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GRISAILLE
GRISAILLE

GRISAILLE

Le terme de grisaille désigne une peinture traitée en monochromie pour imiter le bas-relief à l’aide d’une dégradation entre le noir et le blanc de valeurs grises. Cette monochromie peut être établie également à partir d’une gamme chromatique différente à base de vert, par exemple, comme dans les fresques du chiostro verde peintes par Uccello (Santa Maria Novella, Florence, env. 1447-1448). Le procédé a été utilisé dès l’Antiquité à Pompéi et à Herculanum comme le mentionne Pline quand il évoque les monochromata (Hist. nat. , XXXIII, 117 et XXXV, 56).

L’appellation de grisaille peut également être utilisée pour les esquisses monochromes constituant plus exactement une préparation ou une préfiguration peinte de l’œuvre sur le support même où celle-ci sera ensuite exécutée. Par exemple, la célèbre grisaille de Sainte Barbe attribuée à J. van Eyck du musée d’Anvers ou la Déploration du Christ mort par Giovanni Bellini au musée des Offices ou encore Le Martyre de sainte Ursule par Rubens (à base de gris, de bruns et de blancs). Ainsi était constituée une «assise» de «valeurs» qui conférait au tableau une structure sous-jacente essentielle. Manet utilisera encore ce procédé que l’impressionnisme éliminera. L’appellation est parfois synonyme de «camaïeu» et surtout de «clair-obscur», comme le précise Vasari dans son introduction aux «Trois Arts du dessin» (Vite , IX): «Les peintres désignent par le clair-obscur une forme de peinture qui relève plus du dessin que du coloris; parce qu’il provient de l’imitation des statues de marbre, des effigies de bronze et d’autres diverses pierres. C’est ce qu’on a l’habitude de pratiquer sur les façades des palais et des maisons [...] comme s’il s’agissait d’«histoires taillées.»

Peints à fresque ou a tempera sur des murs, ces «clairs-obscurs» étaient également exécutés sur toile lors des Entrées triomphales. Mantegna en avait donné déjà de beaux exemples (série de Munich et de Vienne:Mucius Scaevola , Sacrifice d’Isaac , David ) qui dérivent nettement des pratiques de dessins sur papiers colorés (carte tinte ). Il faut évoquer enfin l’emploi du terme «grisaille» dans l’art du vitrail, où il désigne soit une expression monochrome, soit une modification de valeur de la même couleur.

grisaille [ grizaj ] n. f.
• 1625; de gris
1Arts Peinture monochrome en camaïeu gris. Peindre en grisaille. Par ext. Exécuter une grisaille.
2(fin XIXe) Littér. Ton ou aspect naturel qui fait songer à la peinture en grisaille. « tout se fondait en une grisaille lugubre » (Simenon).
3Cour. Caractère terne, atmosphère morne, manque d'éclat ou d'intérêt. La grisaille du quotidien. monotonie, tristesse.
⊗ CONTR. Couleur, éclat, fraîcheur.

grisaille nom féminin (de gris) Ensemble de couleurs grisâtres, ternes : La grisaille d'automne. Teinte, couleur qui tire sur le gris dans un paysage, dans un tableau. Perte d'éclat d'un linge blanc qui tire légèrement sur le gris. Caractère de ce qui est monotone, sans éclat, sans grand intérêt : La grisaille de la vie quotidienne. Beaux-arts Peinture monochrome en camaïeu gris, ou de couleur proche du gris. (Le procédé a souvent été employé, notamment pour donner l'illusion du relief.) Procédé de l'émaillerie limousine du XVIe s., consistant à peindre avec de l'émail blanc sur fond noir. (Les Pénicaud.) Textiles Étoffe mélangée de noir et de blanc, ou à petits carreaux noirs et blancs. Tissu de laine qui se fait avec des chaînes coton chiné sur fil ou chiné coton. Vitrail Couleur vitrifiable d'un ton brun pouvant aller jusqu'au noir, faite d'un mélange d'oxydes de fer et de cuivre et d'un fondant. (Elle a été employée dès les débuts du vitrail pour donner aux verres de couleur le modelé et les ombres ; les cisterciens ont exécuté des vitrages à dessins géométriques et floraux entièrement en grisaille sur verre blanc.) Zoologie Nom usuel de la boarmie. ● grisaille (synonymes) nom féminin (de gris) Caractère de ce qui est monotone, sans éclat, sans grand...
Synonymes :
- mélancolie
- morosité
- tristesse

grisaille
n. f.
d1./d BX-A Peinture ne comprenant que des tons gris.
d2./d Fig. Caractère de ce qui est gris, terne, morne. La grisaille quotidienne.

⇒GRISAILLE, subst. fém.
A. — BEAUX-ARTS.
1. Peinture monochrome en camaïeu gris, utilisant des différences de nuances pour marquer les ombres, donnant ainsi l'illusion du relief et de la sculpture, et qui s'emploie ordinairement dans les frises et soubassements des édifices. Ces grisailles imitent très bien le bas-relief (Ac.) :
Sur les murs, des grisailles dévorées par l'humidité semblaient avoir voulu simuler le relief d'une architecture richement ornée, avec les ressources du clair-obscur et de la perspective. On y devinait encore une suite d'Hercules terminés en gaine supportant une corniche à modillons d'où partait, en s'arrondissant, un berceau de feuillages festonnés de pampres...
GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 5.
2. P. ext.
a) Tableau, esquisse monochrome. Synon. clair-obscur. On cite des cas où la distinction des couleurs paraissait être entièrement abolie, et où les images des corps éclairés continuaient d'être perçues à la manière des figures d'une estampe ou d'une peinture en grisaille (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 151). Sur une grisaille savoureuse, il revenait avec des glacis, de lentes accumulations où la hampe du pinceau incrustait ensuite des traits; on ne peut définir ses tons (MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, p. 150).
b) Vitrail de couleur grise donnant un effet de modelé. Les vitraux coloriés soumettent l'architecture, vaincus eux-mêmes par la grisaille (MICHELET, Journal, 1831, p. 81). Les murs verdis [de la petite chapelle] se perçaient de quatre étroits vitraux en grisaille (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 189).
B. — P. anal. Teinte, couleur tirant sur le gris. L'horreur des anciens imprimeurs japonais pour la couleur criarde et (...) leur tendance à imprimer presque en grisaille (GONCOURT, Journal, 1892, p. 188). La grisaille de la poussière, en été (JOUVE, Paulina, 1925, p. 221).
Adj. Des yeux vert grisaille (ESTAUNIÉ, Empreinte, 1896, p. 82).
En partic. Temps gris, brumeux. La grisaille de Londres (MORAND, Londres, 1933, p. 123). Le temps commença à changer le 24, qui est le jour de la Saint-Jean. La grisaille se dissipa après une pluie fine qui était tombée le matin (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 137).
C. — Au fig. Absence de relief, d'intérêt, de personnalité; atmosphère morale où règne la monotonie, l'ennui. La grisaille de la vie quotidienne. Toute la grisaille de la semaine était oubliée (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 167). Pour moi, je m'enivre de ma grisaille, de ma fermentation de personnage effacé, toujours à l'arrière-plan, à ne considérer que l'apparence (ARNOUX, Crimes innoc., 1952, p. 173). Il s'est juré de s'élever au-dessus des grisailles de la médiocrité (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 117).
Adj. Une de ces heures d'or qui se détachent encore après vingt-quatre ans, lumineuses comme au premier jour, sur le fond grisaille de la vie (A. DAUDET, Trente ans Paris, 1888, p. 181).
Domaine littéraire. Style monotone, qu'aucun trait ne relève. Quant à la partie purement littéraire, au style [de l'Histoire de Jules César], j'avoue ne pas goûter cette allure solennelle, un peu pesante, cette nudité de la phrase, cette grisaille effacée (ZOLA, Mes haines, 1866, p. 193). C'est dommage de voir une pièce (...) si lestement partie, sombrer, au deuxième tableau, dans une pareille grisaille! (LEVINSON, Visages danse, 1933, p. 124).
D. — Emplois spéc.
1. BOT. Nom vulgaire du peuplier blanc ou gris. Synon. grisard. (Ds BESCH. 1845, Lar. 19e-20e, LITTRÉ, DG).
2. ART CAPILL. ,,Mélange de cheveux blancs et de cheveux bruns dont on fait des perruques`` (Ac.; ds BESCH., LITTRÉ). Perruque en grisaille.
3. TEXTILE
a) Tissu de laine fait avec des chaînes de coton chiné. Une grisaille laine et coton à neuf sous (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 617).
b) Étoffe mélangée de noir et de blanc ou à petits careaux noirs et blancs. Les couleurs des toiles peuvent être violentes. Mais c'est une gamme très sobre qu'on trouve en tissu de ville. Beaucoup de grisailles, allant des bleutés aux tons sables (Jardins des modes, 1951, p. 32).
Prononc. : []. Étymol. et Hist. 1. 1625 B.-A. (N.-C. FABRI DE PEIRESC, Lettres, éd. J.-Ph. Tamizey de Larroque, VI, 173); 2. 1865, p. anal. la grisaille de la brume (TAINE, Philos. art, t. 1, p. 273); 3. 1884, fig. (PÉLADAN, Vice supr., p. 55). Dér. de gris (sens 1 et 2); suff. -aille. Fréq. abs. littér. : 111. Bbg. ARVEILLER (R.). R. Ling. rom. 1977, t. 41, pp. 228-229. - PAULI 1921, p. 89.

grisaille [gʀizaj] n. f.
ÉTYM. 1625; de gris, et suff. -aille.
1 Arts. a Peinture monochrome en camaïeu gris donnant l'illusion du relief. || Faire de la grisaille.En grisaille. || Peindre qqch. en grisaille, travailler en grisaille. || Retables dont les volets représentent des statues peintes en grisaille.
1 (…) la glace et son trumeau à peinture en grisaille offraient un remarquable ensemble de ton, de couleur et de manière.
Balzac, Ursule Mirouët, Pl., t. III, p. 331.
2 Même, sur son fond frotté d'une espèce de grisaille, il (Rubens) indique souvent des rehauts avec du blanc.
E. Delacroix, Journal, 9 juil. 1850.
3 (…) tous les ornements et les reliefs d'architecture y sont peints, comme la voûte de la Bourse, en grisaille, au lieu d'être exécutés réellement (…)
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 181.
(Une, des grisailles). Peinture en grisaille. || Exécuter une grisaille.Spécialt. Première esquisse où les clairs sont rendus par le blanc de la toile, les ombres par une seule teinte (→ Chevalet, cit. 2).
3.1 Je ne parle pas seulement du mauvais goût et de la mesquine exécution des figures coloriées, mais les grisailles et ornements sont déplorables.
E. Delacroix, Journal, 4 févr. 1847.
Par métaphore. → Écume, cit. 2, Loti.
b Composition employée dans la peinture sur verre pour exécuter le trait et le modelé; vitraux en verre blanc peints uniquement avec cette composition.
4 L'art nous donne une image beaucoup plus riche du génie français. C'est une sorte non de grisaille monochrome, mais de verrière de cathédrale, où toutes les couleurs du ciel et de la terre s'harmonisent.
R. Rolland, Musiciens d'autrefois, p. 3.
c Émail monochrome de couleur grise. || Les grisailles de Limoges (XVIe siècle).
2 (1865, Taine). Ton ou aspect naturel où le gris domine. || La grisaille d'un ciel couvert, d'un paysage d'hiver.
5 (…) le ciel de l'avril s'étendait, d'un bleu profond et sans un nuage, perdu au loin dans une grisaille brumeuse.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, I, I.
6 Juste au bord des eaux, qui baissent chaque jour, une teinte verte persiste aux branches; autrement, n'importe où l'on regarde, c'est, dirait-on, la rouille de l'arrière-automne, ou les grisailles de l'hiver.
Loti, l'Inde (sans les Anglais), V, VII.
7 Tout lui semblait baigné d'un demi-jour perpétuel. On eût dit une grisaille, où les lignes s'estompaient, s'enfonçaient, émergeaient par moments, s'effaçaient de nouveau.
R. Rolland, Jean-Christophe, La foire sur la place, I, p. 688.
8 La bure des vieilles feuilles continuait à couvrir le sous-bois de sa grisaille éteinte et froide.
M. Genevoix, la Dernière Harde, I, V.
3 Fig. Caractère terne, atmosphère morne, manque d'éclat ou d'intérêt. || La grisaille d'une vie sans histoire. Mélancolie, monotonie, tristesse. || Sombrer dans la grisaille, l'ennui.
9 Il y avait bien quelques lueurs dans cette grisaille : la tendresse de sa mère, l'affection de Daniel (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 233.
CONTR. Couleur, éclat, fraîcheur.
DÉR. Grisailler.

Encyclopédie Universelle. 2012.