CALCAIRES
Une roche est dite calcaire si elle renferme au moins 50 p. 100 de carbonate de chaux (CaCO3), généralement représenté par de la calcite , plus rarement par de l’aragonite ; les minéraux les plus fréquemment associés au carbonate de chaux dans les roches calcaires sont la dolomite, CaMg(CO3)2, et les minéraux argileux (tabl. 1).
Les roches calcaires constituent environ 20 p. 100 de l’ensemble des roches sédimentaires. Les plus anciennes connues sont vieilles de 2,9 (face=F0019 梁 0,2) milliards d’années (calcaires dolomitiques de Bulawayo, Zimbabwe) et présentent une structure algaire (Stromatolithes). Depuis cette époque, la proportion des roches calcaires s’est accrue en même temps que la vie se développait. Les grandes périodes de sédimentation calcaire coïncident avec de grandes transgressions: Ordovicien, Jurassique, Crétacé et, localement, Tertiaire. Aujourd’hui les sédiments calcaires sont bien représentés dans les mers chaudes: ce sont des récifs, des dépôts néritiques (nord-ouest de l’Australie, golfe Persique, Bahamas) et des boues à Globigérines dans la plupart des océans.
Les roches calcaires se reconnaissent facilement à leur faible dureté (2,9 au maximum): elles sont rayables au verre et à l’acier. D’autre part, elles sont attaquées à froid par les acides avec dégagement de gaz carbonique. Elles sont souvent fossilifères.
Les pays calcaires non plissés (plateaux limités par des cuestas) présentent généralement une morphologie karstique à moins qu’ils ne soient protégés par une couverture imperméable (limons, argiles résiduelles). Au point de vue pédogénétique, une roche mère calcaire favorise, en principe, le développement de sols dits calcimorphes comme les rendzines.
Faute du rajeunissement rapide résultant d’une érosion active, ces matériaux superficiels subissent en climat océanique tempéré une lente décalcification. D’où la présence en surface de formations résiduelles argileuses ou argilosableuses, qui masquent le substratum calcaire sous-jacent.
Les roches calcaires ont été de tout temps recherchées pour la construction et la production de la chaux. Elles sont aujourd’hui largement utilisées pour la fabrication des ciments et dans diverses industries. En profondeur, lorsqu’elles sont poreuses, elles peuvent constituer de bonnes roches magasins pour les hydrocarbures.
1. Classification
Une classification rigoureuse des roches calcaires est difficile à établir en raison du nombre des facteurs qui interviennent dans leur genèse. On peut les classer d’après le milieu de sédimentation (marin, lacustre, dunaire), l’origine du carbonate de chaux (organique, détritique, chimique), les minéraux autres que CaCO 3 qu’elles renferment (calcaires dolomitiques, marneux, glauconieux, phosphatés), la structure (compacte, concrétionnée, bréchique, granuleuse). Dans ce dernier cas, suivant la grosseur croissante des éléments, on aura les calcilutites (jusqu’à 0,05 mm), les calcarénites (de 0,05 à 2 mm) ou sables calcaires, les calcirudites (au-dessus de 2 mm); le ciment (ou matrice) est constitué soit par la boue calcaire consolidée (micrite ), soit par de la calcite cristallisée (sparite ).
Classification analytique des roches calcaires. Deux classifications qui font appel à la structure des roches calcaires se partagent les faveurs des sédimentologistes: celles de Folk (1962) et de Dunham (1965).
Folk distingue trois principaux types de roches calcaires en fonction des proportions d’allochèmes et de la constitution sparitique ou micritique (microcristalline) du ciment (tabl. 2; les types IV, calcaires construits, biohermes = biolithites, et V, dolomies de substitution, n’y sont pas figurés). Les préfixes sont ceux des mots définis plus haut. Le suffixe rud s’applique aux variétés plus grossières (grains supérieurs à 2 mm). Cette classification très précise suppose une diagnose sûre et partiellement quantifiée.
Par contre, Dunham cherche moins à mesurer qu’à caractériser l’agencement des divers constituants entre eux. À cet effet, il définit les catégories suivantes (tabl. 3):
– mudstone : micrite (calcilutite) à rares éléments figurés;
– wackestone : grains plus nombreux non jointifs dans matrice micritique (structure empâtée de Pirlet, 1965);
– packstone : grains jointifs sans micrite (structure jointive);
– grainstone : presque uniquement des éléments figurés dont l’assemblage assure la structure de la roche ;
– boundstone : calcaires construits récifaux, calcaires à stomatolites, tufs et travertins.
Une nomenclature analytique plus commode à utiliser et de conception naturaliste a été proposée par Scolari et Lille (1973). Elle consiste à désigner la roche par un nom composé à partir des éléments du tableau 4, par exemple: biocalcirudite à lamellibranches et brachiopodes, pelcacarénite, intracalcirudite oolitique (les oolites sont subordonnées aux intraclastes). L’indication du ciment ou matrice vient ensuite: biocalcirudite à brachiopodes et ciment sparitique, intracalcirudite oolitique à ciment micritique, pelcalcarénite à matrice de biocalcilutite.
2. Différents types
Calcaires d’origine organique
Les calcaires d’origine organique résultent de la construction de récifs ou de dalles par des Polypiers, des Rudistes, des Algues ou de l’accumulation de coquilles et de tests remaniés après la mort.
Calcaires construits ou biogéniques
Ces calcaires peuvent être massifs, non lités, semblables à la partie vivante d’un atoll: ce sont alors des biohermes . Ils sont en saillie par rapport aux dépôts du même âge. L’érosion plio-quaternaire peut les mettre à nouveau en relief s’ils sont plus durs que les roches encaissantes: rochers du Saussois dans le Jurassique supérieur de Bourgogne, partie sud-est du Bois des Roches à Vigny dans le Dano-Montien du bassin de Paris. Si, au contraire, les couches à organismes sont stratifiées, elles constituent un biostrome comme c’est le cas pour la «barre à Rudistes» dans le Crétacé supérieur de Provence.
Les calcaires coralliens résultent de l’activité coloniale de Cœlentérés, aboutissant à l’édification de récifs isolés, comme les atolls actuels, ou en ligne continue comme les récifs frangeants et les récifs barrières. Ces calcaires, abondants depuis le Dévonien (calcaires à Stromatopores), permettent la reconstitution paléogéographique des rivages.
Les calcaires à Rudistes ont été édifiés par des Lamellibranches pachyodontes groupés en «familles» et non en colonies, et vivant fixés sur le fond à une plus grande distance de la côte que les coraux. Ils atteignent un grand développement au Crétacé, notamment dans le faciès urgonien (Crétacé inférieur, Barrémien, Aptien) et les barres à Rudistes du Coniacien (bordure sud du synclinal du Beausset, Var).
Les calcaires à Bryozoaires sont disposés en masses lenticulaires fréquentes dans le calcaire carbonifère d’Angleterre et de Belgique (faciès waulsortien d’âge dinantien).
Les calcaires d’Algues sont édifiés à partir du thalle de certaines Algues calcaires qui se développent en colonies sur les hauts fonds marins. On en rencontre depuis le Précambrien (calcaires à Stromatolithes) jusqu’à l’époque actuelle. Les calcaires dits «pisolitiques» du bassin de Paris sont formés en réalité par des thalles d’Algues rouges (Floridées, groupe des Melobésiées ou Lithothamniées) parmi lesquelles vivait une riche faune de Mollusques.
Calcaires d’accumulation ou bioclastiques
Les calcaires à entroques sont constitués d’articles de Crinoïdes à section circulaire ou pentagonale. Leur structure compacte et homogène, leur cassure cristalline à facettes brillantes leur ont valu le nom de «petit granit»: Carbonifère belge, Jurassique supérieur de la Meuse (pierre d’Euville et de Lérouville). Il semble qu’ils se soient formés dans des mers chaudes à une profondeur plus faible que les «prairies» actuelles de Pentacrines qui se développent de 200 à 2 000 m de profondeur.
Les calcaires à Foraminifères , très bien développés à certains niveaux depuis l’ère primaire, sont essentiellement des calcaires à Fusulines (Carbonifère et Permien), à Orbitolines (Crétacé), à Milioles (Lutétien), et à Nummulites (grande extension au début du Tertiaire). La forme et la dimension de certaines espèces ont fait attribuer le nom de «pierre à liards» aux formations qui les renferment. Ces dépôts se sont effectués dans des mers chaudes, à faible profondeur.
Les lumachelles résultent de la cimentation de coquilles de Lamellibranches ou de Brachiopodes: calcaires à Gryphées du Sinémurien, calcaire à Avicula contorta du Rhétien.
Les calcaires à Cérithes , comme le calcaire grossier du Lutétien, sont, pour la plupart, des formations côtières (faciès néritiques). On peut y rattacher les faluns , qui sont des amas coquilliers contenus dans une matrice sableuse ou argilo-sableuse: falun sparnacien de Pourcy (Marne), lutétien de Damery (Marne), helvétien de Touraine. Par consolidation ils forment des grès calcaires détritiques: ce sont déjà des formations bio-détritiques.
Les calcaires d’Algues sont soit meubles (maerl actuel des côtes bretonnes), soit consolidés comme le calcaire «pisolitique» de la grande carrière de Vigny qui, suivant la dimension des éléments, est une biocalcarénite ou une biocalcirudite.
Calcaires d’origine bio-détritique
La craie en est le principal représentant. Elle contient surtout des organismes planctoniques: Foraminifères (Globigérines) et Flagellés (Coccolithophoridés) dont les restes, connus sous le nom de coccolithes et de rhabdolithes, constituent la majeure partie de la roche. Ces micro-organismes avaient fait assimiler la craie aux boues à Globigérines actuelles. Mais la présence d’organismes benthoniques (Bryozoaires, Mollusques, Oursins) et d’éléments détritiques (grains de quartz et de minéraux lourds divers) fait de la craie un dépôt néritique et non pélagique. Éléments détritiques et organismes sont unis par un ciment calcaire dû à la dissolution de certains organismes et à la précipitation directe de CaC3. Au total, la craie renferme de 90 à 98 p. 100 de CaC3, de 1 à 2 p. 100 d’argile, 0,5 p. 100 de silice, des traces de phosphore et de manganèse. C’est une roche microporeuse presque imperméable. Mais les pays de craie sont très perméables grâce aux diaclases qui fissurent la roche.
Calcaires d’origine biochimique et physico-chimique
Ils résultent de la précipitation de CaC3, sous l’action de facteurs purement physiques (diminution de pression, augmentation de température) ou biochimiques (fonction chlorophyllienne).
Les calcaires lacustres ou laguno-lacustres , à grain fin et cassure sublithographique, sont en général peu fossilifères. Ceux du Tertiaire parisien (calcaires de Saint-Ouen, de Brie, de Beauce) renferment des oogones de Chara et des restes de Gastéropodes pulmonés (Planorbes, Limnées). Ils sont parfois bréchiques car ils se fragmentent pendant les périodes de sécheresse. Des encroûtements algaires qui correspondent à la remise en eau peuvent séparer les lits bréchiques.
Les tufs et travertins sont des dépôts de sources et de rivières dites pétrifiantes; la présence d’une riche végétation accélère le dépôt du calcaire. Ils sont compacts, lités ou vacuolaires, et contiennent souvent des débris végétaux et animaux. Le travertin de Sézanne près d’Épernay, d’âge thanétien, renferme une flore caractéristique d’un climat chaud, presque tropical. Celui de Tivoli (nom ancien: Tiburtino , dont a dérivé travertin ), près de Rome, est exporté dans le monde entier. Le mot «tuf», qui s’applique aussi à des roches non calcaires (tuf volcanique), évoque le son rendu par ces pierres tendres.
Les onyx calcaires , comme ceux du Mexique, sont translucides, zonaires ou rubanés. Ce sont généralement des dépôts de sources chaudes, bien cristallisés et compacts (il existe des onyx siliceux).
Les stalactites , stalagmites et concrétions diverses tapissent les parois des cavités naturelles des pays calcaires.
Les calcaires oolitiques sont formés de petites sphères libres ou unies par un ciment micritique ou cryptocristallin, ayant les dimensions et l’aspect d’œufs de poisson (diamètre inférieur à 2 mm). Au centre de chaque oolite, on trouve généralement un noyau ou nucleus minéral (quartz, calcite) ou organique (débris de coquille, de piquant d’oursin...) entouré d’une enveloppe corticale à structure concentrique, parfois radiée. Lorsque la dimension des grains dépasse 2 millimètres, c’est un calcaire pisolitique . Ces calcaires sont presque toujours d’origine marine, rarement lacustre (Grand Lac Salé, États-Unis) et apparaissent aussi dans des sources thermales (dragées de Carlsbad). De même, les calcaires noduleux , comme les «calcaires griottes» du Dévonien, proviennent de la floculation du carbonate de calcium autour de coquilles roulées.
Les caliches ou croûtes calcaires , enfin, se forment dans les sols des pays méditerranéens et subtropicaux, par évaporation des eaux de capillarité au voisinage de la surface.
Calcaires d’origine détritique
Les brèches de pente se rencontrent dans la plupart des versants en pays calcaires.
Les poudingues à galets et ciment calcaires sont fréquents près d’anciens rivages en pays calcaires (Pliocène des Alpes-Maritimes).
Les calcirudites et les calcarénites sont, nous l’avons vu, des graviers calcaires cimentés, déposés non loin des côtes. Leur intercalation dans des calcaires marneux de la fosse vocontienne est un argument qui met en doute le caractère profond des dépôts.
Les calcilutites ou calcaires lithographiques ont un grain très fin (inférieur à 0,05 mm) et une matrice micritique. Ils renferment une petite proportion d’argile. Ceux de Solenhofen en Bavière ont été popularisés par les empreintes qu’on y a découvertes de parties molles d’animaux divers et, entre autres, des premiers Oiseaux (Archaeopteryx ). On exploite des calcaires lithographiques en France, à Cerin (dans le département de l’Ain).
Calcaires composites
Parmi les principaux, on citera:
– les calcaires marneux (Portlandien du Jura et du nord des Alpes) et les craies marneuses (Turonien du nord de la France) utilisés pour la fabrication des ciments;
– les craies et calcaires dolomitiques , consolidés, noduleux ou sableux;
– les craies et calcaires phosphatés ; le phosphate de chaux, formé aux dépens d’organismes (notamment les Poissons), s’est rassemblé dans les roches (Sénonien de Picardie), ou en bancs (Éocène du Maroc et de Tunisie);
– la craie tuffeau , quartzo-micacée, qui blanchit et durcit à l’air, et qui s’est déposée au voisinage des massifs cristallins: Maine, Touraine (Turonien);
– les calcaires bitumineux : en même temps que les Foraminifères, on y rencontre des éléments détritiques (quartz) et des hydrocarbures provenant de boues organiques;
– les calcaires sapropéliens à cassure noire et patine blanche, qui renferment du carbone organique mal identifiable;
– les calcaires ampéliteux qui, à la différence des précédents, tachent les doigts et contiennent une certaine quantité de pyrite, d’où leur odeur fétide quand on les casse;
– la molasse , grès quartzeux à ciment calcaire tendre, qui renferme des coquilles de Mollusques et des tests de Bryozoaires, accompagnés d’argile, de marnes, de lignite et de glauconie;
– le flysch , complexe sédimentaire présentant une succession de séquences où alternent les grès ou conglomérats, les schistes, les marno-calcaires, avec de rares traces organiques.
Comme les molasses, les flyschs sont essentiellement des roches détritiques liées à l’orogenèse. Mais ce sont le plus souvent des dépôts marins qui se forment à un stade précoce de l’orogenèse, tandis que les molasses sont généralement des dépôts continentaux qui résultent de l’érosion de la chaîne en voie de surrection.
Certains limons et loess , enfin, apparaissent comme un mélange de fines particules calcaires, argileuses et quartzeuses.
Calcaires métamorphiques
Par augmentation de température et de pression un calcaire pur cristallise en marbre blanc , dont l’éclat est dû à la pénétration de la lumière jusqu’à 2 ou 3 centimètres de profondeur et à sa réflexion sur les facettes et les macles des cristaux de calcite. En général, la présence d’impuretés confère à la roche un aspect particulier, l’argile donnant naissance à des lits micacés ou serpentineux (cipolins ), la magnésie des calcaires dolomitiques se transformant en serpentine qui donne à la roche une coloration verte.
3. Formation
Précipitation du carbonate de chaux
Bien que très peu soluble dans l’eau pure (13 mg par litre, moins que la silice), le carbonate de calcium devient relativement soluble dans l’eau chargée de C2. Il se forme alors du bicarbonate de calcium conformément à la réaction d’équilibre:
Les eaux des pays calcaires, en climat tempéré, peuvent titrer de 4 à 100 degrés hydrotimétriques (1 degré hydrotimétrique français = 10,3 mg/l). Au-dessous de 20 degrés une eau est douce, au-dessus elle est dure, impropre au savonnage (formation d’oléates de calcium) et à la cuisson (pectates de calcium qui durcissent les membranes pecto-cellulosiques des cellules végétales).
L’équilibre carbonate-bicarbonate peut être rompu par des facteurs physico-chimiques ou biologiques . Parmi les premiers, citons: l’élévation de température (dépôt de tartre, sources pétrifiantes); la diminution de pression (certaines sources pétrifiantes); l’augmentation de pH; l’agitation des eaux; la concentration par évaporation (concrétions dans les grottes et les diaclases des pays calcaires, caliches et croûtes calcaires dans les sols méditerranéens et tropicaux); la concentration par le gel (formation de calcin , qui a cimenté les graviers des alluvions ou provoqué la formation de croûtes ou d’efflorescences en aiguilles (vatérite ) pendant les périodes froides du Quaternaire).
Les actions biologiques résultent principalement de l’activité des Bactéries, des Algues et des Charophytes. Les végétaux chlorophylliens, pendant le jour, prélèvent directement du C2, ce qui provoque, dans certains cas, une précipitation immédiate de CaC3 qui emprisonne les organismes (tufs, travertins). Mais, le plus souvent, ce sont les bactéries qui agissent, indirectement, par augmentation du pH et diminution de la réserve alcaline, et aussi par l’intermédiaire des composés ammoniacaux provenant de la décomposition des matières organiques. Le bicarbonate de calcium donne du carbonate de calcium et du carbonate d’ammonium selon la réaction:
Dans les eaux chargées de sulfate de chaux, on a ensuite une nouvelle précipitation de CaC3, sous forme d’aragonite:
Formation des coquilles et des tests
Une grande partie de CaC3 est fixée à l’intérieur ou à l’extérieur des organismes par l’activité biologique. Ce fut le cas pour les premières algues, qui vécurent il y a environ 3 milliards d’années: le calcaire de type stromatolitique était alors un revêtement plutôt qu’un squelette. Les formations de ce genre prenaient probablement naissance dans des lagunes isolées, car l’acidité de l’eau des océans ne permettait pas la formation de calcaire – il en est de même aujourd’hui dans certains cours d’eau ou lacs de montagne, où les seuls animaux à squelette externe ont une carapace chitineuse (Crustacés par exemple).
Le développement des végétaux chlorophylliens a conduit à une élévation de pH des eaux marines, dont l’alcalinité augmente. C’est alors que prolifèrent les animaux à coquille calcaire, en particulier les Mollusques et les Brachiopodes, dès le Cambrien. Plus tard, au Mésozoïque et plus intensément au Crétacé, se produisit l’explosion des Foraminifères pélagiques et des Coccolithophoridés qui provoqua la formation des plus importantes assises calcaires de l’écorce terrestre.
Il reste à évoquer le grand développement des calcaires construits, notamment, par les Polypiers. Pendant l’ère primaire, c’est au Dévonien que les récifs atteignent leur maximum d’extension. Dans les calcaires dévoniens des Ardennes ils ont été édifiés par des Stromatopores, des Tabulés et des Tétracoralliaires. Les Hexacoralliaires apparaissent au Trias et s’épanouissent surtout au Jurassique. La migration des récifs vers le sud-ouest, au Jurassique supérieur, est un élément important de la paléoclimatologie de cette époque. Les calcaires lithographiques portlandiens de Solenhofen se sont déposés au voisinage de récifs. Enfin, le Crétacé inférieur voit en Europe du Sud le développement d’un important faciès récifal, l’Urgonien, où les Rudistes s’associent aux Madréporaires.
Les dépôts actuels
Les dépôts s’effectuent à la fois dans les mers et sur les continents.
Dépôts marins
Outre les récifs coralliens déjà évoqués et bien développés dans les eaux littorales chaudes, claires et calmes des mers tropicales (Océanie, Antilles), la sédimentation calcaire est à la fois néritique et pélagique.
Les dépôts néritiques apparaissent généralement au voisinage des régions où prolifèrent les récifs. Ils peuvent provenir de l’accumulation des coquilles ou de débris de Polypiers (côte de Floride), de débris d’Algues calcaires (maerl de Bretagne), de l’accumulation de calcaire détritique d’origine continentale (golfe Arabo-Persique), de la précipitation chimique toujours importante dans les mers chaudes (mer des Antilles, mer Rouge, côte nord-ouest de l’Australie). Le calcaire précipite sous forme de boue, de grains ou d’oolites (Bahamas, Djerba, mer Rouge), où l’aragonite est prédominante. Ces dépôts calcaires néritiques peuvent avoir une épaisseur considérable: plus de 5 000 mètres du Crétacé à l’Actuel au voisinage des Bahamas. Leur diagenèse peut être assez rapide. Ainsi, en période d’émersion, les eaux interstitielles se concentrent par évaporation dans les pores de la roche qui devient ainsi un micromarais salant: l’aragonite précipite, puis la dolomite, le gypse et l’halite.
Un autre mécanisme conduit à la consolidation des grès de plage (beach-rocks ) par précipitation d’un ciment d’aragonite, qui évolue ultérieurement en calcite. Ces grès se forment dans la zone de contact entre la nappe d’eau douce saturée en carbonates et bicarbonates (forte réserve alcaline) et l’eau salée sous-jacente qui, en apportant un excès d’ions Ca++, fait précipiter les carbonates et bicarbonates dissous dans l’eau douce.
Les dépôts calcaires bathyaux (30 p. 100 au moins de CaC3) sont presque uniquement constitués de boues à Globigérines , qui recouvrent environ le tiers du fond des océans. Ces boues sont constituées par des tests de Globigérines et de genres voisins, auxquels s’ajoutent des coccolites provenant du test de flagellés, et des coquilles de Mollusques pélagiques, Hétéropodes et Ptéropodes. Les boues à Globigérines se rencontrent à de plus fortes profondeurs dans les mers chaudes que dans les mers froides où la dissolution des tests intervient plus vite au cours de leur descente vers le fond.
Dépôts continentaux
En bordure des rivages s’accumulent des dunes formées de débris de coquilles et surtout de tests de Foraminifères (Milioles en particulier) qui se consolident assez rapidement par dissolution du calcaire dans les eaux de pluie et précipitation en période de sécheresse. La roche ainsi formée est appelée éolianite . De telles dunes sont répandues sur la côte ouest de l’Inde (Junagarh), où elles s’étendent vers l’intérieur sur 48 kilomètres, sur les côtes du golfe Arabo-Persique et de la Méditerranée orientale (les monuments de Césarée, au nord de Tel-Aviv, ont été construits par les Romains avec de tels grès dunaires appelés kurkar ). Toutefois, ce sont les dépôts calcaires lacustres qui représentent la majorité des dépôts continentaux actuels. On en connaît de bien développés en bordure de la mer Morte et du Grand Lac Salé (Utah). Lorsque la concentration dans la mer Morte atteint un certain seuil, l’aragonite précipite massivement, donnant à l’eau une coloration blanche (lait de mer ). Les dépôts actuels du Grand Lac Salé sont représentés à la fois par des boues calcaires, des oolites, des débris d’Algues et des pelotes fécales carbonatées.
Des croûtes calcaires algaires sont connues dans les anciens lacs de Mauritanie maintenant asséchés (Richât, Chemchane). Parmi les roches calcaires formées sur les continents à l’heure actuelle ou au Quaternaire figurent aussi les croûtes calcaires des sols (type caliches) déjà évoqués. Enfin, les stalactites, stalagmites, tufs, travertins et concrétions diverses continuent à se former dans les anfractuosités du sous-sol. Si ces dépôts calcaires ont une importance géologique négligeable, ils présentent un grand intérêt en paléontologie car ils recèlent souvent de fines empreintes de plantes et d’animaux terrestres.
4. Utilisation des roches calcaires
Les roches calcaires ont connu des usages qui sont tombés en désuétude: l’écriture au tableau noir avec des bâtons de craie auxquels on préfère généralement des bâtons de plâtre, le polissage des vitres et de l’argenterie avec certaines variétés de craie (blanc de Meudon), la reproduction de textes et de dessins sur le calcaire lithographique. Même la fabrication de la chaux par calcination du CaC3 dans des fours à chaux a perdu beaucoup de son importance depuis la généralisation de l’emploi du béton.
Le calcaire est pourtant la pierre à chaux par excellence (d’où son nom anglais limestone ): CaCO3CaO + C2. Par chauffage à 600-800 0C, on obtient de la chaux grasse si la teneur en argile est inférieure à 5 p. 100, de la chaux hydraulique qui durcit sous l’eau pour une teneur de 12 à 20 p. 100. Par cuisson à 1 200 0C, ces calcaires marneux donnent des ciments romains à prise rapide. À 1 400 0C (début de fusion) on obtient des ciments Portland à prise lente. On réalise souvent artificiellement le mélange argile-calcaire destiné à cette fabrication.
Les calcaires sont encore utilisés dans l’industrie chimique (fabrication de la soude, qui en absorbe d’énormes tonnages au pied des côtes de Moselle, production du gaz carbonique), l’agronomie (amendements), etc.
Avant de servir de pierre de construction , les roches calcaires assez tendres, naturellement excavées ou creusées par l’homme, ont servi d’abris sous roches pendant la Préhistoire (vallée de la Dordogne et de ses affluents) et d’habitations troglodytiques à une époque plus récente: catacombes de Rome, demeures du Périgord, des vallées de la Loire et de la Seine où la nef de l’église d’Haute-Isle a été creusée dans la craie.
Aujourd’hui, la plupart des variétés de calcaires servent à la construction, sous forme de moellons ou de pierres de taille. Les meilleurs sont les calcaires purs ne laissant pas de résidu à l’acide: pierres d’Angoulême, de Comblanchien, de Caen (calcaire bathonien exporté vers l’Angleterre au Moyen Âge: Westminster, Tour de Londres), certains calcaires à entroques: petit granit, pierre de Lérouville et d’Euville dans la Meuse. Dans le calcaire grossier, la partie la plus dure, le «banc royal», est exploitée surtout dans la vallée de l’Oise et le Soissonnais (palais du Louvre). La cathédrale de Chartres est bâtie avec la pierre de Berchères (Eure-et-Loir), les châteaux de la Loire avec la craie tuffeau de Touraine; à Paris, l’Arc de triomphe et la basilique de Montmartre sont faits avec la pierre de Château-Landon (Seine-et-Marne).
Les marbres sont des pierres toujours recherchées par les sculpteurs (marbre blanc de Paros et du Pentélique en Grèce, de Carare en Italie) et les décorateurs (marbre de Saint-Béat dans les Pyrénées, calcaires-marbres noirs du Dinantin des Ardennes belges, etc.).
Il faut mentionner, enfin, que les roches calcaires représentent à peu près la moitié des réservoirs de pétrole depuis le Dévonien de l’Alberta (Canada) et le Carbonifère (Mississippien et Pennsylvanien du Texas) jusqu’à l’Éocène de la bordure du golfe Persique. Les principaux gisements français sont dans les calcaires bréchiques du Jurassique moyen (Dogger) dans le bassin de Paris, et dans les calcaires dolomitiques du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur (Lacq, Parentis). La possibilité pour un calcaire de devenir une roche magasin dépend de sa porosité, celle-ci pouvant être primaire (calcaires récifaux, calcaires bréchiques) ou secondaire par dissolution, fracturation ou dolomitisation.
Encyclopédie Universelle. 2012.