GÉOMÉTRIE
La géométrie est communément définie comme la science des figures de l’espace. Cette définition un peu incertaine risque de conduire à inclure dans la géométrie des questions qui ne sont géométriques que dans leur langage, mais relèvent en fait d’autres domaines. Tel est le cas de l’algèbre géométrique des Grecs qui parlait du «rectangle» de deux segments pour qualifier le produit de deux nombres. Jusqu’au début des Temps modernes, presque toute la mathématique s’exprimait géométriquement: ainsi la Géométrie de Descartes traite non seulement de géométrie, mais aussi des équations algébriques. Et, au XIXe siècle, les mathématiciens étaient encore bien souvent qualifiés de géomètres, même quand ils étaient de purs analystes ou algébristes.
Plus délicat, en revanche, est le cas des domaines mixtes où des questions au départ incontestablement géométriques apparaissent très vite ne constituer qu’un chapitre de l’algèbre ou de l’analyse, et ne pouvoir être correctement traitées que par les moyens de ces disciplines. Ainsi se présentent le calcul des surfaces, le calcul des volumes, la détermination des tangentes à une courbe, et, plus généralement, l’ensemble de la géométrie infinitésimale. Historiquement, ces questions relevèrent de la géométrie pure, mais leur caractère abstrait devait bientôt se dégager et être retenu comme premier. Pourtant, ces deux modes d’approche sont trop intimement liés pour que l’on puisse songer à les séparer; en outre, par son caractère infinitésimal, ce domaine se distingue assez nettement des autres branches de la géométrie qui sont à peu près exclusivement de caractère «fini». Aussi n’en sera-t-il pas question, sans que soit oubliée pour autant l’existence d’une géométrie infinitésimale «directe» où ont excellé, au XVIIe siècle, Pierre de Fermat et Pascal, au XVIIIe siècle, Jean-Baptiste Meusnier de La Place, au XIXe siècle, Charles Dupin, et qui, même au XXe siècle, notamment avec les travaux de Georges Bouligand, demeure un champ de recherches certes assez limité, mais digne d’attention.
Pour des raisons similaires on ne retiendra ni la géométrie algébrique ni la trigonométrie, bien que le point de vue infinitésimal n’y soit pas aussi dominant.
Ainsi délimitée, la géométrie a un objectif fondamental assez homogène qui est l’étude des figures au sens le plus large, bien qu’elle soit fort diverse dans ses méthodes et dans ses points de vue.
Depuis Descartes, la géométrie s’est développée dans deux directions nettement distinctes: la géométrie analytique et la géométrie dite «pure» ou encore «synthétique». La conception de l’une et de l’autre, ainsi que celle de leurs rapports, a connu des vicissitudes qui constituent l’un des aspects les plus intéressants de l’histoire moderne de la géométrie. On a pu notamment assister aux efforts de la géométrie pure pour sauvegarder une autonomie que menaçait sans cesse davantage le développement de l’algèbre et de l’analyse. Un de ses derniers bastions, la chaire de géométrie pure de l’École polytechnique de Paris, a été supprimé en 1956. Aujourd’hui, bien qu’elle soit encore valable à plus d’un titre, principalement en raison du rôle qu’y jouent l’imagination et l’intuition, la géométrie pure n’occupe plus qu’une place seconde dans la mathématique.
De caractère plus intrinsèque apparaît le pluralisme de la géométrie qui s’est manifesté, surtout depuis le début du XIXe siècle, avec la constitution de la géométrie projective en discipline autonome et avec la naissance des géométries non euclidiennes. Diversité qui fut pleinement comprise et dominée par le mathématicien allemand Félix Klein, dans son célèbre programme d’Erlangen.
La diversification devait s’accentuer lorsque, se libérant plus nettement encore de l’espace physique euclidien où elle était demeurée enfermée depuis plus de deux millénaires, la géométrie, d’une part, s’est étendue aux espaces à plus de trois dimensions et, d’autre part, a intégré systématiquement les éléments imaginaires. Dans une étape ultérieure, la géométrie devait «éclater» pour s’insérer dans les deux grandes structures générales de la mathématique moderne, l’algèbre et la topologie.
Dès lors, on peut comprendre les vraies raisons de l’incertitude qui a pesé, tout au long de l’histoire de la géométrie, sur sa nature et sur ses rapports avec les autres domaines de la mathématique. On comprend mieux également pourquoi, très tôt, elle s’est sentie menacée dans son autonomie par le développement de l’algèbre et de l’analyse, et pourquoi, finalement, en dépit du constant effort d’unification qui marque son histoire, notamment avec Euclide, Apollonios, René Descartes, Gérard Desargues, Jean Victor Poncelet, Michel Chasles, elle était condamnée à disparaître comme discipline autonome, pour ne plus être qu’une «illustration» des structures abstraites de la mathématique moderne.
Du très grand nombre de questions et de problèmes qui se rencontrent dans la géométrie, on retiendra essentiellement les fondements, les principes, les notions majeures et les théorèmes les plus importants.
1. La géométrie classique
La synthèse euclidienne
On rencontre déjà en Égypte ancienne, à côté d’une pratique géométrique, un début de science géométrique, comprenant notamment diverses propositions sur les propriétés du triangle et du cercle. Plus tard, en Grèce, principalement avec Thalès au VIe siècle avant J.-C., Pythagore et Hippocrate de Khios au Ve siècle, Eudoxe au IVe siècle, un nombre appréciable de résultats géométriques sont obtenus: inscription de sphères dans un cône, similitude des triangles, principales propriétés du cercle, polygones et polyèdres réguliers, sections coniques. Utilisant ces données et les complétant, Euclide (fin du IVe siècle av. J.-C.) réalise avec ses Éléments la première synthèse de la géométrie [cf. EUCLIDE].
En fait, les Éléments comportent, à côté de la géométrie proprement dite, d’importants chapitres qui n’en relèvent aucunement (nombres entiers, nombres irrationnels, proportions, équations du premier et du second degré), ou qui n’en relèvent pas au sens restreint retenu ici pour la géométrie, savoir la détermination des surfaces et des volumes.
Outre leur caractère organique, les Éléments ont ceci de remarquable que leur auteur a le souci de «fonder» la géométrie: ils débutent par une série d’énoncés de base, à partir desquels sont déduites toutes les autres propositions. Une telle innovation procède essentiellement des préoccupations et de l’œuvre logique d’Aristote.
Ces énoncés se répartissent en trois catégories: des définitions (point, ligne droite, surface, angles...), des vérités considérées comme évidentes, et, de ce fait, n’appelant pas de démonstration (deux grandeurs égales à une même grandeur sont égales entre elles, le tout est plus grand que la partie...), des demandes ou postulats, vérités non évidentes par elles-mêmes, que l’on ne sait pas démontrer, mais dont on a besoin du fait que les théorèmes que l’on en déduit apparaissent vérifiés concrètement.
La plus importante et la plus célèbre de ces demandes est le postulat des parallèles qui affirme – à la formulation près – que, par un point situé hors d’une droite, on peut mener une droite et une seule qui ne la rencontre pas, cette droite étant dite parallèle.
Une autre demande de grande portée, que l’on trouve seulement dans le corps de l’ouvrage, est le postulat dit d’Archimède, qualifié aujourd’hui de postulat de continuité: Deux points A et B étant donnés sur une droite, si, à partir de A, l’on met à la suite des segments de même longueur, on dépassera le point B après une série finie de telles opérations, si petite que soit cette longueur.
Il existe en réalité une certaine hésitation chez Euclide et ses successeurs quant à la nature exacte de ces «demandes». Les uns estiment qu’elles sont suffisamment évidentes pour n’avoir pas à être démontrées. D’autres, au contraire, pensent que l’on doit pouvoir les démontrer et que la géométrie ne sera vraiment satisfaisante que lorsque l’on y sera parvenu. C’est cette dernière opinion qui l’emporta, donnant lieu aux tentatives infructueuses de démonstration qui occupèrent tant de géomètres jusqu’à la naissance des géométries non euclidiennes.
En dehors du postulat des parallèles, la géométrie euclidienne a été longtemps considérée comme le modèle même d’une connaissance vraie et rigoureuse. Aujourd’hui, ses fondements se révèlent, à bien des égards, très peu assurés. Les définitions d’Euclide ne sont pas de vraies définitions, mais plutôt des descriptions d’intuitions; elles utilisent des concepts qui sont considérés comme premiers, alors qu’ils demandent eux-mêmes à être définis. Tel est le cas des définitions du point comme ce qui n’a pas de partie, de la ligne comme longueur sans largeur, de la ligne droite comme celle qui est située semblablement par rapport à tous ses points, de l’angle plan comme l’inclinaison mutuelle de deux lignes qui se rencontrent dans un plan et qui ont des directions différentes.
C’est seulement à la fin du XIXe siècle, surtout avec David Hilbert (1862-1943), dans Principes fondamentaux de la géométrie (Grundlagen der Geometrie , 1899) que la géométrie euclidienne est fondée de façon satisfaisante par une démarche dégagée de toute intuition sensible, et Hilbert démontre – préoccupation étrangère à Euclide – que les axiomes retenus sont indépendants et qu’ils ne conduisent pas à des contradictions [cf. AXIOMATIQUE]. Ensuite, des mathématiciens, tel Gustave Choquet dans L’Enseignement de la géométrie (1964), ont exposé la géométrie euclidienne sous une forme élémentaire mais rigoureuse.
La présentation moderne des axiomes de la géométrie euclidienne offre, en plus de sa rigueur logique, la supériorité sur celle d’Euclide de faire apparaître ce que Georges Bouligand a appelé la «causalité» des propositions: on est en mesure de désigner les axiomes qu’utilise une proposition donnée, certaines propositions ne faisant pas appel à l’ensemble des axiomes. Ainsi, en abandonnant le postulat des parallèles on obtient des propositions qui sont valables aussi dans les géométries non euclidiennes, et l’on peut construire des géométries «non archimédiennes» où le postulat d’Archimède n’est pas vérifié. C’est dans cette perspective que se situe la conception des géométries subordonnées de Klein dont il est question plus loin.
La sphère
La géométrie de la sphère, principalement pour les besoins de l’astronomie, devait être particulièrement développée dès l’Antiquité grecque. Elle constitue, jusqu’au début des Temps modernes, un savoir assez autonome par rapport aux autres aspects de la géométrie. Très tôt, même avant les Grecs, furent étudiés dans le cercle et la sphère les rapports entre les cordes et les angles. Dans les Sphériques , Menelaos d’Alexandrie (Ier siècle apr. J.-C.) démontre un important théorème, valable non seulement pour les triangles sphériques, mais aussi pour les triangles plans: Si un triangle sphérique (resp. un plan) est coupé par un grand cercle (resp. une droite), les trois points d’intersection L, M, N, sont tels que les produits des sinus des arcs (resp. les segments) sans points communs sont égaux aux produits des trois autres. À partir de ces résultats prendra naissance la trigonométrie plane et sphérique.
Les « Coniques » d’Apollonios
Avec les Éléments d’Euclide et les écrits d’Archimède, les Coniques d’Apollonios de Perge (fin du IIIe siècle av. J.-C.) constituent l’un des ouvrages les plus complets et les plus remarquables qu’a légués la mathématique grecque [cf. ALEXANDRIE (ÉCOLE MATHÉMATIQUE D’)]. Apollonios y présente en un ensemble organique des notions et des résultats pour une part notable antérieurs à lui, mais auxquels il a joint d’importantes contributions. Apollonios unifie la définition des coniques: au lieu d’utiliser pour chaque catégorie de coniques un cône à base circulaire différent (obtusangle pour l’hyperbole, droit pour la parabole, acutangle pour l’ellipse), il ne fait appel qu’à un seul cône à base circulaire. On lui doit aussi la dénomination des trois types de coniques. Alors qu’avant lui on ne prenait en considération qu’une seule branche de l’hyperbole, il définit l’hyperbole comme constituée de deux branches. Retenons aussi parmi les apports originaux d’Apollonios son étude des conditions d’égalité et de similitude des coniques et de la disposition de ces courbes sur un cône donné. En dehors des éléments nouveaux sur les coniques qu’apportera la géométrie projective, l’ouvrage d’Apollonios diffère peu – mis à part la prolixité des explications, due surtout à l’absence de notations – de l’enseignement sur les coniques qu’on dispensait en France, dans les années soixante, en classe de mathématiques élémentaires.
2. La géométrie analytique
Origines
Il est assez habituel de considérer que la géométrie analytique a été créée par Descartes. En réalité, cette vue est trop simple. Si la «géométrie analytique» est prise au sens moderne de l’expression, celle de Descartes en était encore assez éloignée. D’autre part, plusieurs éléments caractéristiques de la géométrie analytique avaient été formulés avant Descartes.
La géométrie analytique paraît consister dans l’association de trois facteurs: l’expression d’une réalité géométrique par une relation entre des quantités variables, l’usage des coordonnées, le principe de la représentation graphique. Or, si chacun de ces trois facteurs se rencontre assez tôt dans le développement de la géométrie avant Descartes, ils n’ont cependant pas été rapprochés.
Dès la plus haute antiquité, l’observation astronomique avait conduit à repérer les directions dans l’espace par deux coordonnées angulaires: hauteur au-dessus de l’horizon, écart par rapport au méridien. Et, très tôt, furent mises en évidence des relations entre ces coordonnées. Mais il s’agissait là de pratiques qui étaient à peu près sans rapport avec la science géométrique. Au contraire, c’est au cœur même de la géométrie que l’on voit intervenir chez les Grecs un calcul portant sur deux variables en vue de caractériser des réalités géométriques et d’en établir les propriétés. Chez Archimède et surtout chez Apollonios, un tel calcul est développé systématiquement pour l’étude des coniques. Apollonios écrit explicitement les équations des coniques en coordonnées obliques ayant pour origine un point de la conique et pour directions le diamètre correspondant à ce point et son diamètre conjugué:
pour l’hyperbole, l’ellipse et la parabole respectivement.
Dans une perspective tout à fait différente, Nicolas Oresme, au XIVe siècle, imagine une représentation graphique de certains phénomènes. Il distingue une latitudo et une longitudo qui correspondent à l’abscisse et à l’ordonnée d’une représentation en coordonnées rectangulaires. Cette façon de faire est inverse de celle des Grecs, puisque Oresme ne part pas d’une réalité géométrique mais exprime sous forme géométrique une relation entre des grandeurs. La conception même d’une telle correspondance doit être considérée comme s’inscrivant dans le cadre des idées qui sont à la base de la géométrie analytique. Toutefois, les vues d’Oresme, en dépit de la grande faveur qu’elles connurent, ne furent aucunement rapprochées des pratiques «analytiques» des Grecs dont l’Occident prit connaissance vers la fin du XVIe siècle avec la publication en latin des œuvres d’Archimède et d’Apollonios.
Descartes et Fermat
Le calcul géométrique exposé par Descartes (1596-1650) dans sa Géométrie (1637) ne diffère guère en son principe du calcul d’Apollonios. Il porte sur deux variables que l’on peut sans doute considérer comme constituant des coordonnées; mais on n’y trouve pas explicités des axes de coordonnées, c’est-à-dire deux droites orientées, distinctes des lignes de la figure. Toutefois, dans quelques passages de son ouvrage, Descartes précise qu’il choisit sur une droite, distincte de la figure, un point origine; mais il ne fait pas intervenir un autre axe de coordonnées, se contentant de choisir une direction selon laquelle est mesurée la seconde variable.
Le vrai progrès réalisé par Descartes réside en ce que, au lieu de limiter un tel calcul à l’étude d’une figure donnée, comme le faisaient les Grecs, il le pose en procédé général susceptible de permettre la création d’une infinité de courbes nouvelles. Malheureusement, il limite singulièrement le champ de sa géométrie en refusant d’y recevoir les «courbes décrites par deux mouvements qui n’ont entre eux aucun rapport qu’on puisse mesurer exactement». La formule signifie que Descartes ne reconnaît que les courbes algébriques, excluant les courbes «transcendantes», dont l’étude commençait alors à se développer (logarithme, sinus et cosinus...).
Il faut, d’autre part, noter qu’à la même époque, et même un peu avant lui, Pierre de Fermat (1601-1665) avait abouti à des conceptions fort voisines. Mais, alors que Descartes adopte des notations symboliques qui représentent les constantes et les variables par des lettres, et les puissances par des exposants, Fermat demeure attaché au langage beaucoup plus lourd de l’algèbre géométrique des Grecs.
Descartes applique avec succès sa méthode à la résolution du problème dit de Pappus: Déterminer le lieu des points tels que, étant donné quatre droites et étant considéré les distances d’un point à chaque droite sous des angles déterminés, le produit de deux distances est égal au produit des deux autres. Descartes montre aisément par le calcul que ce lieu est une conique.
La nouvelle méthode suscita dans la seconde moitié du XVIIe siècle un grand nombre de travaux, concernant surtout les courbes planes algébriques (tangente, normale, centre de courbure, point d’inflexion...).
La géométrie analytique moderne
La géométrie analytique n’acquiert pleinement les traits qui la caractérisent aujourd’hui qu’au XVIIIe siècle. Tout d’abord, alors qu’elle était demeurée limitée jusque-là au plan, la géométrie analytique est étendue à l’espace. En 1700, est écrite l’équation de la sphère; en 1731, Alexis Clairaut (1713-1765) publie une étude remarquable sur les courbes à double courbure. L’apport de Leonhard Euler (1707-1783) est particulièrement notable: dans Introductio in analysin infinitorum (1748), pour la première fois, il énonce le principe de l’équivalence des deux axes, alors que jusque-là l’axe des abscisses avait conservé, par une anomalie qui nous étonne, un rôle privilégié, et il donne une formule vraiment claire du changement de coordonnées, utilisée cependant par Van Schooten dès 1649. De plus, Euler détermine l’équation des surfaces du second degré.
La géométrie analytique ne prend cependant son essor que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dans l’esprit de ses travaux sur la mécanique analytique, Louis de Lagrange (1736-1813) souligne «avec combien de facilité et de succès la méthode algébrique peut être employée pour les questions qui paraissaient être le plus du ressort de la géométrie proprement dite et les moins propres à être traitées par le calcul». Rompant avec la méthode cartésienne qui mêlait les procédés analytiques et géométriques, les éléments du premier ordre (droite et plan) demeurant toujours envisagés de manière géométrique, Lagrange établit autour des années 1770 les équations de la droite et du plan et inaugure l’utilisation systématique de trois axes de coordonnées.
C’est dans cet esprit que Gaspard Monge (1746-1818), à partir de 1771 et, plus systématiquement, en 1795 dans ses Feuilles d’analyse appliquée à la géométrie , donne à la géométrie analytique son ampleur, établissant les équations des divers types de surfaces algébriques (surfaces réglées, développables, de révolution...) et résolvant analytiquement de nombreux problèmes. On peut alors dire que la géométrie moderne est née. En 1797, Sylvestre François Lacroix (1765-1843) en rédige le premier traité, mais sans encore user du terme même de géométrie analytique, intitulant son ouvrage: Traité de calcul différentiel et intégral.
Le XIXe siècle apporte peu de compléments notables à la géométrie analytique proprement dite. Mais le caractère arbitraire du choix des axes de coordonnées devait conduire à l’étude des invariants dans les changements de coordonnées qui, seuls, peuvent exprimer les propriétés géométriques intrinsèques des figures. À côté des travaux d’ordre algébrique qu’elle contribua à susciter, cette étude fut un des facteurs principaux du développement, au cours du XIXe siècle, des notions de vecteur et de tenseur, dont l’utilisation allait être si féconde, non seulement en mathématique pure mais aussi dans de nombreuses applications.
3. La géométrie projective
Au sens moderne du terme, on entend par géométrie projective l’étude des propriétés des figures qui se conservent par transformation homographique. Ce point de vue général ne s’est dégagé que lentement, par élargissement de conceptions plus particulières et par une clarification qui a eu notamment à distinguer les propriétés projectives des figures de leurs propriétés métriques. La géométrie projective a joué un rôle majeur dans l’évolution de la conception de la géométrie. Elle fut le principal facteur du mouvement d’idées qui, au cours du XIXe siècle, a progressivement rapproché les diverses géométries et a donné à la notion de transformation une place centrale dans la géométrie.
Le rapport anharmonique chez les Grecs
Dans les mathématiques grecques, on ne rencontre pas à proprement parler de géométrie projective, essentiellement parce que la notion de transformation des figures n’y apparaît pas, même pas la projection centrale que semble suggérer pourtant très naturellement la considération des cônes et de leurs intersections par des plans qui engendrent les coniques. En revanche, on trouve des notions et des théorèmes qu’on rattache maintenant à la géométrie projective. Principalement, la définition du rapport anharmonique, dit aujourd’hui birapport, de quatre points alignés A, B, C, D, soit:
et la démonstration de la conservation de ce rapport pour les points d’intersection de toute transversale coupant quatre droites concourantes. Les Grecs se sont plus spécialement intéressés au rapport harmonique, cas particulier où le rapport anharmonique a pour valeur – 1. Ils le rencontraient notamment dans l’étude des coniques, puisque, sur une droite quelconque passant par un point donné, ce point est conjugué harmonique de l’intersection de la droite joignant les points de contact des deux tangentes menées du point, par rapport aux deux points d’intersection de la droite avec la conique. Ces considérations se trouvent dans les Coniques d’Apollonios et dans la Collection mathématique de Pappus d’Alexandrie (IIe siècle apr. J.-C.). Il faut aussi mentionner, comme se rattachant à la géométrie projective, un certain nombre de théorèmes sur les segments déterminés par des transversales à des triangles ou à des quadrilatères, principalement le théorème de Menelaos déjà énoncé.
La perspective à la Renaissance
En Europe, dès le XVe siècle, les artistes, peintres et graveurs, s’intéressent surtout à la représentation sur un plan des figures de l’espace à partir du point de vue constitué par l’œil. Ils sont ainsi amenés à l’étude de la projection centrale, et, en particulier, à la considération du point de fuite qui représente, sur le plan des projections, le point à l’infini de droites parallèles perpendiculaires à ce plan. Il faut signaler les traités de perspective de Jean Pélerin (1505) et d’Albert Dürer (1525). Au XVe siècle, les architectes, tels que Filippo Brunelleschi et Leon Battista Alberti, contribuent aussi au développement de la perspective pratique. Des considérations de perspective se rencontrent également dans la gnomonique (art des cadrans solaires) et dans la stéréotomie ou taille des pierres. Plus tard, la perspective est développée pour les besoins des fortifications et de la «scénographie». Mais elle demeurait encore au début du XVIIe siècle une discipline sans rapport avec la science géométrique. C’est Desargues qui, le premier, rapprochera ces deux ordres de recherches.
Desargues et Pascal
Le Français Gérard Desargues (1593-1662), ingénieur et architecte, appartient au milieu des praticiens. Il a été en rapport avec les milieux savants de l’époque. Son souci d’une rationalisation et d’une simplification de la perspective par la mise en lumière de nouvelles méthodes géométriques l’amène, en 1639, deux ans après la Géométrie de Descartes, à publier Brouillon projet d’une atteinte des événements des rencontres du cône avec un plan , petit ouvrage de quarante pages, tiré seulement à cinquante exemplaires. Rédigé de façon assez obscure, utilisant des termes nouveaux, qui, pour la plupart, ne seront pas retenus, cet opuscule est accueilli avec estime par Descartes et par Fermat; pourtant ceux-ci n’en savent pas reconnaître l’originalité et la portée; il se heurte à de violentes oppositions, notamment, à celles d’auteurs de traités de perspective pratique. Seul Pascal (1623-1662) comprend vraiment Desargues. Il voit en lui «un des grands esprits de ce temps et des plus versés aux mathématiques». Pascal s’inspire très directement des vues de Desargues dans son Essay pour les coniques (1640), texte de quelques pages présentant déjà le vaste programme que développera le Traité des coniques , achevé entre 1654 et 1658, mais qui ne fut pas publié et dont il ne reste qu’un résumé et un commentaire dus à Leibniz. Philippe de La Hire (1640-1718), dans deux traités sur les coniques (1673, 1679), reprend et systématise les idées et les résultats de Desargues et de Pascal sans y apporter toutefois des éléments notablement nouveaux.
Après La Hire et pendant près d’un siècle, la géométrie projective tombe dans l’oubli. Cela s’explique surtout par l’intérêt porté alors à la géométrie analytique promue par Descartes et au développement du calcul infinitésimal auquel Leibniz et Newton venaient de donner son plein essor.
La nouveauté de l’œuvre géométrique de Desargues réside essentiellement dans l’introduction, en géométrie, de la projection centrale; elle permet à ce mathématicien des démonstrations «par le relief». Ainsi, il démontre pour le cercle des propriétés relatives aux polaires et aux tangentes; ensuite, par une projection centrale qui transforme le cercle en une conique, il les étend aux coniques. D’autre part, se fondant sur le fait que, dans une perspective, des droites parallèles se transforment en droites concourantes, Desargues complète l’espace euclidien, en définissant les points à l’infini, qui seront considérés comme de même nature que les points à distance finie. Dès lors, Desargues pouvait substituer à l’étude séparée des trois catégories de coniques, selon la manière de faire d’Apollonios, une étude unique.
On lui doit en outre l’introduction de la notion – et du terme – d’involution, étroitement liée à la notion de la division harmonique. Ces questions, on l’a vu, n’étaient pas ignorées des Grecs, mais elles n’avaient pas encore été étudiées systématiquement.
Au langage près, assez complexe chez lui parce que dépourvu de notations symboliques, Desargues définit l’involution sur une droite, ainsi qu’on le fait aujourd’hui, comme une correspondance symétrique et donc réciproque de deux points sur une droite. Elle s’écrit sous forme canonique xy = k. Tout couple de points d’une involution est conjugué harmonique des deux points doubles x = y = t 梁 連k . Desargues envisage seulement le cas où ces points sont réels. Il montre aussi que deux couples de points définissent une involution et il s’intéresse spécialement à l’ensemble constitué par trois couples de points en involution. Ces trois couples interviennent notamment dans un théorème relatif aux coniques, dont l’énoncé et la démonstration représentent un apport remarquable de Desargues au progrès de la théorie des coniques. Ce théorème s’énonce ainsi: Les coniques d’un faisceau ponctuel défini par quatre points, dont trois quelconques ne sont pas alignés, déterminent sur chaque droite de leur plan des couples de points en involution; les trois coniques dégénérées du faisceau qui sont les couples de côtés opposés du quadrilatère complet défini par ces quatre points satisfaisant à cette propriété. Desargues démontre ce théorème, d’abord dans le cas du cercle en utilisant les relations de puissances, puis pour une conique quelconque en la considérant comme section plane d’un cône de base circulaire. Il semble qu’il faille chercher l’origine de ce théorème dans des lemmes de la Collection mathématique de Pappus d’Alexandrie ayant trait aux relations entre segments formés sur une transversale coupée par les trois couples de côtés opposés d’un quadrilatère complet. Mais Desargues est le premier à avoir considéré les coniques dans lesquelles est inscrit ce quadrilatère.
Un autre de ses apports majeurs est le théorème sur les triangles «perspectifs»: Si, dans un même plan ou dans l’espace, deux triangles ABC et A B C sont tels que les trois droites joignant respectivement les trois couples de sommets homologues AA , BB , CC se rencontrent en un même point S, les trois points de concours des couples de droites portant les côtés homologues des deux triangles sont alignés. Et réciproquement.
Desargues démontre ce théorème, dans l’espace, par des propriétés d’incidence, et, dans le plan, par l’emploi répété du théorème de Menelaos.
Ce théorème de Desargues occupe une place fondamentale dans la structure de la géométrie projective; ce que montre notamment le fait que sa démonstration dans le plan nécessite les postulats projectifs de l’espace comme l’a établit Hilbert dans ses Grundlagen der Geometrie – le théorème de Menelaos utilisé par Desargues supposant ces axiomes. Hilbert a pu alors définir une géométrie projective plane «non arguésienne» où le théorème de Desargues n’est pas vérifié.
L’importance de ce théorème se manifeste aussi dans le fait qu’il est à la base de la définition de l’homologie dans le plan. Seulement entrevue par Desargues, cette définition devait jouer un rôle capital dans les travaux de Jean Victor Poncelet (1788-1867).
Soit en effet dans un plan P un triangle T projeté en un triangle T sur un plan P à partir d’un point O n’appartenant ni à P ni à P . Rabattons le plan P sur P par rotation autour de la droite D, intersection des deux plans P et P . T se rabat en un triangle T . Les couples de droites joignant les côtés homologues des triangles T et T du plan P se rencontrent évidemment sur D dont les points sont demeurés inchangés aussi bien dans le rabattement que dans la projection. Ces trois points étant donc alignés, il en résulte, d’après la réciproque du théorème de Desargues, que les trois droites portant les couples de sommets homologues de T et de T se rencontrent en un même point S. On définit ainsi une correspondance réciproque point à point et droite à droite, la construction du transformé M d’un point courant M s’obtenant aisément par intersection de droites, dès lors que sont donnés le sommet de l’involution S, son axe D et deux couples de points homologues, A A , B B (A A et B B étant soumis à la seule condition de se rencontrer en S).
Dans ses travaux sur les coniques, Pascal reprend les méthodes et les résultats de Desargues, mais de manière beaucoup plus synthétique et plus claire. Il y ajoute des éléments nouveaux remarquables dont le plus important est le théorème de l’hexagone inscrit dans une conique: Les trois points de concours des côtés opposés d’un hexagone inscrit dans une conique sont en ligne droite. Pascal démontre ce théorème d’abord pour le cercle et l’étend ensuite par une projection aux coniques.
Il est possible que Pascal ait entrevu le théorème dual, démontré par Charles Julien Brianchon (1783-1864) au début du XIXe siècle: On peut toujours trouver trois diagonales concourantes dans un hexagone circonscrit à une conique.
Pascal devait déduire du théorème de l’hexagone de nombreuses propriétés des coniques, en particulier les propriétés des pôles et polaires, considérant à cet effet le cas où, deux points de l’hexagone étant confondus, un des côtés se trouve être la tangente à la conique en ce point.
Renouveau et essor de la géométrie projective
C’est seulement à la fin du XVIIIe siècle que renaît l’intérêt pour la géométrie projective. Elle devait alors connaître un essor remarquable. Son renouveau est jalonné d’une série d’œuvres majeures: Gaspard Monge, Application de l’algèbre à la géométrie (1795), Géométrie descriptive (1795); Lazare Carnot, Géométrie de position (1803); Jean Victor Poncelet, Traité des propriétés projectives des figures (1822); Michel Chasles, Aperçu historique sur le développement des méthodes en géométrie (1837), Traité de géométrie supérieure (1852); C. Van Staudt, Geometrie der Lage (1847).
Chez Monge, la géométrie analytique et la géométrie pure demeurent intimement associées. De plus, son intérêt se porte surtout sur la géométrie descriptive qui représente les figures de l’espace par deux projections orthogonales sur deux plans perpendiculaires. Monge ne semble pas avoir saisi toute l’importance de la projection centrale. Il n’en eut pas moins une influence décisive sur le développement ultérieur de la géométrie projective, notamment par le sens de l’espace qui imprègne tout son enseignement.
Avec Poncelet s’affirme beaucoup plus nettement le dessein de constituer la géométrie projective en discipline autonome. Poncelet veut «rendre la géométrie enfin indépendante de l’analyse algébrique», et, pour lui, les propriétés projectives des figures comptant parmi les plus générales que l’on connaisse méritent à ce titre seul l’attention des géomètres. Il entend faire cesser un état de choses où «la géométrie analytique offre des moyens généraux et uniformes» alors que «jusqu’ici l’autre géométrie a procédé par hasard». Il veut «donner aux conceptions géométriques cette extension et cette généralité qui sont dans sa nature et les constituer en une doctrine organique». Il souligne aussi l’avantage qu’offre la géométrie projective du fait que «jamais on n’y tire des conséquences sans que les formes réelles et existantes ne puissent se peindre à l’image et à la vue».
La géométrie projective de Poncelet se fonde sur deux principes fondamentaux, les principes de continuité et de projection.
Le principe de continuité s’énonce ainsi: Chaque fois qu’une démonstration a été obtenue en supposant finies et réelles certaines parties de la figure qui interviennent dans la démonstration, la proposition subsiste quand ces parties disparaissent ou deviennent infinies ou imaginaires ou que la démonstration ne subsiste plus. Ainsi, l’extension du fini à l’infini réalisée par Desargues et Pascal est complétée par l’extension aux points imaginaires que ceux-ci n’avaient aucunement envisagée. Ce principe devait être vivement critiqué, particulièrement par Augustin Cauchy. Il convenait de préciser, ce qui fut fait plus tard, que ce principe vaut seulement lorsque les propriétés envisagées se traduisent par des relations algébriques, qui étaient d’ailleurs les seules que faisait intervenir Poncelet. L’application la plus obvie de ce principe est offerte par les intersections de deux cercles dont l’axe radical, défini par les deux points d’intersection des cercles lorsque ceux-ci se coupent, subsiste encore lorsqu’ils ne se coupent plus.
Pour le principe de projection, Poncelet retient les propriétés qui se conservent par projection centrale et par les transformations qui en dérivent, notamment l’homologie dans le plan définie plus haut; ces propriétés peuvent être réduites par projection «à des circonstances plus simples» se trouvant alors plus aisément démontrables. Michel Chasles (1793-1880) devait exprimer ce principe d’une manière plus claire et le généraliser: «Que l’on prenne une figure quelconque de l’espace et l’une de ses propriétés communes, qu’on applique à l’une de ces figures l’un de ces modes de transformations et qu’on suive les diverses modifications qu’éprouve le théorème qui exprime cette propriété, on aura une nouvelle figure et une nouvelle propriété qui correspondra à celle de la première. Ce moyen que possède la géométrie récente permet de multiplier à l’infini les propriétés géométriques.»
La mise en œuvre de ces deux principes par Poncelet et, après lui, par plusieurs autres géomètres, Chasles en particulier, devait permettre une unification et une extension remarquables de la géométrie, spécialement dans le domaine de la théorie des coniques. Poncelet utilisa surtout la transformation qualifiée par lui d’homologie (définie plus haut), dont le principe avait été posé, on l’a vu, par Desargues, mais qu’il devait étendre à l’espace.
Chasles, posant le problème plus large de la détermination de la transformation ponctuelle la plus générale qui fait correspondre à une droite une droite et à un plan un plan, devait définir la transformation qu’il désigna par le terme d’homographie. K. G. C. von Staudt (1798-1867) et Gaston Darboux (1842-1917) en donnèrent plus tard une justification plus rigoureuse. Cette transformation se définit analytiquement dans le plan par l’équation:
et par une équation analogue pour y . L’homologie correspond au cas particulier où une droite – l’axe d’homologie – se transforme en elle-même, point par point.
Il faut en outre mentionner l’introduction par Monge de la transformation par polaire réciproque, qui, une conique (resp. une quadrique) étant donnée, fait correspondre réciproquement dans le plan un point (pôle) à une droite (sa polaire) et, dans l’espace, un point pôle à un plan (son plan polaire). Cette transformation fut systématiquement utilisée, notamment par Joseph Diez Gergonne (1771-1859), Brianchon, Poncelet et Chasles, qui devaient en montrer toute la fécondité. Par là était introduite la notion de dualité dont l’importance majeure ne tarda pas à être soulignée, et qui devait recevoir une extension bien au-delà de la géométrie projective, par l’introduction, due à Monge, mais non développée par lui, de la notion de transformation de contact.
En dépit des vues profondes de Poncelet et de Chasles et des nombreux résultats auxquels ils parvinrent, la géométrie projective souffrait d’un grave défaut: la distinction entre propriétés métriques et propriétés projectives n’était pas élucidée de façon satisfaisante, les propriétés projectives demeurant d’ailleurs, le plus souvent, définies par des considérations et des relations de caractère métrique. Cette carence devait conduire von Staudt, en 1847, à une présentation abstraite de la géométrie projective où n’intervenaient plus les éléments de caractère métrique, c’est-à-dire les notions d’angle et de distance. Cette synthèse n’était cependant pas tout à fait sans défaut. En particulier, elle faisait intervenir inutilement le postulat des parallèles. C’est seulement avec les travaux de Hilbert, Klein (1849-1925), Darboux (1842-1917) à la fin du XIXe siècle, et, plus tard, ceux de Federigo Enriques (1871-1946), que seront formulées de façon rigoureuse les notions de base et les axiomes de la géométrie projective.
4. Les géométries non euclidiennes
Jusqu’au début du XVIIIe siècle, le problème posé par le postulat des parallèles fut envisagé dans la même perspective: le postulat n’est pas une évidence première, mais une vérité qu’on doit pouvoir démontrer. La plupart des démonstrations se fondent sur la définition de la parallèle comme droite équidistante à une droite donnée, définition que l’on ne trouve pas dans les Éléments d’Euclide, il faut le noter. On ne soupçonne pas le cercle vicieux qu’implique une telle façon de faire, la possibilité qu’une droite puisse être équidistante à une autre droite supposant le postulat. Telles se présentent les démonstrations de Posidonius (IIe siècle av. J.-C.), de Geminus (Ie siècle apr. J.-C.), de Proclus (Ve siècle apr. J.-C.); et encore celle du jésuite Clavius (1537-1612) à la fin du XVIe siècle, celui-ci doutant cependant de la validité de sa démarche. Le jésuite G. Saccheri, dans son Euclides ab omni naevo vindicatus (1733), est le premier mathématicien à mettre nettement en doute la validité des démonstrations fondées sur l’équidistance et à proposer une autre approche, la réduction à l’absurde: supposer que le postulat des parallèles ne vaut pas et démontrer que cette hypothèse aboutit à une contradiction. À cet effet, Saccheri fait appel au trapèze isocèle qu’avait introduit le géomètre arabe N ルir al-D 稜n (XIIIe siècle). Ce trapèze est construit en menant perpendiculairement aux extrémités d’une droite AB deux segments égaux AC et AD. Les angles intérieurs en C et D sont égaux. Ils valent un droit dans le cas où le postulat est vrai; dans le cas contraire, ils sont soit aigus, soit obtus. Ainsi, bien avant que ne soit prouvée la validité des géométries non euclidiennes, était mis en évidence le dédoublement de l’hypothèse de la négation du postulat: angle aigu (géométrie de Lobatchevski), angle obtus (géométrie de Riemann). N ルir al-D 稜n avait très vite cru pouvoir conclure que ces angles intérieurs en C et D étaient droits, pensant donc avoir démontré le postulat. Saccheri arrive à la même conclusion, mais au terme de longs développements, au cours desquels, contre son gré pourrait-on dire, il édifie pour une grande part la géométrie de Nikolaï Ivanovitch Lobatchevski (1792-1856) et pour une moindre part celle de Bernhard Riemann (1826-1866). Finalement, il rejette les deux hypothèses de l’angle aigu et de l’angle obtus, car elles le conduisent à deux conclusions qu’il estime non admissibles, la première à l’existence d’une perpendiculaire commune à deux droites à l’infini, la seconde à l’affirmation que deux droites contiennent un espace.
Plus de trente ans plus tard, en 1766, le mathématicien suisse Johann Heinrich Lambert (1728-1777), indépendamment semblet-il de Saccheri, dans une étude qui ne sera publiée qu’en 1786, suit fondamentalement la même démarche que Saccheri. Mais si, comme ce dernier, il rejette l’hypothèse de l’angle obtus, il est plus hésitant dans le cas de l’angle aigu.
Carl Friedrich Gauss (1777-1855) amorce vraiment, autour des années 1820, la rupture avec la croyance bimillénaire en la démonstrabilité du postulat des parallèles: Gauss pense que l’on peut démontrer de façon rigoureuse que l’hypothèse de l’angle obtus conduit à une contradiction, mais il arrive à la conviction que l’on ne peut pas y parvenir dans le cas de l’hypothèse de l’angle aigu. Cette vue entraîne un changement radical dans la conception de la géométrie. Gauss déclare que, désormais, «la géométrie ne doit pas être mise au même rang que l’arithmétique dont la vérité est purement a priori, mais plutôt au même rang que la mécanique».
Lobatchevski, dont les travaux se situent entre 1826 et 1856, parvient en 1834 à une conclusion encore plus explicite: «La vérité à établir – le postulat des parallèles – n’est pas impliquée dans les notions antérieures; pour la démontrer, il faut recourir à des expériences, par exemple aux observations astronomiques.» Ces expériences furent faites à l’époque et montrèrent qu’au degré de précision des appareils de mesure on ne pouvait écarter la géométrie euclidienne. Le mathématicien hongrois Farkas Bolyai (1775-1856), qui, indépendamment de Lobatchevski, élabore de façon assez complète la géométrie de l’angle aigu dans La Science absolue de l’espace (1832), n’a pas une attitude aussi nette; il n’aperçoit pas clairement que la validité du postulat des parallèles est à chercher non dans une déduction logique à partir des axiomes d’Euclide, mais dans l’expérience.
Quant à l’hypothèse de l’angle obtus, en 1854, elle est reconnue acceptable par Riemann, bien qu’elle conduise à affirmer que les droites sont de longueur finie et que deux droites peuvent enfermer un espace.
Toutefois, ces vues nouvelles ne firent qu’assez lentement leur chemin. Il restait d’ailleurs à s’assurer qu’en poursuivant le développement des deux géométries non euclidiennes, on n’y rencontrerait pas de contradiction, ce qui ne fut réalisé de façon pleinement satisfaisante qu’à la fin du XIXe siècle grâce aux travaux de Klein et par l’élaboration de modèles des deux géométries; ainsi, pour la géométrie de Bolyai-Lobatchevski, par le modèle de Henri Poincaré (1854-1912), où l’on considère le demi-plan et où les droites sont représentées par les demi-cercles centrés sur la droite qui limite ce demi-plan; et, pour la géométrie de Riemann, par une correspondance associant à un point de l’espace une droite, et à une droite un plan (cf. GROUPES – Groupes classiques et géométrie, chap. 3).
Soit qu’au début ils les rejettent comme aboutissant à des contradictions, soit que, au contraire, ne parvenant pas à y trouver de contradiction, ils inclinent à les reconnaître valables, durant un siècle environ, à partir de Saccheri jusqu’à Lobatchevski et Bolyai, les géomètres ont peu à peu élaboré la géométrie de l’angle aigu et, de façon beaucoup plus sommaire, celle de l’angle obtus qui ne prend vraiment consistance qu’après son acceptation par Riemann.
Saccheri et Lambert montrent que les trois hypothèses, angle aigu, angle droit, angle obtus, sont stables, c’est-à-dire que, si elles valent pour un trapèze, elles valent pour tout trapèze. Ils établissent en outre que ces trois hypothèses sont équivalentes aux trois catégories de valeurs possibles pour la somme des angles d’un triangle: inférieure, égale, supérieure à deux droits.
Dans le cas de l’angle aigu, Saccheri montre, ce qu’avait à peine aperçu Lambert, que, pour un point situé hors d’une droite, on peut mener une infinité de droites non sécantes. Pour chaque droite non sécante, on peut déterminer une perpendiculaire commune à cette non-sécante et à la droite. De plus, Saccheri a reconnu l’existence de deux droites limites qui se rapprochent indéfiniment de la droite donnée, l’une à droite, l’autre à gauche.
Allant plus loin que Saccheri, Lambert, se fondant sur l’analogie de la géométrie de l’angle aigu avec la géométrie sur la sphère, pour la valeur de la surface d’un triangle, montre, en faisant appel à une sphère imaginaire, que, dans la géométrie de l’angle aigu, la surface d’un triangle est proportionnelle à la différence entre deux droits et la somme des angles du triangle. Par là, il introduit une constante caractéristique de l’espace qui séduira Gauss et constituera une des raisons principales qui inciteront le mathématicien allemand à penser que cette géométrie peut être vraie. Lambert est conduit à une conclusion assez surprenante, mais qui ne le choque pas: dans la géométrie de l’angle aigu, quand la longueur des trois côtés d’un triangle devient infinie, la surface du triangle n’en demeure pas moins finie.
Quant à la géométrie de l’angle obtus, dont Riemann montre en 1854 qu’elle n’est nullement contradictoire, un esprit moderne peut s’étonner qu’il ait fallu attendre si longtemps avant de l’admettre, alors que, dès le milieu du XVIIIe siècle, les études sur les propriétés infinitésimales des surfaces et même, bien avant, la connaissance des triangles sphériques en offraient un modèle dans le cas de l’espace à deux dimensions, au moins dans le voisinage d’un point. Mais une telle manière de voir les choses est anachronique: elle implique qu’une surface peut être considérée comme constituant un espace à deux dimensions. C’est là une vue très moderne. Encore au XVIIIe siècle et même au XIXe, une surface ne pouvait aucunement être considérée comme constituant un espace; elle n’était qu’une figure de l’espace dont on ne concevait pas qu’il pût avoir une structure; on le regardait seulement comme un cadre homogène et infini.
5. Transformations géométriques
En introduisant la projection centrale, ou perspective, en géométrie, Desargues puis Pascal avaient ouvert la voie à l’étude des transformations géométriques. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que les transformations géométriques commencèrent vraiment à retenir l’attention des mathématiciens. À côté de la projection centrale, l’homologie est systématiquement utilisée comme transformation par Poncelet; puis Chasles définit l’homographie, transformation projective la plus générale. D’autre part, des transformations plus particulières sont largement étudiées: l’affinité, à laquelle s’était déjà intéressé Euler, les rotations, les symétries, les translations, les homothéties.
Chez les géomètres purs, les transformations apparaissent surtout comme un instrument de démonstration, tout spécialement chez Chasles. Mais les mathématiciens qui, comme Arthur Cayley (1821-1895) notamment, s’intéressent surtout à l’analyse et à l’algèbre, s’attachent à leurs aspects d’invariance. Ainsi s’amorce entre l’algèbre et la géométrie une symbiose féconde.
Ces divers types de recherches tendent à donner aux transformations une place non plus marginale, mais centrale en géométrie, au point que l’on voit au milieu du XIXe siècle se dégager l’idée que les propriétés géométriques se classent et se caractérisent par les transformations qui les laissent invariantes. À chaque type de transformation correspond une géométrie. Ainsi, en 1868, Hermann von Helmoltz développe l’idée que l’on peut caractériser les propriétés de l’espace euclidien par les propriétés des déplacements, envisagés comme transformations ponctuelles. D’autre part, la notion de transformation allait permettre de préciser les relations entre propriétés projectives et propriétés métriques (que ni Poncelet, ni Chasles, ni même von Staudt n’avaient vraiment élucidées) et, en outre, entre géométrie euclidienne et géométrie non euclidienne. Le premier pas dans cette voie est fait par Cayley, en 1859: ayant particularisé la transformation homographique en lui imposant la conservation d’une conique dans le plan ou d’une quadrique dans l’espace, il peut définir la distance de deux points A et B comme le logarithme du rapport anharmonique de ces deux points et des points de rencontre de la droite qui les porte avec la conique ou la quadrique. Cette approche allait se révéler très féconde. Edmond Laguerre (1834-1886) s’était déjà engagé dans cette voie en 1853 lorsqu’il avait lié la mesure d’un angle au rapport anharmonique de ses côtés et des deux droites isotropes passant par le point de rencontre de ces côtés.
Cayley montre alors que l’on peut déterminer une conique ou une quadrique telle que la distance projective correspondant à la transformation projective qui la conserve est identique à la distance de la géométrie euclidienne. La géométrie euclidienne apparaît comme un type particulier de géométrie projective. Enthousiasmé par ce résultat, Cayley déclare à la fin de son mémoire: «La géométrie projective est toute la géométrie.»
Dans des travaux entrepris à partir de 1868, Klein reprend ces vues pour les préciser et leur donner de plus larges applications. Il définit de façon plus rigoureuse la notion de distance cayleyenne; puis, portant son attention aux deux géométries non euclidiennes, dont ne s’était pas occupé Cayley, il montre qu’elles viennent aussi prendre place dans le cadre de la géométrie projective, en associant à chacune des deux géométries non euclidiennes une transformation conservant une conique dans l’espace à deux dimensions, et une quadrique dans l’espace à trois dimensions, définies de façon appropriée. Ainsi les trois géométries d’Euclide, de Bolyai-Lobatchevski et de Riemann se trouvent rapprochées et apparaissent comme des types particuliers de géométrie projective.
De plus, posant le problème général de la détermination des géométries projectives à courbure constante, Klein établit qu’il ne peut en exister que trois types qui sont précisément les trois géométries. Ainsi les géométries non euclidiennes, qui étaient considérées jusque-là comme des situations géométriques plutôt bizarres, aberrantes et sans rapport avec la géométrie euclidienne et la géométrie projective, se révèlent avoir une place précise et nécessaire au sein de la géométrie projective à côté de la géométrie euclidienne; Klein tient à noter que cette conclusion est obtenue par des considérations «tout autres» que celles par lesquelles ces géométries avaient été précédemment définies. Ajoutons que, par une telle intégration, il était clairement établi que la géométrie projective générale ne fait pas intervenir le postulat des parallèles, ce que ni Poncelet, ni Chasles, ni Staudt n’avaient su montrer.
Transformations et groupes
Le rôle des transformations, en géométrie, ne fut pleinement compris que lorsque Klein leur associa la notion de groupe (cf. GROUPES – Groupes classiques et géométrie), introduite par Évariste Galois (1811-1832) en 1830, et diffusée seulement en 1870 par le Traité des substitutions et des équations algébriques de Camille Jordan (1838-1922). C’est par cet ouvrage que Klein en prit connaissance. Certes, en 1844, Hermann Grassmann (1809-1877) avait déjà pressenti qu’il y aurait lieu de faire intervenir l’algèbre dans l’étude fondamentale de la géométrie, mais il ne devait pas dépasser dans cette voie des vues générales. Klein, au contraire, envisage d’emblée une «théorie des groupes qui peuvent être engendrés par les transformations d’une nature donnée». Il montre alors que la plupart des transformations géométriques considérées avant lui constituent bien des groupes (loi de composition, élément inverse, élément unité). Ces groupes sont hiérarchisés. Klein appelle groupe principal celui qui correspond aux transformations qui n’altèrent pas les propriétés géométriques des figures. Il est défini par l’ensemble des opérations de translation, de rotation et de symétrie. En supprimant les symétries, on obtient le groupe des déplacements euclidiens. Le groupe principal lui-même s’insère dans le groupe des similitudes constitué par l’ensemble des opérations d’homothéties et de translation. Ce groupe prend place à son tour dans le groupe affine qui garde le parallélisme et, pour une direction donnée, les rapports de longueur. On peut le définir comme une homographie conservant le plan à l’infini. Ainsi, alors que demeuraient auparavant nettement distinguées et considérées comme de nature différente les opérations qui n’altèrent pas les figures, qui préservent en quelque sorte leur identité, et, à l’opposé, des opérations qui les modifient, comme l’étaient déjà les symétries et les similitudes, mais beaucoup plus encore les homologies et les homographies, Klein propose, par une mutation de perspective dont on ne saurait trop souligner l’audace et la portée, de ne plus s’attacher à une telle distinction et de réunir toutes ces opérations dans un type unique de processus: des transformations hiérarchisées constituant des groupes. Cette conception systématique et unifiée est proposée par lui en 1872 dans le célèbre programme d’Erlangen. L’objet de la géométrie se trouve ainsi défini: «Étant donné une multiplicité et un groupe, étudier les êtres au point de vue des propriétés qui ne sont pas altérées par les transformations du groupe», ou encore: «Étant donné une multiplicité et un groupe de transformation, développer la théorie des invariants relatifs à ce groupe.» Comme le dit encore Klein, «les méthodes géométriques modernes sont caractérisées par le fait que leurs considérations, au lieu de s’appuyer sur le groupe principal, reposent sur des groupes de transformation plus étendus. Dès que leurs groupes se contiennent l’un l’autre, une loi analogue établit leurs rapports réciproques. De la sorte, pour la première fois, les divers ordres de recherche de la géométrie sont exprimés par des groupes de transformation qui leur correspondent.»
Cette doctrine unificatrice ne se limitera pas aux transformations que l’on avait étudiées jusque-là, et dont la plus générale était l’homographie. La logique même de la démarche de Klein et ses contacts avec le mathématicien norvégien Sophus Lie (1842-1899), qui venait d’entreprendre ses travaux sur les groupes continus, conduisaient à envisager des groupes plus généraux allant jusqu’au groupe le plus général des transformations continues auquel correspondent des propriétés de «position», dont plusieurs avaient déjà été reconnues et dont l’étude constituera la topologie algébrique (cf. GROUPES – Groupes classiques et géométrie).
6. La généralisation de Riemann
Si la synthèse de Klein avait pu sembler couvrir tout le champ de la géométrie, elle ne portait en fait que sur des espaces «homogènes». En 1854, dans sa Dissertation inaugurale , Riemann avait proposé une conception plus générale, et, en un sens, plus profonde de la géométrie. Il s’était attaché au «concept général de grandeur de dimension multiple (déjà envisagé, mais de façon beaucoup moins précise, par Grassmann en 1847), comprenant comme cas particulier les grandeurs étendues» et il avait conclu qu’«une grandeur de dimensions multiples est susceptible de différents rapports métriques» et que «l’espace n’est par suite qu’un cas particulier d’une grandeur de trois dimensions». Se libérant encore plus nettement que Gauss et Lobatchevski de la limitation qu’imposait le lien de la géométrie avec l’espace physique, et allant au-delà de la reconnaissance de la validité de la géométrie de l’angle obtus, Riemann fut amené à définir un espace à partir d’éléments différentiels, en exprimant le carré ds 2 de l’élément de distance entre deux points infiniment voisins en fonction des éléments différentiels dx , dy et dz des coordonnées d’un point. Riemann définissait alors un type d’espace très général dont l’intérêt devait notamment apparaître lors de la création par Albert Einstein de la théorie de la relativité générale. Les conceptions de Klein et de Riemann ne furent «raccordées» que par les travaux d’Élie Cartan (1869-1951), qui généralisa la notion d’espace de Riemann par l’introduction d’une connexion définie par un groupe.
Déjà avec Klein, mais plus encore avec Riemann, la notion de géométrie avait connu une mutation profonde, non seulement par les généralisations qu’ils en donnaient, mais aussi par la substitution, dans la conception de la géométrie, à l’intérêt premier porté aux figures, de la considération de la nature même de l’espace. Réalité «neutre», sans «forme», simple réceptacle dans la géométrie classique, l’espace, désormais envisagé comme une structure, était reconnu comme le constituant fondamental de la géométrie, comme son objet premier.
géométrie [ ʒeɔmetri ] n. f.
• 1175 « arpentage »; lat. geometria, o. gr.
1 ♦ Science des figures de l'espace physique. « La géométrie [...] science de toutes les espèces d'espace » (d'après Kant).
2 ♦ Math. Vx Étude des relations entre points, droites, courbes, surfaces et volumes de l'espace réel. — Mod. Étude des invariants du groupe opérant sur des ensembles de points. Géométrie affine et géométrie vectorielle. Géométrie algébrique. Géométrie analytique, où l'on utilise le calcul algébrique sur les coordonnées des points. Géométrie descriptive, où les figures de l'espace sont définies par leurs projections orthogonales sur deux plans perpendiculaires. Géométrie différentielle. — Géométrie euclidienne ou géométrie de l'angle droit plane (dans R2) ou dans l'espace (dans R3). Les géométries non euclidiennes : la géométrie elliptique, géométrie de Riemann ou géométrie de l'angle obtus, et la géométrie hyperbolique ou géométrie de l'angle aigu. — Figure de géométrie. Étudier, enseigner la géométrie.
♢ Traité, manuel de géométrie. Acheter une géométrie.
4 ♦ Configuration (d'un avion, de ses ailes). Avion à géométrie variable, dont la voilure peut être modifiée en fonction des besoins en vol. — Fig. À géométrie variable : qui peut varier dans ses dimensions, son fonctionnement, selon les besoins. « Cette notion d'Europe à géométrie variable » (L'Express, 1989).
● géométrie nom féminin (latin geometria, du grec geômetria) Pour Euclide, science des figures de l'espace ; pour F. Klein (programme d'Erlangen), étude des invariants d'un groupe de transformations de l'espace. ● géométrie (citations) nom féminin (latin geometria, du grec geômetria) Gaston Bachelard Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962 Dès l'époque secondaire, les mollusques construisaient leur coquille en suivant les leçons de la géométrie transcendante. La Poétique de l'espace P.U.F. Henri Bergson Paris 1859-Paris 1941 Toutes les opérations de notre intelligence tendent à la géométrie, comme au terme où elles trouvent leur parfait achèvement. L'Évolution créatrice P.U.F. Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars La Chaux-de-Fonds 1887-Paris 1961 La voie ferrée est une nouvelle géométrie. Du monde entier au cœur du monde Gallimard Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 La musique est l'âme de la géométrie. Journal Gallimard Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 Pour connaître la rose, quelqu'un emploie la géométrie et un autre emploie le papillon. L'Oiseau noir dans le soleil levant Gallimard Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont Montevideo 1846-Paris 1870 […] La poésie est la géométrie par excellence. Depuis Racine la poésie n'a pas progressé d'un millimètre. Elle a reculé. Grâce à qui ? aux Grandes-Têtes-Molles de notre époque. Poésies, I Commentaire « Lamartine, Hugo, Musset se sont métamorphosés volontairement en femmelettes. Ce sont les Grandes-Têtes-Molles de notre époque. » (Lettre d'Isidore Ducasse au banquier Darasse, 12 mars 1870.) Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Il y a de deux sortes d'esprits, l'un géométrique, et l'autre que l'on peut appeler de finesse. Le premier a des vues lentes, dures et inflexibles ; mais le dernier a une souplesse de pensée qu'il applique en même temps aux diverses parties aimables de ce qu'il aime. Discours sur les passions de l'amour Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Différence entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse. — En l'un, les principes sont palpables, mais éloignés de l'usage commun […] Mais dans l'esprit de finesse, les principes sont dans l'usage commun et devant les yeux de tout le monde. Pensées, 1 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. ● géométrie (expressions) nom féminin (latin geometria, du grec geômetria) Avion à géométrie variable, synonyme impropre de avion à flèche variable. Vieux. Esprit de géométrie, esprit logique, qui déduit aisément les conclusions d'un raisonnement par opposition à esprit de finesse.
géométrie
n. f.
d1./d Branche des mathématiques qui étudie les propriétés de l'espace.
d2./d AUTO Géométrie de direction: disposition des roues directrices d'un véhicule par rapport au sol.
|| AVIAT Avion à géométrie variable, dont la flèche de voilure peut être modifiée.
Encycl. La géométrie algébrique, qui utilise les axes de coordonnées, s'est séparée au XVIIe s. de la géométrie différentielle, qui utilise la notion de limite (calcul infinitésimal). On distingue: les géométries euclidiennes, qui acceptent les postulats d'Euclide et qui sont celles de notre vie courante; les géométries non euclidiennes (dont les plus connues historiquement sont celles, au XIXe s., de Lobatchevski et de Riemann), qui remplacent tel postulat euclidien par un autre axiome.
⇒GÉOMÉTRIE, subst. fém.
A. — 1. Partie des mathématiques ayant pour objet l'étude de l'espace (v. espace1 A) et des figures qui peuvent l'occuper. L'argumentation n'est possible que dans une science comme la géométrie, où les principes sont simples et absolument vrais, sans aucune restriction (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 152). La géométrie hyperbolique de Gauss et de Lobatchevski (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 30). V. abstraction ex. 4 :
• 1. ... les géomètres ont accru la richesse de leur capital initial : l'espace usuel à trois dimensions. (...) ils édifièrent d'abord le concept de l'espace à quatre dimensions. Puis (...) ils confectionnèrent des espaces dont le nombre de dimensions allait toujours en augmentant, pour aboutir, en passant par la géométrie à n dimensions (n étant quelconque, inconnu ou variable), à la géométrie des espaces à une infinité de dimensions.
Gds cour. pensée math., 1948, p. 456.
SYNT. Géométrie plane (ou à deux dimensions), dans l'espace (ou à trois dimensions); géométrie algébrique, analytique, cotée, descriptive, différentielle, (non) euclidienne, infinitésimale, métrique, projective, réglée, synthétique; problème de géométrie; axiome, théorème de géométrie; traité de géométrie.
2 . P. méton.
a) Ouvrage traitant de cette partie des mathématiques. La géométrie de Legendre a été longtemps utilisée dans l'enseignement (Ac. 1932). J'achetai les Jardins d'enfants, la Mécanique et Géométrie de Sonnet, pour Étienne (MICHELET, Journal, 1859, p. 469).
b) Forme qui ressemble à une figure étudiée par cette partie des mathématiques. Les navires (...) dessinaient sur l'horizon la géométrie de leurs voilures ou leur paraphe de fumée (HAMP, Champagne, 1909, p. 205). Le soir tombe, les premières lampes s'allument dans la ville. Mon Dieu! comme la ville a l'air naturelle, malgré toutes ses géométries (SARTRE, Nausée, 1938, p. 201) :
• 2. Les voici [des canards], traînant sur l'eau derrière eux de longs triangles, toute leur géométrie particulière, qu'ils mêlent aux géométries tracées par leurs copains...
MONTHERL., Démon bien, 1937, p. 1231.
— [En parlant d'un avion] À géométrie variable. Dont la forme de la voilure est variable selon la vitesse de vol. Un avion à géométrie variable pouvant être utilisé sur porte-avions (L'Express, 14 juin 1965 ds GILB. 1971). La réduction à 50 du nombre des F-111A commandés, laisse ses chances à l'avion à géométrie variable (Combat, 1er mars 1966, p. 4, col. 4).
♦ P. ext. [En parlant d'un volume, d'un espace quelconque] Dont la forme, la disposition est variable. Le ministère de la Santé n'aime pas les hôpitaux à géométrie variable (...) où, grâce à un système de cloisons mobiles, le malade aurait pu, à volonté, s'isoler ou lier conversation avec ses voisins (L'Express, 15 janv. 1973, p. 40, col. 1).
B. — 1. Science innée de l'espace et des figures qui peuvent l'occuper. Il y a une géométrie cachée dans tous les arts de la main (Ac. 1878-1932). Ce sont encore des phrases-types de Vinteuil que cette géométrie du tailleur de pierre dans les romans de Thomas Hardy (PROUST, Prisonn., 1922, p. 376) :
• 3. La chose et le monde me sont donnés avec les parties de mon corps, non par une « géométrie naturelle », mais dans une connexion vivante comparable ou plutôt identique à celle qui existe entre les parties de mon corps lui-même.
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 237.
2. Vieilli. Science mathématique, physique :
• 4. On sait par l'expérience, et on prouve par la géométrie, qu'un tuyau fermé par le bout opposé à l'embouchure, rend un son plus bas d'une octave, qu'un tuyau de même longueur ouvert.
CUVIER, Anat. comp., t. 4, 1805, p. 459.
— P. ext. Méthode, rigueur dans le raisonnement. L'amour veut, malgré sa délicieuse poésie de sentiment, un peu plus de géométrie qu'on ne le pense (BALZAC, Langeais, 1834, p. 278).
♦ Esprit de géométrie. Cf. esprit 2e section I D 1 spéc.
C. — Disposition géométrique. Les figures du ballet qui, de plain-pied, semblent régies par le hasard, vues d'en haut obéissent à une rigoureuse géométrie (MORAND, Rococo, 1933, p. 47). La géométrie quadrangulaire du Palais-Royal (COLETTE, Pays. et portr., 1954, p. 267).
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1150 (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 4997). Empr. au lat. class. geometria, gr. . Fréq. abs. littér. : 910. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 001, b) 881; XXe s. : a) 1 145, b) 1 854. Bbg. GOHIN 1903, p. 351.
géométrie [ʒeɔmetʀi] n. f.
ÉTYM. V. 1150; lat. geometria, d'orig. grecque; → Géo-, et -métrie; a d'abord désigné l'arpentage.
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1 Science de l'espace. — REM. « L'idée d'espace ayant subi une transformation parallèle (à celle du concept de géométrie) il est toujours vrai de dire que la Géométrie est la science de l'espace » (Lalande). ⇒ Espace (cit. 4, 8 et 9); étendue, grandeur, mesure; mathématique. || La géométrie, « science de toutes les espèces d'espaces » (Kant), « science des ensembles ordonnés à plusieurs dimensions » (Russel). || Géométrie élémentaire. || Géométrie plane (à deux dimensions), dans l'espace (à trois dimensions). || Géométrie analytique (II., 2.), créée par Descartes et Fermat, où l'on utilise le calcul algébrique sur les coordonnées des points (→ ci-dessous, cit. 5, Valéry). || Géométrie descriptive, où les figures de l'espace sont définies par leurs projections orthogonales sur deux plans perpendiculaires (Monge; ⇒ Descriptif, cit. 4); géométrie cotée (⇒ Cote). — Spécialt. Étude des propriétés invariantes dans certaines transformations. || Géométrie projective (étude de la transformation des propriétés des figures par projection). ⇒ Affine, affinité. || Géométrie quantitative, métrique, géométrie qualitative (→ ci-dessous, cit. 4, Poincaré). || Géométrie euclidienne, non-euclidienne (→ Espace, cit. 9). ⇒ aussi Métagéométrie. || Géométrie non archimédienne (→ Archimédien, cit.). || Géométrie de situation (ou analysis situs). ⇒ Topologie. — Figure de géométrie (→ Cahier, cit. 2). || Théorème de géométrie. || Exactitude (cit. 16) en géométrie. || Sciences voisines, utilisant la géométrie ou utilisées par elle. ⇒ Arpentage, dessin (industriel), géodésie, perspective, planimétrie, stéréométrie, trigonométrie.
1 (…) elles (les nations) n'ont jamais eu d'opinions constantes (…) Il n'y a d'immuable que la géométrie; tout le reste est une variation continuelle.
Voltaire, Essai sur les mœurs, Introd., Des rites égyptiens.
2 Géométrie (…) est la science des propriétés de l'étendue, en tant qu'on la considère comme simplement étendue et figurée. Ce mot est formé de deux mots grecs gê ou gaïa, terre et metron, mesure; et cette étymologie semble nous indiquer ce qui a donné naissance à la Géométrie : imparfaite et obscure dans son origine (…) elle a commencé par une espèce de tâtonnement, par des mesures et des opérations grossières, et s'est élevée peu à peu à ce degré d'exactitude et de sublimité où nous la voyons.
d'Alembert, in Encyclopédie, art. Géométrie.
3 La géométrie et la mécanique doivent (…) être envisagées comme de véritables sciences naturelles, fondées (…) sur l'observation, quoique, par l'extrême simplicité de leurs phénomènes, elles comportent un degré infiniment plus parfait de systématisation, qui a pu quelquefois faire méconnaître le caractère expérimental de leurs premiers principes.
A. Comte, Philosophie positive, II.
4 On a dit souvent que la géométrie métrique était quantitative, tandis que la géométrie projective était purement qualitative; cela n'est pas tout à fait vrai (…) La véritable géométrie qualitative, c'est (…) l'Analysis Situs.
Henri Poincaré, la Valeur de la science, I, III.
4.1 Les propriétés de la lumière et sa propagation rectiligne ont été aussi l'occasion d'où sont sorties quelques-unes des propositions de la géométrie, et en particulier celles de la géométrie projective, de sorte qu'à ce point de vue on serait tenté de dire que la géométrie métrique est l'étude des solides et que la géométrie projective est celle de la lumière.
Mais une difficulté subsiste, et elle est insurmontable. Si la géométrie était une science expérimentale, elle ne serait pas une science exacte, elle serait soumise à une continuelle révision. Que dis-je ? elle serait dès aujourd'hui convaincue d'erreur puisque nous savons qu'il n'existe pas de solide rigoureusement invariable. Les axiomes géométriques ne sont donc ni des jugements synthétiques a-priori ni des faits expérimentaux.
Ce sont des conventions; notre choix, parmi toutes les conventions possibles, est guidé par des faits expérimentaux; mais il reste libre et n'est limité que par la nécessité d'éviter toute contradiction. C'est ainsi que les postulats peuvent rester rigoureusement vrais quand même les lois expérimentales qui ont déterminé leur adoption ne sont qu'approximatives.
En d'autres termes, les axiomes de la géométrie (je ne parle pas de ceux de l'arithmétique) ne sont que des définitions déguisées.
Henri Poincaré, la Science et l'Hypothèse, p. 66.
5 (…) en toute matière, Descartes se sent géomètre dans l'âme. La géométrie lui est un modèle. Elle lui est aussi le plus intime excitant de la pensée, — et non seulement de la pensée, mais de la volonté de puissance (…) Il conçoit de très bonne heure la possibilité d'une invention qui permettra de traiter systématiquement tous les problèmes de la géométrie en les réduisant à des problèmes d'algèbre (…) Sans doute, la Géométrie de Descartes présente au lecteur moderne un aspect bien différent de celui d'un Traité de Géométrie analytique de notre temps. Mais la voie y est ouverte (…)
Valéry, Variété V, p. 222-223.
5.1 La géométrie est un inventaire des formes, en vue de déterminer des relations de distance et de grandeur entre les objets de l'expérience.
Alain, De la géométrie, in les Passions et la Sagesse, Pl., p. 1152.
♦ Étudier, enseigner la géométrie (→ Enseignement, cit. 6). || Faible en géométrie (→ Droit, cit. 70). || Problème de géométrie. || Traité, manuel de géométrie. || Traité de géométrie supérieure, de Chasles (1852).
6 Je me mettais à piocher ma géométrie, en recommençant depuis le début (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 263.
♦ Vocabulaire de la géométrie. ⇒ Axiome, corollaire, démonstration, lemme, postulat, problème, résolution, scolie, théorème; coupe, diagramme, épure, figure, graphique, schéma, tracé; métagéométrie; non-euclidien; symétrisation.
♦ Opérations. ⇒ Abaissement, abaisser, altimétrie, axonométrie (-ique), circonscrire, construction, construire, développement, développer, duplication, élévation, engendrer, génération, inscription, inscrire, inverser, inversion, mesure, mesurer, projection (plane, orthogonale…), quadrature, rapporter, réduction, réduire, révolution, rotation, section (→ Trisection), tracer. Instruments utilisés en géométrie. ⇒ Compas, curseur, curvimètre, équerre, micromètre, pantographe, pantomètre, planimètre, rapporteur, tire-ligne, vernier. — Figures géométriques. ⇒ Figure. Point; centre, pôle. Ligne (droite, courbe, brisée…); apothème, arête, asymptote, axe, bissectrice, corde, côté, diagonale, diamètre, directrice, droite, flèche, fuyant, génératrice, hypoténuse, médiatrice, médiane, normale, périmètre, perpendiculaire, polhodie, rayon, sécante, sous-normale, sous-tangente, sous-tendant, tangente, transformée, vecteur; courbe : arc, circonférence, conchoïde, conique, cubique, cycloïde, développante, développée, ellipse, ellipsoïde, épicycloïde, hélice, hélicoïde, hyperbole, hyperboloïde, parabole, paraboloïde, quadrant, sextant, spirale, torique. Surface; aire, angle, base, carré, cercle, face, losange, lunule, méridien, parallélogramme, plan, polygone (et le suff. -gone : décagone, octogone, etc.), quadrilatère, rectangle, rhombe, secteur, segment, trapèze, triangle. Volume; anneau, calotte, cône, couronne, cube, cylindre, fuseau, onglet, parallélépipède, polyèdre (et suff. -èdre : décaèdre, octaèdre…), prisme, pseudo-sphère, pyramide, sphère, tore, trapézoèdre, tronc (de cône, de pyramide…) tronqué, zone. — Caractères des figures. ⇒ Coïncidence, coïncident, coplanaire, égal, égalité, équidistance, équidistant, équilatéral, équipollence, équivalence, équivalent, homologie, homologue, homothétie, isopérimètre, proportion, proportionnel, symétrie, symétrique; hauteur, largeur, longueur, surface, superficie, volume, multidimensionnel, incommensurable; antiparallèle, convergence, convergent, divergence, divergent, hexaédrique, normal, parallèle, parallélisme; curviligne, mixtiligne, rectiligne; régulier, irrégulier, unilatère. — Portions caractéristiques de l'espace. ⇒ Champ, lieu (géométrique); inflexion, intersection, section, tangence; sous-espace.
♦ La géométrie de Riemann, de Lobatchevsky; une, des géométries à n dimensions : ensemble d'hypothèses et de théorèmes géométriques (propres à Riemann, etc.); type d'espace décrit, étudié par une telle théorie.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
2 (1835). Traité, manuel de géométrie. || Vous trouverez les géométries sur les étagères de gauche, en face des atlas.
3 (1655, Pascal). Au XVIIe. Vx. Mathématiques.
7 On trouvera peut-être étrange que la géométrie ne puisse définir aucune des choses qu'elle a pour principaux objets; car elle ne peut définir ni le mouvement, ni les nombres, ni l'espace; et cependant ces trois choses sont celles qu'elle considère particulièrement et selon la recherche desquelles elle prend ces trois différents noms de mécanique, d'arithmétique, de géométrie, ce dernier mot appartenant au genre et à l'espèce.
Pascal, De l'esprit géométrique, 1.
♦ ☑ Allus. littér. Esprit de géométrie : esprit de rigueur mathématique. ⇒ Esprit, cit. 125, Pascal (Pascal emploie aussi, dans le même sens, esprit géométrique).
♦ Par extension :
8 Il y a donc en nous une géométrie naturelle, c'est-à-dire une science des proportions qui nous fait mesurer les grandeurs en les comparant les unes aux autres, et concilie la vérité avec les apparences.
Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu…, I, VIII.
4 a Configuration (d'un avion, de ses ailes). || Avion à géométrie variable : appareil dont la voilure peut être modifiée en fonction des besoins en vol.
9 Restons dans les avions : ce qui inquiète, ce qui vaut très cher, ce qui est à surveiller, ce dont on n'obtient pas facilement la livraison, ce sont les chasseurs à géométrie variable… Le F-14 « Tomcat » à missiles air-air…
Ph. Sollers, Femmes, p. 82.
♦ ☑ Fig. À géométrie variable : qui peut varier dans ses dimensions, son fonctionnement. || « Le ministère de la Santé n'aime pas les hôpitaux à géométrie variable » (l'Express, no 1123, 15 févr. 1973, p. 40).
b Forme caractéristique (résultant d'études graphiques) d'un objet technique complexe. || Une géométrie futuriste (d'une voiture, etc.).
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DÉR. et COMP. Métagéométrie, mini-géométrie. V. Géométrique.
Encyclopédie Universelle. 2012.