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DOUTE
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DOUTE

Présent dans les discours les plus divers, le doute n’est pas plus un concept méthodologique qu’un argument pédagogique, à quoi cependant on l’a maintes fois réduit. De Socrate à Descartes, de Montaigne à Lessing et de Kierkegaard à Nietzsche, il transforme le cours d’une réflexion en expérience; dans un discours en première personne comme dans un dialogue, il ordonne une progression, fait repère, historicise la pensée et rompt le dogmatisme menaçant. Aussi n’est-il jamais premier, jamais terme originaire, mais au contraire réponse, intervention, menace: en cela il correspond à une altérité qui semble essentielle à la pensée. Mais l’expérience originale du doute ne peut se limiter à n’être qu’une simple objection, une question insidieuse, une aporie: elle est immédiatement remise en cause de la totalité de la réflexion, de la démarche même. Le soupçon qu’il fait naître ne porte pas sur un argument, une prémisse du raisonnement mais sur la valeur globale de la réflexion elle-même, sur l’assurance tranquille d’un savoir acquis: la progression du doute peut suivre la progression du raisonnement, elle peut aussi la précéder, exiger un effort préalable: "Maintenant donc que mon esprit est libre de tout soin, et que je me suis procuré un repos assuré dans une paisible solitude, je m’appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire toutes mes anciennes opinions" (Descartes). Or cette volonté de détruire n’est chez Descartes que la conséquence d’une découverte préalable: celle de l’incertitude des opinions qu’on lui avait enseignées; le doute sera ici le moyen de l’épreuve après avoir été sa raison déterminante; il requiert une autre attention, il mobilise une autre énergie que le questionnement initial de toute réflexion.

Ce type de mise à l’épreuve se trouve de façon très semblable chez Montaigne: le dogmatisme religieux et éthique est l’objet désigné d’un doute qui, une fois reconnue la vanité de l’extrémisme confessionnel, devient l’instrument privilégié de sa destruction. Ainsi le doute a partie liée avec la logique et la dialectique, qu’il transforme en armes acérées contre les tenants de tout dogmatisme: il instaure ainsi un utilitarisme moral et politique dont l’expression se rencontre dès les premiers arguments sophistiques, chez Montaigne dans sa lutte contre le fanatisme religieux, même chez Nietzsche dans sa réduction radicale de la morale occidentale.

Dans tous ces exemples, le doute instaure une sorte de méthode expérimentale de la subjectivité . Contre lui, s’élève la nécessité d’une affirmation (Nietzsche), d’une règle morale (Kant), d’une foi assumée totalement comme telle (Pascal, Kierkegaard). Mais cette opposition ne parvient jamais à se constituer en contradiction: chez Pascal et Kierkegaard seuls, la foi — qui peut être pari contre l’absurde — exclut le doute comme stade révolu, aboli dans la progression existentielle pour cette raison même que le doute réduit par l’absurde quand la foi est assomption de l’absurde même (Crainte et Tremblement ). Cependant la foi suppose souvent la mise en doute des opinions antérieures, comme condition préalable à l’épanouissement d’une affirmation authentique (Platon, Descartes, mais aussi saint Augustin et Kierkegaard). Le pyrrhonisme seul, comme tout radicalisme, peut se trouver confronté à l’absurde de son doute, et aux arguments qui y ramènent. En fait, l’adversaire constant du doute, plus que dans le dogmatisme, se cache dans le sens commun: Descartes le laisse pleinement comprendre au début du Discours de la méthode d’un autre point de vue, le reproche fait à Kant de concevoir une morale parfaitement pure (déterminée par la seule loi du devoir) mais sans impact réel sur le système des mœurs peut tout entier se fonder sur cette affirmation des Fondements de la métaphysique des mœurs selon laquelle le bon sens commun accorde universellement que rien n’est si bon qu’une bonne volonté, proposition dont la mise en doute ferait s’écrouler tout l’édifice du système moral kantien.

doute [ dut ] n. m.
• v. 1050; de douter
1État de l'esprit qui doute, qui est incertain de la réalité d'un fait, de la vérité d'une énonciation, de la conduite à adopter dans une circonstance particulière. hésitation, incertitude, incrédulité, indécision, irrésolution, perplexité . Être dans le doute au sujet de qqch. Laisser qqn dans le doute. PROV. Dans le doute, abstiens-toi. Le doute n'est plus permis. Être acquitté au bénéfice du doute. « Mieux vaut l'erreur que le doute, — pourvu qu'elle soit de bonne foi » (R. Rolland). Un air de doute. dubitatif, sceptique. — METTRE QQCH. EN DOUTE : contester la valeur de. Mettre une assertion en doute. controverser, nier. « nul ne s'est jamais avisé de mettre en doute sa sincérité parfaite » (Bloy). Mettre en doute que (et subj.) :refuser de croire. — Vx Maladie, folie du doute : maladie mentale caractérisée par des manies d'interrogation, de vérification.
Position philosophique qui consiste à ne rien affirmer d'aucune chose. scepticisme; pyrrhonisme. Doute métaphysique. Cour. Attitude d'une personne qui n'a pas d'opinion sur l'existence ou la non-existence de Dieu; d'une personne dont la foi chancelle. agnosticisme. « Cette croyance incertaine qui n'est pourtant pas le doute [...] et dont Musset donne un exemple quand il parle de l'Espoir en Dieu » (Proust ).
Le doute philosophique ou doute méthodique de Descartes, opération première de la méthode cartésienne. « Le grand principe expérimental est donc le doute, le doute philosophique qui laisse à l'esprit sa liberté et son initiative » (Cl. Bernard).
2Un, des doutes. Jugement par lequel on doute de qqch. Avoir un doute sur l'authenticité d'un document, sur la réussite d'une affaire. Lever, éclaircir, dissiper un doute. Vieilli Ôter, tirer qqn d'un doute, faire cesser ses inquiétudes. — LAISSER PLANER UN DOUTE : laisser s'installer une incertitude. ⇒ obscurité, 1. ombre. — IL N'Y A PAS DE DOUTE : la chose est certaine. Il n'y a pas l'ombre d'un doute. Cela ne fait aucun doute. incontestable, indubitable.
Inquiétude, soupçon, manque de confiance en qqn. Avoir des doutes sur qqn. méfiance, suspicion. Avoir des doutes sur la fidélité de qqn. crainte, présomption, soupçon. « La jalousie se nourrit dans les doutes » (La Rochefoucauld).
Il n'y a pas de doute que... Nul doute que... (avec le subj. et ne) « Il n'y a point de doute que vous ne soyez le flambeau même de ce temps » (Valéry). (Avec l'indic.) « Il n'y a donc aucun doute qu'après la mort nous verrons Dieu » (Claudel). (Avec le condit.) « Nul doute qu'il le prendrait et essayerait de le lire » (Daniel-Rops) .
3Loc. adv. Vieilli SANS DOUTE (ou mod. sans aucun doute; sans nul doute) :certainement. ⇒ assurément, incontestablement. C'est sans doute vrai. Irez-vous ? Sans nul doute.
Par ext. mod. Sans doute : selon toutes les apparences. ⇒ apparemment, probablement, vraisemblablement. « Un changement, Qui présageait sans doute un grand événement » (La Fontaine). Sans doute arrivera-t-elle demain. Sans doute qu'il a oublié. Sans doute qu'il accepterait si vous insistiez.
(Marquant une concession) C'est sans doute vrai, mais...
⊗ CONTR. Certitude, conviction, croyance, résolution. Assurance, évidence.

doute nom masculin État de quelqu'un qui ne sait que croire, qui hésite à prendre parti : Laisser quelqu'un dans le doute. Manque de certitude, soupçon, méfiance quant à la sincérité de quelqu'un, la véracité d'un fait, la réalisation de quelque chose (surtout pluriel) : Elle a des doutes sur la conduite de son mari. Position philosophique qui consiste à refuser quelque chose parmi des données jugées incertaines, par exemple les données des sens, et à refuser tout système philosophique. ● doute (citations) nom masculin Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 Les gens qui aiment ne doutent de rien, ou doutent de tout. Une ténébreuse affaire Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 Aimer sans doute est le possible le plus lointain. L'Alleluiah Gallimard Xavier Forneret Beaune 1809-Beaune 1884 Le suicide est le doute allant chercher le vrai. Broussailles de la pensée de la famille des sans titre Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 Doutons même du doute. Discours, au banquet des Rabelaisants, 1912 Jean Grosjean Paris 1912 Le dieu doute et ne se survit même que par son doute. La Gloire Gallimard Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont Montevideo 1846-Paris 1870 Le doute est un hommage rendu à l'espoir. Poésies, II Gustave Le Bon Nogent-le-Rotrou 1841-Paris 1931 L'amour craint le doute, cependant il grandit par le doute et périt souvent de la certitude. Aphorismes du temps présent Flammarion Roger Martin du Gard Neuilly-sur-Seine, 1881-Sérigny, Orne, 1958 La pensée ne commence qu'avec le doute. Correspondance avec A. Gide Gallimard François Mauriac Bordeaux 1885-Paris 1970 Académie française, 1933 Dans le doute, il faut choisir d'être fidèle. Bloc-notes, III Flammarion Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 La jeunesse est cet heureux temps où l'on devrait plutôt dire qu'on ne doute de rien plutôt que de dire qu'on n'y doute pas de soi. Jean Santeuil Gallimard François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Le plus sûr est donc de n'être sûr de rien. Singularités de la nature Samuel Langhorne Clemens, dit Mark Twain Florida, Missouri, 1835-Redding, Connecticut, 1910 Quant aux adjectifs : dans le doute, biffez-les. As to the Adjective : when in doubt, strike it out. Pudd'nhead Wilson's Calendar Samuel Langhorne Clemens, dit Mark Twain Florida, Missouri, 1835-Redding, Connecticut, 1910 Dans le doute dites la vérité. When in doubt tell the truth. Pudd'nhead Wilson's Calendar Miguel de Unamuno y Jugo Bilbao 1864-Salamanque 1936 La vie est doute, et la foi sans le doute n'est autre que la mort. La vida es duda, y la fe sin la duda es solo muerte. Salmo, IIdoute (difficultés) nom masculin Sens 1. Sans doute = peut-être, probablement. 2. Sans nul doute, sans aucun doute = assurément, à coup sÛr. Construction 1. Sans doute, placé en tête de phrase sans ponctuation, entraîne l'inversion du pronom sujet (ou, si le sujet est un nom, l'emploi du pronom sujet de rappel) : sans doute aurait-il souhaité mieux ; sans doute l'homme avait-il pris la fuite. 2. Nul doute que (+ subjonctif, indicatif ou conditionnel). Nul doute que se construit habituellement avec le subjonctif et la particule ne : nul doute que cela ne se fasse un jour ou l'autre. L'indicatif est également employé, sans la particule ne, pour insister sur la réalité du fait : nul doute que cela est fait à l'heure où je vous parle. Le conditionnel est employé si le fait est hypothétique : nul doute que cela se ferait si c'était possible. Pas de doute que, il n'y a pas (ou il ne fait pas) de doute que, il n'est pas douteux que, il est hors de doute que suivent les mêmes constructions. 3. Sans doute que (+ indicatif ou conditionnel) : sans doute qu'il est fâché, puisqu'il n'appelle plus ; sans doute qu'il refuserait si on le lui demandait. ● doute (expressions) nom masculin Doute méthodique, méthode de suspension du jugement par laquelle Descartes permet à la clarté et à la distinction d'apparaître dans une « idée » (un jugement, une perception). Hors de doute, tout à fait sûr, certain, incontestable. Mettre en doute quelque chose, en contester la vérité, l'authenticité : Je ne mets pas en doute votre sincérité. Ne faire aucun doute, être certain, être indubitable. Nul doute, il n'y a pas de doute que, il est certain que. Ôter quelqu'un d'un doute, mettre un terme à son incertitude en lui donnant une information qui l'éclaire (surtout à l'impératif). Sans aucun doute, assurément, certainement, incontestablement. Sans doute, probablement, selon toute vraisemblance : Sans doute est-il déjà arrivé.doute (synonymes) nom masculin État de quelqu'un qui ne sait que croire, qui hésite...
Synonymes :
- indécision
- indétermination
- irrésolution
- perplexité
Contraires :
- décision
- résolution
Manque de certitude, soupçon, méfiance quant à la sincérité de...
Synonymes :
- défiance
Contraires :

doute
n. m.
d1./d Hésitation à croire à la réalité d'un fait, à la vérité d'une affirmation. Dans le doute, abstiens-toi.
|| Mettre en doute: contester.
d2./d Spécial. Attitude de celui qui n'est pas sûr de sa foi religieuse.
d3./d PHILO Doute méthodique: principe de Descartes posé comme condition première pour trouver matière à asseoir les fondements d'une certitude.
d4./d Soupçon, méfiance. J'ai des doutes sur sa loyauté.
d5./d Loc. adv. Sans doute: probablement. J'irai sans doute le voir demain.
|| Sans aucun doute, sans nul doute: incontestablement.

⇒DOUTE, subst. masc.
A.— [Gén. avec l'art. déf.] État naturel de l'esprit qui s'interroge, caractérisé à des degrés différents soit par l'incertitude concernant l'existence ou la réalisation d'un fait, soit par l'hésitation sur la conduite à tenir, soit par la suspension du jugement entre deux propositions contradictoires. Le doute n'est pas permis; un air, un geste de doute; être dans le doute; laisser qqn dans le doute. Relaxe au bénéfice du doute (Nouv. répertoire de dr., Paris, Dalloz, t. 2, 1963, § 70, s.v. instructions à l'audience). Anton. certitude. — « Non, monsieur, Charles-Marie ne doit pas être coupable. » Le doute avait fini par se glisser dans l'esprit du professeur de septième (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1853, p. 118). Et l'on ne pouvait rien, (...) rien faire même pour savoir ce qui allait arriver. Le doute était plus affolant encore que la certitude (ROLLAND, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1392). Cf. accepter ex. 23, crédule ex. 1 :
1. La raison et l'incrédulité viennent bien assez vite d'elles-mêmes. Je me rappelle fort bien la première année où le doute m'est venu sur l'existence réelle du père Noël. J'avais cinq ou six ans, et il me sembla que ce devait être ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier.
SAND, Histoire de ma vie, t. 2, 1855, p. 156.
2. La liberté intellectuelle, ou sagesse, c'est le doute. (...). Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sans précipitation, contre la puissance de croire qui est formidable en chacun de nous.
ALAIN, Propos, 1912, p. 134.
3. La grande affaire pour les générations précédentes, avait été le passage de l'absolu au relatif, de la certitude au doute; il s'agissait pour eux de « passer du doute à la négation sans y perdre toute valeur morale ».
MASSIS, Jugements, 1923, pp. 172-173.
1. Proverbes. Le doute est le commencement de la sagesse (Ac. 1835-1932). Dans le doute, abstiens-toi. Quand on doute de la valeur de ses actes, il ne faut pas agir. — Dans le doute, abstiens-toi, Proverbe français, ce me semble? — Dans le doute, éclaire-toi! et, la lumière faite, protège les bons, tape sur les autres (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 243).
2. Syntagmes et loc.
a) Mettre en doute qqc. En contester l'authenticité, la valeur. Cf. affirmer ex. 18. Mettre en doute l'authenticité de qqc., la parole, la sincérité, les sentiments de qqn. Je ne mets pas en doute votre mandat (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 247). Mettre en doute si. Ici, peut-être, faudrait-il mettre en doute si un poète peut légitimement demander à un lecteur le travail sensible et soutenu de son esprit? (VALÉRY, Variété II, 1929, p. 171). [Avec la négation ou l'interr.] Ne pas mettre en doute que (avec ne explétif et le subj.). Ils ne mettaient pas en doute que la guerre civile ne fût alors terminée (J. VERNE, Île myst., 1874, p. 540). [Sans ne explétif pour signifier que le fait est certain] Je ne mets pas en doute que j'y parvienne (STAËL, Lettres L. de Narbonne, 1792, p. 35).
Rem. LITTRÉ signale cette dernière construction.
b) Il n'y a pas de doute que; il ne fait pas de doute que; point de doute que; nul doute que. [Avec ne explétif et le subj.] Il n'y a pas de doute que ce ne soit là de tous points une grande œuvre (DU BOS, Journal, 1923, p. 246). [Avec le cond. pour exprimer un fait hypothétique] Nul doute qu'ils en riraient, si les anges pouvaient rire (BERNANOS, Dialog. ombres, 1928, 4e tabl., 10, p. 1673). [Avec l'ind. pour insister sur la réalité du fait] Il n'y a pas de doute que les poissons tirent l'air de l'eau par les ouïes (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 150).
c) Être hors de doute. Être incontestable, certain. Cela est hors de doute pour moi. [Avec l'ind.] Il est hors de doute que. Il est hors de doute que c'est à elle qu'il doit la vie (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 451).
B.— En partic.
1. MÉD., PSYCH. Folie, manie, maladie du doute. Maladie mentale qui se traduit par des manies d'interrogation de vérifications incessantes, des scrupules religieux excessifs. Ces périodes détériorées où nous prend la manie du doute : — A-t-on fermé sa porte à clef, cette nuit? on reva voir; a-t-on mis sa cravate ce matin? on tâte; boutonné sa culotte, ce soir? on s'assure (GIDE, Paludes, 1895, p. 121). Cf. aboulie ex. 5.
2. PHILOSOPHIE
Doute sceptique, métaphysique. Attitude philosophique qui consiste à s'établir dans un doute définitif. Doute universel. Doute perpétuel (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 301). Doute absolu (FLAUB., Corresp., 1853, p. 183). La foi n'est pas possible (...) que si le doute métaphysique est en quelque sorte imposé à l'esprit par la nature en soi indéterminable de son objet (MARCEL, Journal, 1914, p. 95) :
4. Bremond est le type même de ces sceptiques profonds, chez qui le doute gagne sans cesse, s'étend à tout, et même aux choses dont il n'y aurait pourtant pas lieu de douter.
DU BOS, Journal, 1928, p. 210.
Doute philosophique, doute méthodique de Descartes. Attitude du sujet pensant qui considère tout jugement sur tout objet de connaissance comme douteux afin de tendre vers la plus grande certitude possible, la certitude première étant celle du sujet pensant lui-même (cf. cartésien A b). Doute fictif, hyperbolique, réel. Le doute redresse l'esprit courbé par les sens. Par une ascèse, ou une purification intellectuelle, il doit rendre à la « lumière naturelle » sa rectitude perdue et sa clarté offusquée par les préjugés (R. VERNEAUX, Les Sources cartésiennes et kantiennes de l'idéalisme fr., Paris, Beauchesne et fils, 1936, p. 67). Cf. également affirmer ex. 22, cogito, ex. 1, croyance ex. 9 :
5. La méthode [cartésienne] est applicable à l'édification des sciences d'observation et d'expérimentation. Il faut procéder toujours par le doute philosophique, avec précaution, avec défiance. Il faut lancer son hypothèse en avant comme un colimaçon lance ses cornes pour sonder et palper l'espace. Dès qu'il sent quelque obtacle, il les retire pour les étendre de nouveau à côté, et cette figure représente l'état de tâtonnements dans lequel se trouve l'expérimentateur.
BERNARD, Principes de méd. exp., 1878, p. 78.
6. Il y a un lien étroit, en stricte orthodoxie cartésienne, entre le doute et la compréhension même, dans la mesure où elle nous est accessible, de la nature divine, si bien que celui qui aurait poussé l'ascèse du doute assez loin acquerrait par là même une connaissance presque intuitive de Dieu.
LACROIX, Marxisme, existentialisme, personnalisme, 1949, p. 90.
Révoquer en doute. [P. réf. à Descartes] Synon. littér. de mettre en doute. Des témoignages (...) qui peuvent toujours en tous les cas être révoqués en doute (MARCEL, Journal, 1914, p. 83).
3. RELIG. Doute religieux. Incertitude portant sur l'existence de Dieu, sur ce qui fait l'objet de la Révélation et l'enseignement de l'Église à ce sujet. Être dans le doute ou la certitude; sombrer dans le doute. Les tourmens du doute (LACORD., Conf. N.-D., 1848, p. 126). Le mol oreiller du doute de Montaigne (DU BOS, Journal, 1922, p. 103). Je n'oppose pas à la foi le doute; mais l'affirmation : ce qui ne saurait être n'est pas (GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p. 309) :
7. ... j'ai compris que le doute n'était pas une imagination coupable, que l'on chasse en secouant la tête, mais une hantise tenace, impérieuse comme la vérité; une pointe fichée au plus profond de la croyance, et qui l'épuise, goutte à goutte.
MARTIN DU GARD, J. Barois, 1913, p. 262.
8. Lui aussi le Christ avait douté. Il y avait eu, en lui, ce dernier désespoir. Et Thérèse comprit alors qu'elle ne pourrait plus douter jamais, plus jamais désespérer, qu'il avait pris son doute, son désespoir, que seule la joie lui était demeurée.
DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 119.
C.— P. méton. [Avec l'art. indéf. au sing., souvent au plur.] Ce qui fait l'objet du doute; point particulier qui laisse dans le doute. N'avoir, ne faire, ne laisser, n'offrir aucun doute; éclaircir, lever un doute; tirer quelqu'un d'un doute. Henry n'avait de doutes qu'aux endroits où le doute est indiqué; il était convaincu de ce que l'on croit communément, il niait hardiment tout ce que l'on nie (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 269). Celui-ci (...) hésitait encore, travaillé de doutes évidents sur la question de la dot (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 79) :
9. Ainsi la raison (...) doute d'elle-même et des principes qui la constituent, non sans fondement; mais elle n'élève point (...) de doute sérieux, encore moins de doute insurmontable, sur le principe régulateur et suprême en vertu duquel elle fait la critique de ses principes constitutifs, et de toutes les autres facultés humaines, pas plus qu'elle n'élève de doute sérieux sur les axiomes mathématiques.
COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 133.
10. Je me demande si je suis fou. En me promenant tantôt au grand soleil, le long de la rivière, des doutes me sont venus sur ma raison, non point des doutes vagues comme j'en avais jusqu'ici, mais des doutes précis, absolus.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Le Horla, 1886, p. 1112.
1. Loc. L'ombre d'un doute. Un doute très léger. Héritier du nom de mon père, je ne veux pas même que sur ce nom flotte l'ombre d'un doute (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 286). Élever un doute. Présenter une objection, faire une réserve (supra ex. 9). Faire doute. Poser problème. Ne pas faire de doute. Être manifeste, incontestable. Cela ne fait (aucun) doute pour personne; son sort ne fait pas de doute. Ces passantes dont le triste métier ne faisait pas de doute (BOURGET, Actes suivent, 1926, p. 59).
SYNT. Doute sur la qualité; la solidité, le succès, la valeur de; ôter quelqu'un d'un doute; concevoir, conserver, dissiper, émettre, exprimer, inspirer, laisser un/des doute(s); jeter un doute sur; faire naître des doutes.
2. En partic.
a) Question qui fait doute en matière religieuse, philosophique. Doutes religieux, doutes sur la foi; être tourmenté de doutes et de scrupules. Cf. affirmer ex. 32, conférence ex. 2. L'angoisse, les doutes, les déchirements de Pascal (MASSIS, Jugements, 1923, p. 53) :
11. Quant à vos doutes, qu'est-ce qu'un doute, sinon une chose dont on peut douter? Si j'ai des doutes sur vos doutes, pourquoi voulez-vous que je croie à vos doutes? Vous êtes sceptique et vous voulez que, fanatique de ce que vous avouez ne pas savoir, je devienne dogmatique de votre scepticisme : la Religion de la servante du Curé est plus rationnelle que cet embrouillement.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 629.
b) [Ce qui fait doute à l'égard d'une pers.] Domaine affectif de la confiance et des sentiments. Doute inquiétant et pénible; être harcelé par un doute. Synon. crainte, présomption, soupçon. Pourquoi un doute, pourquoi une crainte, pourquoi des soupçons pénibles lui seraient-ils venus? (MAUPASS., Contes et nouvelles, t. 2, Yvette, 1884, p. 523).
Dans le domaine de l'amour. Doute affreux, amer, cruel; doute sur la fidélité. Je préférais l'illusion dont se bercent les doutes au désenchantement qu'apporte avec soi toute certitude (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 190). Il ne faut pas tourmenter son bonheur de doutes, d'interrogations (CHARDONNE, Épithal., 1921, p. 180) :
12. ... je compris que, si je n'avais pas jusque-là souffert trop cruellement de mes doutes sur la vertu d'Albertine, c'est qu'en réalité ce n'était nullement des doutes. Mon bonheur, ma vie avaient besoin qu'Albertine fût vertueuse, ils avaient posé une fois pour toutes qu'elle l'était. Muni de cette croyance préservatrice, je pouvais sans danger laisser mon esprit jouer tristement avec des suppositions auxquelles il donnait une forme mais n'ajoutait pas foi.
PROUST, La Fugitive, 1922, p. 514.
D.— Loc. adv. Sans doute
1. [À valeur affirmative] Vieilli. Assurément, certainement. C'est là sans doute une très belle action (Ac. 1835-1932). Sans doute la richesse est une très-grande puissance (DESTUTT DE TR., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 172).
Rem. Cette valeur de sans doute s'est atténuée au point que, pour exprimer l'affirmation, on renforce le subst. par aucun, nul, On préférera sans nul doute la première version (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 213). Fainéant, prodigue, coureur, ivrogne, menteur — et j'en passe — Jacques était sans aucun doute un détestable mari (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 346).
2. [À valeur dubitative définitive ou provisoire] Probablement, certes, je vous l'accorde. Vous avez sans doute raison; il vous arrive sans doute de :
13. LE PRINCE PAUL. — Enfin, nous sommes donc unis! ... nous sommes donc l'un à l'autre! ...
LA GRANDE DUCHESSE, légèrement. — Sans doute... sans doute...
MEILHAC, HALÉVY, La Grande duchesse de Gérolstein, 1867, IV, 2, p. 295.
[Avec dans la prop. suivante un mot comme mais corrigeant — en la limitant — l'extension du doute] Maman (...) trouva même (...) certaine maison décente, sans doute étroite de pignon, sans doute privée de jardin, mais bonne pour un docteur (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 71).
Rem. Sans doute, en tête de phrase, peut entraîner l'invers. du suj. Sans doute a-t-elle eu quelque remords de ce qu'elle a dit, car elle accourt avec un grand foulard de laine rose entre les doigts (GREEN, Journal, 1948, p. 220).
Sans doute que [Avec ind. et avec le cond. pour exprimer un fait hypothétique] Sans doute qu'ils ont profité de l'extinction, car quand de nouveau ça reparaît, même scène, mais le personnel a changé (CLAUDEL, Visages radieux, 1947, p. 774).
Rem. L'expr. sans doute, extrêmement fréq. forme plus des deux tiers des occurr. de la forme homogr. doute (cf. Dict. des fréq., C.N.R.S.-T.L.F. [diff. Paris, Didier], 1, 1971, table des homogr., qui évalue la fréq. de sans doute/sans aucun doute à 75 % des occurrences).
Prononc. et Orth. :[dut]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 grant dute « crainte » (Alexis, éd. Ch. Storey, 300); 2. 1155 « hésitation, incertitude » (estre) en dote (WACE, Brut, éd. I, Arnold, 515); 3. fin XVe s. mille doubte « soupçon, méfiance » (COMMYNES, éd. J. Calmette, II-VI, t. 1, p. 128); 4. 1637 « doute philosophique » (DESCARTES, Discours de la méthode, éd. A. Bridoux, p. 137). Déverbal de douter. Fréq. abs. littér. :26 332. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 35 287, b) 31 023; XXe s. : a) 35 368, b) 43 985.

doute [dut] n. m.
ÉTYM. V. 1050; déverbal de douter.
1 (Le doute). État de l'esprit qui doute, qui est incertain de la réalité d'un fait, de la vérité d'une énonciation, de la conduite à adopter dans une circonstance particulière. Hésitation, incertitude, incrédulité, indécision, indétermination, irrésolution, perplexité, vacillation; → Opinion, cit. 14. || Le doute est possible. || Le doute n'est pas, n'est plus permis. || Le doute s'était glissé dans son esprit. || Le doute est pire que tout.En, dans le doute. || Être en doute (vx), dans le doute. Douter; → Cas, cit. 21. || Être dans le doute au sujet de qqch. Balance (en). || Laisser qqn dans le doute.Regarder qqn d'un air de doute, d'un air sceptique. Dubitatif, incrédule. || Hocher, secouer la tête en signe de doute. || Exclamations exprimant le doute (→ Heu… ! ouais… ! tiens, tiens !). — ☑ Prov. Dans le doute, abstiens-toi.
1 (…) de mes vœux encor vous pouvez être en doute ?
Molière, l'École des maris, II, 9.
2 Un petit air de doute et de mélancolie,
Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « À Ninon ».
3 (…) le doute nous ôte la connaissance de nous-même, et nous dégoûte de la vie.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 940.
4 (…) qui dit doute, dit impuissance.
Balzac, Un drame au bord de la mer, Pl., t. IX, p. 877.
5 Mieux vaut l'erreur que le doute, — pourvu qu'elle soit de bonne foi.
R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 118.
6 Je préfère une certitude horrible, faite d'abîmes et de négations, à vos demi-vérités, toutes faites d'affirmations contraires, qui se détruisent et qui ne sont que des doutes honteux, ou si médiocres qu'ils ne se savent même pas douteux.
André Suarès, Trois hommes, « Pascal », II, p. 41.
7 Tous les visages étaient sérieux, avec des nuances ici de déconvenue, là de doute.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, IX, p. 91.
Mettre qqch. en doute. Contester, controverser, nier, refuser (de croire). || Mettre en doute la parole de qqn. || On ne peut mettre en doute sa probité.Mettre en doute que…, demande généralement le ne explétif dans une phrase négative ou interrogative.
8 Lorsqu'on me trouvera morte, il n'y aura personne qui mette en doute que ce ne soit vous qui m'aurez tuée (…)
Molière, George Dandin, III, 6.
9 Mais pour l'astrologie (…) je ne la puis mettre en doute.
Molière, les Amants magnifiques, III, 1.
10 Ses nombreux ennemis ont pu l'accuser d'être passionné jusqu'à l'intolérance, mais nul ne s'est jamais avisé de mettre en doute sa sincérité parfaite (…)
Léon Bloy, le Désespéré, p. 189.
Littér. Révoquer une chose en doute (→ Définir, cit. 8).
Il y a doute dans cette affaire. — ☑ Il n'y a pas de doute que…, il ne fait pas de doute que… : la chose est certaine.Nul doute que… : il est certain que… (→ ci-dessous, supra cit. 25). — ☑ Hors de doute : certain, évident. || Il est hors de doute que… (→ ci-dessous, 5.).
Psychiatrie. Vx. || Maladie, folie du doute : comportement obsessionnel caractérisé par des ruminations, des débats de conscience, des vérifications obsessionnelles. Syn. mod. : obsessions idéatives, interrogatives.
Philos. || Doute sceptique, doute métaphysique : position philosophique qui consiste à ne rien affirmer d'aucune chose. Scepticisme, pyrrhonisme; → Savoir (que sais-je ?). || Aboutir au doute universel (→ Appétit, cit. 27; ballotter, cit. 5).
Doute philosophique, doute méthodique de Descartes, doute cartésien, opération première de la méthode cartésienne.
11 (…) je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que (…) je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne me resterait point après cela quelque chose en ma créance qui fût entièrement indubitable.
Descartes, Disc. de la méthode, IV.
12 Le grand principe expérimental est donc le doute, le doute philosophique qui laisse à l'esprit sa liberté et son initiative, et d'où dérivent les qualités les plus précieuses pour un investigateur en physiologie et en médecine. Il ne faut croire à nos observations, à nos théories, que sous bénéfice d'inventaire expérimental.
Cl. Bernard, Introd. à l'étude de la médecine expérimentale, I, II, p. 76.
Cour. || Le doute religieux, attitude de celui qui n'a pas d'opinion sur l'existence ou la non-existence de Dieu, ou de celui dont la foi chancelle. Incertitude, incroyance. || Être, vivre dans le doute (→ Agglomérer, cit. 2; athée, cit. 6; croire, cit. 68).
13 Voilà un doute d'une terrible conséquence.
Pascal, Pensées, III, 195.
14 (…) le Doute n'est ni une impiété, ni un blasphème, ni un crime; mais une transition d'où l'homme retourne sur ses pas dans les Ténèbres ou s'avance vers la Lumière.
Balzac, Séraphîta, Pl., t. X, p. 545.
15 (…) cette croyance incertaine qui n'est pourtant pas le doute, qui réserve une possibilité à ce qu'on souhaite et dont Musset donne un exemple quand il parle de l'Espoir en Dieu.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, p. 210.
2 (Un, des doutes). Jugement par lequel on doute de qqch. || Avoir un doute sur l'authenticité d'un document, sur la réussite d'une affaire. || J'ai des doutes, quelques doutes à ce sujet, à propos de… || Laisser planer un doute sur… Incertitude, obscurité, ombre. || On ne le persuade pas aisément, il garde encore un doute, quelques doutes. || Les doutes de qqn au sujet de qqch., ses doutes. || N'avoir aucun doute quant à… || Éclaircir, dissiper, lever un doute.Vieilli. || Ôter, tirer qqn d'un doute.
16 Ôte-moi d'un doute.
Connais-tu bien Don Diègue ?
Corneille, le Cid, II, 2.
17 Pour me tirer d'un doute où me jette ma sœur (…)
Molière, les Femmes savantes, I, 2.
Loc. Cela ne fait pas de doute, ne fait aucun doute : c'est certain, évident, incontestable, indiscutable. || Cela ne fait aucun doute pour moi : j'en suis certain.
18 Le civisme et le sans-culottisme du jeune officier (le général Hugo) ne font pas de doute.
Henriot, les Romantiques, p. 26.
L'ombre d'un doute : le doute le plus léger. || Cela ne fait pas, il n'y a pas l'ombre d'un doute (renforcement de : il n'y a pas de doute).
3 Inquiétude, soupçon, manque de confiance en qqn.
a (Un, des doutes). || Avoir des doutes sur qqn. Méfiance, soupçon, suspicion. || Éprouver des doutes au sujet de qqn, à son endroit. Appréhension, crainte. || Être torturé par le doute (→ Continu, cit. 3). || Doute bien, mal fondé. || Confirmer ses doutes.
b (Le doute). || L'esprit, le démon du doute ( Jalousie).
19 Le remède de la jalousie est la certitude de ce qu'on a craint, parce qu'elle cause la fin de la vie, ou la fin de l'amour; c'est un cruel remède, mais il est plus doux que le doute et les soupçons.
La Rochefoucauld, Maximes, 514.
20 La jalousie se nourrit dans les doutes (…)
La Rochefoucauld, Maximes, 32 (→ Certitude, cit. 6).
21 Dans le doute mortel dont je suis agité (…)
Racine, Phèdre, I, 1.
22 (…) pour l'être dévoré de cette fièvre, il n'est pas au monde de besoin moral plus impérieux que celui d'un ami devant qui l'on puisse raisonner sur les doutes affreux qui s'emparent de l'âme à chaque instant, car dans cette passion terrible, toujours une chose imaginée est une chose existante.
Stendhal, De l'amour, XXXIV, p. 129.
23 L'esprit du doute, suspendu sur ma tête, venait de me verser dans les veines une goutte de poison; la vapeur m'en montait au cerveau, et je chancelais à demi dans un commencement d'ivresse malfaisante.
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, IV, I, p. 201.
24 Quand un mari se fie à sa femme, il garde pour lui les mauvais propos, et quand il est sûr de son fait, il n'a que faire de la consulter. Quand on a des doutes, on les lève; quand on manque de preuves, on se tait : et quand on ne peut démontrer qu'on a raison, on a tort.
A. de Musset, Comédies et Proverbes, « Le chandelier », I, 1.
Par métonymie. (Aux sens 1, 2 ou 3). Expression du doute, d'un doute par le langage. || Les doutes exprimés dans sa lettre.
4 REM. a Les tours : Il n'y a pas de doute que…, il ne fait pas de doute que…, point de doute que…, nul doute que…, se construisent avec le subj. et avec ne : nul doute qu'il ne se soit trompé. Il n'y a pas de doute qu'il ne vienne.
25 Nul doute que ce ne soit un mage (…)
France, Thaïs, II, p. 121.
26 Il n'y a point de doute que vous ne soyez le flambeau même de ce temps.
Valéry, Mon Faust, II, 1, p. 74.
Pour insister sur le caractère incontestable du fait, on omet ne (→ Avoir, cit. 86) ou on emploie l'indicatif (→ Avoir, cit. 85).
27 Aucun doute qu'il la rencontrât un jour ou l'autre.
Henri de Régnier, les Vacances d'un jeune homme sage, p. 187.
28 Il n'y a donc aucun doute qu'après la mort nous verrons Dieu.
Claudel, Présence et Prophétie, p. 13.
Si le fait affirmé est hypothétique, on emploie le conditionnel. Nul doute qu'il serait reçu s'il travaillait davantage.
29 Nul doute qu'il le prendrait (un livre) et essayerait de le lire.
Daniel-Rops, Mort où est ta victoire ?, p. 427.
b Il est hors de doute que…, est suivi de l'indicatif. Il est hors de doute qu'il sera là ce soir.
5 Loc. adv. Sans doute. a Certainement. Assurément; → Attacher, cit. 83; autonome, cit. 3; brouiller, cit. 11; démonstration, cit. 7. || C'est là sans doute un livre de valeur. || Viendrez-vous ? Sans doute, sans aucun doute, (littér.) sans nul doute.REM. Dans l'usage moderne, pour redonner à cette locution (vieillie en ce sens) toute sa valeur affirmative, elle est renforcée : sans aucun doute, sans nul doute…
30 — La poule ne doit point chanter devant le coq.
— Sans doute.
Molière, les Femmes savantes, V, 3.
31 J'ai fait des malheureux, sans doute; et la Phrygie
Cent fois de votre sang a vu ma main rougie.
Racine, Andromaque, I, 4.
b Selon toutes les apparences. Apparemment, probablement, vraisemblablement; → Arrêter, cit. 74; avoué, cit. 2; bâcler, cit. 2; dépayser, cit. 5. || Il viendra sans doute ce soir. || Sans doute arrivera-t-elle demain.
32 Il était arrivé là-haut un changement,
Qui présageait sans doute un grand événement.
La Fontaine, Fables, VII, 18.
33 Sans doute à nos malheurs ton cœur n'a pu survivre.
Racine, Alexandre, IV, 1.
33.1 Elle gardait malgré toutes mes critiques sa manière insidieuse de poser des questions d'une façon indirecte pour laquelle elle avait utilisé depuis quelque temps un certain « parce que sans doute ». N'osant pas me dire : « Est-ce que cette dame a un hôtel ? » elle me disait, les yeux timidement levés comme ceux d'un bon chien : « Parce que sans doute cette dame a son hôtel particulier (…) »
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 748.
REM. Sans doute que… est suivi de l'indicatif ou, si le fait est hypothétique, du conditionnel. Sans doute qu'il l'a oublié. Sans doute qu'il accepterait si vous insistiez.
34 Nous avons vu suffisamment la malade, et sans doute qu'il y a beaucoup d'impuretés en elle.
Molière, l'Amour médecin, II, 2.
35 Et sans doute que comme tous les logeurs elle est de la police (…)
Aragon, le Paysan de Paris, p. 24.
CONTR. Certitude, conviction, croyance, décision, persuasion, résolution. — Assurance, évidence, foi, religion.
DÉR. Douteux.

Encyclopédie Universelle. 2012.