ruisseler [ rɥis(ə)le ] v. intr. <conjug. : 4>
• XVI e; ruceler 1180; de ruissel,→ ruisseau
1 ♦ Couler sans arrêt en formant un ou plusieurs ruisseaux, ruisselets ou filets d'eau. La pluie « ruisselait sur les murs » (Loti). « Des larmes ruisselèrent de mes yeux » (Proust).
♢ Fig. Se répandre à profusion. « La lumière ruisselait dans cet océan de montagnes » (Gautier). Sa perruque « dont les boucles ruisselaient pesamment sur ses épaules » (R. Rolland).
2 ♦ (fin XVIe) Être couvert d'un liquide qui ruisselle. La roche « ruisselait d'eau, de grosses gouttes continues et rapides » (Zola). ⇒ dégoutter.
♢ Fig. La pièce ruisselle de soleil.
● ruisseler verbe intransitif (ancien français ruissel, ruisseau) Couler en abondance et de façon continue : La sueur ruisselait sur le front du malade. Littéraire. Se répandre à profusion : Sa chevelure ruisselait sur ses épaules. La lumière ruisselle. Être inondé, dégoutter d'un liquide qui coule : Des murs qui ruissellent d'humidité. Littéraire. Être inondé, baigné de lumière, abondamment éclairé : Dans la nuit, les magasins ruisselaient de lumière. ● ruisseler (difficultés) verbe intransitif (ancien français ruissel, ruisseau) Conjugaison Attention à l'alternance -ll-/-l- : il ruisselle, nous ruisselons ; il ruisselait ; il ruissela ; il ruissellera. ● ruisseler (homonymes) verbe intransitif (ancien français ruissel, ruisseau) ruisselet nom masculin ● ruisseler (synonymes) verbe intransitif (ancien français ruissel, ruisseau) Être inondé, dégoutter d'un liquide qui coule
Synonymes :
- dégouliner (familier)
Littéraire. Être inondé, baigné de lumière, abondamment éclairé
Synonymes :
- rayonner
ruisseler
v. intr.
d1./d Couler en filets d'eau. Larmes qui ruissellent.
d2./d Ruisseler de: avoir sur soi (un liquide qui coule en filets). Ruisseler de sueur.
|| Fig. Ruisseler de lumières.
⇒RUISSELER, verbe intrans.
A. — 1. [Le suj. désigne un liquide; le verbe est souvent accompagné d'un compl. de lieu indiquant la situation (introd. par sur, dans, etc.), ou l'origine (introd. par de)] Couler, s'écouler de façon continue. Ruisseler le long de, à la surface de qqc.; ruisseler goutte à goutte; ruisseler en nappe, en cascade, en déluge, à gros bouillons. Le sang ruisselait de ses plaies (Ac.). La sueur l'agaçait dans le creux de ses reins, où elle ruisselait comme l'eau sur la vitre après l'orage, collait le pantalon contre la peau (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 547). V. effusion ex. 1 et lac ex. 3:
• La pluie tombait, fine, froide, pénétrante, continue; elle ruisselait sur les murs, rendant plus noirs les hauts toits d'ardoise, les hautes maisons de granit; elle arrosait comme à plaisir cette foule bruyante du dimanche qui grouillait tout de même, mouillée et crottée, dans les rues étroites, sous un triste crépuscule gris.
LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 7.
— Loc. fig.
♦ Le sang ruisselle. [Pour évoquer un nombre important d'actions sanglantes, le caractère meurtrier d'un combat] Cette ville où le sang ruisselait, il n'avait cessé de la voir calme et amie (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 527).
♦ Le vin, le champagne ruisselle. Il est versé, donné en abondance; il coule à flots. Les vins capiteux ruisselaient dans les verres (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 331). Les bougies s'allument, le champagne ruisselle, ma tête s'égare (LABICHE, Garçon Véry, 1850, 3, p. 279).
2. Au fig. Se répandre en abondance (avec référence éventuelle au mouvement de l'eau, à son miroitement sous l'effet de la lumière). Vous savez que le haschisch invoque toujours des magnificences de lumière, des splendeurs glorieuses, des cascades d'or liquide; toute lumière lui est bonne, celle qui ruisselle en nappe et celle qui s'accroche comme du paillon aux pointes et aux aspérités (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 363). Cela brille, cela tourbillonne, on ne peut rien distinguer. (...) On est suspendu dans l'air, comme un oiseau; et quand le fleuve de sons ruisselle d'un bout à l'autre de l'église, remplissant les voûtes, rejaillissant contre les murs, on est emporté avec lui, on vole à tire-d'aile (ROLLAND, J.-Chr., Aube, 1904, p. 15).
B. — Ruisseler de + compl. indiquant la matière
1. [Le suj. désigne un corps solide] Être couvert d'un liquide qui coule de façon continue, souvent en abondance. Synon. dégoutter de, être trempé, inondé de. Ruisseler de pluie; ruisseler de larmes, de sueur. Il est comme quelqu'un qui des pieds jusqu'à la tête ruisselle de sang, tout revêtu de cet éclatant sacrilège! (CLAUDEL, Euménides, 1920, I, p. 954).
♦ [P. ell. du compl. prép. indiquant la matière] Hérodiade, svelte en ses riches habits, Portant sur un plat d'or constellé de rubis La tête de saint-Jean-Baptiste qui ruisselle (BANVILLE, Cariat., 1842, p. 59). L'air est si lourd, si vaporeux, que l'on ruisselle. Mon gilet, que je quitte, est trempé; ma chemise, que je quitte également, est à tordre (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 760).
— P. métaph. Elle était coiffée de fleurs, de diamants et de plumes comme une jeune femme, et sa robe ruisselait de pierreries (SAND, Consuelo, t. 3, 1842-43, p. 146). Mon village acceptait (...) que le fils Gatreau (...) agitât en tous sens son chef ruisselant de boucles noires (COLETTE, Képi, 1943, p. 157).
2. Au fig. Abonder en, être rempli de. Synon. déborder, regorger de. Heureuse enfance. Tout leur petit corps, toute leur petite personne, tous leurs petits gestes, est pleine, ruisselle, regorge d'une espérance. Resplendit, regorge d'une innocence. Qui est l'innocence même de l'espérance (PÉGUY, Porche Myst., 1911, p. 191). De nos jours, la poésie ruisselle de vice, de mensonge, de brutalité, de sadisme et de tout ce qui, autrefois, était réputé malpropre (AYMÉ, Confort, 1949, p. 62).
REM. 1. Ruisselis, subst. masc., hapax. Écoulement, ruissellement. Dans ce ruisselis de gloussements, de roucoulements, la duchesse se laissait gagner et se détendait (LA VARENDE, Saint-Simon, 1955, p. 56). 2. Ruisselure, subst. fém., hapax. Effet de ruissellement. Toute une joaillerie fondue dans les velours, et dans les peluches et dans les soies; et des ruisselures coulées dans la profondeur des fronces (J. MORÉAS, P. ADAM, Demoiselles Goubert ds PLOWERT 1888).
Prononc. et Orth.: [], (il) ruisselle [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 ruceler « couler en abondance » (Aiquin ou la Conqueste de la Bretaigne, éd. F. Jacques, 1951); 2. a) déb. XVIe s. « couler en forme de ruisseau » en parlant d'un cours d'eau (J. D'AUTON, Chron., B.N. 5083, f ° 103 r °; IV, 287, Soc. Hist. de Fr. ds GDF. Compl.); b) 1630 fig. (A. D'AUBIGNÉ, Odes, Le Printemps, éd. Réaume et De Caussade, III, 132: O beaux yeulx, claires fontaines Qui de plaisir ruisselez); 3. 1720 « être mouillé d'un liquide qui coule sans arrêt » (CHAULIEU, A la Fare, 1 ds LITTRÉ). Dér. de ruissel, forme anc. de ruisseau; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 890. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 950, b) 1 332; XXe s.: a) 1 646, b) 1 267.
ruisseler [ʀɥisle] v. intr.
ÉTYM. V. 1340; ruceler, 1180; de ruissel, var. anc. de ruisseau.
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1 Couler sans arrêt en formant un ou plusieurs ruisseaux, ruisselets ou filets (d'eau) → Brisis, cit.; bruire, cit. 5; gargouiller, cit. 1; patio, cit. 2. || Le sang ruisselle (→ Exécuter, cit. 21). || La sueur ruisselle (→ Moiteur, cit. 2; mortellement, cit. 2). ⇒ Dégoutter.
1 Qu'enfin après le sang de ce peuple martyr,
Le sang vil des bourreaux ruisselle !
Hugo, les Orientales, IV.
2 La pluie tombait, fine, froide, pénétrante, continue; elle ruisselait sur les murs (…)
Loti, Mon frère Yves, III.
3 (…) ma poitrine s'enfla, remplie d'une présence inconnue, divine, des sanglots me secouèrent, des larmes ruisselèrent de mes yeux.
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 755.
2 (1830). Fig. Se répandre à profusion. || Des oiseaux dont les chants (cit. 9) ruisselaient (→ aussi Fluide, cit. 3; orgue, cit. 2). || Soleil, lumières qui ruissellent (→ Diamant, cit. 4; futaie, cit. 3). — Par métaphore. || La vie ruisselle (→ Échelle, cit. 11; moteur, cit. 5). || Imagination si abondante (cit. 3) qu'elle ruisselle en improvisations.
4 Tout cela était inondé d'un jour étincelant, splendide (…) La lumière ruisselait dans cet océan de montagnes comme de l'or et de l'argent liquides, jetant une écume phosphorescente de paillettes à chaque obstacle.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 143.
5 Il (Haendel) allait, les jambes arquées, d'une marche lourde et balancée, très droit, la tête en arrière, sous sa vaste perruque blanche, dont les boucles ruisselaient pesamment sur ses épaules.
R. Rolland, Voyage musical au pays du passé, III.
6 La foule ruisselait de toutes les portes béantes, gants noirs, faux-cols de faïence, peaux de lapin, et les missels de famille au bout des doigts.
Sartre, le Sursis, p. 157.
1 (1658; probablt antérieur. → Ruisselant). || Ruisseler de : être couvert de (un liquide qui ruisselle). || La roche ruisselait d'eau (→ 1. Goutte, cit. 8). || Ruisseler de sueur (→ Cuire, cit. 19; détente, cit. 3; mais, cit. 10), de larmes, de sang…
♦ Absolt. Être couvert de filets d'eau qui s'écoulent. || La ville ruisselait sous le brouillard (cit. 8).
7 La montagne ruisselle de toutes parts; à chaque pas jaillit une source, et toujours l'on entend murmurer à côté de soi quelque onde détournée de son cours, qui va alimenter une fontaine ou porter la fraîcheur au pied d'un arbre. Les Arabes ont poussé au plus haut degré l'art de l'irrigation (…)
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 177.
8 (…) il ruisselait de cold-cream, de sueur et de vin.
Flaubert, Correspondance, 488, fin juil.-début août 1856.
9 La vitre ruisselait comme un visage plein de larmes (…)
F. Mauriac, l'Enfant chargé de chaînes, XXIII.
2 (Av. 1874; ruisselant [cit. 3] est attesté avant). Fig. || Le grand salon ruisselait de lumières. || Les perles ruisselaient (→ Intact, cit. 2).
10 La montagne, en face de moi, ruisselle de lumineux azur.
Gide, Journal, 9 juil. 1940.
3 (Fin XVIe). Par métaphore. || Elle ruisselait de bonheur. ⇒ Rayonner, resplendir.
11 Étienne avait surtout envie de parler. Il a effleuré des mœurs différentes, beaucoup vu et ruisselait d'idées.
J. Chardonne, Éva, p. 103.
12 … il était recouvert de pansements et ruisselait d'optimisme.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 93.
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DÉR. Ruisselant, ruissellement.
Encyclopédie Universelle. 2012.