oeuvre
n.
rI./r n. f.
d1./d Ce qui est fait, produit par quelque agent et qui subsiste après l'action. Faire oeuvre utile.
— Loc. être le fils de ses oeuvres: être arrivé au succès par son propre mérite.
d2./d Action, activité, travail. Prov. à l'oeuvre on connaît l'ouvrier (ou l'artisan).
— être, se mettre à l'oeuvre.
— Mettre qqch en oeuvre: employer (qqch) pour un usage déterminé; fig. avoir recours à (qqch). Mettre tout en oeuvre pour réussir.
d3./d Organisation charitable. OEuvre de bienfaisance.
d4./d Ouvrage littéraire, production artistique. OEuvres choisies, complètes d'un écrivain. Une oeuvre de jeunesse, de maturité.
d5./d MAR (Plur.) OEuvres vives d'un navire: partie de la coque qui est au-dessous de la ligne de flottaison. OEuvres mortes, au-dessus de la ligne de flottaison.
rII./r n. m.
d1./d ALCHIM Le grand oeuvre: la recherche de la pierre philosophale.
d2./d Litt. Ensemble des oeuvres (plastiques, en partic.) d'un artiste. L'oeuvre peint de Michel-Ange.
d3./d CONSTR Gros oeuvre: ensemble des ouvrages qui assurent la stabilité et la résistance d'une construction. Second oeuvre: ensemble des aménagements.
— Loc. à pied d'oeuvre: très près de la construction que l'on élève. Apporter des matériaux à pied d'oeuvre.
— Fig., cour. être à pied d'oeuvre: être prêt à entreprendre une besogne.
⇒OEUVRE, subst.
I. —Au fém.
A. —Au sing. dans la plupart des emplois
1. Ensemble d'actions accomplies par quelqu'un en vue d'un certain résultat. Synon. activité, tâche, travail, entreprise. OEuvre colonisatrice, de colonisation; oeuvre d'organisation; oeuvre rédemptrice; l'oeuvre du salut. L'homme ne choisit ni son chemin ni son oeuvre; Dieu lui donne sa tâche par les circonstances et par ses convictions. Il faut l'accomplir (LAMART., Voy. Orient, t.2, 1835, p.260). À cette oeuvre immense de construction sociale, c'est l'immense majorité des citoyens qui doit concourir (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.93):
• 1. ... voir dans le travail une auto-création absolue, ne concevoir le destin de l'homme que dans son rapport avec la nature et les autres hommes, refuser de voir dans l'activité laborieuse une oeuvre libératrice nécessaire sans doute, mais introductrice aussi à une destinée plus haute, c'est fonder l'athéisme sur un immanentisme sans ouverture.
LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p.33.
2. P.anal. [L'agent est une chose] Action, travail.
a) [L'agent est une faculté hum. ou un produit de son activité] L'oeuvre de l'intuition, de l'imagination, de la pensée. L'oeuvre d'abstraction de la science (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p.109). [Un édifice accompli] manifeste à la lumière l'oeuvre combinée du vouloir, du savoir et du pouvoir de l'homme. Seule entre tous les arts, et dans un instant indivisible de vision, l'architecture charge notre âme du sentiment total des facultés humaines (VALÉRY, Variété III, 1936, p.81).
b) [L'agent est un phénomène matériel, naturel ou social, ou un phénomène psychol.] Ma souffrance allait en augmentant chaque jour au lieu de diminuer. Non que l'oubli n'accomplît son oeuvre, mais là même il favorisait l'idéalisation de l'image regrettée (PROUST, Fugit., 1922, p.448). À côté de son oeuvre de destruction grandiloquente, dont une ivresse d'épouvante peut émaner à la rigueur, elle [la guerre] est aussi une dégradation misérable de tout ce que la civilisation a mis debout (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.117):
• 2. Puis après, le temps un instant dompté, reprendra son oeuvre dévorante, et votre chair, aurore palpable, sera emportée tout à coup par la colère du sort ou de l'homme...
CROS, Coffret santal, 1873, p.126.
3. Expr. et loc.
a) À l'oeuvre (être, se mettre; mettre, voir, etc. qqn). Au travail. Aussitôt, MM. les scientifiques de se rengorger, puis de mettre leurs scribes à l'oeuvre (MARAT, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p.295). À la fin de février, je me mets à l'oeuvre, je passe 16 nuits et 16 jours au travail (BALZAC, Corresp., 1839, p.575). Au petit jour, ils sont à l'oeuvre, cuisant le pain, repassant notre linge (GIDE, Voy. Congo, 1927, p.731).
♦Vieilli. Mettre la main à l'oeuvre. Se mettre au travail. La maison Moyen Âge fut commandée, et l'architecte chevelu mit la main à l'oeuvre (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.219).
— [Le suj. ou l'obj. de la loc. verb. désigne une chose] Être à l'oeuvre, mettre qqc. à l'oeuvre. Être, mettre en jeu, en action. Les moyens vertueux et bonasses ne mènent à rien. Il faut mettre à l'oeuvre des leviers plus énergiques et des trames plus savantes (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p.175). Je retrouve une pensée plus vieille que moi à l'oeuvre dans mes organes de perception (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.404).
b) Faire oeuvre
— Absol., rare et littér. Agir, travailler. Ils veulent Chambord pour en être, l'un gouverneur, l'autre concierge, bien gagés, bien logés, bien nourris, sans faire oeuvre (COURIER, Pamphlets pol., Disc. souscr. acquis. de Chambord, 1821, p. 73). Dans l'Eucharistie et dans les autres sacrements où le prêtre fait oeuvre sur terre au nom et en place de Dieu (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t.1, 1840, p.372).
♦Ne (pas) faire oeuvre de ses dix doigts. Ne rien faire; en partic., être incapable de tout travail manuel, de toute activité pratique. Synon. usuel ne rien (savoir) faire de ses dix doigts. Si tu voyais, dans une de ces occasions difficiles où nous les hommes peuvent se trouver, un savant ou un homme de génie, qui ne sache faire oeuvre de ses dix doigts, tu en aurais vraiment pitié (NODIER, Fée Miettes, 1831, p.71). Elle disait (...) que tous ces gens qui étaient là, à bâiller sur leurs portes, sans faire oeuvre de leurs dix doigts, lui donnaient sur les nerfs (ROLLAND, J.-Chr., Adolesc., 1905, p.275).
— Faire oeuvre + adj. spécifiant ou qualifiant l'activité, l'action. Faire oeuvre scientifique, révolutionnaire; faire oeuvre utile. Il répliqua sèchement qu'il n'avait jamais, même dans sa courte vie, fait oeuvre policière (G. LEROUX, Parfum, 1908, p.74).
— Faire oeuvre + nom de chose indiquant la nature de l'activité ou son but. Le moins surprenant est que dans une allée à l'extase, on ait l'illusion de connaître et de posséder, comme faisant oeuvre de science (on enrobe l'inconnu dans un connu quelconque, comme on peut) (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p.236). Il prétendait faire oeuvre de découverte et non oeuvre d'expression (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p.142).
— Faire oeuvre + nom de pers. représentant l'agent auquel est propre un type d'activité ou de comportement. Faire oeuvre d'ami, de novateur, de savant. [Ils] ont fait oeuvre non seulement de très courageux critiques mais de patriotes et de bons chrétiens (LARBAUD, Journal, 1934, p.287).
c) ) Mettre en oeuvre
— Mettre qqc. en oeuvre. Employer des matériaux en leur donnant une forme et une disposition déterminées. Après enrobage, les matériaux sont le plus souvent laissés en tas pendant quelques semaines et mis en oeuvre à froid, lorsque l'enduit qui les recouvre a pris une consistance presque solide et simplement collante (BOURDE, Trav. publ., 1929, p.123).
BIJOUT. Mettre un diamant en oeuvre (Ac. 1835, 1878). P. métaph. Un fragment de lettre ou de conversation [de La Bruyère] imaginé ou simplement encadré au chapitre des Jugements (...) est lui-même un adorable joyau que tout le goût d'un André Chénier n'aurait pas mis en oeuvre et en valeur plus artistement (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t.1, 1844-64, p.409).
♦Au fig. Utiliser (des moyens), exploiter, mettre en pratique, en forme (une matière intellectuelle, des idées, un plan, une politique, etc.). Un changement d'activité mettant en oeuvre les forces vitales inemployées (Organ. loisirs travaill., 1939, p.22). [Ce Centre national du tourisme] recevait (...) la mission capitale de mettre en oeuvre le plan d'équipement et de modernisation du tourisme (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p.26):
• 3. ... l'histoire naturelle de l'homme possède déjà les éléments nécessaires à son développement, et il s'agit maintenant de mettre en oeuvre les documents accumulés, de les classer, d'en tirer des conclusions générales.
Hist. sc., 1957, p.1352.
— Vieilli. Mettre qqn en oeuvre. Mettre quelqu'un au travail, l'employer, le faire agir. C'est à ceux qui mettent les ouvriers en oeuvre à les payer (Ac. 1798-1878). Dès que l'expérience a pu apprendre qu'un seul ragoût éminemment traité suffisait pour faire la fortune de l'inventeur, l'intérêt, ce puissant mobile, a allumé toutes les imaginations et mis en oeuvre tous les préparateurs (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p.287).
) Mise en oeuvre. Travail, disposition de matériaux en vue d'une utilisation donnée. Dans les monuments sépulcraux d'Égypte ou de Mauritanie, l'orgueilleuse revendication d'éternité cherche à s'affirmer par la mise en oeuvre colossale de blocs dont l'accumulation défie le temps (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.159).
— Au fig. Utilisation, mise en pratique, exploitation (d'éléments intellectuels ou moraux). Un esprit de premier plan ne peut se sauver de ce dilemme que grâce à l'art, je veux dire en exerçant sa pensée sur un plan nouveau, sur celui de son expression, de son élaboration artistique. (...) il suffit d'aimer l'art de telle manière que ce travail de la mise en oeuvre puisse remplacer la pensée au sens strict du terme (DU BOS, Journal, 1921, p.20). Lorsque les amateurs sincères des idées estiment que la philosophie est la mise en oeuvre de la bonne volonté (...), ils admettent implicitement (...) cette vocation, cette prédestination et cette grâce efficace (NIZAN, Chiens garde, 1932, p.17).
) Metteur en oeuvre
— BIJOUT. Artisan, ouvrier ,,qui fait la monture des pierres précieuses, perles, etc.`` (DG, s.v. metteur).
— Celui qui met quelque chose en pratique, qui utilise et dispose des éléments pour réaliser quelque chose. On trouva parmi ses papiers [d'un inventeur] nombre de plans qui ne demandaient que sa mort pour trouver des metteurs en oeuvre et s'épanouir (ARNOUX, Suite var., 1925, p.234).
d) ) Bois d'oeuvre. [P. oppos. à bois de chauffage] Bois destiné à être travaillé. Synon. bois à oeuvrer. Notre production ligneuse comprend beaucoup plus de bois de chauffage que de bois d'oeuvre ou d'industrie (Forêt fr., 1955, p.15).
) Maison de l'oeuvre. [Au Moyen Âge] Auprès des monuments religieux en cours d'exécution, on construisait toujours une maison de l'oeuvre où logeaient l'architecte et les maîtres ouvriers chargés, de père en fils, de la continuation des travaux (CHABAT t.2 1876).
) Maître d'oeuvre, maître de l'oeuvre. V. maître1 II A 1 a.
e) P. méton.
) ADMIN. RELIG. Revenus affectés à la construction, à l'entretien, aux réparations des bâtiments d'un édifice religieux. Synon. fabrique. L'oeuvre de cette paroisse est fort riche. Il a donné tant à l'oeuvre (Ac. 1798-1878). L'argent ainsi pesé était remis entre les mains des directeurs de l'oeuvre du temple, qui le dépensaient en travaux de construction (RENAN, Hist. peuple Isr., t.2, 1889, p.409).
♦Banc d'oeuvre, banc de l'oeuvre ou, p.ell., l'oeuvre. Banc d'honneur situé dans la nef de l'église en face de la chaire, occupé par les marguilliers, membres de la fabrique ou oeuvre d'une paroisse. En face, il y avait le banc d'oeuvre, et deux rangs d'hommes, quadragénaires, quinquagénaires et sexagénaires, cossus, pansus et cuissus (ROMAINS, Copains, 1913, p.228).
) AGRIC., région. ,,Mesure agraire d'une superficie de 6 ares utilisée en Auvergne surtout pour évaluer l'étendue d'un vignoble`` (FÉN. 1970). V. hectare ex. de Barrès.
Rem. GUÉRIN 1892 donne ce sens comme anc. et le définit ainsi: ,,Mesure de terre, ce que l'on peut labourer en un jour``.
B. —Au sing. et au plur.
1. [Gén. avec une connotation morale ou dans des domaines partic. et des loc.] Acte, action.
a) Exécuteur, maître des hautes, des basses oeuvres. Bourreau. V. exécuteur B 2 et maître1 II A 3 d.
b) Littér. ou p.plaisant. (Femme) enceinte, grosse des oeuvres de qqn. Enceinte du fait de quelqu'un. Des lettres anonymes (...) lui apprirent les amours de Beauchêne avec Norine, cette ouvrière de la fabrique, devenue grosse de ses oeuvres (ZOLA, Fécondité, 1899, p.434).
c) THÉOL., MOR.
— OEuvre de (la) chair. Acte sexuel. [Dans les anc. catéchismes] L'oeuvre de chair ne désireras Qu'en mariage seulement. Il m'annonce solennellement qu'il a été à Lourdes pour un voeu de chasteté, que lui et sa Ludine se sont engagés devant Dieu à ne plus faire l'oeuvre de chair, tout en continuant à coucher dans le même lit comme frère et soeur (GONCOURT, Journal, 1894, p.642). Dieu n'aime pas l'oeuvre de chair, et tout au moins lui impose-t-il une loi; ainsi se trouve-t-elle purifiée par ses mains. Moi j'ai accompli l'oeuvre de chair contre Dieu. C'est-à-dire avec le diable (JOUVE, Paulina, 1925, p.186). V. aussi infra comme synon. de oeuvre mauvaise.
— [Désignant une action hum. considérée dans sa conformité ou sa non-conformité avec les prescriptions de la relig.] Vous dites avec raison qu'un des traits caractéristiques de nos opinions morales, c'est de ne s'attacher qu'aux oeuvres indépendamment de la croyance (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Gobineau], 1843, p.60):
• 4. ... dans le Testament Nouveau, «le Seigneur choisit soixante-douze disciples et les envoya deux à deux prêcher devant lui» afin d'enseigner par la parole comme par l'exemple aux ministres de son Église à être parfaits dans la foi et dans les oeuvres, c'est-à-dire à s'affermir à jamais dans le double amour de Dieu et du prochain.
BILLY, Introïbo, 1939, p.142.
♦OEuvre bonne, bonne oeuvre. Action conforme à la volonté de Dieu; en partic. (surtout au plur.), action charitable faite envers le prochain, notamment envers les pauvres. Faire des bonnes oeuvres. V. aussi infra d, p.méton. Les bonnes oeuvres, les aumônes, les prières chez elle ou à l'église, de rares visites dans le monde (...) formaient tout le tissu de sa vie (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.166). En polémiquant contre les oeuvres comme source de salut, la Réforme ne s'en prenait que secondairement aux abus (...), elle s'en prenait à une doctrine qui devait être confirmée par le concile de Trente (...) et qui ajoute à la justification par la foi, les bonnes oeuvres qui méritent à l'homme la vie éternelle (Philos., Relig., 1957, p.50-7).
[Dans la lang. profane] Action méritoire. Ce serait véritablement une bonne oeuvre que de faire traduire les 2 livres de son ouvrage historique [de Herder] (CONSTANT, Journaux, 1804, p.57).
Expr. vieillie. Bon jour, bonne oeuvre. [Formule employée pour parler d'une bonne action faite le jour d'une grande fête] Ils se sont réconciliés le jour de Pâques: bon jour, bonne oeuvre (Ac. 1835, 1878). Le plus souvent par antiphrase. Il a volé le jour de Pâques: bon jour, bonne oeuvre (Ac. 1798-1878).
♦OEuvre de miséricorde. OEuvre destinée à soulager le prochain, matériellement ou spirituellement. Les sept oeuvres de miséricorde corporelle; oeuvres de miséricorde spirituelle. J'accomplissais, en vêtant ceux qui sont nus, une des sept oeuvres de la miséricorde (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.304).
♦OEuvre pie. OEuvre de charité faite en vue de Dieu (d'apr. MARCEL 1938). V. pie2 B 1.
♦OEuvre morte. OEuvre bonne en soi, mais inutile pour le salut, son auteur n'étant pas en état de grâce (d'apr. MARCEL 1938).
♦OEuvre mauvaise. Action contraire à la volonté de Dieu. Synon. oeuvre de la chair, d'impiété, du diable, de ténèbres. Ce que sa morale [d'Abélard] fait immédiatement passer au premier plan, c'est l'importance primordiale du consentement interne, sa prépondérance sur l'acte qui la suit. Autre chose est pécher, autre chose accomplir son péché. Il conduit si loin cette distinction, qu'à ses yeux non seulement l'oeuvre mauvaise ne doit pas s'appeler péché, au sens propre du terme, mais même qu'elle n'ajoute rien à la gravité du péché (GILSON, Espr. philos. médiév., 1932, p.145).
[Dans la lang. profane] Acte pervers, immoral. Point de liberté de la presse, point de jurés, point de liberté civile, mais des espions de police, et des journaux à gages, pour vanter cette oeuvre de ténèbres (STAËL, Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.165).
Expr. [P. réf. à la formule liturg.] Renoncer à Satan, à ses pompes, à ses oeuvres. Rodolphe mesura la situation et dit avec un peu de mélancolie car il avait renoncé à Satan comme à ses pompes et à ses oeuvres! Ne craignez rien, mon père, je vais aller ouvrir la porte (AYMÉ, Nain, 1934, p.263). P. plaisant. Le mépris qu'en général je porte à la psychiatrie, à ses pompes et à ses oeuvres, est tel que je n'ai pas encore osé m'enquérir de ce qu'il était advenu de Nadja (BRETON, Nadja, 1928, p.133).
♦OEuvre servile. Travail corporel pénible interdit en principe par l'Église le dimanche et les jours de fête. Quand l'Église a fait ce commandement de s'abstenir à certains jours de toute oeuvre servile, il y avait des serfs alors liés à la glèbe; pour eux, en leur faveur, le repos fut prescrit (COURIER, Pamphlets pol., Pétition pour vill., 1822, p.137).
d) P. méton. Entreprise, organisation religieuse ou laïque ayant pour mission de venir en aide à certaines catégories de personnes. On ne sait ce qu'on doit le plus admirer, dans les oeuvres établies ou rêvées par saint Vincent de Paul, de l'ardente charité qui en inspire le dessein ou du génie pratique qui préside à leur règle (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p.136). Les oeuvres universitaires constituent un service public de l'État à vocation sociale (Éduc. 1979):
• 5. Ce qui fait la grandeur et surtout l'incomparable efficacité sociale de notre Philanthropie catholique (OEuvres de Bienfaisance, Soeurs de Saint-Vincent-de-P., etc.), c'est que, en fait, la distribution des secours matériels n'atteint guère que les résignés, les bons esprits, et ne risque pas d'encourager les insatisfaits, les rebelles, ceux qui n'acceptent pas leur condition inférieure...
MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p.1337.
SYNT. OEuvres catholiques, chrétiennes; oeuvres laïques, sociales; oeuvre privée; oeuvre d'utilité publique; oeuvre charitable; oeuvre de charité; fonder une oeuvre; donner aux bonnes oeuvres.
— Parfois péj. Homme, dame d'oeuvres/de bonnes oeuvres. Personne qui agit au sein d'une organisation charitable. Le type de ces grands bourgeois, honneur de la république qu'ils ont fondée. Un homme d'oeuvres, hautement estimé dans le protestantisme français (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.123). Je pensais à ces vieilles dames des bonnes oeuvres qui «font la charité», donnent vingt francs et exigent la reconnaissance (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p.205).
2. Résultat, produit d'une activité ou d'une action humaine matérielle ou morale; ce qui est réalisé, créé. Être l'oeuvre de qqn; une oeuvre, les oeuvres de l'homme; un chef-d'oeuvre (v.ce mot A); (p. anal.) l'oeuvre, les oeuvres de Dieu, l'oeuvre de la création. Je dirai: —Ce beau jeune homme, c'est moi! Ce marquis de Rubempré, je l'ai créé et mis au monde aristocratique; sa grandeur est mon oeuvre (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.725). [L'action] aspire à revêtir un caractère d'universalité, à se produire d'une façon qui puisse être comprise de tous, à créer une oeuvre qui vaille par elle-même, et qui soit capable d'exercer à son tour une action (BLONDEL, Action, 1893, p.232). Pas d'ornements inutiles dans cette oeuvre du tailleur royal, une coupe simple, même très simple et un peu lourde (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p.114):
• 6. Ce désordre par définition ne peut être l'oeuvre du Créateur, puisque toute chose est bonne de ce seul fait qu'elle est son oeuvre. Il ne peut donc être l'oeuvre que de la créature libre, libre de se prendre elle-même pour fin, au lieu de Dieu qui n'a pas de fin.
CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1906, p.65.
♦Au sing. [Suivi d'un adj. indiquant le domaine concerné] Les réalisations (de quelqu'un) dans tel domaine particulier. L'oeuvre politique, sociale (de qqn, d'un régime); l'oeuvre religieuse (de qqn). Si, de l'oeuvre agricole, vous reportez les yeux vers l'oeuvre industrielle, vous rencontrez partout le même art d'exploiter et d'utiliser les choses (TAINE, Philos. art, t.1, 1865, p.256). Son oeuvre scientifique [de Claude Bernard] a été largement diffusée par la publication de ses cours en une série de volumes qui se sont très largement répandus (Hist. gén. sc., t.3, vol.1, 1961, p.472).
— P. anal. L'oeuvre de qqc. Ce qui résulte d'un processus naturel ou de l'action d'un phénomène ou d'une série de phénomènes intellectuels, moraux ou sociaux. Être l'oeuvre du hasard, de l'histoire. Le mal comme le bien est l'oeuvre de la liberté. Le mal que la liberté a fait, c'est à la liberté de le corriger (RENOUVIER, Essai crit. gén., 3e essai, 1864, p.LXXII). Les déformations spontanées, oeuvre de l'ignorance, sans doute, mais d'une ignorance heureuse et instinctive (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.103). C'était un trou. On me fit remarquer que dans un trou pareil je me fusse aisément rompu les jambes. Ce trou, personne n'en était responsable: c'était l'oeuvre du temps (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p.181).
— Expr. et loc.
♦Être le fils de ses oeuvres. Ne devoir sa position, sa situation, sa réussite qu'à ce que l'on a fait par soi-même. V. fils I B 2 b ex. de Sand et de Renard.
♦Couronner l'oeuvre. Porter quelque chose à son comble (en bien ou en mal). Glocester: Qui vous retient? Pourquoi Ne pas couronner l'oeuvre en disant que c'est moi? (DELAVIGNE, Enf. d'Édouard, 1833, II, 9, p.85).
Proverbe. La fin couronne l'oeuvre. Elle [une abbesse] mérita une flatteuse épitaphe, à laquelle la pointe finale et un peu macaronique ne manque pas:Finis coronat opus. La fin couronne l'oeuvre (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t.1, 1840, p.51).
♦Proverbe. À l'oeuvre on connaît l'ouvrier, l'artisan. C'est à la qualité d'un ouvrage que l'on peut juger de la valeur de celui qui l'a fait. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦À chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses oeuvres. Formule des saint-simoniens. (Ds ROB.).
3. En partic. Composition, ouvrage didactique, artistique ou littéraire. Repensant à la monotonie des oeuvres de Vinteuil, j'expliquais à Albertine que les grands littérateurs n'ont jamais fait qu'une seule oeuvre, ou plutôt réfracté à travers des milieux divers une même beauté qu'ils apportent au monde (PROUST, Prisonn., 1922, p.375). Seules, la magnificence, la pureté du verbe donnent à l'oeuvre pleine présence et assurent sa permanence. C'est la force du verbe qui fait pour une part la force de l'interprète. Le souffle du poète anime, au delà du personnage, l'acteur qui l'assume (SERRIÈRE, T.N.P., 1959, p.161). Raymond Saleilles (1855-1912) est avant tout un juriste. Son oeuvre maîtresse, en matière criminelle, est l'individualisation de la peine (Traité sociol., 1968, p.211). V. aussi éclectique ex. 2.
• 7. ... dans un livre, tout reste plus mêlé, confondu, et le «sujet» importe bien davantage [que dans la peinture]. Pourtant, l'interprétation du sujet, la ressemblance de la chose représentée, sa ressemblance profonde, et la marque personnelle de l'écrivain qui expose et s'expose, son style, tout cela entre en jeu, fait la valeur de l'oeuvre et la retient de tomber bientôt dans l'oubli.
GIDE, Journal, 1943, p.223.
SYNT. Une grande oeuvre, une oeuvre mineure; les oeuvres complètes, choisies, posthumes de qqn; oeuvre magistrale; oeuvre de génie; oeuvre d'imagination; oeuvres littéraires, poétiques, dramatiques, romanesques; oeuvres historiques, scientifiques; oeuvres musicales, orchestrales, lyriques, picturales; oeuvres cinématographiques, radiodiffusées; créer, exécuter, monter, produire une oeuvre.
♦Sing. à valeur de coll. Ensemble des compositions (d'un écrivain, d'un artiste, d'un savant, d'une école, parfois dans un genre ou un laps de temps donné). L'oeuvre orchestrale d'un musicien. J'étais transporté d'enthousiasme en entendant définir l'oeuvre romantique. —C'est, disait Marc Ribert, l'oeuvre de révolte et de douleur (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.377). Dans les préfaces à Ruskin, et dans maints autres passages de son oeuvre, Proust a merveilleusement marqué que la solitude est le lieu de la vie véritable (DU BOS, Journal, 1927, p.362). L'esprit géométrique a le pas dans son oeuvre sur l'esprit de finesse. Mais, géomètre, Bourdelle reste un artiste épique (Arts et litt., 1936, p.18-2).
— OEuvre d'art. OEuvre où la mise en forme des matériaux, l'utilisation de la technique tendent à communiquer la vision personnelle de l'artiste en suscitant une émotion esthétique. L'oeuvre d'art n'est qu'un ensemble de moyens et nous arrivons pour l'art à la définition que je donnais du style: l'art est la volonté de s'extérioriser par des moyens choisis (JACOB, Cornet dés, 1923, p.15). Toute oeuvre d'art, comme aussi toute intelligence, est et ne peut être autre chose qu'un système du monde en raccourci. Tant vaut sinon ce système du monde, du moins sa cohérence et la profondeur de ses rapports avec l'homme de toujours, tant vaut cette oeuvre (FAURE, Espr. formes, 1927, p.137):
• 8. ... je n'attribue pas à la seule musique le privilège de ce «miracle». Aucune véritable oeuvre d'art ne saurait en être privée. Qu'elle soit peinture, sculpture, architecture, ou oeuvre de mots, elle n'est rien si elle n'éveille ces résonances profondes de l'esprit, qui l'illuminent et qui l'emportent libéré de la gaîne du «siècle».
ROLLAND, Beethoven, t.1, 1937, p.20.
— Chef-d'oeuvre. V. ce mot B.
C. —Au plur., MAR.
— OEuvres mortes. Partie non immergée de la coque d'un navire, celle qui est située au-dessus de la ligne de flottaison. Synon. accastillage. V. ce mot ex. 3 et 6.
— OEuvres vives. Partie immergée de la coque, celle qui est située au-dessous de la ligne de flottaison. Synon. carène. La torpille est un engin destiné à attaquer un navire dans ses oeuvres vives (LEDIEU, CADIAT, Nouv. matér. nav., 1890, p.549). La faible lumière du poste de commandement émerge encore, après que les oeuvres vives ont disparu (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p.43).
♦Au fig. Partie vitale, éléments essentiels de quelque chose. Pour élever une aspiration, même faible, vers l'intérêt de la patrie, l'État républicain, même provoqué d'Allemagne, a eu besoin de se sentir pressé à l'intérieur, et dans les oeuvres vives de la coterie qui le mène (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p.L).
II. —Au masc.
A. —[Correspond à certains sens de I]
1. Vx. Tâche, entreprise, action. La fortune, écartant l'homme de vertu auquel était réservé un oeuvre plus saint, me choisit pour me charger de la puissante aventure qui, sous la Restauration, aurait pu renouveler la face du monde (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.249).
a) Sing. à valeur coll.
— Vx. Ensemble de réalisations, de créations (dans un domaine quelconque). Crois-tu ta mission dignement accomplie, Et comme l'Éternel, à la création, Trouves-tu que c'est bien, et que ton oeuvre est bon? (MUSSET, Rolla, 1833, p.19). Si tout connaître anéantit du même coup l'objet et le sujet de la connaissance, tout sentir achève dans la pratique ce merveilleux oeuvre de la science (BLONDEL, Action, 1893, p.7).
— Ensemble des oeuvres (d'un peintre, d'un graveur, d'un musicien). [Les 3 dernières symphonies de Mozart] souvent jouées (...) c'est à peu près tout ce qu'un amateur a le droit d'entendre au concert d'un oeuvre d'orchestre innombrable (GHÉON, Prom. Mozart, 1932, p.328). Plusieurs [peintres-graveurs] ont un oeuvre gravé fort peu nombreux: on ne connaît qu'une seule eau-forte d'Ingres, une seule de Barye et de Géricault; on en connaît quatre de Théodore Rousseau (DACIER 1944, p.113):
• 9. Tout, dans son oeuvre [de Delacroix] n'est que désolation, massacres, incendies...; tout cet oeuvre, dis-je, ressemble à un hymne terrible composé en l'honneur de la fatalité et de l'irrémédiable douleur.
BAUDEL., Curios. esthét., 1863, p.313.
— Rare, littér. Ensemble des oeuvres (d'un écrivain ou d'un groupe d'écrivains à l'intérieur d'une école, d'une période). Tout l'oeuvre de Gide, qui est comme la dégustation éphémère de ces fruits délicieux, qui laissent au palais un souvenir écoeurant (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p.72). Taine va tenir pour suspect de verbalisme l'oeuvre entier du XVIIIe siècle —et les récits en particulier de Jean-Jacques Rousseau (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.61).
b) Vx. Composition artistique, ouvrage. C'est [Athalie] l'oeuvre le plus parfait du génie inspiré par la religion (CHATEAUBR., Génie, t.1, 1803, p.354).
— MUS. [Accompagné d'un nom de nombre] Synon. de opus. Le premier, le second oeuvre de ce musicien (Ac. 1798-1878). L'oeuvre 21 de Beethoven. L'oeuvre 9 de Haydn (LITTRÉ).
B. —ARCHIT. [Désignant dans certaines loc., le bâtiment, l'édifice]
♦Gros oeuvre. Ensemble des travaux comprenant les fondations, les murs et la toiture. Les fûts élancés à grand diamètre, piliers sur lesquels s'étagent les galeries forestières, fournirent aux constructions les matériaux de gros oeuvre, les pièces de charpente (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.121).
[Dans un cont. métaph.] Le plus artiste ne sera pas de s'atteler à quelque gros oeuvre, comme la fabrication d'un roman (RENARD, Journal, 1887, p. 5).
♦Petit oeuvre, second oeuvre. Travaux de finition, d'intérieur. (Ds JOSSIER 1881).
♦À pied d'oeuvre. À proximité du lieu où sont entrepris les travaux de construction. Le récit d'Hérodote surtout est classique, qui raconte l'établissement de la chaussée dallée par où l'on apporta à pied d'oeuvre les matériaux de la grande pyramide (P.ROUSSEAU, Hist. transp., 1961, p.25).
P. anal. ou au fig. Sur les lieux où l'on doit agir, sur place. Ce bataillon devait contre-attaquer sans retard, mais il arrive à pied d'oeuvre très éprouvé par les tirs de barrage subis en cours de route (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p.224). Au commencement. Eh bien, Schleiter se trompe. Trente-trois ans! Rien n'est fini, puisque me voilà forcé de tout reprendre à pied d'oeuvre (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p.276).
♦Dans, en oeuvre. Dans le corps du bâtiment. Hors d'oeuvre, hors oeuvre. Hors du corps du bâtiment. Un escalier qui fait saillie à l'extérieur des murs est dit hors d'oeuvre; lorsque sa cage est à l'intérieur des murs d'une maison, on dit:dans oeuvre (VOGÜÉ-NEUFVILLE 1971).
(Mesure) dans oeuvre. Qui ne comprend pas l'épaisseur des murs. (Mesure) hors d'oeuvre. Qui comprend l'épaisseur des murs. La largeur d'une nef dans oeuvre se mesure par ses dimensions intérieures prises d'un mur à l'autre (VOGÜÉ-NEUFVILLE 1971).
Hors(-)d'oeuvre.
♦(Travailler, reprendre, etc.) sous-oeuvre, en sous-oeuvre. En réparant les fondations, sans démolir les parties supérieures mais en les étayant. Vous êtes appelé, vous architecte, dans cette résidence parfaite, pour consolider des planchers, chaîner des murs qui craquent, (...) reprendre en sous-oeuvre des fondations (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p.35).
Au fig. À la base. Après un long intervalle de nouvelles méditations m'avaient porté à reprendre sous oeuvre tout ce grand travail (MAINE DE BIRAN, Journal, 1823, p.403). Mon goût du net, du pur, du complet, du suffisant, conduit à un système de substitutions —qui reprend comme en sous-oeuvre, le langage (VALÉRY, Tel quel II, 1943, p.226).
— DR. Nouvel oeuvre. Construction nouvelle qui modifie une propriété. (Ds Nouv. Lar. ill., Lar. 20e).
♦Dénonciation de nouvel oeuvre. ,,Assignation à une personne qui construit sur votre terrain, ou à un voisin qui élève sur son terrain une construction au mépris d'une servitude qui vous appartient`` (LITTRÉ). C'est par la dénonciation de nouvel oeuvre que le possesseur d'une servitude de passage s'opposera à ce que le propriétaire du fonds servant élève une construction qui, achevée, rendra l'usage de la servitude impossible (QUILLET 1965).
C. —ALCHIM. Grand oeuvre, oeuvre alchimique. Pierre philosophale, objet de la recherche des alchimistes. Gilles de Retz, fort savant pour son temps, chercha le grand oeuvre. La transmutation des métaux ne s'opérant pas, il eut recours à la magie (STENDHAL, Mém. touriste, t.1, 1838, p.472):
• 10. —Hé! (...) dit Eustache (...) vous qui faites de l'or à volonté, comme l'écrivain Flamel? —Point, point! fit l'autre (...) J'y viendrai sans doute à ce grand oeuvre hermétique (...) mais je n'ai encore réussi qu'à transmuer l'or fin en un fer très bon et très pur...
NERVAL, Nouv. et fantais., 1855, p.228.
— Au fig. Entreprise d'une importance capitale, création d'une valeur exceptionnelle. On allait enfin travailler au grand oeuvre de la constitution (MARAT, Pamphlets, On nous endort, 1790, p.222). Tous les fragments de Novalis étaient destinés, nous dit formellement Tieck à un grand oeuvre qui devait s'appeler Le Livre (précisément) ou L'Encyclopédistique (DU BOS, Journal, 1923, p.361):
• 11. Pour L.-C. de Saint-Martin, (...) l'esprit de l'homme est le seul et véritable temple. L'homme est le prêtre de Dieu, chargé de porter dans l'univers les décrets de sa providence. Le grand oeuvre consiste à créer —ou plutôt à trouver —au centre de soi-même, lentement, patiemment, la figure du moi céleste dont le Christ nous offre le symbole.
NAUDON, Fr.-maçonn., 1963, p.112.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Subst. fém. 1. 1re moitié XIIe s. ovre «objet créé par l'activité, le travail de quelqu'un» (Canticum Habaccuc, 2 ds Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, p.239); ca 1360 etre oevre de diable «être dû à l'action du diable» (FROISSART, Chron., éd. G. Raynaud, IX, p.159); 2. ca 1145 uevre «action, fait de faire quelque chose» (WACE, Conception N.D., éd. W. R. Ashford, 986); a) début XIIIe s. mettre a uevre «mettre en application, en pratique» (MAURICE DE SULLY, Homélies, iii, 102, éd. C. A. Robson, p.86); 1409 mettre en oeuvre qqc. «employer pour une réalisation pratique» (Trésor des Chartes du Comté de Rethel, 623, 18 ds RUNK., p.44); 1832 mode de mise en oeuvre (MUSSET ds Revue des Deux Mondes, p.611); b) ca 1360 mettre main a oevre (FROISSART, op. cit., V, 36); 1559 mettre la main à l'oeuvre (AMYOT, Préf., IX, 35 ds LITTRÉ); 1611 bois d'oeuvre (COTGR., s.v. bois); 3. 1160-74 «production artistique ou littéraire» (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3: mes por l'euvre esploitier les vers abrigeron); 1776 oeuvres complètes (VOLTAIRE, Lettres à son imprimeur, avril, p.166); 1831 oeuvre d'art (BALZAC, Peau chagr., p.140); 4. 1174-77 euvre «union charnelle de l'homme et de la femme» (Renart, éd. M. Roques, 6072); 1493 euure de char ne desireras (Compost et Kalendrier des Bergiers, éd. Guy Marchant, fol. VI, v°); 1567 [éd.] plur. enceinte des oeuvres d'un tel (AMYOT, Thésée, 4 ds LITTRÉ); 5. ca 1208 «tâche, action propre à quelqu'un ou à quelque chose» (VILLEHARDOUIN, Conquête Constantinople, éd. E. Faral, 114); 1862 faire oeuvre de servante (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t.2, p.440); 6. 1225-30 «action considérée dans sa valeur morale ou religieuse» bones ovres feire (GUILLAUME DE LORRIS, Rose, éd. F. Lecoy, 426); en partic. a) 1457-67 plur. théol. «actions méritoires pour le salut» (Cent nouv. nouvelles, éd. Fr. p.Sweetser, XXXIX, 107, var. de l'éd. consultée par LITTRÉ); b) 1821 «organisation religieuse de jeunesse, d'enseignement, de charité, etc.» le plus souvent au plur. (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t.2, p.343: la société biblique est une oeuvre protestante); 7. fin XIIIe s. «travail artistique d'une oeuvre d'orfèvrerie» rice oevre (PHILIPPE MOUSKET, Chron. rimée, éd. de Reiffenberg, 2576); 1653 mettre une pierre pretieuse en oeuvre (VAUG[ELAS], Quin., livre 3 ds RICH. 1680); 8. 1379-80 euvre «fabrique d'une église» (Compt. de la fabriq., Arch. Aube, G 1559, f° 41 r° ds GDF.); 1611 «banc des marguilliers dans l'église» (COTGR.); 9. 1611 maistre des hautes oeuvres (ibid.); 10. 1567 mar. oeuvres mortes (AMYOT, Lucul., 8 ds LITTRÉ); 1643 id. oeuvres vives (FOURNIER Hydrographie). B. Subst. masc. 1. 1529 «ensemble de la production d'un artiste, d'un écrivain» petitz oeuvres latins (TORY, Champ fleury, I, 1ds HUG.); cf. 1647 (VAUG., p.34); 2. 1542 [éd.] «ensemble des travaux exécutés dans un même but» (RABELAIS, Pantagruel, éd. V. L.Saulnier, V, 67, var. édit. «définitive»); 3. a) 1490 «intérieur d'une maison» d'où par dehors euvre «détaché des murs d'une maison» (A.N.K272 ds GDF. Compl., s.v. uevre); 1597 hors d'oeuvre, v. ce mot; b)1572 dans oeuvre (Bref et sommaire recueil de l'entrée de Charles IX à Paris ds HAVARD 1889, col. 1022); c) 1798 à pied d'oeuvre (Ac.); 1922 fig. «au commencement» (PROUST, Fugit., p.659: tout était retombé à pied d'oeuvre, puisqu'il avait épousé une cocotte); 1931 id. reprendre la tâche à pied d'oeuvre (WEILL, Judaïsme, p.65); 4. 1626 [éd.] le grand OEuvre alchim. (D'AUBIGNÉ, Hist. univ., II, 1176 ds OEuvres compl., éd. Réaume et de Caussade, t.VI, p.360). Du lat. opera, à l'orig. plur. de opus, operis «ouvrage, acte, travail», utilisé dep. Plaute comme fém. sing. au sens de «travail, activité», et qui subsiste dans presque toutes les lang. rom. cf. FEW t.7, p.363b). Fréq. abs. littér.:19033. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 17227, b) 22958; XXes.: a)33198, b)33987. Bbg. Archit. 1972, p.21.
Encyclopédie Universelle. 2012.