PALYNOLOGIE
Le terme de «palynologie» (du grec: 神見凞羽益﨎晴益, répandre, saupoudrer, lui-même tiré de: 神見凞兀, farine, poussière pollinique), créé en 1944 seulement, est aujourd’hui universellement employé pour désigner l’ensemble des recherches scientifiques dont les grains de pollen et les spores sont l’objet ou le moyen.
Le contenu vivant de ces particules joue un rôle déterminant dans la reproduction sexuée des végétaux: les grains de pollen ne sont que les vecteurs de l’élément mâle des plantes à fleurs, mais les spores sont aussi les agents de la dissémination des autres végétaux (pour certains desquels celle-ci est assurée par des conidiospores asexuées). Les grains de pollen représentant les spores mâles, ou microspores, seules dispersées, le terme «sporologie» est parfois employé au lieu de palynologie.
Toutefois, ce n’est pas leur seul rôle biologique, donc leur contenu vivant, qui a valu à ces particules microscopiques leur intérêt scientifique. En effet, leur enveloppe inerte présente plusieurs propriétés remarquables qui en justifient l’étude détaillée et l’utilisation dans de nombreux domaines. Tout d’abord, cette enveloppe confère au pollen de chaque groupe végétal, avec une grande fidélité, une particularité souvent prononcée: son étude constitue donc un chapitre important de l’organographie végétale, et contribue à la systématique des végétaux. Par ailleurs, elle résiste, grâce à sa composition chimique spéciale, à toutes sortes d’altérations.
Grains de pollen et spores, facilement disséminés dans l’air, sont produits en très grandes quantités, peu variables pour chaque espèce végétale. Cette propriété, alliée à celles de la membrane (spécificité et résistance), explique que l’on recherche les pollens dans le miel et les produits dérivés, dont il signent l’origine, et dans l’atmosphère, où ils sont cause d’affections allergiques humaines. Les propriétés de la membrane expliquent aussi la présence de spores et de grains de pollen conservés dans beaucoup de sédiments: l’analyse pollinique de ces derniers permet de reconstituer, grossièrement, la végétation contemporaine de leur dépôt et, par ce biais, de retrouver certaines caractéristiques des milieux correspondants, comme de situer chaque sédiment parmi les couches successivement formées au cours de l’histoire de la Terre.
Le pollen et la membrane pollinique
Le mot «pollen» désigne la substance et ne devrait être employé qu’au singulier. Des raisons évidentes de commodité font que, communément, «pollen(s)» est employé pour «grain(s) de pollen» et qu’aucune différence n’est faite entre «pollen», «spore» et «grain».
La particularité du pollen de chaque espèce végétale résulte d’un ensemble de caractères que lui confère son enveloppe (taille, forme) ou qui appartiennent en propre à cette dernière (stratification, structure et sculpture de la membrane elle-même, apertures).
La plus grande dimension des grains varie de 2,5 猪m à 200 猪m. Sa forme, en général ellipsoïdale, se définit en fonction de son orientation dans la tétrade originelle. La ligne qui joint le centre de celle-ci au point le plus proche de chaque grain et le traverse du pôle proximal au pôle distal est l’axe polaire; sa longueur (P) est la distance entre les pôles; la largeur équatoriale (E) se mesure dans le plan correspondant, perpendiculaire à cet axe et partageant le grain en deux hémisphères, plus ou moins semblables, ou en deux faces dissemblables. Généralement, l’axe polaire constitue pour le grain un axe de symétrie qui est quelquefois d’ordre 2, rarement 4 ou 5, le plus souvent d’ordre 3 ou 3 n . Le rapport P/E, l’allure des contours du grain, selon le plan équatorial et suivant un plan de symétrie contenant l’axe polaire, permettent de ranger dans un nombre limité de catégories simples les formes du pollen, qui, dans la grande majorité des cas, échappent à une définition géométrique (fig. 1).
La membrane pollinique comporte une zone interne cellulosique, l’intine , et une zone externe, l’exine ; celle-ci est composée d’une substance, mal connue encore, de nature polyterpénique, de formule brute C90 H134 31, la sporopollénine , qui est le matériau le plus inerte et le plus résistant du monde vivant. L’exine se divise en deux couches, l’endexine – interne, homogène, continue et peu variable – et l’ectexine , de structure très complexe: elle se trouve formée de granules élémentaires qui peuvent constituer soit de simples sculptures, très diverses, soit une couche de columelles supportant un tectum, lui-même éventuellement sculpté (fig. 2).
Les apertures sont des surfaces bien déterminées de moindre résistance, qui permettent la sortie du tube pollinique ou la germination du prothalle, ainsi que la régulation du volume du grain en fonction de l’humidité ambiante. Elles correspondent à une certaine différenciation de la membrane (amincissement, simplification) et sont souvent limitées par une autre différenciation (épaississement, complication). Leur nombre est variable: une seule, située à l’un des pôles, ou plusieurs (3 ou 3 n ), distribuées régulièrement par rapport à l’équateur, ou de fort nombreuses, également réparties sur toute la surface du grain. Les apertures allongées sont des sillons (ou colpus), et les apertures rondes, des pores. Généralement, les sillons n’affectent que l’ectexine, et les pores l’ectexine ou toute l’exine. Quelquefois, le sillon est doublé, au niveau de l’endexine, d’une ore, de forme différente; l’aperture est dite alors complexe, le grain colporé (fig. 3).
D’après les caractères majeurs (apertures, grandes expansions de l’exine, dissémination du grain à l’état isolé ou groupé), on définit 24 types polliniques (fig. 3).
Les spores des Champignons et des Mousses sont souvent morphologiquement peu différenciées (sphéroïdales, dépourvues d’apertures nettes); celles de Ptéridophytes ont une aperture proximale particulière, une cicatrice, qui peut être simple (spores monolètes) ou triradiée (spores trilètes). Les pollens des Préphanérogames ont un grand sillon distal, ceux des Gymnospermes une zone germinale souvent comprise entre deux vastes expansions de l’exine (les ballonnets) ou un pore distal parfois peu visible, et ceux des Monocotylédones un pore ou un sillon distal. Les pollens de Dicotylédones sont bâtis sur un type fondamental qui admet une symétrie d’ordre 3 vis-à-vis de l’axe polaire; cependant les variations sont extrêmement nombreuses.
Palynologie et systématique
La particularité pollinique est un moyen de définir la nature des unités systématiques de rang élevé: les taxons ayant un pollen homogène sont naturels, tandis que les taxons ayant un pollen divers ne sont établis que par enchaînement.
Les variations polliniques régulières permettent de repérer les espèces dont la structure génétique (hybridogénie, polyploïdie, variation clinale, etc.), la morphologie et la biologie florales (hétérostylie) sont particulières. Jointes aux variations aléatoires (inhérentes à tout matériel biologique) et accidentelles (dues à des accidents météorologiques), elles rendent très délicate toute détermination botanique d’un grain observé à l’état isolé.
De nombreuses indications, à la fois précises et originales, sont fournies par la morphologie pollinique à tous les niveaux de la systématique, mais tout particulièrement en ce qui concerne les limites, les découpages et les regroupements des genres.
L’aéropalynologie et ses applications
Certains types de pollens et de spores peuvent être pour l’homme la cause directe de troubles allergiques plus ou moins graves (coryza spasmodique ou «rhume des foins», trachéite spasmodique et asthme bronchique), qui constituent la pollinose .
L’identification précise du végétal producteur des grains allergènes (Graminées surtout, platane, mûrier de Chine, Composées avec les armoises et les ambroisies, plantains, pariétaires, moisissures diverses) repose sur la comparaison du calendrier pollinique, établi par une analyse quotidienne de l’atmosphère, avec les dates des crises. Cette identification permet la désensibilisation spécifique des maladies, seule médication durablement efficace et gênante, voire l’éviction prophylactique des plantes allergènes.
En agronomie, l’aéropalynologie rend possible la lutte préventive contre certaines maladies cryptogamiques des plantes cultivées, assure la meilleure pollinisation de certains arbres cultivés autostériles et autorise des prévisions de récolte de fruits ou de graines, importantes sur le plan économique.
La mélissopalynologie et ses applications
Mieux que les caractères organoleptiques (goût, parfum) ou que les propriétés physico-chimiques, difficiles à manier, le spectre pollinique d’un miel (pourcentages des pollens des différentes espèces) en garantit l’origine florale ou géographique. De même, la mélissopalynologie intervient dans le repérage des miels de sucre, obtenus frauduleusement par nourrissage des abeilles au saccharose, et dans le contrôle et l’expertise des produits alimentaires, diététiques et cosmétiques à base de pollen, de miel ou de gelée royale.
Par ailleurs, on étudie la récolte du pollen par les abeilles, seule source de protéines pour celles-ci, au moyen de trappes à pollen; on obtient ainsi de précieux renseignements sur le mode d’exploitation de la flore et des groupements végétaux par ces insectes, sur leur comportement écologique, biologique et social et sur leur rôle dans la pollinisation de nombreuses espèces cultivées (qui est estimé représenter, pour la seule agriculture française, un bénéfice annuel de 25 millions de francs).
L’analyse pollinique des sédiments
De nombreux sédiments (charbons, lignites et tourbes surtout, mais aussi argiles, vases lacustres et marnes, éventuellement calcaires, sables fins et évaporites), correspondant à des dépôts tranquilles et en milieu peu aéré (la sporopollénine ne craignant que l’oxydation violente), sur le continent ou dans la mer jusqu’à quelques centaines de kilomètres du rivage, contiennent de fortes quantités de pollens et de spores conservés. Il n’existe pas de moyen de les extraire; on peut seulement enrichir le sédiment par des traitements successifs dont chacun élimine un constituant de la roche, par une intervention physique (flottation pour les minéraux lourds, désagrégation par ultrasons pour les micelles argileuses, etc.) ou chimique (attaque aux acides forts), en respectant spores et pollens, du fait de l’extraordinaire résistance de la sporopollénine.
Par référence à ceux des plantes actuelles, les pollens récents peuvent faire l’objet d’une identification botanique dont la précision diminue avec l’ancienneté du matériel. Au-delà du Tertiaire, on peut simplement, dans la plupart des cas, et à défaut de découverte – toujours rare – de grains dans des macrorestes végétaux fossilisés, grouper et classer spores et pollens conservés selon leur seule morphologie (ce qui est l’objet de la morphographie).
Les fréquences relatives des différents pollens (en pourcentages) constituent le spectre pollinique d’un niveau sédimentaire. La représentation des spectres de niveaux superposés permet de construire un diagramme pollinique (fig. 4).
Les variations majeures des spectres sont l’expression des phases de l’évolution du monde végétal: après l’analyse pollinique d’un sédiment d’âge inconnu, on peut le situer par rapport à une séquence d’âge connu; on travaille aussi en liaison avec la micropaléontologie (Chitinozoaires et Microforaminifères). La palynologie, grâce à l’abondance de microrestes qui peuvent être étudiés statistiquement, même dans un petit prélèvement (50 g), rend des services quotidiens à la recherche pétrolière, à l’exploitation des charbons et dans tous les problèmes de corrélation stratigraphique.
Dans les sédiments quaternaires, les tourbes surtout, les diagrammes polliniques (sur lesquels des dates absolues peuvent être fournies par le dosage du radiocarbone) sont l’image de la succession des groupements végétaux, elle-même conséquence de l’évolution climatique. C’est ainsi que l’histoire forestière détaillée du Postglaciaire (fig. 4) et celle de la désertification du Sahara, par exemple, ont pu être précisées. L’analyse pollinique permet de reconstituer les conditions climatiques et écologiques de l’évolution de l’homme et de retrouver, à travers déboisements, pâturages, introduction et extension de plantes cultivées inféodées à l’homme et à ses activités le rôle passé de l’homme pour en déduire une meilleure connaissance des potentialités réelles de la matière actuelle.
Enfin, dans le domaine de la biologie, l’analyse pollinique a mis en lumière le rôle des époques glaciaires quaternaires dans la genèse de la diversité géographique du monde végétal actuel.
palynologie [ palinɔlɔʒi ] n. f.
• mil. XXe; angl. palynology (1944); du gr. palunein « répandre (de la farine) »
♦ Didact. Étude des pollens, et spécialement des résidus fossiles de pollens contenus dans les sédiments (PALÉOPALYNOLOGIEn. f.).
● palynologie nom féminin (anglais palynology, du grec palunein, répandre de la farine) Partie de la botanique qui étudie les pollens actuels et fossiles. ● palynologie (synonymes) nom féminin (anglais palynology, du grec palunein, répandre de la farine) Partie de la botanique qui étudie les pollens actuels et...
Synonymes :
- pollénographie
palynologie
n. f. Didac. étude du pollen et des spores des plantes actuelles et fossiles.
⇒PALYNOLOGIE, subst. fém.
Étude des pollens et des spores, actuels ou fossiles. La palynologie intéresse un champ de recherches très vaste, en particulier la médecine (allergie, rhume des foins, asthme) et l'agriculture (biologie florale, apiculture) (Hist. gén. sc. t.3, vol. 2, 1964, p.765).
Prononc.:[]. Étymol. et Hist. 1958 (A.-H. PONS, Le Pollen, p.63 ds REY-GAGNON Anglic.). Empr. à l'angl. palynology, terme formé en 1944 par les botanistes angl. H. A. Hyde et D. A. Williams (NED Suppl.2) sur le gr. «répandre de la farine, répandre de la poudre, couvrir de poudre».
palynologie [palinɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. Mil. XXe; angl. palynology (1945), du grec palunein « répandre (de la farine) ».
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♦ Didact. Étude des pollens, et, spécialt, des pollens contenus à l'état de résidus dans les sédiments (⇒ Paléopalynologie).
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DÉR. Palynologique, palynologue.
COMP. Paléopalynologie.
Encyclopédie Universelle. 2012.