tissu [ tisy ] n. m.
• XIIIe; p. p. subst. de l'a. v. tistre → tisser
1 ♦ Surface souple et résistante constituée par un assemblage régulier de fils textiles entrelacés, soit tissés (⇒ tissage), soit maillés (⇒ 1. maille, tricot; 3. filet, réseau, tulle). ⇒ étoffe, tapis, tapisserie. Armure, chaîne, trame d'un tissu. Endroit, envers d'un tissu. Tissus de laine (⇒ drap, 1. lainage) , de soie (⇒ soierie) , de lin et de chanvre (⇒ toile) , de coton (⇒ cotonnade) . Tissus de fibres synthétiques (⇒ acrylique; dacron, goretex, lycra, nylon, orlon, 2. perlon, rhovyl, tergal) . Tissu feutré (⇒ feutrine) . Tissus chinés, brochés. Fond, dessins d'un tissu. Tissu imprimé, uni. — Tissu de crin, de jonc. ⇒ sparterie. Tissu élastique (⇒ stretch ) , plastique, imperméable. Tissu éponge. ⇒ 1. éponge. Tissu imitant le cuir (⇒ skaï) . Tissu d'ameublement. — Tissu lâche, serré. Tissu irrétrécissable, infroissable, grand teint. Coupe d'un tissu. ⇒ biais, fil (droit fil); chute, coupon, métrage, recoupe, retaille.
2 ♦ Fig. (⇒ tisser, 2o ). Suite ininterrompue (de choses regrettables ou désagréables). ⇒ enchaînement, enchevêtrement, mélange. Un tissu d'incohérences, d'inepties, de mensonges. « le tissu de puérilités et même d'absurdités qu'était leur religion » (Bergson).
3 ♦ (1751; tissu cellulaire 1744; théorie générale des tissus 1800, Bichat) Biol. Ensemble de cellules de même morphologie qui, agencées de manière particulière, remplissent une fonction spécialisée (⇒ hist[o]-). Analyse, étude des tissus. ⇒ histochimie, histologie. Formation, destruction des tissus. ⇒ histogenèse, histolyse. Calcification, sclérose, dégénérescence, régénération d'un tissu. « Les divers tissus d'un même organe peuvent être isolément malades » (Comte). La peau de la baleine, « finement organisée, de six tissus distincts, frémit et vibre à tout » (Michelet). Culture de tissus. Tissus organiques, osseux, musculaires. Tissu épithélial, nerveux. La cellulose est le constituant fondamental des tissus végétaux. Tissu libérien (bois). Tissu conjonctif. Tissus conducteurs et tissus de soutien (⇒ parenchyme; collenchyme, sclérenchyme) .
4 ♦ (v. 1968) Sociol. Ensemble d'éléments de mêmes fonctions, organisés en un tout homogène. Tissu industriel. Le tissu urbain est de plus en plus dense dans le centre des villes. Tissu associatif. « parce que le tissu des relations sociales se desserrait, il redevenait visible » (Tournier). Tissu social.
● tissu nom masculin (ancien français tissu, de tistre, tisser, du latin texere) Surface obtenue par l'assemblage régulier de fils ou de fibres, disposées en deux séries croisées à angle droit. Texture, manière dont les fils d'une étoffe sont assemblés : Étoffe d'un tissu lâche. Nom couramment donné à toute étoffe, qu'il s'agisse de maille, de non-tissé ou de tissu proprement dit. Ensemble homogène de cellules vivantes ou de fibres, nettement délimité, exerçant une fonction définie et souvent étendu en nappes. Combinaison, ensemble d'éléments sociaux, politiques, économiques, etc., considérés comme une structure homogène : Tissu culturel. Ensemble plus ou moins lié de choses : Votre histoire est un tissu de contradictions. ● tissu (expressions) nom masculin (ancien français tissu, de tistre, tisser, du latin texere) Tissu conjonctif, tissu servant de soutien aux autres tissus du corps, assurant leur nutrition et participant aux mécanismes de défense immunitaire de l'organisme. Tissu industriel, ensemble de toutes les entreprises d'une économie, des secteurs primaire (agricole), secondaire (industriel) et tertiaire (services). Tissu urbain, répartition des villes sur un territoire donné ; ville considérée comme un ensemble d'îlots délimités par des voies de communication entrecroisées. ● tissu (synonymes) nom masculin (ancien français tissu, de tistre, tisser, du latin texere) Texture, manière dont les fils d'une étoffe sont assemblés
Synonymes :
- texture
- tissure
tissu
n. m.
d1./d Entrelacement régulier de fils textiles formant une surface souple. Tissu de soie, de laine.
|| (Afr. subsah.) Tissu pagne: V. pagne. Tissu wax: V. wax.
d2./d HISTOL Ensemble de cellules dont la structure est proche et qui concourent à une même fonction dans un organe ou une partie d'organe. Tissu conjonctif, musculaire. L'étude des tissus, ou histologie, a beaucoup bénéficié du perfectionnement des instruments optiques. Tissus foetaux.
d3./d Fig. (Péjor. avec un compl. de nom abstrait.) Suite ininterrompue. Un tissu de mensonges, de lieux communs.
d4./d Fig. Ensemble d'éléments dont la réunion constitue une structure homogène. Le tissu urbain.
I.
⇒TISSU1, -UE, adj.
A. — Vieilli ou littér.
1. Qui est produit, réalisé par tissage. Ils étaient vêtus, depuis la ceinture jusqu'au talon, de franges d'une étoffe de soie artistement tissue (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 224). Je me vis vêtu d'un petit habit brun de forme ancienne, entièrement tissu à l'aiguille (NERVAL, Aurélia, 1855, pp. 272-273).
— P. anal. Ce nid [de l'araignée] semblerait plutôt en partie tissu, en partie feutré, comme la plupart des nids d'oiseaux (MICHELET, Insecte, 1857, p. 181).
2. Tissu de/en. Réalisé, confectionné avec des fibres, des matières particulières. Deux belles voiles filées par elle, tissues de son propre chanvre (LAMART., Confid., Graziella, 1849, p. 170). Les hauts accastillages des navires étaient tissus en fils d'or et d'argent (HUGO, Homme qui rit, t. 3, 1869, p. 131).
B. — Au fig.
1. Qui s'enchevêtre avec quelque chose. Une éloquente biographie de nos plus illustres contemporains serait tissue dans celle de l'auteur et l'une et l'autre enfermées dans la grande biographie de la nature (MICHELET, Journal, 1834, p. 120).
2. Qui est tramé, ourdi, agencé. Aussi entendez-vous dire souvent d'un roman mal conçu, mal tissu, mal écrit, et aussi dénué des grâces de l'esprit que de l'éloquence de l'ame, qu'il est intéressant (MARMONTEL, Essai sur rom., 1799, p. 318). Nous nous tûmes, étonnés de ne pouvoir débrouiller les fils d'une intrigue si bizarrement tissue (CARCO, Vérotchka, 1923, p. 106).
3. Tissu de + subst. plur. Constitué d'un ensemble d'éléments abstraits liés ou enchevêtrés. Tissu de légendes, de détails; tissu de désirs, de terreurs, de misères. Une épaisse obscurité enveloppe cette histoire et il n'est pas exagéré de dire qu'elle est tissue de fables puériles et de contes populaires (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 179). Une lettre tissue de roueries subtiles et de remarques naïves à force d'être naturelles (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 64).
Prononc. et Orth.:[tisy]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. V. tisser.
II.
⇒TISSU2, subst. masc.
A. — 1. Matière souple et mince obtenue par l'assemblage régulier de fils ou de fibres entrecroisés, soit par mailles avec un seul fil, soit par tissage avec plusieurs fils. Synon. étoffe, tricot. Somme toute, jamais ne régnèrent plus superbement les tissus opulents et même lourds, le velours et presque les brocarts d'argent ou d'or (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 833):
• Pour les tissus imprimés, les cretonnes et autres fantaisies textiles, si complètement soumises aux variations de la mode, que ce soit pour l'ameublement ou pour la couture, les industriels ont aussi fait appel à des artistes originaux...
Arts et litt., 1936, p. 14-3.
SYNT. Tissu de chanvre, de coton, de fil, de laine, de lin, de nylon, de soie; tissu caoutchouté, élastique, imperméabilisé, plastifié, synthétique (de fibres synthétiques), traité; tissu amidonné, apprêté, moelleux, rêche, satiné, soyeux; tissu broché, chiné, damassé, épais, fin, gaufré, imprimé, léger, lourd, reversible, transparent, tricoté, uni; tissu fragile, imperméable, irrétrécissable, solide; tissu anglais, écossais, grand teint, indien, oriental, provençal, rayé; tissu d'ameublement, de décoration, de haute-couture; tissu mural, tubulaire; couper, fabriquer, tailler un tissu; chute, coupon, lé, pièce de tissu; l'armure, le biais, la chaîne, l'endroit, l'envers, la lisière, la trame d'un tissu; l'entretien, le nettoyage, la teinture des tissus; importateur, marchand, négociant, représentant en/de tissus; manufacture, magasin de tissus; fleur en tissu.
♦ P. métaph. C'est le double tissu dont je suis fait: d'un côté, mon atavisme (...) de l'autre, ma nature à moi (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 131).
— En compos. ou en appos. Tissu(-)éponge. V. éponge1 B 2 b. Tissu gaze. V. gaze A.
— P. anal. Matière flexible ou semi-rigide de peu d'épaisseur constituée de matériaux enchevêtrés ou entrecroisés. Tissu d'amiante. Les fenêtres [à Kœnigsberg] sont garnies dans leurs parties inférieures de châssis mobiles qui portent des toiles métalliques (...). Ces tissus brillants, fort commodes pour la curiosité des dames, sont impénétrables pour l'œil du passant (STENDHAL, Nouvelles inédites, 1842, pp. 22-23). À travers notre toit en grossier tissu de paille, des petits rayons de soleil tombent sur nous (LOTI, Rom. enf., 1890, p. 60).
— Au fig.
♦ Tissu de + subst. plur. Ensemble d'actions, de faits, d'événements, souvent désagréables ou malencontreux qui sont liés ou enchevêtrés. Tissu d'abominations, de calomnies, d'erreurs, d'injustices, d'invraisemblances, de mensonges. Son code de guerre, il [le guerrier] (...) le regarde comme un tissu d'hypocrisies, d'inconséquences, de contradictions (PROUDHON, Guerre et paix, 1861, p. 313). Le spectacle de ce que furent les religions, et de ce que certaines sont encore, est bien humiliant pour l'intelligence humaine. Quel tissu d'aberrations! (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 105).
♦ Ce qui constitue le fond, la trame, le support (d'une chose abstraite, d'une œuvre littéraire). Le tissu d'un roman, d'un texte, d'une analyse. Ne dites pas que Racine ou Mozart sont plus plats, parce que ces mêmes beautés (...) sont partout, qu'elles forment la trame, le tissu même de l'ouvrage (DELACROIX, Journal, 1854, p. 258). C'est à lui [le sentir] que l'objet perçu et le sujet percevant doivent leur épaisseur. Il est le tissu intentionnel que l'effort de connaissance cherchera à décomposer (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 65).
En partic. [À propos d'une œuvre musicale] Le tissu harmonique, instrumental, vocal, polyphonique. À côté de passages d'une harmonie très nourrie, le sentiment esthétique réclame par moments un tissu musical plus fin, plus transparent (GEVAERT, Orchestr., 1885, p. 69). On imagine les révélations qui sont inscrites sous le tissu sonore de cette vaste épopée (ROLLAND, Beethoven, t. 2, 1937, p. 327).
2. Texture, aspect d'un ouvrage tissé. Synon. tissage, tissure (vieilli). D'abord, madame, votre cachemire m'a paru d'un tissu médiocre (DUMAS père, Cachemire vert, 1850, V, p. 277). Les matières à sécher sont déposées en couche mince dans des châssis ou tiroirs dont le fond est constitué par une toile spéciale à tissu lâche (SER, Phys. industr., 1890, p. 442).
B. — 1. ANAT., BIOL.
a) Ensemble normal ou pathologique de cellules d'un organisme qui ont la même fonction et présentent la même différenciation morphologique. Le pouvoir génétique de l'ovule fécondé s'affaiblit à mesure qu'il se répartit sur la masse grandissante des tissus de l'embryon (BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 27). L'utilisation (...) d'un isotope radioactif, l'iode 131, a fourni un remarquable moyen de diagnostic biologique, en permettant de mesurer l'affinité du tissu glandulaire pour ce métalloïde (BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p. 746).
SYNT. Tissu conjonctif; tissu adipeux, cartilagineux, cicatriciel, fibreux, intersticiel, lymphoïde, membraneux, muqueux, osseux, pigmentaire, réticulé, scléreux, tendineux; tissu cancéreux, compact, élastique, endothélial, épithélial, érectile, hématopoïétique, hétérologue, homologue, musculaire, nerveux, ostéogène, parenchymateux, réticulaire, sanguin, spongieux; tissu de revêtement, de soutien; cicatrisation, dégénérescence, destruction, lésion, mutation, prolifération, régénération, réparation, sclérose, ulcération des tissus; culture de tissus in vitro; tissus cultivés; étude des tissus; tissu blessé, envahi, lésé, malade, normal, sain, vivant; tissu humain, embryonnaire.
b) P. ext.
) Ensemble de tissus différenciés constituant un organe, un élément anatomique. Synon. parenchyme. Tissu artériel, pulmonaire, rénal, vasculaire. Dans la forme très grave, les douves arrivent en grande quantité dans les voies biliaires et pénètrent dans le tissu hépatique, en détruisant le parenchyme du foie (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 69).
) [Dans le lang. cour.] Élément anatomique visible du corps humain: peau, muqueuse, muscle superficiel. La transparence, le dépérissement des tissus. En regardant la comtesse, l'œil servait à toucher cette peau suave où le sang courait en filets bleuâtres. À la moindre émotion, ce sang se répandait sous le tissu comme une vapeur en nappes rosées (BALZAC, Honorine, 1843, p. 358). Le magnifique tissu des lèvres, pleines comme un fruit mûr (A. FRANCE, Servien, 1882, p. 173).
2. BOTANIQUE
a) Ensemble de cellules végétales de morphologie et de composition semblables, ayant une même fonction. Tissu protecteur, parenchymateux, vasculaire, chlorophyllien, sécréteur; tissu de soutien. Un tissu particulier, qu'on nomme le tissu conducteur (...) s'étend à partir du stigmate (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 1, 1931, p. 486). Les houilles à spores ou à cuticules et les houilles à tissus ligneux (E. SCHNEIDER, Charbon, 1945, p. 282).
b) Ce qui constitue les éléments externes d'un végétal. Alors commence une végétation rampante de salicornes au tissu coriace et gras (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 346). La contamination est assurée par des spores ciliées, les zoospores, qui se déplacent dans l'eau avant d'émettre un filament germinatif qui pénétrera dans les tissus verts de la plante (LEVADOUX, Vigne, 1961, p. 75).
3. Texture d'une substance minérale. Tissu d'un marbre. Les coquilles sont des enveloppes d'une substance calcaire, d'un tissu tantôt feuilleté, et tantôt aussi dense et aussi dur que le marbre (CUVIER, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 115). [Par] l'introduction dans les pâtes argileuses d'une certaine proportion de silice et de chaux (...) on obtient une pâte d'un tissu serré et imperméable aux liquides (Al. BRONGNIART, Arts céram., t. 1, 1844, p. 272).
C. — Au fig., ÉCON., SOCIOL. Ensemble d'éléments appartenant au même domaine, organisés en un tout homogène. Tissu communautaire, économique, culturel. La famille doit rester la cellule première du tissu social (MARTIN DU G., Thib., Sorell., 1928, p. 1152). En 1974, il est mort plus d'entreprises qu'il n'en est né (11 900 contre 11 500). Ce vieillissement de notre « tissu industriel » est grave (Nord-Éclair, 15 mars 1976, p. 34, col. 2).
— En partic. Tissu urbain. Ensemble des éléments architecturaux dont l'organisation dans l'espace donne la configuration spécifique d'une ville. Les zones bâties et les zones plantées seront réparties en tenant compte d'un temps raisonnable pour se rendre des unes aux autres. De toute manière, le tissu urbain devra changer de texture; les agglomérations tendront à devenir des villes vertes (LE CORBUSIER, Charte Ath., 1957, p. 45).
REM. Tissutier, subst. masc. [Gén. empl. en appos. ou en compos.] Artisan, ouvrier qui fabrique, tisse les rubans, les ganses, la passementerie. Tissutier-passementier. À cette époque, on ne parlait pas de passementiers, mais de (...) tissutiers rubaniers, vulgairement nommés passementiers, ainsi que l'indique une lettre de Charles IX datée du 4 mars 1564 sur l'union des tissutiers, rubaniers et passementiers et demande d'une appellation commune (BOUDET-GOMOND 1981, p. 133).
Prononc. et Orth. V. tissu1. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « ceinture, bandeau tissé » (Auberee, 8244 ds T.-L.); 2. a) ca 1462 tixu « robe » (Cent Nouvelles nouvelles, 68, 47, éd. F. P. Sweetser, p. 419); b) 1549 du tissu (EST.); c) 1877 tissu-éponge (LITTRÉ Suppl.); 3. a) 1621 fig. (VIAU, Œuvres poét., 1re part., p. 51: un tissu de tant de longues peines); b) 1621 « enchaînement des faits (dans une narration) » (CAMUS, Agatophile, p. 115); c) 1641 tissu de pampre (TRISTAN L'HERMITE, Art poét., p. 54); d) 1744 anat. (BASSUEL ds Mém. de math. et phys. présentés à l'Ac. Royale des Sciences, t. 1 d'apr. TOLMER ds Fr. mod. t. 14, p. 297); e) 1847 (Ch. DE SAINT JULIEN, Pouchkine et le mouvement litt. en Russie ds R. des Deux Mondes, 1er oct., p. 43: le tissu national de la race moscovite); f) 1950 tissu urbain (Lar. mens., p. 574b); 4. 1770 « manière dont les fils sont tissés » (RAYNAL, Hist. philos. et polit., t. 6, p. 268). Part. passé subst. de l'anc. forme tistre, v. tisser.
STAT. — Tissu1 et 2. Fréq. abs. littér.:1 871 (tissue: 48). Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 3 269, b) 2 500; XXe s.: a) 1 562, b) 2 888.
BBG. — GEORGE (K. E. M.). Cf. bbg. tisserand, p. 23, 95. — QUEM. DDL t. 5 (s.v. tissutier-rubanier).
1. tissu, ue [tisy] adj. ⇒ Tisser.
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2. tissu [tisy] n. m.
ÉTYM. XVe; « ruban, bandeau », 1175; p. p. subst. de l'anc. franç. tistre. → Tisser.
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1 Surface souple et résistante constituée par un assemblage régulier de fils textiles entrelacés, soit tissés (⇒ Tissage), soit maillés (⇒ Maille, tricot; filet, réseau, tulle). ⇒ Étoffe, tapis, tapisserie. — REM. On ne doit pas parler de tissus quand il s'agit d'étoffes faites de poils non tissés, mais agglomérés, comme le feutre. — Fabrication des tissus. ⇒ Tissage; drap. || Tissus de laine (⇒ Drap, lainage), de soie (⇒ Soierie), de lin et de chanvre (⇒ Toile), de coton (⇒ Cotonnade). || Tissus de fibres synthétiques (⇒ Acrylique, banlon, dacron, lycra, nylon, orlon, perlon, rhovyl, rilsan, tergal, térylène). || Armures des tissus, armures de base (⇒ Satin, sergé, uni) et dérivées. || Endroit et envers d'un tissu. || Apprêt des tissus. ⇒ Apprêt; rosage, ratinage. || Teinture des tissus. ⇒ Teinture, teinturerie. || Tissus chinés, brochés. ⇒ Brochage, chinage. || Fond, dessins d'un tissu. || Tissus imprimés. ⇒ Clichage, impression. — Tissus de crin, de paille, de jonc… ⇒ Lacerie, sparterie. || Tissus de verre, métalliques, filtrants… || Tissus élastiques (⇒ Stretch), caoutchoutés, plastiques, imperméables… || Tissu-éponge. — Marchands de tissus. || Représentants en tissus. || Tissus unis, façonnés. || Tissus fantaisie. || Tissu haute couture, nouveauté. || Tissus d'ameublement, d'art. || Contexture, grain d'un tissu. || Tissu clair, à claire-voie, lâche, mou, serré, qui a du corps, de la tenue. || Qualité d'un tissu. || Tissu solide, irrétrécissable, infroissable, bon teint, grand teint… || Tissu fragile, qui passe… ⇒ Étoffe. || Coupe d'un tissu. ⇒ Biais, fil (droit fil); et aussi coupon, chute, métrage, recoupe, retaille.
1 (…) dans l'apparent désordre des tissus, tombés comme au hasard des cases éventrées, il y avait une phrase harmonique, le blanc suivi et développé dans tous ses tons (…) Cela partait des blancs mats du calicot et de la toile, des blancs sourds de la flanelle et du drap; puis, venaient les velours, les soies, les satins (…) et le blanc s'envolait avec la transparence des rideaux, devenait de la clarté libre avec les mousselines, les guipures, les dentelles, les tulles (…) tandis que l'argent des pièces de soie orientale chantait le plus haut, au fond de l'alcôve géante.
Zola, Au Bonheur des Dames, XIV, t. II, p. 230.
♦ Loc. (1877). || Tissu-éponge, présentant des boucles sur chaque face.
♦ Par métaphore (→ Broder, cit. 6; dénouer, cit. 18).
➪ tableau Noms et types de tissus.
2 (1636). Fig. (souv. péj.). || Tissu de… : suite ininterrompue (de choses regrettables ou désagréables). ⇒ Enchaînement, enchevêtrement, mélange. || Un tissu d'horreurs (cit. 55; → Journal, cit. 10), d'incohérences (cit. 7), d'intrigues (cit. 10), d'inepties (→ Patauger, cit. 3). || Un tissu d'observations sensées, mêlées à d'autres fausses (→ Inintelligence, cit. 1). || Un tissu d'événements chimériques (→ 1. Roman, cit. 6), de contradictions. || Cette histoire n'est qu'un tissu de mensonges.
2 Il lira seulement l'histoire de ma vie.
— Là, dans un long tissu de belles actions,
Il verra comme il faut dompter des nations.
Corneille, le Cid, I, 3 (1636).
3 C'est une erreur de ce genre que nous commettons quand nous nous demandons comment de grands esprits ont pu accepter le tissu de puérilités et même d'absurdités qu'était leur religion.
H. Bergson, les Deux Sources de la morale et de la religion, p. 212.
4 Nous causions inlassablement, intarissablement; le texte des livres de Proust est ce qui me rappelle le mieux le tissu de nos causeries.
Gide, Si le grain ne meurt, I, X.
———
II
1 (1751, in Encyclopédie; tissu cellulaire, Tarin, d'après la Physiologia de Haller, 1744; tissu muqueux, Bordeu, 1767; noms et théorie générale des tissus chez Bichat, 1800; les emplois antérieurs — Furetière, Montesquieu [l'Esprit des Lois, XIV, II] — sont plutôt métaphoriques). Biol. Ensemble des cellules ayant une même morphologie et des potentialités identiques. ⇒ Histochimie, histologie (cit.; → Circulatoire, cit.; induction, cit. 9; organisme, cit. 3; osmose, cit. 1; oxygène, cit. 4; répondre, cit. 23; santé, cit. 1). || Tissus organiques. || Tissus : épithélial (épithélium de revêtement), glandulaire (épithélium glandulaire), conjonctif (adipeux, aponévrotique, cellulaire, élastique, fibreux, fibro-hyalin, lamelleux, lamineux, membraneux, muqueux, pigmentaire, réticulé, tendineux). || Tissus osseux (compact : → Diaphyse, cit.; réticulaire, spongieux : → Diploé, cit. 2). || Tissu cartilagineux, musculaire, nerveux. — Par ext. || Tissus sanguins (⇒ Sang, cit. 2). — Un même organe comprend divers tissus. || Tissu érectile, contractile. || Formation, destruction des tissus. ⇒ Histogénie, histogénèse, histolyse. || Calcification, carnification, induration, sclérose, ulcération, dégénérescence, régénération… d'un tissu (→ Régressif, cit. 2). || Cautérisation des tissus.
5 Par l'association, dans un seul organe, de tissus restés sains à des tissus déjà altérés, et par la considération des organes différents affectés de maladies semblables en vertu de la lésion d'un tissu commun, l'analyse des principaux éléments anatomiques était ébauchée (…) Ce fut (…) l'innovation de Pinel sur les maladies propres aux diverses membranes muqueuses qui provoqua, dans le génie de Bichat, le développement de cette grande conception (…) Il a pensé que, si les divers tissus d'un même organe peuvent être isolément malades (…) cela seul doit indiquer que, dans l'état sain, ils offrent des modes d'existence distincts dont la vie de l'organe est réellement composée.
A. Comte, Cours de philosophie positive (résumé par É. Rigolage), t. II, XIV.
6 (…) la « culture des tissus », grâce à quoi l'on fait vivre des cellules en dehors de l'organisme. Cette technique, directement dérivée de la technique bactériologique, est due aux efforts combinés de Harrison, Burrows et Carrel (1912). Ce dernier, notamment, a fait voir que des cellules placées dans du plasma sanguin de même espèce peuvent se multiplier indéfiniment pourvu qu'on leur fournisse un peu d'extrait d'embryon.
La technique de la culture des tissus (…) a permis de montrer que certaines cellules des animaux supérieurs sont potentiellement immortelles.
Jean Rostand, Esquisse d'une histoire de la biologie, p. 233.
♦ Bot. Ensemble de cellules de même forme et de même composition, jouant le même rôle. || La cellulose est le constituant fondamental des tissus végétaux. || Tissus primaires de l'épiderme des tiges et des feuilles, de l'écorce et du cylindre central des jeunes tiges, des parenchymes de la feuille. || Tissus secondaires qui apparaissent chez les fougères arborescentes, les gymnospermes, les angiospermes : monocotylédones ligneuses et surtout dicotylédones. || Le tissu libérien (⇒ Liber) et le tissu ligneux (⇒ Bois) peuvent être primaires ou secondaires; le phelloderme et le liège sont des tissus secondaires. || Tissus conducteurs et tissus de soutien (⇒ Parenchyme, sclérenchyme). || Tissus lacuneux, palissadiques.
2 (V. 1965). Sociol. Ensemble d'éléments de mêmes fonctions, organisés en un tout homogène. || Tissu industriel. || Le tissu urbain est de plus en plus dense dans le centre des villes. || Le tissu social. ⇒ Structure. || « Le tissu industriel français est fait (…) d'une multitude de P. M. E. » (le Point, 28 août 1978, p. 26).
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DÉR. (De I.) Tissutier. — (De II.) Tissulaire, tissuthérapie.
COMP. Tissu-éponge (voir ci-dessus), tissu-feutre.
Encyclopédie Universelle. 2012.