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STRATIGRAPHIE
STRATIGRAPHIE

L’histoire de la Terre s’inscrit dans les dépôts sédimentaires qui se sont superposés sous la forme de couches ou strates successives. L’étude des strates est la stratigraphie . Précurseur des stratigraphes, Nicolas Sténon (1631-1687) avait déjà remarqué que les sédiments se déposent horizontalement et les uns sur les autres. Mais le célèbre Werner, de Freiberg, croyait encore vers 1800 que toutes les roches, même les granites, s’étaient déposées sur le fond de la mer, si bien que le domaine de la stratigraphie a été restreint par la suite, lorsque triomphèrent les idées émises par son contemporain l’Écossais Hutton. On considère comme le véritable fondateur de la stratigraphie l’Anglais William Smith (1769-1839), qui reconnut la succession dans le temps des dépôts et leur continuité dans l’espace, ainsi que l’utilité des fossiles pour distinguer des couches par ailleurs presque identiques. La stratigraphie a commencé par être la science qui étudie les strates fossilifères; puis on s’est aperçu que la plupart des événements géologiques (orogenèse, volcanisme, etc.) survenus dans une région avaient laissé des traces. La succession des couches de l’écorce terrestre a donc joué le rôle d’un appareil enregistreur qui fournit de précieuses archives, et celles-ci, par leur comparaison d’un lieu à un autre, permettent de reconstituer l’histoire de notre planète.

1. Les strates et leur analyse

Les dépôts sédimentaires qui constituent les strates comprennent: des sédiments détritiques (clastiques), formés par l’accumulation de débris solides résultant de l’érosion, transportés par des fleuves ou par des courants marins et qui tombent sur le fond des bassins dont l’eau est relativement tranquille (conglomérats, sables); des sédiments chimiques , nés par précipitation dans les eaux saturées (sel, gypse); des roches dites organogènes (biochimiques) formées par l’activité sécrétrice de certains animaux ou de certains végétaux. On doit y ajouter des dépôts autres que sédimentaires, mais également stratifiés, essentiellement d’origine volcanique.

Critères stratigraphiques

Critères de succession

La succession des strates dans un lieu donné est le résultat de leur dépôt en couches horizontales. Si rien n’est venu troubler ce dépôt, et si aucun mouvement de la croûte terrestre n’a postérieurement modifié la disposition des couches, la plus ancienne est la plus profonde, la plus récente est la plus superficielle. Pour un observateur situé en surface, les couches sont atteintes dans l’ordre inverse de celui de leur dépôt. La méthode des sondages (cf. DIAGRAPHIES Géophysique, FORAGES) fournit des «carottes» qui constituent des sections dans une série stratigraphique (stratotype) donnée.

Critères de continuité

Un observateur parcourant une région couverte de roches sédimentaires rencontre chacune d’elles en affleurements plus ou moins étendus (cf. TERRAIN - Géologie). Tout n’apparaît pas en surface. Si les terrains sont restés horizontaux, l’érosion seule peut les mettre au jour.

Aussi la stratigraphie a-t-elle souvent été établie le long des rivages fluviaux ou marins, qui fournissent des coupes naturelles. On peut suivre alors certains niveaux jusqu’à ce qu’ils disparaissent sous une couverture qui les masque (roches sédimentaires, roches magmatiques, manteau végétal) ou encore sous une ville. Les ouvrages d’art permettent aussi de suivre une série stratigraphique: c’est le cas des carrières, des tranchées et des talus de chemin de fer, qui ont aidé le rapide essor de la stratigraphie au XIXe siècle.

Dans les régions couvertes de forêts et de latérite, comme l’Afrique équatoriale, ou de forêts plus ou moins inondées et de lacs, comme le Canada, les affleurements sont rares. Même si l’on procède à des sondages, il est nécessaire d’interpoler: les contours d’une carte géologique comportent donc toujours une certaine part d’interprétation.

Il ne faut pas méconnaître que les sept dixièmes de la surface du globe sont couverts par les mers. La géologie marine exige des méthodes particulières et, sauf exception, il est impossible d’établir une stratigraphie classique des grands fonds océaniques; les carottages sédimentaires dépassent en effet rarement cinquante mètres d’épaisseur, atteignant à peine la fin du Tertiaire. En ce qui concerne les mers épicontinentales, les carottages sont plus aisés et les séries, très épaisses, fournissent tant d’intérêts économiques (pétrole, par exemple) que la stratigraphie, rentable, y a fait de réels progrès.

Critères de polarité

La détermination du sommet et de la base des strates, qu’on nomme le «toit» et le «mur», en adoptant le langage des ouvriers mineurs, n’est pas toujours facile. Il est même parfois malaisé de reconnaître le plan de stratification: c’est le cas lorsque, à la suite de certaines actions tectoniques, est intervenue une schistosité parallèle à un plan différent de celui du dépôt [cf. SCHISTES]. On recherche alors des critères: qu’il s’agisse de pistes qui apparaissent à la surface supérieure des couches, de figures de charge et de figures de courant se présentant à leur face inférieure, de lits de galets jalonnant un litage effacé, ou de stratification entrecroisée (dans laquelle les lits sécants sont postérieurs aux lits coupés).

Paléontologie stratigraphique

La présence de fossiles dans les roches sédimentaires est encore aujourd’hui le meilleur élément pour déterminer l’âge de celles-ci. Les êtres vivants font tous partie du grand courant de l’évolution. Les fossiles sont les témoins du stade atteint, à l’époque de leur mort, par le phylum qu’ils représentent. Certains groupes ont disparu depuis longtemps, et leur seule présence suffit à prouver que les terrains qui les renferment sont antérieurs à leur extinction: les Trilobites sont tous paléozoïques, les Ammonites sont toutes antérieures à l’ère tertiaire [cf. PALÉONTOLOGIE].

L’évolution précise des genres et des espèces peut avoir valeur de datation. Ainsi les «bons fossiles» sont-ils ceux qui ont évolué rapidement. Les genres d’ammonites se sont, par exemple, succédé au rythme du million d’années. Les transients, qui représentent des modifications de faible amplitude d’une espèce donnée, sont d’excellents marqueurs chronologiques. Dans les carottes de sondage et les couches mal pourvues en grands fossiles, les fossiles de petite taille (pollens, spores, protistes) sont largement utilisés (cf. MICROPALÉONTOLOGIE, PALYNOLOGIE).

Synchronisme et équivalence

Deux formations sont dites synchrones lorsqu’elles se sont déposées en même temps: ce sera le cas, par exemple, de deux faciès passant latéralement de l’un à l’autre (cf. Faciès ).

Deux formations équivalentes ont le même faciès mais peuvent être d’âge différent, même si elles renferment des faunes comparables, parce qu’il a pu se produire une migration.

Modifications de la stratification

Modifications d’origine non tectonique

La stratification peut être modifiée par des bouleversements locaux. Les courants sous-marins, par exemple, surtout ceux qui sont chargés en matériaux solides, à savoir les courants de turbidité (cf. courants de TURBIDITÉ ET GLISSEMENTS SOUS-AQUATIQUES), ne déposent pas toujours des couches horizontales. Les roches sédimentaires ainsi formées selon des critères d’orientation sont des turbidites , dont le grain peut être non calibré et qui en outre constituent parfois des plissotements et des incurvations complexes, quand les matériaux ont dévalé une pente juste avant de se consolider (slumping ). Il en est de même des moraines glaciaires, représentées à l’état fossile par les tillites. Mais, fréquemment, les turbidites montrent du «granoclassement» (graded-bedding ), c’est-à-dire une décroissance de la taille du grain des sédiments de bas en haut. Ce phénomène est dû au fait que la vitesse d’un courant de turbidité est proportionnelle à la racine carrée de sa densité effective: sa partie basse, plus chargée, va donc plus vite que sa partie haute.

Dans les sédiments meubles du fond sous-marin, qu’il s’agisse de vase ou de sable, vit une endofaune composée de Vers, de Mollusques, de Crustacés et de Poissons. Tous creusent des terriers plus ou moins verticaux et, ce faisant, brisent le litage des couches. Ce phénomène, qui peut rendre méconnaissable la stratification de certaines d’entre elles, est nommé bioturbation .

Modifications d’origine tectonique

L’ordre stratigraphique est largement modifié par les phénomènes tectoniques [cf. TECTONIQUE]. Le plissement des strates entraîne, après érosion, la mise au jour de terrains anciens. Des plis très accentués et les nappes de charriage produisent des superpositions anormales et des renversements (séries inverses). Les failles décalent des compartiments entiers vers le haut ou vers le bas de la série géologique. Dès lors, les principes de continuité ne sont applicables qu’avec prudence, quand on est sûr qu’aucune faille n’a mis en regard des couches d’âges différents.

Faciès

A. Gressly (1838) a défini un faciès comme l’association de la couche sédimentaire et des fossiles qu’elle renferme. Cette notion se rapprocherait assez de la notion écologique de biotope [cf. ÉCOLOGIE], si les fossiles n’étaient souvent remaniés, c’est-à-dire transportés après leur mort et avant d’être fossilisés [cf. FOSSILES ET FOSSILISATION]. Un dépôt de plage, par exemple, est un faciès et ne correspond pas à un biotope; mais un récif corallien correspond en même temps à un biotope et à un faciès.

Dans la géographie actuelle, les divers biotopes et les couches remaniées se trouvent généralement juxtaposés: on ne suit pas longtemps une population animale dans son cadre. La même chose s’est produite au cours des temps fossilifères et crée un obstacle à l’application pure et simple du principe de continuité en stratigraphie.

Caractères distinctifs

Parmi les faciès marins, il faut distinguer ceux qui sont composés surtout de roches détritiques terrigènes (conglomérats, sables et grès, argilites), les faciès organogènes (calcaires, dolomies, certaines roches siliceuses, les phosphates), les roches d’origine chimique et les faciès pélagiques (anciennes vases très fines qui se sont condensées en argiles, marnes ou calcaires lithographiques).

On nomme faciès isopiques des faciès de même âge et identiques, dans des régions parfois éloignées l’une de l’autre; faciès hétéropiques , des faciès de même âge mais de nature différente; faciès homotaxes (T. H. Huxley), des faciès semblables mais d’âges différents.

Les ensembles réunis artificiellement après la mort ont souvent été désignés sous le nom de thanatocénoses ; on leur affecte aussi l’expression d’«assemblage dans la mort» (death assemblage ).

Deux types de biotopes sont moins touchés que les autres (cf. vie PÉLAGIQUE) par les remaniements post mortem : ce sont les endofaunes (cf. vie BENTHIQUE), qui vivent à l’intérieur de sédiments meubles et sont généralement fossilisées sur place, et les faciès construits [cf. RÉCIFS], parce que la plupart des êtres fixés qui en font partie sont solidement rivés au substrat.

Les faciès construits peuvent être lités suivant les lois habituelles de la stratification: on les nomme alors biostromes . Ils peuvent aussi croître plus vite que les roches sédimentaires encaissantes et constituer alors des masses non stratifiées, faisant saillie dans les terrains de même âge: on les appelle biohermes .

Rôle de la subsidence

Dans les zones faibles de l’écorce terrestre, qu’il s’agisse des régions faillées à l’intérieur des continents ou des parties situées en bordure des aires continentales, l’enfoncement du socle est aisé pour peu qu’un certain poids de roches l’y incite. C’est ainsi que prend naissance la subsidence , définie par Darwin (cf. SUBSIDENCE - Géologie).

La subsidence est un enfoncement de la croûte terrestre sous le poids des roches, quelles que soient celles-ci: coulées de lave, calottes glaciaires, sédiments détritiques ou récifaux. Souvent, la subsidence est compensée par le dépôt, si bien qu’une série fort épaisse de sédiments peut être demeurée d’un faciès uniforme. Dans nombre de cas, le faciès varie sensiblement, selon une cadence qui le ramène finalement à son point de départ. Les mouvements de subsidence du substratum (accentués par les actions tectoniques) et le taux de cette subsidence «contrôlent» la série sédimentaire qui obéit à des rythmes et à des cycles, comme dans les cyclothèmes houillers (fig. 1).

L’importance de la subsidence est particulièrement nette dans le cas des biohermes, surtout ceux qui ont été construits par des récifs coralliens. En effet, le biotope qui préside à la formation de ceux-ci est régi par des conditions physiques très précises: éclairement, température, pureté des eaux. La maintenance de ces conditions, tandis que le récif croît en hauteur, est fonction d’une subsidence qui neutralise cet exhaussement. La forme en lentille biconvexe, très caractéristique de certains récifs, rend compte de l’heureuse combinaison de la croissance et de la subsidence (fig. 2).

Passages latéraux

Chaque faciès est un épisode: il offre donc une extension limitée à la fois dans le temps et dans l’espace. Il passe latéralement à d’autres faciès selon une logique qui est celle de la géographie de l’époque qu’il représente. Autour d’une terre émergée, ceinturée par une mer peu profonde, on trouve successivement des faciès continentaux, souvent détritiques et grossiers, ayant reçu l’apport des sols et des cours d’eau, puis des faciès côtiers, également détritiques mais qui contiennent une faune et une flore marines benthoniques, et enfin des faciès plus fins renfermant des éléments pélagiques. Le passage d’un faciès à l’autre est rarement brusque. Généralement, il se produit selon des indentations qui indiquent que, pendant tout le temps qu’a duré ce type de sédimentation, la limite a oscillé entre les deux faciès (fig. 2).

Séries stratigraphiques

Aires continentales et océaniques

Très globalement, il faut distinguer les aires continentales , régions stables comprenant des parties émergées et des parties immergées, recouvertes par des mers épicontinentales, et les aires océaniques , dont une partie est située à grande profondeur, et qui sont affectées par les dorsales océaniques, les failles transformantes, les fosses et zones de subduction.

Conformément à cette distinction, on peut classer les séries stratigraphiques en séries continentales , ordinairement peu épaisses, en séries épicontinentales , assez minces mais offrant une grande diversité de faciès et souvent de très riches faunes paléontologiques, et en séries océaniques , présentant le maximum d’épaisseur des formations sédimentaires et fréquemment des roches métamorphiques et des roches magmatiques.

Transgressions, régressions, cycles sédimentaires

Par suite des variations du niveau de la mer et des mouvements verticaux de l’écorce terrestre, les lignes de rivage ont varié constamment au cours de l’histoire géologique (cf. ÉPEIROGENÈSE, EUSTATISME).

Une transgression est le recouvrement par la mer d’une terre précédemment émergée: cette avancée marine s’opère la plupart du temps sur le plateau continental et sur les aires continentales basses. Les couches inférieures sont souvent nettement détritiques, marquées par un «conglomérat de base» dont l’âge est de plus en plus récent suivant les progrès de la transgression.

Une régression est l’abandon par la mer d’une zone précédemment immergée. L’émersion est indiquée par l’apparition de faciès continentaux.

On appelle classiquement cycle sédimentaire une suite de formations marines encadrée par deux régressions (cf. cycles SÉDIMENTAIRES).

Lacunes, discordances

Théoriquement, une série stratigraphique est continue, c’est-à-dire qu’il se dépose une série de couches pour chaque étage. En réalité, il y a des interruptions de sédimentation: on les nomme lacunes ou hiatus . Une lacune peut représenter un temps court (diastème) ou très long. Elle constitue un fait négatif que l’on interprète soit comme une absence de dépôt par suite du manque de sédiment, soit par l’empêchement de la sédimentation sous l’action de courants d’air ou d’eau. À ce dernier cas se rapportent les hard-grounds (fonds durcis), qui résultent d’un arrêt de sédimentation dû aux courants marins et s’accompagnent de perforations d’organismes divers et de colorations brunes d’oxydes. L’érosion peut accentuer l’effet d’une lacune en enlevant une partie des dépôts qui l’ont précédée.

On appelle discordance une modification dans la sédimentation (fig. 3). Cette modification est l’effet soit d’une lacune seule (paraconformité ) suivie d’érosion (discordance érosionnelle ou disconformité ), soit d’un mouvement orogénique ayant plissé ou basculé, puis livré à l’érosion les couches inférieures, qui ne sont donc plus horizontales, avant le dépôt des couches supérieures qui, elles, sont horizontales; ces discordances, caractérisées par l’angle des couches les plus récentes sur les plus anciennes, sont dites discordances angulaires .

Roches détritiques et pyroclastiques

En stratigraphie, on utilise beaucoup les formations détritiques, car leurs éléments proviennent généralement de l’érosion de niveaux antérieurs. Un galet permet de dater à coup sûr la couche qui le renferme, d’un âge postérieur à la roche dont il provient. Les éléments plus petits, en particulier les minéraux lourds, donnent aussi des indications sur la provenance et l’âge des sédiments [cf. SÉDIMENTOLOGIE].

Les roches pyroclastiques, émises par les volcans, sont les cendres et les graviers qui se déposent finalement comme des roches sédimentaires, souvent grâce à des précipitations aqueuses, et sont insérées dans la stratigraphie. Ainsi une couche de cendres volcaniques (tephra) peut servir de niveau repère dans une série, en même temps qu’elle indique un épisode volcanique important dans la région qu’elle concerne; l’intérêt de tels niveaux est qu’ils peuvent faire l’objet d’une datation isotopique (par exemple K/Ar).

2. La nomenclature stratigraphique et ses applications

La nomenclature stratigraphique a pour finalité essentielle la datation des roches et de tout ce qu’elles renferment, ainsi que la reconstitution des géographies qui se sont succédé au cours des temps géologiques.

Chronométrie de base

En l’absence de données chronologiques incontestables, on utilise la seule lithologie. Les premières cartes géologiques européennes, telles celles de J. E. Guettard (de 1778 à 1781) et de A. Dumont (1830), furent des cartes lithologiques. Ce système, perfectionné, est encore employé, par exemple aux États-Unis: c’est l’échelle des formations . En 1938, le Lexique stratigraphique d’Amérique du Nord en avait recensé plus de 13 000. Malheureusement, la définition des formations est proche de celle des faciès, c’est-à-dire que, même si une formation est minutieusement délimitée dans l’espace, elle procède plutôt d’une unité paléogéographique dont la durée a varié selon les points. On continue cependant, dans les régions mal connues, à distinguer une échelle lithologique qui comprend les catégories suivantes: les groupes , divisés en formations , lesquelles comprennent à leur tour les membres , divisés en couches .

Un autre système de chronométrie est fourni par les principales discordances qui correspondent à de grandes phases de plissement. Ce système a été exploité au maximum par l’école allemande de H. Stille (1924, 1935); il a le défaut d’être dogmatique et d’exiger la recherche de phases orogéniques, même dans des régions où elles n’ont pas eu d’influence [cf. OROGENÈSE]. De plus, en raison des discordances, on a tendance à considérer les mouvements orogéniques comme discontinus alors qu’ils ont peut-être été continus durant un certain laps de temps. Cependant, la chronologie isotopique, qui n’a cessé d’être perfectionnée depuis les années 1930, s’appuie essentiellement sur l’analyse de minéraux de roches telles que les granites et les pegmatites, roches qui accompagnent en général les grandes phases orogéniques. Les coupures bien datées et importantes correspondent donc le plus souvent avec ces phénomènes.

Enfin, la stratigraphie fine repose sur la paléontologie, plus précisément sur le temps qu’ont mis certains groupes de fossiles à évoluer. Le problème du temps d’évolution, qui varie avec les types étudiés, a été posé par G. G. Simpson (1945), qui définit une vitesse lente (bradytélie), une vitesse élevée (tachytélie) et une vitesse normale (horotélie); seule cette dernière est utilisable.

Échelles synoptiques

On distingue deux échelles synoptiques, l’une proprement stratigraphique, l’autre chronologique.

L’échelle stratigraphique , fondée sur la succession des unités sédimentaires et mise au point au cours de congrès géologiques successifs, comprend les érathèmes , groupant des systèmes , divisés en séries , celles-ci en étages et ceux-ci en zones ou assises . Ici intervient la paléontologie stratigraphique: l’étage est caractérisé par un groupe ou une association d’espèces, et la zone par une espèce; on distingue encore parfois une unité plus petite, l’épibole , niveau d’apogée d’une espèce caractéristique.

L’échelle chronologique , qui correspond à l’échelle stratigraphique, comprend des unités temporelles, à savoir les ères , divisées en périodes , lesquelles comptent des époques groupant des âges ; les divisions plus fines sont les phases ou chronozones , que l’on a subdivisées en héméras (du grec, jour); des unités chronologiques, plus vastes que les ères, sont parfois nommées éons . La plus grande partie de l’histoire de la Terre est occupée par les temps antécambriens ou protérozoïques (dans lequels il n’y a pratiquement pas de fossiles animaux); les temps fossilifères ou phanérozoïques comprennent les ères primaire (Paléozoïque), secondaire (Mésozoïque), tertiaire et quaternaire (Cénozoïque).

En ce qui concerne la stratigraphie des temps antécambriens, la paléontologie faisant pratiquement défaut, les critères orogéniques sont plus généralement retenus. On y distingue en outre d’importantes subdivisions fondées sur les dispositions continentales que l’on attribue hypothétiquement au nombre de cellules de convection à l’intérieur du manteau terrestre: ce sont les chélogenèses . Les temps fossilifères appartiennent à une chélogenèse qui a commencé avant la fin des temps antécambriens. La grande dérive continentale qui a débuté au Crétacé moyen, il y a 100 millions d’années, peut être considérée comme une nouvelle chélogenèse.

Une des difficultés de la stratigraphie est posée par l’étude du Quaternaire, dont la durée est trop courte pour qu’une échelle purement fondée sur l’évolution organique soit applicable. En contrepartie, il est plus facile de reconnaître les allées et venues mineures des mers, les modifications climatiques; enfin, lorsque l’on constate une présence humaine, une véritable stratigraphie est basée sur l’outillage et sur la culture.

La chronologie isotopique , nommée couramment «chronologie absolue», vient compléter les échelles stratigraphiques par des datations en millions d’années [cf. GÉOCHRONOLOGIE]. Depuis que celles-ci ont pu être effectuées et contrôlées par des méthodes diverses, on s’est rendu compte des durées réelles des subdivisions reconnues. La chronologie isotopique utilise le plus souvent les minéraux des roches cristallines, des laves et des filons métallifères. Une autre méthode, celle du paléomagnétisme , s’applique presque exclusivement aux fonds océaniques; elle fait appel aux bandes alternées d’anomalies magnétiques parallèles aux dorsales océaniques et permet de mesurer le taux d’expansion de ces fonds. La stratigraphie des temps géologiques utilise les données paléomagnétiques fournies par les mouvements des fluides conducteurs de la partie externe du noyau terrestre. Parmi celles-ci les inversions géomagnétiques ont permis, avec quelques marges d’erreur, d’établir des corrélations à partir du Jurassique supérieur (cf. GÉOMAGNÉTISME, géologie SOUS-MARINE).

On constate que des subdivisions d’un même niveau peuvent être fort inégales. Deux étages représentent rarement un même laps de temps. D’une manière générale, les durées sont d’autant plus longues que l’on remonte plus loin dans le temps.

Le tableau stratigraphique

L’objet de la stratigraphie est de reconstituer la chronologie de l’histoire de la Terre. C’est en fait toute la partie diachronique de la géologie qui est concernée.

La principale difficulté pratique pour l’établissement d’un tableau stratigraphique est celle à laquelle se heurtent toutes les classifications. Il existe des cas litigieux qui ne se laissent pas isoler: c’est l’affaire de presque tous les étages de passage entre deux systèmes, de la quasi-totalité des zones de passage entre les étages.

La seconde difficulté réside dans l’établissement des corrélations stratigraphiques entre des régions éloignées qui ont évolué séparément à une même époque. L’un des critères permettant de distinguer un système est de le faire coïncider avec un cycle stratigraphique: il débute par une transgression, s’épanouit, puis se termine par une régression. Au Jurassique, par exemple, ce critère est valable assez généralement pour l’Europe occidentale, où il a été défini; mais il n’a pas de sens quand il s’agit de l’Amérique du Nord. Les corrélations sont par conséquent malaisées et doivent être confirmées par des datations isotopiques et surtout par la répartition géographique des fossiles à dispersion rapide.

Ces restrictions étant soulignées, les résultats de la stratigraphie ont abouti à la classification présentée dans le tableau ci-après. Des unités stratigraphiques se distinguant par leurs caractères tectoniques, paléogéographiques, biologiques, y sont désignées par un numéro (H. et G. Termier). La suite de ces unités se superpose, sans la modifier, à celle des étages adoptés dans les diverses régions du globe.

Paléogéographie

Un des résultats les plus importants de la stratigraphie est l’établissement de cartes paléogéographiques délimitant les domaines continentaux et marins (restitution des anciens rivages) et portant le plus de renseignements possible concernant un âge donné: montagnes anciennes, montagnes jeunes, vents dominants, glaciers, volcanisme, vertébrés dominants, migrations continentales, plantes vasculaires, plantes à fleurs, types de flore, forêts, savanes, régions désertiques, sédiments grossiers, sédiments à grain fin, faciès «flysch», bitumes, ozocérites, mers non subsidentes, mers subsidentes, lagunes d’évaporation, bassins, courants de migrations marines, vases à coccolithophoridées, calcaires zoogènes (à coraux, à bryozoaires, à brachiopodes...).

Tous les affleurements de terrains sont soumis à l’érosion par les agents atmosphériques [cf. ÉROSION ET SÉDIMENTATION]; par conséquent, de nombreuses couches fossilifères sont ainsi détruites par le haut et à jamais. D’autre part, les formations sédimentaires placées à de grandes profondeurs par les mouvements tectoniques sont soumises au

métamorphisme [cf. MÉTAMORPHISME], qui ne les anéantit pas mais les transforme en roches plus cristallines. Il faut donc bien savoir que l’ensemble des terrains sédimentaires observables ne sont que ce qui reste d’une très longue histoire qu’on ne pourra jamais reconstituer dans sa totalité.

stratigraphie [ stratigrafi ] n. f.
• av. 1850; du rad. de stratifier et -graphie
1Géol. Étude de la succession des dépôts sédimentaires à la surface de la Terre. La stratigraphie permet d'établir une chronologie de l'écorce terrestre. Adj. STRATIGRAPHIQUE , 1862 .
2 Méd. Procédé de tomographie où le tube émetteur reste fixe, le sujet et le film se déplaçant autour de deux axes parallèles.

stratigraphie nom féminin Description des strates, ou couches de terrain, qui constituent l'écorce terrestre dans le but de reconstituer l'histoire de celle-ci. (En s'appuyant sur les principes fondamentaux de continuité et de superposition, elle permet de reconstituer la chronologie relative des événements au cours des temps géologiques.) Procédé de recherche archéologique qui consiste à décaper le terrain par strates pour distinguer les différentes couches d'un site, déterminer leur succession et, donc, leur chronologie.

stratigraphie
n. f. GEOL Partie de la géologie consacrée à l'étude des strates constitutives des terrains.

⇒STRATIGRAPHIE, subst. fém.
A. — GÉOL. Étude de la succession chronologique et de la répartition géographique des formations sédimentaires ou d'origine sédimentaire, généralement stratifiées. Le premier travail du géologue va maintenant commencer: c'est la stratigraphie. Il faut dater cette faune, ce sédiment habité; il ne suffit pas de savoir s'il est le vestige d'une mer ou d'un lac, d'un climat chaud ou froid. Il faut savoir, par cette faune, à quel niveau se situe le dépôt, quel est son âge (COMBALUZIER, Introd. géol., 1961, p. 103).
P. méton. Ensemble de couches de sédiments. D'une manière générale, les terrains les plus anciens, ayant eu à subir de plus nombreuses et de plus longues vicissitudes au cours de l'histoire de la Terre, sont aussi ceux dont la stratigraphie est le plus accidentée (BOULE, Conf. géol., 1907, p. 42).
P. anal., ARCHÉOL. ,,Méthode de travail consistant à différencier, sur un site, les couches superposées d'occupation humaine, afin d'établir entre elles une chronologie d'abord relative puis, après l'étude du matériel recueilli, absolue et de reconstituer l'histoire du site`` (PELL. 1972); ensemble des couches d'un site. On s'efforce, au cours des fouilles, de dégager chaque niveau, dans l'ordre inverse de sa formation, en suivant la stratigraphie naturelle, ce qui correspond rarement à l'établissement de tranches régulièrement horizontales (BRÉZ. 1969).
B. — MÉD. ,,Variante de la tomographie`` (Méd. Biol. t. 3 1972). La tomographie, ou stratigraphie, permet de radiographier un plan déterminé du corps (BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p. 649).
Rem. Stratigraphe, v. -graphe I A 2 b.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1854 (Ch. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, Études de Lithologie ds Ann. chim. et phys., 3e série, t. 40, p. 258, note). Formé de strate et de l'élém. -graphie. Bbg. MIGLIORINI (Br.). Trois questions glottotechniques... Fr. mod. 1973, t. 41, p. 70. — QUEM. DDL t. 14.

stratigraphie [stʀatigʀafi] n. f.
ÉTYM. Av. 1850; du rad. de stratifier, et -graphie.
1 Sc. a Anciennt. Étude des couches sédimentaires qui se sont disposées à la surface de la Terre.
b Mod. Géol. Étude de la succession chronologique des roches de l'écorce terrestre (syn. : géologie historique).
2 Sc. Ensemble des couches de sédiments superposées en un lieu. || Étudier la stratigraphie d'un terrain. || Stratigraphie du sol d'une grotte. || Étude de la stratigraphie dans une famille archéologique.
3 (1964). Méd. Procédé de tomographie où le tube émetteur reste fixe, le sujet et le film se déplaçant autour de deux axes parallèles.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
DÉR. Stratigraphique.

Encyclopédie Universelle. 2012.