PHONÉTIQUE
La phonétique est définie, à peu près unanimement, comme «l’étude des sons du langage». Cet accord, sur une formule particulièrement vague, ne suffit pas à masquer les dissensions profondes qui se manifestent lorsqu’il s’agit de préciser l’objet, les méthodes, en somme le statut scientifique de cette discipline et, par là même, les rapports qu’elle entretient avec les sciences connexes. Toute la problématique qui surgit ainsi constitue un raccourci particulièrement représentatif des problèmes épistémologiques posés, dans le contexte scientifique contemporain, par la délimitation du domaine de certaines sciences d’autonomie récente (surtout des «sciences humaines») dont l’évolution des conceptions internes a été particulièrement rapide depuis de début du XXe siècle. La phonétique fait-elle partie des sciences humaines ou des sciences naturelles? Est-elle, partiellement, une science abstraite (de la forme linguistique), ou, exclusivement, une science concrète (de la substance sonore)? L’existence d’un aspect théorique (surtout linguistique) et d’un aspect expérimental (utilisant des moyens techniques perfectionnés et des méthodes d’investigation empruntées aux sciences physiques) remet-elle en question l’unité de cette discipline et son intégration dans le domaine linguistique? Les réponses, souvent divergentes, à ces questions conduisent à s’interroger sur la validité des compartimentages établis. Mais, plus encore, tout cela rend difficile la détermination d’un dénominateur commun à des activités très différentes les unes des autres. Les derniers congrès des «sciences phonétiques» (pluriel qui est déjà en lui-même une prise de position non équivoque) ont encore renforcé cette impression d’extrême diversité des recherches qui se réclament, à l’heure actuelle, de la phonétique.
Seule une approche historique permettrait de déterminer comment la phonétique, après avoir considéré plusieurs fois et de façons différentes les rapports entre la théorie, les méthodes et les faits, est parvenue à surmonter ses contradictions internes. Si, pour répondre à des besoins nouveaux selon les époques, elle a pu privilégier, dans un contexte scientifique donné, tel ou tel domaine de recherche, ses préoccupations successives, toutes représentées dans la situation actuelle (même si elles prennent la forme d’étroites spécialisations), aboutissent à une connaissance plus complète de l’acte de parole dans sa production, sa transmission, sa réception et son fonctionnement linguistique (ce dernier étant envisagé soit sous son aspect actuel, soit tout au long de son évolution historique).
Pourtant, ce n’est pas de cette apparente convergence que provient l’unité de la phonétique, mais plutôt d’une meilleure appréhension de son objet liée aux récents développements des théories linguistiques. L’unicité de l’objet – étude du signifiant linguistique en tant que tel et non pas comme un moyen pour améliorer la connaissance d’autres phénomènes – permet alors de concevoir la phonétique comme une discipline linguistique et de la distinguer d’autres sciences auxquelles elle emprunte accessoirement certaines de leurs méthodes d’analyse (la physiologie, l’acoustique, la psychologie par exemple).
1. Production et transmission de la parole
Genèse des sons
La classification du matériel sonore et la terminologie phonétique la plus courante (celle de l’alphabet phonétique international) sont fondées en grande partie sur des données anatomiques et physiologiques: les organes de la parole et les conditions dans lesquelles ils produisent les sons du langage (fig. 1). Ces conditions de production, observées d’abord empiriquement, ont été mieux connues, depuis la fin du XIXe siècle, grâce aux progrès de la physiologie expérimentale dus eux-mêmes à l’emploi de techniques instrumentales perfectionnées. À la kymographie et à la palatographie se sont ajoutés plus tard d’autres moyens d’exploration: la radiographie fixe (de profil), puis la radiocinématographie. Cette dernière substitue à l’analyse statique des articulations isolées une étude dynamique qui met en évidence les phénomènes de coarticulation dans la chaîne parlée.
Trois groupes d’organes assument les fonctions essentielles dans l’acte de parole: l’appareil respiratoire, qui fournit la quantité d’air nécessaire; le larynx, organe vibrant; les cavités supra-laryngées (pharynx, bouche) où s’effectue l’articulation proprement dite par les changements de forme du tractus vocal. Ceux-ci résultent surtout des mouvements des lèvres, de la langue, du voile du palais (dont l’abaissement fait intervenir une cavité supplémentaire, les fosses nasales) et de la mâchoire inférieure. Les réalisations ainsi produites sont réparties en deux catégories, les voyelles et les consonnes, en tenant compte de l’aperture et de la présence éventuelle d’un obstacle sur le passage de l’air. À l’intérieur de la catégorie des voyelles, le classement se fait selon l’aperture qui dépend de l’élévation de la langue par rapport à la voûte palatine: voyelles fermées ou ouvertes; la zone d’articulation déterminée par la position du dôme de la langue dans la cavité buccale: voyelles antérieures ou postérieures; la forme des lèvres: voyelles arrondies ou non arrondies. L’utilisation systématique de ces critères permet de définir les voyelles cardinales (orales) dont le trapèze vocalique fournit une représentation schématique (fig. 2). Si, lors de la production de certaines de ces voyelles, le voile du palais s’abaisse, une partie de l’air s’échappe par les fosses nasales: ce sont les voyelles nasales (en français, à la voyelle orale [ face=F3210 履] de «port» correspond la voyelle nasale [ face=F3210 裡] de «bon»). Les consonnes se différencient des voyelles par la présence d’un obstacle qui empêche le libre écoulement de l’air. La qualité de cet obstacle, ou mode d’articulation, permet de les distinguer entre elles. Il peut être total et entraîner alors une occlusion momentanée du chenal expiratoire – consonnes occlusives (cf. [k], fig. 1) –, ou partiel et produire un simple resserrement – consonnes constrictives (cf. [s], fig. 1). L’obstacle est seulement central, l’air continuant de s’échapper sur les côtés de la langue, pour les consonnes latérales ([l] dans «lac»). À l’occlusion buccale se combine une fuite de l’air par le nez dans le cas des consonnes nasales ([n] dans «nous»). Enfin, l’obstacle rendu intermittent par les battements de la pointe de la langue donne naissance aux consonnes battues ([r] dans «perro» en espagnol). D’autres critères: lieu d’articulation (lèvres, dents, palais, etc.) et organe articulateur (lèvres, langue) viennent compléter la première classification (cf. tableau). Toutes ces consonnes peuvent être sonores ou sourdes selon que les cordes vocales interviennent ou non dans leur production. En ce qui concerne précisément le comportement des cordes vocales, aux premiers moyens d’investigation instrumentale se sont ajoutés des appareils réalisés à partir des techniques les plus récentes de l’optique et de l’électronique (glottographie).
À l’heure actuelle, les études entreprises visent à une meilleure connaissance de la phonation, de la dynamique de l’acte de parole dans son ensemble, tant en ce qui concerne les mouvements observés, les muscles qui en sont responsables (électromyographie) que les différences de pression de l’air qui en résultent. Des corrélations sont établies avec les autres aspects de la recherche phonétique: les analogues acoustiques de la cavité buccale précisent les rapports entre les cavités (fig. 2) et les formants vocaliques (cf. infra et fig. 3).
Transmission de la parole
Les progrès réalisés dans la théorie acoustique, au XIXe siècle, avec les travaux de J. Fourier (applicables à la décomposition analytique des vibrations sonores complexes), la «théorie de la résonance» de H. von Helmholtz et la «théorie des formants» de L. Hermann ont permis l’essor de la phonétique acoustique. Deux types d’appareils sont appliqués à l’étude de l’onde sonore: d’abord l’oscillographe, puis le sonagraphe (encore appelé «visible speech»). L’acoustique est entrée dans l’âge de la synthèse: on fabrique de la parole artificielle à partir des paramètres acoustiques dégagés par l’analyse et au moyen de ces nouvelles machines parlantes que sont les différents types de synthétiseurs modernes (Vocoder, pattern play-back , synthétiseur à formants ou encore synthèse par ordinateur avec convertisseur digital-analogique).
Le larynx, par écartement et rapprochement des cordes vocales, sectionne la colonne d’air provenant des poumons en une suite d’impulsions qui forment l’onde sonore. Si ces mouvements d’ouverture et de fermeture surviennent cent fois par seconde, le son laryngé ainsi produit aura une fréquence fondamentale de 100 cycles par seconde ou 100 hertz (fréquence moyenne d’une voix d’homme: elle est à peu près du double pour une voix de femme). Les variations de cette fréquence fondamentale dans le discours (substance de l’intonation) s’effectuent dans certaines limites selon les individus et chez un même individu en fonction des besoins linguistiques. On peut assimiler les cordes vocales à une source produisant le son
laryngé, onde triangulaire complexe riche en harmoniques, et le conduit vocal à un tube résonnant, d’une longueur moyenne de 17,5 cm, fermé à un orifice (glotte) et ouvert à l’autre (lèvres). Pour un tube de cette longueur, des résonances sont prévisibles à 500, 1 500, 2 500 hertz, etc. (fréquences proches de celles de la voyelle française [œ] dans «leur»). Mais les différentes constrictions engendrées par les mouvements de la langue, du voile du palais, des lèvres, modifient la forme de ce tube. Les cavités supralaryngées (fig. 2) délimitées à la suite de ces modifications sont autant de résonateurs ayant chacun leur courbe de résonance spécifique. De ce fait, lors du passage de l’onde sonore à l’intérieur de ces cavités, certaines zones d’harmoniques se trouvent amplifiées: ce sont les formants dont les valeurs permettent de différencier les timbres vocaliques. Le premier formant (F1 en abrégé), qui correspond à la zone de fréquences la plus basse, est lié au volume de la cavité pharyngale. Par contre, le résonateur buccal, toujours plus court, amplifie les harmoniques plus aigus du deuxième formant (F2). L’intervention d’une cavité supplémentaire (fosses nasales) pour la production des voyelles nasales entraîne un amortissement et donne lieu à des phénomènes de contre-résonance. Dans le cas des voyelles orales, les valeurs des deux formants, contrôlées à la synthèse par les équipes de recherche des laboratoires Haskins (États-Unis) et vérifiées par des tests auditifs, permettent d’établir le trapèze acoustique des voyelles cardinales (fig. 3).
Les indices acoustiques nécessaires à la perception des consonnes sont dégagés selon le même processus que pour les voyelles et peuvent être mis aussi en corrélation avec leurs caractéristiques articulatoires. Les constrictions au niveau buccal créent un bruit de friction (bruit blanc). La distinction des consonnes constrictives entre elles se fait selon la valeur globale de l’énergie de ce bruit et la répartition des différentes zones d’énergie dans le spectre (représentation des fréquences en fonction de leur intensité). Ainsi, par exemple, pour [f] l’énergie est assez faible et répartie sur tout le spectre, pour [s] elle est plus forte et se concentre dans les fréquences hautes. La zone de fréquences à laquelle se situe le bruit d’explosion constitue déjà un moyen de différencier les consonnes occlusives entre elles mais le rôle essentiel est assumé par la variation des formants des voyelles subséquentes au contact de la consonne: la transition (fig. 4). Cette dernière intervient tout à la fois par sa longueur, l’angle qu’elle fait avec la partie horizontale du formant vocalique, sa direction montante ou descendante (on dit encore positive ou négative). La transition du 1 indique le mode d’articulation (la distinction sourdesonore est aussi représentée par la «barre de voisement»: comparer les sonagrammes de [tu] «tout» et [bi] «bis», fig. 4). La transition du 2 permet de retrouver les différents lieux d’articulation (labial, dental, vélaire). Les transitions des formants vocaliques qui, par leur direction, contribuent à la perception du même lieu d’articulation convergent vers un point appelé locus consonantique (fig. 4). Ces transitions visualisent sur un document acoustique le trajet de la langue allant de la consonne à la voyelle et démontrent ainsi une fois de plus les rapports qui existent entre la production des sons et leur analyse acoustique. La manifestation physique des faits prosodiques (accent, ton, intonation) est mieux connue depuis l’utilisation d’appareils d’analyse nouvellement conçus: détecteur de mélodie et intensimètre logarithmique (fig. 5) et de systèmes de synthèse (type Intonator, entre autres, qui permet d’attribuer différentes courbes mélodiques à une même phrase).
Les principaux indices acoustiques des voyelles et des consonnes sont maintenant connus. Cependant, la préférence accordée à certains types de synthèse, le désir d’obtenir une parole synthétique de meilleure qualité donnent lieu à des recherches complémentaires dans certains domaines (par exemple celui de la source sonore). L’introduction de l’intonation dans les phrases synthétisées n’est pas étrangère non plus à ces préoccupations.
2. Intégration auditive
On regroupe très souvent sous le nom de phonétique auditive des travaux assez différents.
Une première catégorie rassemble les études dans lesquelles l’audition constitue la méthode empirique d’observation directe (opposée aux méthodes expérimentales), d’identification et de classification des faits linguistiques. Toute une partie de la terminologie phonétique provient de l’impression ressentie à l’audition des réalisations sonores. Elle est utilisée concurremment avec la nomenclature définie à partir de données articulatoires: les termes d’explosive et de fricative correspondent respectivement à ceux d’occlusive et de constrictive. De même des qualificatifs tels que spirante, chuintante, sifflante, vibrante, relèvent d’une analyse auditive. À ce niveau se pose le problème fondamental de la transcription phonétique: un enquêteur qui décrit une langue est influencé par celle qu’il possède déjà, d’où une surdité à certains sons non représentés dans sa langue («conditionnement linguistique»). Suffit-il d’un entraînement auditif pour surmonter ce handicap? La transcription phonétique ne dépendrait-elle pas – par exemple dans le choix des signes utilisés – d’une interprétation préalable de la réalité bien plus que de la simple audition des phénomènes sonores [cf. TRANSCRIPTIONS ET TRANSLITTÉRATIONS]?
Dans l’autre série de travaux utilisant les méthodes de l’acoustique physiologique et de la psychologie expérimentale, les mécanismes de l’audition du langage constituent l’objet même de l’étude. Il s’agit en particulier de préciser, par différents tests, quels sont les phénomènes acoustiques de la parole perceptibles par l’oreille (seuils de perception) et ensuite ceux qui sont effectivement perçus dans des contextes linguistiques déterminés. Seul le recours à l’audition permet, en effectuant un tri parmi les nombreuses composantes objectives isolées lors de l’analyse acoustique, puis contrôlées à la synthèse, de dégager les éléments nécessaires et suffisants à l’établissement de la communication linguistique. Ces études couvrent ainsi le vaste champ de l’intégration auditive, depuis la détection des phénomènes sonores jusqu’aux problèmes plus complexes de leur catégorisation.
Quant aux rapports postulés depuis très longtemps, de manière intuitive, entre l’audition et la production des sons, ils font maintenant l’objet de recherches plus approfondies.
3. Unités fonctionnelles de l’expression
La hiérarchie dans le rôle des éléments phoniques, déjà considérée dans le passage de l’aspect acoustique à l’aspect auditif, n’est pleinement mise en évidence qu’à partir d’hypothèses sur leur fonctionnement dans une langue donnée. En effet, le phonéticien n’exerce pas ses diverses activités sur des unités qui lui seraient fournies par une observation directe de la substance sonore, mais sur des formes linguistiques qui découpent préalablement cette substance. Les unités phoniques sont isolées, dans le continuum de la chaîne parlée, par leur fonction linguistique, qui est de se grouper d’une certaine façon pour constituer ensuite des unités d’un rang supérieur ayant une signification et permettre ainsi l’expression ou la communication d’un contenu notionnel.
Cet aspect fonctionnel ne fait pas que s’ajouter aux autres aspects déjà envisagés (production, transmission, intégration auditive), il fonde vraiment la phonétique en tant que discipline linguistique. Un va-et-vient se produit alors entre, d’une part, les différentes théories linguistiques qui fournissent des hypothèses sur la nature des unités et, d’autre part, l’étude de la manifestation physique puis du comportement de ces unités qui valident ou infirment ces hypothèses.
À l’appui de cette façon d’envisager les rapports entre la linguistique et la phonétique, les faits prosodiques fournissent un argument exemplaire. Si les recherches sur l’intonation ont progressé si lentement, c’est que certains phonéticiens ont voulu partir directement d’une connaissance aussi étroite que possible de la substance intonative, alors que les théories linguistiques existantes, défaillantes sur ce point, ne pouvaient rendre compte ni de la nature ni du fonctionnement des phénomènes intonatifs.
4. Principales applications
Les applications de la phonétique ne peuvent être dissociées de celles de la linguistique dans son ensemble. Appliquée à l’enseignement des langues, sous le nom d’orthoépie, la phonétique favorise l’acquisition d’une prononciation correcte. L’orthophonie vise à la rééducation des troubles de la communication verbale, au niveau de la production (dyslalie), de la perception (surdité) et de l’intégration profonde (aphasie). La technologie des télécommunications a suscité de nombreuses études de phonétique acoustique. En particulier, la mise au point du téléphone a posé le problème de la transmission de l’information linguistique dans la zone de fréquences limitées du réseau téléphonique. De nouvelles recherches portent sur les conditions dans lesquelles on pourra utiliser sur un ordinateur des entrées et des sorties vocales (reconnaissance automatique de la parole). Enfin, la phonostylistique s’intéresse aux différentes formes d’expressivité utilisées par le locuteur dans l’acte de parole et destinées à produire une impression déterminée sur l’auditeur.
On oppose fréquemment «le point de vue des phonéticiens» à celui des linguistes en considérant comme acquise la séparation entre les deux domaines. Seule la phonétique fonctionnelle (appelée alors phonologie) reste intégrée de plein droit dans la linguistique, les autres aspects de la phonétique en étant exclus. Cette attitude laisse entier le problème d’une science phonétique, qui se réduirait alors à une vaste confrontation interdisciplinaire. Historiquement, cette séparation se comprend; la linguistique n’a conquis son autonomie que récemment, et il semble difficile de faire entrer dans son champ des méthodes et des préoccupations aussi variées que celles de la recherche phonétique.
Le débat est encore ouvert. La confrontation des points de vue a des conséquences fructueuses, à la fois pour la discipline phonétique, qui a trop longtemps privilégié les faits au détriment de la théorie, et pour certaines recherches linguistiques qui ne dépassent pas, ou guère, le stade des prises de position théoriques et résistent mal à leur confrontation aux faits.
phonétique [ fɔnetik ] adj. et n. f.
• 1822; gr. phônêtikos
1 ♦ Ling. Qui a rapport aux sons du langage. Aspects phonétiques et graphiques du mot. Alphabet de l'Association phonétique internationale (A. P. I.). Transcription, notation phonétique.
♢ Orthographe phonétique, dont chaque lettre note un son (ex. pilori). Écriture phonétique de l'espagnol.
2 ♦ N. f. (1869) Branche de la linguistique qui étudie les sons des langues naturelles. Phonétique générale (acoustique et physiologique),qui étudie le fonctionnement de l'appareil phonateur de l'homme et analyse ses capacités articulatoires et les particularités des sons émis, au moyen d'appareils acoustiques. Phonétique descriptive : étude des particularités phonétiques d'une langue. Phonétique évolutive ou historique : étude des changements phonétiques d'une langue. Phonétique normative, qui prescrit les règles de la bonne prononciation d'une langue. — Phonétique expérimentale. Phonétique fonctionnelle. ⇒ phonologie.
● phonétique nom féminin (grec phônêtikos) Étude scientifique des éléments phoniques du langage et des processus de la communication parlée. Représentation par des signes conventionnels de la prononciation des mots d'une langue. ● phonétique adjectif Qui concerne les sons du langage considérés du point de vue de la phonétique : Évolution phonétique d'une langue. Qui concerne la transcription des sons du langage : Alphabet phonétique. ● phonétique (expressions) adjectif Loi phonétique, principe selon lequel un phonème subit dans une langue donnée, pendant une période donnée, le même changement dans tous les mots où il se trouve dans le même entourage.
phonétique
adj. et n. f. LING
d1./d adj. Relatif aux sons du langage. Alphabet phonétique international (API). Description phonétique.
d2./d n. f. Branche de la linguistique ayant pour objet la description physique des sons de la parole.
— Phonétique articulatoire, qui étudie l'émission des sons par les organes de la parole.
— Phonétique acoustique, qui étudie la structure physique des sons.
— Phonétique historique, qui étudie les changements des sons intervenus au cours de l'histoire d'une langue.
⇒PHONÉTIQUE, adj. et subst. fém.
LINGUISTIQUE
I.—Adjectif
A. —Relatif aux sons du langage. Altération, évolution phonétique. Chaque changement phonétique, quelle que soit d'ailleurs son extension, est limité à un temps et un territoire déterminés (SAUSS. 1916, p.135).
B. —En partic.
1. Qui représente graphiquement les sons d'une ou de plusieurs langues, indépendamment de l'orthographe. Alphabet phonétique (international); écriture, notation, transcription phonétique. D'après la nature de l'écriture phonétique les signes se réduisent à un petit nombre de lettres, qui, par leur groupement et leur ordre, forment la multitude des mots (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p.303). Les derniers grammairiens, les professeurs de diction et de chant, les anatomistes, les éducateurs des sourds-muets avaient enrichi de nombreuses descriptions nouvelles l'extension et les classements par l'acoustique ou par la physiologie du vieil alphabet phonétique (Art et litt., 1935, p.50-2).
♦Orthographe phonétique. Orthographe qui transcrit la prononciation de manière univoque. L'intense développement de la presse (...) et (...) l'adoption des caractères d'écriture latins —tendant à l'orthographe phonétique, mais permettant à tous la lecture des textes —rendirent décisive l'action de la langue parlée sur la langue littéraire (Arts et litt., 1936, p.56-3).
♦Signe phonétique. Symbole qui représente un son du langage. [Les signes] représentent à la fois l'idéogramme primitif et sa valeur phonétique, qui peut servir à transcrire avec d'autres idéogrammes, réduits eux aussi à l'état de signes phonétiques des mots nouveaux (VILLE 1967).
2. Loi phonétique. Loi selon laquelle un phonème subit à un moment de son existence un changement dans un contexte donné. Calidum a dû devenir régulièrement chaud par l'action des lois phonétiques (SAUSS. 1916, p.249).
II. —Subst. fém. ,,Science, dépendante notamment de l'anatomie, de la physiologie et de l'acoustique, qui étudie la production et la perception des sons des langues humaines, dans toute l'étendue de leurs propriétés physiques`` (MOUNIN 1974). La phonétique tout entière, est le premier objet de la linguistique diachronique; en effet l'évolution des sons est incompatible avec la notion d'état; comparer des phonèmes ou des groupes de phonèmes avec ce qu'ils ont été antérieurement, cela revient à établir une diachronie (SAUSS. 1916, p.194). La phonétique met sur le plan de la connaissance raisonnée les langages, c'est-à-dire les sons appris, mais qui deviennent naturels et instinctifs, dont l'homme se sert pour l'émission et l'échange de ses idées ou sentiments (Arts et litt., 1935, p.50-2):
• ♦ La phonétique elle-même n'a pu rester complètement indifférente à la signification des mots dont elle analysait les éléments, et c'est ainsi qu'elle est arrivée à établir l'origine et la filiation de presque tous les vocables de la langue française.
GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.13.
— En partic.
♦Phonétique générale. Phonétique qui ,,étudie l'ensemble des possibilités phoniques de l'homme à travers toutes les langues naturelles`` (Ling. 1972). Phonétique comparée. Phonétique qui ,,étudie les analogies et les différences entre les sons émis par l'homme dans le cadre de deux ou plusieurs langues`` (D. D. L. 1976).
♦Phonétique acoustique, physique. Phonétique qui ,,analyse en termes de physique acoustique l'émission, la propagation et la réception de ces ondes particulières que constituent les sons du langage`` (D. D. L. 1976). Phonétique articulatoire ou physiologique. Phonétique qui ,,étudie de l'anatomie, la physiologie de l'appareil phonatoire humain et les modalités de production des sons par cet appareil, c'est-à-dire leur articulation`` (D. D. L. 1976).
♦Phonétique diachronique, historique, évolutive. Phonétique qui étudie l'évolution des sons à travers l'histoire d'une ou de plusieurs langues. La phonétique est dite (...) historique ou évolutive quand elle s'attache à reconnaître les lois qui président aux transformations des phonèmes (MAR. Lex. 1951). Phonétique descriptive, statique, synchronique. Phonétique qui ,,s'occupe de définir et de classer les phonèmes ou combinaisons de phonèmes soit du langage en général soit d'un parler donné à un moment donné`` (MAR. Lex. 1951).
♦Phonétique instrumentale (vieilli), expérimentale. Phonétique qui étudie les caractères de la phonation et ceux de la perception auditive à l'aide d'appareils. On réalise même la synthèse du son à partir de ces spectrogrammes par un processus inverse, ce qui permet des expériences sur les conditions d'intelligibilité des sons. Ainsi naît une véritable phonétique expérimentale, qui complète l'ancienne phonétique instrumentale (PERROT, Ling., 1953, p.35). La phonétique expérimentale (...) met en oeuvre des appareils de plus en plus perfectionnés pour compléter, préciser et corriger la simple observation directe (D. D. L. 1976).
♦Phonétique combinatoire. Phonétique qui ,,étudie les modifications que subissent les phonèmes lors de leur insertion dans la chaîne sonore`` (D. D. L. 1976). V. aussi combinatoire.
♦Phonétique normative. ,,Ensemble des règles qui déterminent la prononciation correcte dans une langue`` (PIÉRON 1973). Synon. orthoépie.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep.1878. Étymol. et Hist.1. 1822 adj. (CHAMPOLLION, Lettre à M. Dacier, éd. du Centenaire, Paul Geuthner, 1922, p.4, 40 etc. d'apr. J. POHL ds Arch. St. n. Spr., 205, p.368 et sqq.); 2. 1869 subst. (LITTRÉ). Empr. au gr. «qui concerne le son ou la parole» prob. par l'intermédiaire du lat. mod. phoneticus, -a, -um (1797, ZOEGA, De origine et usu obeliscorum d'apr. J. POHL, loc. cit.). Fréq. abs. littér.:53.
DÉR. 1. Phonétiquement, adv. D'un point de vue, d'une manière phonétique. En français on a dit longtemps:il preuve, nous prouvons, ils preuvent. Aujourd'hui on dit il prouve, ils prouvent, formes qui ne peuvent s'expliquer phonétiquement (SAUSS. 1916, p.222). Les noms des mois assyriens étaient les mêmes, avec quelques légères différences, provenant des deux langues, que ceux des mois chaldéens. Ces mois s'exprimaient, dans l'écriture cunéiforme, soit phonétiquement, soit par des signes idéographiques qui étaient comme des symboles scientifiques ou religieux de chaque mois (CHAUVE-BERTRAND, Question calendrier, 1920, p.18). — []. — 1re attest. 1822 (CHAMPOLLION, op. cit., p.5, d'apr. J. POHL, op. cit., p.370); de phonétique, suff. -ment2. 2. Phonétisme, subst. masc. Ensemble des phonèmes utilisés dans une langue à un moment donné de son évolution. On trouve des systèmes de pictogrammes élaborés et des écritures sans alphabet, comme, par exemple, celle des Aztèques qui «constituait un compromis entre l'idéogramme, le phonétisme et la simple figuration» (Traité sociol., 1968, p.427). — []. — 1re attest. 1824 (CHAMPOLLION, Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, p.83 ds QUEM. DDL t.13); de phonétique par substitution du suff. -isme à -ique.
BBG. —CARTON (F.). Introd. à la phonétique du fr. Paris-Bruxelles-Montréal, 1974, 256 p.—FAURE (G.). Initiation à la phonétique fr. Aix-en-Provence, 1965, 16 p.—FOUCHÉ (P.). Ét. de phonétique gén. Paris, 1927, 132 p.—GRAMMONT (M.). Traité de phonétique. Paris, 1939, 480 p.—HUOT (H.). Phonétique et enseign. du fr., lang. maternelle. Fr. auj. 1975, n° 28, pp.47-72. —LANDERCY (A.), RENARD (R.) Élém. de phonétique. Bruxelles-Mons, 1977, 272 p.—Lang. fr. 1973, n° 19 (Phonétique et phonologie). —LÉON (P. R.). Qq. probl. de phonétique gén. et fr. Linguistique. Paris. 1967, n° 2, pp.131-138. —MALÉCOT (A.). Introd. à la phonétique fr. Paris, 1977, 68 p.— MALMBERG (B.). Manuel de phonétique gén. Paris, 1974, 272 p.; La Phonétique. Paris, 1954, 128 p.—Mél. Straka (G.). Phonétique et ling. rom. Lyon, 1970, 2 vol. —Nouv. perspectives en phonétique [par] B. Malmberg, D. B. Fry, R. Lancia, R. Carré. Bruxelles-Paris, 1970, 116 p. —STRAKA (G.). Album phonétique. Québec-Paris, 1965, 188 p.— THOMAS (J.-M.-C.), BOUQUIAUX (L.), CLOARECHEISS (Fr.). Initiation à la phonétique. Paris, 1976, 253 p.
phonétique [fɔnetik] adj. et n. f.
ÉTYM. 1827, adj.; du grec phônêtikos, adj., de phonêtos « qu'on peut dire », de phônein.
❖
1 Adj. Relatif aux sons d'une langue. || Aspects phonétiques et aspects graphiques des unités de la langue. || Composante phonétique et composante sémantique. || Évolutions phonétiques. || Altérations phonétiques (→ Fin, cit. 37; 2. pas, cit. 37). — (1876). || Lois phonétiques : lois qui régissent l'évolution des sons d'une langue et le passage d'une langue à celles qui procèdent d'elle (→ Doublet, cit. 1; étymologie, cit. 2).
♦ Qui transcrit graphiquement les sons d'une langue (et non pas les unités sémantiques ou notionnelles). || Écriture phonétique et écriture idéographique, et écriture pictographique. || Hiéroglyphes idéographiques et hiéroglyphes (cit. 3) phonétiques. — Spécialt. Qui correspond au son minimal, au phonème (opposé à syllabique).
♦ Qui transcrit les sons d'une langue d'une manière univoque. || Orthographe, notation phonétique. || L'espagnol possède une orthographe d'usage plus phonétique que celle du français ou de l'anglais.
♦ (1890, in P. Larousse, Deuxième Suppl.). || Alphabet phonétique : ensemble de signes analogues aux lettres mais destinés à transcrire chacun un son distinct. || Alphabet de l'Association phonétique internationale, ou A. P. I.
♦ (1877, in Romania). || Transcription phonétique : représentation d'un élément de discours à l'aide d'un tel alphabet. || Le dictionnaire utilise la transcription phonétique pour tous les mots et pour un certain nombre de syntagmes.
2 N. f. (1869, Littré). Ensemble des sons d'une langue.
3 N. f. Étude scientifique des sons des langues naturelles (⇒ Linguistique). || Phonétique générale (acoustique et physiologique), qui étudie les possibilités acoustiques de l'homme et analyse ses capacités articulatoires et les particularités des sons émis, au moyen d'appareils acoustiques. || Phonétique descriptive : étude des particularités phonétiques d'une langue. — (1917). || Phonétique évolutive ou historique : étude des changements phonétiques d'une langue au cours de son histoire, ainsi que des facteurs qui y concourent. || Phonétique normative (ou orthoépie), dont l'objet est d'établir les règles de la bonne prononciation d'une langue. — (1897). || Phonétique expérimentale ou instrumentale, dont l'objet est d'étudier les caractères objectifs, physiques, de phénomènes concernant la perception auditive. || Phonétique fonctionnelle. ⇒ Phonologie. — Rôle de la phonétique dans l'étymologie. — Phonétique et phonologie.
0 La transmission du son semble aujourd'hui l'objet principal de l'étude des phonéticiens : c'est en effet à l'analyse des vibrations qu'ils s'attachent de préférence (…) La phonétique prend dès lors une singulière précision; elle a notamment le moyen de définir les sons par la fréquence et la forme des vibrations qui les caractérisent. Nous nous en tiendrons ici aux habitudes de la vieille école, en nous bornant à étudier la production du son, c'est-à-dire la phonation, et à décrire les résultats de la phonation, c'est-à-dire les phonèmes.
J. Vendryes, le Langage, p. 22.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
❖
CONTR. (De l'adj.) Idéographique.
DÉR. Phonéticien, phonétiquement, phonétiser, phonétisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.