Culture, déboisement. — Végétations particulières, ou associations végétales. || Végétation planctonique, benthique (marine), microscopique du sol. — Série de végétation.
c Par métaphore ou fig. || « Cette extraordinaire végétation de charité qui pousse entre les pavés de Paris » (→ Pulluler, cit. 5). || « Des allées de colonnes (…) comme une végétation de marbre jaillie du sol » (→ Perte, cit. 13).
2 Ses cheveux étaient gris et rares, mais sur les arcades sourcilières à l'architecture massive, s'accrochait une énorme et buissonneuse végétation.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, X.
3 (1706). Disposition naturelle (notamment, cristallisation) reproduisant des formes végétales. ⇒ Arborisation.
4 (1806). Pathol. Papillome de la peau ou d'une muqueuse ayant un aspect bourgeonnant. || Végétations de la muqueuse génitale ou anale. ⇒ Condylome. — (1933). || Végétations adénoïdes. Fam. || Opérer un enfant des végétations (adénoïdes).
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COMP. Sous-végétation.
Encyclopédie Universelle. 2012.