pire [ pir ] adj. I ♦ (Compar. synthétique pouvant remplacer plus mauvais, quand cet adj. n'est pas employé au sens de « défectueux ») Plus mauvais, plus nuisible, plus pénible. Les femmes « sont meilleures ou pires que les hommes » (La Bruyère). Le remède est pire que le mal. La situation est bien pire, encore pire que je ne croyais. — (Épithète) Je ne connais pas de pire désagrément. Littér. (après le nom) « Partout ailleurs, il traînerait une détresse pire » (Martin du Gard). — PROV. Il n'est pire eau que l'eau qui dort (4o ). Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
♢ Pis. « Rien ne peut arriver de pire que cette indifférence » (F. Mauriac). « Il y a quelque chose de pire » (Taine). C'est pire que tout. C'est encore pire, cent fois pire. C'est de pire en pire.
II ♦ (Superl.) LE PIRE, LA PIRE, LES PIRES.
1 ♦ Le plus mauvais. « Les pires gredins » (A. Gide). Un voyou de la pire espèce. « Il commettait alors les pires imprudences » (F. Mauriac). « Le travail est la meilleure et la pire des choses » (Alain). C'est la pire chose qui puisse lui arriver. « La pire de toutes les duperies » (Stendhal). — Ellipt C'est le pire, la pire (parmi d'autres).
2 ♦ N. m. Ce qu'il y a de plus mauvais (en qqch.). ⇒ 2. pis. « Le pire de tout est d'adorer l'opportunisme » (Alain ). — Absolt Les choses les plus mauvaises, les plus dangereuses. Se marier pour le meilleur et pour le pire. Craindre, envisager le pire. « Le pire n'est pas arrivé » (Romains). « Je m'attends à tout, et au pire » (A. Gide). En mettant les choses au pire. La politique du pire, qui consiste à escompter, et même à rechercher le pire pour en tirer parti.
⊗ CONTR. Meilleur, mieux.
● pire adjectif (latin pejor, comparatif de malus, mauvais) Sert de comparatif et de superlatif de supériorité à l'adjectif mauvais, dans le domaine intellectuel, moral, etc. : Son travail est pire qu'il ne l'a jamais été. C'est la pire chose qui puisse arriver. ● pire (difficultés) adjectif (latin pejor, comparatif de malus, mauvais) Sens 1. Pire adj. = plus mauvais (contraire de meilleur). 2. Pis adv. = plus mal (contraire de mieux). Emploi 1. Pire / plus mauvais. Pire peut souvent être remplacé par plus mauvais (à la différence de meilleur, qui ne peut jamais être remplacé par plus bon) : le progrès rend-il l'homme meilleur ou pire ? (ou : meilleur ou plus mauvais ?). Recommandation Pire reste de règle dans deux cas. Avec un nom désignant qqch dont on pâtit (douleur, erreur, faute, mal, malheur, souffrance, etc.) : cette faute est pire que l'autre (et non plus mauvaise). Dans les proverbes et les expressions toutes faites : il n'est pire eau que l'eau qui dort ; le remède est pire que le mal. 2. Pire après plus, moins, tant. Ces emplois, fautifs, sont à proscrire, sauf si l'on recherche un effet de style particulier : imitation du langage enfantin (il a fait une bêtise « plus pire » que l'autre) ou insistance plaisante (la dévaluation serait un remède, passez-moi l'expression, moins pire). Recommandation Éviter dans tous les cas tant pire. 3. Pire avec un pronom indéfini.Quelque chose de pire que la peur, l'angoisse. Rien de pire que cette interminable attente. Remarque Ces tournures sont devenues si courantes aujourd'hui qu'elles ne peuvent plus être tenues pour fautives. Pis, considéré naguère comme seul correct dans ce cas par beaucoup de grammairiens, continue d'être employé dans le registre très soutenu : quelque chose de pis que la peur ; rien de pis que cette attente. 4. Le pire (emploi nominal) = ce qu'il y a de pire. Il faut s'attendre au pire. « Le pire n'est pas toujours certain »(L. Daudet). 5. Pis. Dans la langue courante, en particulier à l'oral, pis, ressenti aujourd'hui comme littéraire, voire comme vieilli, est le plus souvent remplacé par pire. Il subsiste surtout dans des expressions toutes faites (tant pis, aller de mal en pis, dire pis que pendre de qqn) et dans la langue soutenue. Comme comparatif de supériorité de mal (contraire de mieux). C'est pis que jamais. En emploi nominal. Le pis = la pire chose. Mettre les choses au pis. Au pis aller = dans le pire des cas (sans trait d'union, à la différence de un pis-aller). 6. Pis renforcé par bien, par encore ou par n fois.C'est bien pis, c'est encore pis, c'est cent fois pis (mais jamais : c'est plus pis, c'est beaucoup pis). ● pire nom masculin Ce qu'il y a de plus mauvais, de plus regrettable, etc. : Craindre le pire. S'attendre au pire. ● pire (citations) nom masculin Claude Aveline Paris 1901-Paris 1992 Le pire est l'ennemi du mal. Avec toi-même, etc. Mercure de France Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Mais dans l'art dangereux de rimer et d'écrire, Il n'est pas de degré du médiocre au pire. L'Art poétique Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire : Un vers était trop faible, et vous le rendez dur ; J'évite d'être long, et je deviens obscur. L'Art poétique Jean Dubuffet Le Havre 1901-Paris 1985 À nu ; toutes choses mises d'abord au pire. Prospectus et tous Écrits suivants Gallimard Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Les pires choses en général sont faites des meilleures qui ont mal tourné. Les diables sont faits d'anges. Fragments Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Ce que tu redoutes n'arrivera pas, il arrivera pire. Pensées d'un biologiste Stock William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Le pire n'est point tant que nous pouvons dire : « Voici le pire. » The worst is not ; So long as we can say : « This is the worst. » Le Roi Lear ● pire (expressions) nom masculin Au pire, dans le plus mauvais des cas. La politique du pire, stratégie fondée sur une aggravation systématique de la situation.
Pire
(Dominique Georges) (1910 - 1969) dominicain belge; fondateur d'organisations charitables. P. Nobel de la paix 1958.
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Pire
adj. et n. m.
d1./d Comparatif synthétique pouvant remplacer plus mauvais, lorsque ce mot n'est pas pris dans le sens de "fâcheux, impropre". Le remède est pire que le mal.
d2./d Superlatif. (Précédé de l'article défini ou de l'adjectif possessif.) Un gredin de la pire espèce. Ce sont les pires.
|| n. m. Ce qu'il y a de plus mauvais. S'engager pour le meilleur et pour le pire.
d3./d (Québec) Fam. (Sans valeur superlative.) Mauvais, difficile, détestable. Elle est aussi pire que sa soeur.
— Moins pire: mieux.
— Pas pire, pas trop pire, pas si pire: assez bon, assez beau, assez bien. Le film était pas pire.
— Pire que pire: très mauvais, très mal.
⇒PIRE, adj. et subst. masc.
I. —[Compar. de supériorité de l'adj. mauvais, surtout dans l'ordre moral] De plus mauvaise qualité, plus nuisible, plus pénible. Synon. pis1, plus mauvais; anton. meilleur.
A. —1. [En parlant de choses concr.] Ce vin-là est encore pire que le premier (Ac.).
— Proverbe. Il n'est pire eau que l'eau qui dort. V. dormir I B 1 b.
2. [En parlant de pers.] Pire qu'un démon; ni meilleur ni pire que les autres. Votre fille est donc pire que l'amadou, madame, que vous craignez qu'elle ne s'incendie en me touchant? (BALZAC, Cous. Pons, 1847, p.252). Un homme excellent et généreux (...), s'il n'était point tel, il n'y aurait pas dans le monde de pire canaille, de plus parfait filou (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p.77).
♦Proverbes. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
— [En parlant de l'état physique d'une pers.] —Ça va vous guérir (...). C'est un remède de première classe (...). —Ça ne peut pas la rendre pire? (...) Ça n'est pas du poison ni une affaire de même? (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p.204).
3. [En parlant de choses, de faits relatifs aux pers.: activité, affect, comportement, état moral, situation] La vie du médecin de campagne est pire en fatigue que celle d'un officier de cavalerie ou d'un postillon (BARB. D'AUREV., Memor. 4, 1858, p.106). Dans la vieille noblesse allemande, il n'y a pas pire réputation que celle du duc Gunther (BARRÈS, Cahiers, t.11, 1917, p.243). Stradella, d'une bonne humeur indécrottable, s'amusait de tout, riait des pires contretemps (ARNOUX, Rossignol napol., 1937, p.176).
— Proverbe. Le remède est pire que le mal. V. mal3 I A 2. Au fig. La solution adoptée a des conséquences néfastes, elle aggrave la situation au lieu de l'améliorer. Quand ce corps tremblant nous assiège, la colère n'est pas loin; et ce remède d'instinct est pire que le mal. Est-il rien de plus sot qu'un petit chien qui fait le terrible? (ALAIN, Propos, 1921, p.317).
Rem. Pire est rarement postposé hormis lorsqu'il est suivi du compl. du compar. V. cependant: Le vampire Qu'il paraît que fut l'homme pire Dont Saint-Ouen (...) Frémit encor (VERLAINE, OEuvres compl., t.3, Invect., 1896, p.395).
B. —En partic. [Empl. comme adj. se rapportant à une prop. ou à un pron. neutre; empl. rejeté des puristes mais qui tend à l'emporter sur pis1] Anton. meilleur, mieux. Jour de pluie incessante. Mer assez houleuse. Nombreux malades. De vieux coloniaux se plaignent: «Journée terrible; vous n'aurez pas pire» (GIDE, Voy. Congo, 1927, p.685). Mourir de honte est pire que le suicide (COCTEAU, Parents, 1939, I, 4, p.208):
• 1. ... comprendre une certaine catégorie de gens, et les plaindre, —ceux qui ont beaucoup d'argent, le jettent par la fenêtre, et avec cela ne parviennent pas à accrocher le bonheur. Ça, ça doit être encore pire que d'être sans argent et sans bonheur.
MONTHERL., Lépreuses, 1939, p.1393.
— [En incise] En outre et en plus mauvais, en plus défavorable. Synon. le pire (v. infra II), pis1, le pis1. Et pire; ou pire. Encor, si vous étiez des sapeurs de l'Empire, Des chasseurs de la garde, houssards, ou même pire, Soldats de Foy, de Masséna! (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.209).
Rem. Dans la lang. pop., pire que est parfois empl. avec la valeur de plus que + compl. du compar.: Je laisse dehors ma belle pelure de mécano bleue comme une lavande et propre pire qu'une eau de roche (GIONO, Baumugnes, 1929, p.52).
II. —[Superl. rel. de supériorité de l'adj. mauvais] Anton. le meilleur, le mieux.
A. —Le plus mauvais, la plus mauvaise (surtout dans l'ordre moral).
1. [En parlant de pers.] Les pires adversaires; la pire canaille. Inutile aux autres, impuissant pour moi-même, je ne crois plus en moi, je me hais comme mon pire ennemi (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p.48). Cette opinion de mes parents sur les relations de Swann leur parut ensuite confirmée par son mariage avec une femme de la pire société, presque une cocotte (PROUST, Swann, 1913, p.20).
— [P. ell. du subst.] Le restant [des prisonniers] (...) serait expédié vers Préneste, dans un camp de concentration (...). La chiourme, responsable de la garde de ceux-ci, serait choisie parmi les pires et dans leurs rangs (L. DAUDET, Sylla, 1922, p.145).
— [Suivi du compl. du superl.] Les pires d'entre nous/vous/eux. Les pires d'entre nous ne furent-ils jamais invisiblement bons? (MAETERL., Trésor humbles, 1896, p.208).
2. [En parlant de choses, de faits relatifs aux pers.: activité, affect, comportement, état moral, situation] Le pire excès; son pire défaut; la pire des choses; nos pires erreurs; de la pire espèce; la pire chose du monde, qu'on puisse imaginer, qui puisse arriver. Les choses réputées les pires (le mensonge, pour ne citer que celle-là) ne sont difficiles à faire que tant qu'on ne les a jamais faites (GIDE, Immor., 1902, p.404):
• 2. Ma pire crainte avait été qu'elle fût restée à Paris, partie à Amsterdam ou à Montjouvain, (...) qu'elle se fût échappée pour se consacrer à quelque intrigue dont les préliminaires m'avaient échappé.
PROUST, Fugit., 1922, p.431.
SYNT. Le/la/les pire(s) aberration(s), calamité(s), catastrophe(s), chose(s), condition(s), conséquence(s), danger(s), désastre(s), détresse(s), difficulté(s), douleur(s), épreuve(s), événement(s), excès, heure(s), injure(s), injustice(s), jour(s), mal, malheur(s), mensonge(s), misère(s), moment(s), outrage(s), solitude, solution(s), sottise(s), souffrance(s), torture(s), tourment(s), violence(s); au milieu des pires ennuis, difficultés; être capable des pires bêtises, folies, sottises; commettre les pires horreurs, imprudences, sottises.
Rem. ,,Si l'on admet le meilleur bon ami, le meilleur bon mot, etc., il faut admettre également le pire bon ami, le pire bon mot, etc.`` (GREV. 1975, § 364, note 2).
— [Le subst. est antéposé dans la prop.] De toutes les monotonies, celle de l'assertion est la pire (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.245).
— [Suivi du compl. du superl.] Le pire de ses malheurs. Elle n'éprouvoit que des remords arides et sans larmes, et une sorte de haine universelle qui s'étendoit (...) sur l'amant qui la méprisoit (...); mais plus encore (et c'étoit là le pire de ses tourmens) sur elle-même (COTTIN, Mathilde, t.1, 1805, p.153).
B. —Subst. masc. sing. à valeur de neutre [empl. contesté des puristes mais qui tend à l'emporter sur pis1] Le pire de. Ce qu'il y a de plus mauvais, de plus regrettable dans quelque chose, dans quelqu'un; ce qui peut arriver de plus fâcheux, de plus malheureux; le plus haut degré dans l'ordre du mauvais.
1. [Suivi du compl. du superl.] Le pire de l'affaire, de la chose, de l'histoire. Renoncé, renoncé c'est le pire de tout (PÉGUY, Myst. charité, 1910, p.140).
2. Absol. Craindre, envisager, éviter, imaginer, prévoir, voir le pire; mettre les choses au pire; s'attendre au pire; le meilleur et le pire; le pire, c'est de + inf./c'est que + ind. Dans une exposition comme celle-ci, on ne devrait admettre (...) que des chefs-d'oeuvre dans un genre où il n'y a véritablement pas de degré du médiocre au pire (JOUY, Hermite, t.3, 1813, p.346):
• 3. C'est l'âge aussi qui vient peut-être, le traître, et nous menace du pire. On n'a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité.
CÉLINE, Voyage, 1932, p.251.
3. Locutions
♦Allons au pire et, p.ell., au pire. En imaginant la situation, l'issue la plus défavorable, la plus fâcheuse. Allons au pire: à supposer que Ninon elle-même le congédiât, il aurait la consolation de demeurer à la grille, de savoir Ninon peu éloignée de lui, de l'apercevoir peut-être quelquefois à travers les barreaux (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p.154). Quérolle lui refait cent fois les mêmes calculs: «La vente de la villa... L'entretien de la vieille... Au pire, en admettant qu'elle dure cinq ou six ans, ça ferait encore un bénéfice de tant...» (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p.1038).
♦Caver au pire. V. caver2 A.
♦Être au pire. [En parlant (de l'état de santé) de qqn] Être dans l'état le plus grave, qui précède la mort. Agnès était au pire. Depuis deux ans, elle mourait lentement, étouffée par son sang qui mal employé revenait sur elle, trop lourd (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p.333).
♦Politique du pire. Politique consistant à attendre ou à provoquer une aggravation de la situation afin d'en tirer parti. —Ils te trouvent dangereux (...); ils disent que tu prêches la politique du pire, que tu veux saboter la reconstruction. —(...) c'est leur politique à eux qui est catastrophique (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.172).
♦Pour le meilleur et pour le pire. V. meilleur II B 1 b loc.
4. Proverbes. À force de choisir, on prend souvent le pire. V. choisir II B. Souvent qui choisit prend le pire. V. choisir II B.
Rem. gén. 1. Empl. à la place de pis1. a) Comme adv., pire se rencontre parfois à la place de pis1 mais dans la lang. pop. ou la lang. parlée parfois par effet de style: faire pire, voir pire, aller de mal en pire, de pire en pire, tant pire. Mon haricot de mouton s'est attaché. Bah! vous le mangerez brûlé, tant pire! (BALZAC, Goriot, 1835, p.232). b) Le pire comme superl. neutre au lieu de le pis: le pire de tout. 2. Pire compar. peut être renforcé par des adv. tels que bien, encore, peut-être, dix/cent fois (etc.) (voir GREV. 1961, § 365). 3. Pire n'étant pas toujours senti (notamment au Québec) comme un compar. ou un superl., moins pire, plus pire, aussi pire ou très pire peuvent apparaître dans la lang. pop. ou parlée: Même un fascisme très pire, c'est moins pire que d'être mort! (MALRAUX, Espoir, 1937, p.512). Si France périssait, déclara-t-il, ça serait comme qui dirait aussi pire pour le monde que si le soleil tombait (ROY, Bonheur occas., 1945, p.362). Pas pire (Canada). Pas mauvais, bon. —Pas pire, le chevreuil? —Pas pire? Parfait. Si j'osais, j'en reprendrais. J'avais une de ces faims (H. BERNARD ds Richesses Québec 1982, p.1727).
REM. Pirement, adv., vx, rare. De la façon la plus mauvaise, la plus défavorable; plus mal. Synon. pis1. Le «médaillonnet» consacré à Mallarmé fut particulièrement joli, mais d'une injustice qui révolta chacun de nous pirement que toutes blessures personnelles (VERLAINE, OEuvres compl., t.4, Poètes maud., 1884, p.37).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1119 adj. avec l'art. déf. ou un adj. poss.: superl. rel. de mauvais, la pire rüelete (PHILIPPE DE THAON, Comput, 133 ds T.-L.); b) ca 1165 subst. «ce qu'il y a de pire» De la bataille le peior (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 420 ds T.-L.); ca 1280 id. «le plus haut degré dans la catégorie du mauvais» du gieu le piere (Clef d'Amour, 1412, ibid.); 2. 1155 compar. de supériorité de mauvais, peior cas régime (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 4412). Du lat. pejor, compar. de malus «mauvais»; était d'abord une forme de cas suj. dont le cas régime peior, pieur (lat. ) a disparu au XVes. Fréq. abs. littér.:3126. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 1774, b) 2984; XXes.: a) 4919, b) 7223. Bbg. DAUZAT Ling. fr. 1946, p.299.
pire [piʀ] adj.
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I (Comparatif synthétique pouvant remplacer plus mauvais, quand cet adjectif n'est pas employé au sens de « défectueux »). Plus mauvais, plus nuisible, plus pénible.
1 Ainsi, pire, c'est plus mauvais; mais ces termes ne sont pas synonymes au point qu'on puisse toujours les choisir indifféremment. Si l'on dit, à son gré : « Votre excuse est pire (ou plus mauvaise) que votre faute », on ne peut pas dire : « Il a les yeux pires que son frère », il faut dire plus mauvais (Nyrop). Observation très juste mais incomplète; ajoutons ceci : l'obligation d'employer plus mauvais (et non pire) tient au fait que, dans l'expression (du degré positif) « avoir de mauvais yeux », mauvais est pris au sens propre (imparfait, de nature défectueuse); le seul comparatif juste est donc ici : plus mauvais.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1207.
♦ (Personnes). De qualité inférieure (dans l'ordre moral). || « Les femmes sont meilleures ou pires que les hommes » (La Bruyère). — Plus méchant, plus nuisible (→ Égaré, cit. 26). || Elle est pire qu'un diable. — Absolt. || L'aîné ne vaut pas grand-chose, mais le cadet est pire.
♦ (Choses). Plus dangereux, plus nuisible, plus pernicieux. || Il y a de mauvais exemples (cit. 9, Montesquieu) qui sont pires que les crimes. || Le remède est pire que le mal (→ Fâcheux, cit. 6; discréditer, cit. 3).
2 Comment un ruisseau vil est pire qu'un torrent.
Hugo, l'Année terrible, août 1870, III.
♦ Plus grave, plus douloureux, plus pénible : || « (…) il n'est pire misère Qu'un souvenir heureux (cit. 53, Musset) dans les jours de douleur ». (Littér., après le nom). || Partout ailleurs, il traînerait une détresse pire (→ Destinée, cit. 4, Martin du Gard). — || « Souvent la peur d'un mal (3. Mal) nous conduit dans un pire » (Boileau). ☑ Tomber d'un mal dans un pire (cf. De Charybde en Scylla). ☑ J'en ai eu, j'en ai vu de pires (→ 1. Capon, cit. 2).
3 Crois-moi, vous avez rendu la condition de l'homme pire que celle de l'animal.
Diderot, Suppl. au voyage de Bougainville, III.
REM. 1. Dans la langue parlée, plus mauvais est d'un emploi beaucoup plus courant que pire qui se rencontre surtout dans des expressions toutes faites, des adages : Il n'est pire eau que l'eau qui dort (→ Comme, cit. 23). Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
2. Pire peut être renforcé par bien (mais non par beaucoup), ou par un tour exprimant une multiplication : cent fois pire (→ Autocratie, cit. 1; image, cit. 55), mais jamais par plus. Plus pire, moins pire sont d'usage régional ou familier et plaisant.
3.1 … Ça n'va pas mieux… ça n'va pas plus pire…
Henri Monnier, Scènes populaires, t. I, p. 316.
3. L'emploi de pire avec un neutre ou un indéfini est contesté par quelques puristes, qui exigent ou préfèrent dans ce cas l'emploi de l'adverbe pis. → 2. Pis. Cependant on trouve chez de nombreux écrivains : rien de pire que… (→ Anarchie, cit. 2, Bossuet; détachement, cit. 6, Mauriac; ignorer, cit. 45, La Bruyère). Rien n'est pire qu'une marâtre (cit. 2, Gautier). Quelque chose de pire (→ Arriver, cit. 61, La Fontaine; gouvernement, cit. 28, Taine). Ce qui est pire (→ Mauvais, cit. 17, R. Rolland).
4 Un homme nul est quelque chose d'effroyable; mais il y a quelque chose de pire, c'est un homme annulé.
Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, Pl., t. I, p. 260.
5 Ce n'est pas un titre d'être jeune. — Vous n'êtes pas vieux ! — C'est pire : ça vient. Et ce n'est pas beau, pour un pitre, de vieillir.
J. Anouilh, Ornifle, I.
4. Pire ne peut jamais être employé comme adverbe : le tour aller de mal en pire, est incorrect, et tant pire constitue un barbarisme (qui se rencontre dans la langue populaire).
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1 Adj. Le plus mauvais. || Les pires gredins (→ Éclore, cit. 10). || Les pires passions (→ Asile, cit. 23). || Toutes les ardeurs, les plus hautes et les pires (→ Brûler, cit. 43). || La calomnie (cit. 2) est la pire espèce de mensonge. || Un voyou de la pire espèce. || S'embourber (cit. 4) dans la pire sottise. || Les pires blasphèmes (cit. 5). || « La langue (cit. 4) est la pire chose qui soit au monde » (La Fontaine). || « Mais elle était du monde où les plus belles choses Ont le pire destin » (cit. 13, Malherbe). — Le pire des malheurs (→ Faible, cit. 23). || La pire des duperies (cit. 3), de toutes les jalousies (cit. 22). || Le pire de tous les despotismes (cit. 5), de tous les gouvernements (→ Aristocratie, cit. 2). || Le pire que… (cit. 8, Mauriac). — Une tentation aussi violente que les pires (→ 1. Pensée, cit. 39). — REM. Pire, superlatif, peut être introduit par un possessif : nos pires erreurs (→ Couvrir, cit. 30), ou un démonstratif : ce pire ennemi de notre pays.
6 Vous êtes pires que les pires d'entre eux.
R. Rolland, Jean-Christophe, Nouv. journée.
7 Le travail est la meilleure et la pire des choses : la meilleure, s'il est libre; la pire, s'il est serf.
Alain, Propos, 28 août 1922, Heureux agriculteurs.
8 Le sort qui m'attendait, le pire que j'eusse imaginé, m'était inconnu.
F. Mauriac, la Pharisienne, IX.
9 Il commettait alors les pires imprudences pour aller se faire gâter par les sœurs de l'infirmerie, et il n'attrapait jamais rien.
F. Mauriac, les Anges noirs, XIX.
2 N. m. (Au sing., sens neutre). || Le pire de… : ce qu'il y a de plus mauvais en… — REM. L'emploi de pis, recommandé en ce cas par certains grammairiens, est de moins en moins usuel. → 2. Pis. || Le pire de l'affaire, de l'histoire, c'est que… || Le pire de tout (→ Opportunisme, cit. 2).
10 Des gens d'esprit comme lui — Talleyrand — ne mettent jamais le pire de leur pensée ou de leur vie dans des papiers écrits.
Sainte-Beuve, Correspondance, t. II, p. 364.
11 C'est le pire des conditions basses qu'elles nous font voir les êtres sous l'aspect de l'utilité et que nous ne cherchons plus que leur valeur d'usage.
F. Mauriac, Genitrix, III.
♦ Absolt. Les choses les plus mauvaises, les plus dangereuses. ☑ Le meilleur et le pire (→ Écarteler, cit. 8). || Époux unis pour le meilleur et pour le pire. || « Il n'est point de degré du médiocre au pire » (→ Écrire, cit. 58, Boileau). — Le pire, c'est que… (→ Inappétence, cit. 2). || Le pire est de… (→ Main, cit. 45). — Craindre, envisager (cit. 15) le pire (→ Détente, cit. 4). || Les pessimistes (cit. 2) ont la crainte constante du pire. || S'attendre (→ Chômer, cit. 4), consentir au pire (→ Fuite, cit. 7). — ☑ La politique du pire, celle qui consiste à escompter, à rechercher le pire pour en tirer parti.
12 Leur faveur est glissante, on s'y trompe; et le pire,
C'est qu'il en coûte cher (…)
La Fontaine, Fables, X, 9.
13 J'étais très soucieux car ma panne commençait de m'apparaître comme très grave, et l'eau à boire qui s'épuisait me faisait craindre le pire.
Saint-Exupéry, le Petit Prince, VII.
14 De quoi me sert ce peu de science ? Vais-je imaginer le meilleur, alors que je connais le pire ?
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, V, I.
15 (…) on est forcé de s'avouer : « le pire n'est pas arrivé » (…) Le pire, qui s'apprêtait à rouler sur nous en faisant tout craquer (…) le pire est tombé en panne (…) Mais a-t-il fait demi-tour ensuite ? Est-il définitivement reparti ? Est-ce parce qu'on a pris le mauvais pli de la crainte, qu'on croit toujours entendre au loin (…) le brinqueballement, le ferraillement du pire (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XIX, I, p. 7.
16 C'est toi tu vas tu viens et je suis ton empire
Pour le meilleur et pour le pire
Et jamais tu ne fus si lointaine à mon gré
Aragon, les Yeux d'Elsa, p. 63.
17 Le pire était qu'à rêver sans cesse, il oubliât la moitié du temps de boire et de manger (…)
M. Aymé, les Contes du chat perché, p. 35.
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CONTR. Meilleur, mieux.
COMP. Empirer.
Encyclopédie Universelle. 2012.