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DIAPASON
DIAPASON

Dans la théorie de l’ancienne musique grecque, diapason désignait l’intervalle d’octave. Non seulement cette acception a tout à fait disparu, mais le sens actuel de ce terme semble n’en être aucunement dérivé. Apparemment, on a tiré du mot grec ancien l’idée d’une norme permettant à tous les instruments de s’accorder à même hauteur pour pouvoir jouer ensemble. «Diapason» a donc désigné vers 1690 un instrument qui permet à tous les autres, en faisant entendre une note témoin, de s’accorder uniformément sur cette note. Par dérivation, celle-ci étant habituellement le la 3, on en est venu à parler de «la du diapason», puis de «diapason» tout court. Mais ce n’est qu’au terme d’une lente évolution que la note témoin a pris la valeur normalisée qu’on lui attribue aujourd’hui, et qui reste d’ailleurs beaucoup plus théorique que réelle.

Avant le diapason

Les musiques anciennes, comme les primitives, ignorent la notion de diapason. Le chanteur chante à sa hauteur de voix, l’instrumentiste fabrique ou accorde son instrument selon des méthodes empiriques. Les intervalles sont l’objet de soins jaloux, non le choix du son initial. La notion de hauteur absolue se ramène surtout à une préoccupation de tessiture: un chant «aigu» entonné en «voix de tête» n’a pas le même caractère qu’un chant «grave» entonné en «voix de poitrine» ou qu’un chant «moyen» pris en «voix de gorge». Cette classification en trois «registres» apparaît très tôt et tient lieu pour longtemps de «diapason». Associée à des types mélodiques particuliers, elle est peut-être à l’origine de la classification de la musique grecque ancienne en trois «tons» fondamentaux: le lydien aigu, ton des lamentations, le phrygien moyen, ton des exhortations guerrières, le dorien grave, ton des hymnes religieuses et des chants lents et dignes. Plus tard, cet échelonnement des trois tons fondamentaux fut codifié (on en fixa la distance à un ton l’un de l’autre) et complété par d’autres tons dont l’histoire est mouvante: échelonnés les uns par rapport aux autres, ils portèrent tous des noms et atteignirent à l’époque alexandrine le nombre de quinze, mais ne comportèrent jamais la moindre référence à un point de départ absolu.

Ce point de départ absolu, seuls, semblet-il, les anciens Chinois et Japonais tentèrent de le capter, les premiers en construisant des instruments témoins, ou liu , cloches ou tubes de bambou conservés au palais impérial, les seconds en fixant des mensurations précises de longueur et de perce à des tubes de flûtes. Mais cette précaution était limitée à la musique rituelle; hors de celle-ci, la hauteur relative régnait.

Le Moyen Âge ignora toute notion de diapason. La notation musicale, qui se développa rapidement à partir du IXe siècle, ne désignait que des rapports d’intervalles sans hauteur absolue. Les instruments étaient accordés aux hauteurs les plus arbitrairement différentes. Lorsqu’il y avait deux orgues dans une église, celui du chœur était normalement accordé plus bas que celui de la tribune, l’un étant destiné au solo, l’autre ne devant pas fatiguer la voix des chantres qu’il avait pour mission de soutenir: cet usage demeura en vigueur jusqu’au XVIIIe siècle et quelquefois même au-delà.

La double nomenclature

Lorsque, au XIe siècle, Gui d’Arezzo inventa les syllabes ut, ré, mi , etc., ce ne fut pas pour remplacer les noms alphabétiques des notes A, B, C, etc., qui existaient depuis deux siècles environ, mais bien pour les compléter selon des conventions très différentes de l’emploi actuel des mêmes syllabes. Celles-ci avaient pour objet de suggérer les intervalles en les dissociant des touches du clavier qui les produisait. Les lettres – qu’on appela justement claves (clefs) – désignaient la touche du clavier; les syllabes s’y ajoutaient de façon variable selon le déroulement de la mélodie. On solfiait selon les syllabes – donc en hauteur rigoureusement relative, la même touche C pouvant s’appeler selon les cas ut , fa ou sol ; on touchait le clavier selon les lettres, le C restant toujours la «clef» de notre do actuel. Cela ne signifiait pas «hauteur absolue» car la valeur en fréquence de ce C restait indéterminée, mais c’était toujours la touche C, qu’on la solfiât ut , fa ou sol . On passait constamment, en cours de lecture, d’un groupe de syllabes à un autre par un procédé qu’on appelait muance ou mutation . Ce procédé, fort compliqué, disparut au XVIIIe siècle, et on fixa une fois pour toutes la correspondance entre syllabes et «clefs». Mais alors se produisit un malentendu qui n’est pas encore dissipé. On pensa que lettres et syllabes se doublaient inutilement et qu’il suffisait de choisir l’un ou l’autre: les Anglo-Saxons choisirent les lettres, les Latins préférèrent les syllabes. Mais ce faisant, ces derniers donnèrent aux syllabes la valeur qu’avaient précédemment les lettres : ils leur firent désigner une fois pour toutes les touches correspondant à l’ancien «heptacorde naturel»: C = do , D = , etc. Comme, après 1859, la hauteur absolue des touches se vit normalisée par l’invention du diapason fixe, il en résulta que les syllabes prirent à leur tour, aux yeux de la plupart des musiciens, un sens de hauteur absolue qu’elles n’avaient nullement auparavant, et qu’il ne resta plus aucun moyen distinct de solfier en hauteur relative. Ce fut une faute très grave dont notre pédagogie supporte aujourd’hui le lourd héritage. Les Allemands abandonnèrent les syllabes et conservèrent les lettres: celles-ci n’ayant jamais précédemment servi à solfier, ils n’en changèrent pas la destination et se privèrent ainsi de la possibilité d’un solfège pratique; nouvelle faute, différente de la précédente, mais tout aussi grave. Les Anglais furent, relativement, plus avisés: adoptant les lettres pour les touches et, plus tard, pour la hauteur absolue, ils conservèrent les syllabes pour la seule hauteur relative: un la anglais n’est donc pas 435 ou 440 hertz, c’est le 6e degré de la gamme majeure, quelle qu’en soit la tonique. Cette adaptation moderne du système ancien, appelée tonic sol-fa , fut mise au point vers 1850 par John Curwen. Elle reste cependant trop sommaire pour rendre service au-delà de l’éducation élémentaire. Ce système a été perfectionné vers 1940 par Kodály et se trouve à la base de l’éducation chorale en Hongrie. Plus compliqué que le système anglais, il est aussi plus efficace et particulièrement formateur. Il aboutit pratiquement à permettre de chanter à volonté soit les lettres en hauteur absolue (avec des conventions spéciales pour les notes altérées), soit les syllabes en hauteur relative. Ainsi, seule la solmisation par lettres est justifiable du diapason.

La transition

Alors que jusqu’au XVIIIe siècle l’usage des syllabes resta totalement indépendant de la hauteur réelle, par celui des «clefs», c’est-à-dire des touches du clavier (et par analogie de l’accord ou des doigtés des autres instruments), on semble avoir recherché à partir du début du XVIIe siècle, non pas encore une hauteur réelle définie, mais du moins une certaine zone commune de tessiture. Cela se fit progressivement et a laissé des traces néfastes jusque dans nos usages actuels. Pour certains instruments, principalement à vent, on prit l’habitude d’appeler do , quelle qu’en soit la fréquence, la note de base servant à leurs doigtés, de sorte qu’une même note était par exemple appelée do pour un hautbois et fa pour un cor anglais, ou encore do pour une trompette et pour une autre. Cette sottise est encore en vigueur; on s’est borné à la formuler différemment en disant qu’en ce cas la trompette «est en » et qu’elle «transpose», ce qui n’était pas du tout la notion ancienne.

La multiplication des instruments à clavier d’une part, des «bandes» ou orchestres réguliers d’autre part, obligea à convenir d’un mode d’accord, amorce du futur diapason. Les «clefs» alphabétiques commençant par la lettre A (la ), on convint généralement de prendre le la comme référence, mais on ne disposait d’aucun moyen de le codifier objectivement. C’est pourquoi l’usage commun établi par convention tacite ne fut pas celui d’une hauteur définie mais d’une zone commune plus ou moins large dans laquelle se situait le son de référence, le la (A) de l’octave moyenne, qu’on appellera plus tard le la 3.

Ainsi s’explique le paradoxe de deux données apparemment contradictoires: d’une part, que l’on puisse avec raison parler de l’«évolution du diapason» du XVIIe siècle à nos jours, en y relevant un phénomène aussi constant que sa «montée» progressive; d’autre part, que l’on puisse avec tout autant de raison observer que, jusqu’au milieu du XIXe siècle, il n’y avait pas deux diapasons identiques, le la variant non seulement d’un pays ou d’une ville à l’autre, mais encore, dans la même ville, d’une formation à une autre. C’est ainsi qu’à Versailles, au XVIIIe siècle, nous savons par un diapason conservé, à double graduation, qu’il y avait environ un demi-ton d’écart entre le «ton de la chapelle» (le plus haut) et le «ton de l’opéra».

Le diapason matérialisé

C’est, semble-t-il, à la fin du XVIIe siècle que l’on songea à confier à un instrument témoin spécialisé, et non plus à l’un des instruments du groupe, le soin de faire entendre le son de référence auquel facteurs, accordeurs ou exécutants auraient mission de s’accorder. En raison de l’extrême variabilité des usages, on se servit le plus souvent d’un instrument étalonné non pas lors de sa fabrication, mais empiriquement sur place, et dans la plupart des cas de «flûtes d’accord», dites également «diapasons à pompe», sorte de tuyau d’orgue ou de flageolet sans trous, fermé par un corps de pompe mobile et coulissant, susceptible d’être gradué.

Aux environs de 1711, le luthiste anglais John Shore imagina le modèle à fourchette d’acier encore en usage aujourd’hui. Plus récemment, on a fabriqué des «diapasons à bouche», petits tubes cylindriques porteurs d’une anche libre. Mais la découverte la plus importante en ce domaine fut sans doute celle de l’acousticien Joseph Sauveur qui, en 1701, établit une méthode permettant de compter les vibrations, et par là de sortir de l’empirisme qui avait seul régné jusqu’alors; sa découverte demeura malheureusement, durant près de cent cinquante ans, confinée dans les milieux fermés des spécialistes sans que les musiciens s’y intéressent. C’est ainsi que jusqu’au milieu du XIXe siècle on ne se servit de cette possibilité qu’à titre de contrôle a posteriori, non systématique: de temps à autre un physicien relevait l’usage d’un diapason à tel endroit et le notait à titre documentaire, sans que cette connaissance jouât un rôle quelconque dans la pratique. Ces observations font apparaître, quel que soit le point de départ observé (qui peut être, à une même date, très variable d’un lieu à un autre), une montée. À l’Opéra de Paris, le la du diapason était en 1704 plus bas que notre la bémol (405,3); en 1810, il était à mi-chemin entre la bémol et la (423), mais, en 1830, il avait atteint la hauteur actuelle (440), qu’il dépassait en 1858 (449). Au temps de Bach, les orgues de Weimar étaient plus près de notre si bémol que de notre la . On ne peut donc généraliser des notions hâtives telles que «le diapason ancien était plus bas que le nôtre».

Cette hausse constante du diapason finit par inquiéter les chanteurs. En 1812 déjà, alors pourtant que le diapason de l’Opéra était un quart de ton plus bas que l’actuel, le directeur du Conservatoire de Paris, Bernard Sarrette, avait tenté d’imposer un diapason pris par moyenne entre les divers la relevés à Paris. L’affaire fut reprise en 1858. Une commission ministérielle fut nommée, et entreprit une enquête internationale qui révéla un écart de plus d’un ton entre les la extrêmes échelonnés de 455,5 (Bruxelles) à 434 (Londres). La commission proposa la valeur de 435 qui devint obligatoire en France à partir de l’année suivante par arrêté ministériel et fut internationalisé en 1885 par un congrès à Vienne.

Le diapason normalisé

C’est donc seulement depuis 1859-1885 que l’on peut donner au mot «diapason» un sens précis. Néanmoins, même après sa normalisation officielle, le phénomène d’ascension déjà signalé continua à se produire, bien que moins brutalement. Le diapason de Beethoven, conservé à Vienne, donnait un la de 427. Des relevés en 1938 montrèrent, à Paris, une moyenne de 440 à 442; aux États-Unis 445; en Angleterre 451; en Autriche on atteignait le si bémol: 460,85, et on le dépassait à Prague (467,5). Un congrès international se réunit à Londres en 1939, qui décida de porter le diapason officiel à 440, à une température de 20 0C, alors que le précédent était prévu pour une température de 15 0C. Mais le diapason recommença à monter, et cela de façon de plus en plus rapide. Une majorité de physiciens préconisa sur critères numériques un la de 432, objet en 1950 d’un vœu de l’Académie des sciences française qui ne fut suivi d’aucun effet. Une campagne dans le même sens, fondée sur l’autorité de Verdi, fut menée en 1988 et donna lieu à une proposition de loi au sénat italien.

La montée constante du diapason a des causes très diverses qui ont été souvent étudiées; les unes sont d’ordre physique: accord des cordes par quintes, sollicitant une montée des intervalles, la quinte naturelle étant légèrement plus haute que la quinte tempérée; échauffement en cours d’exécution des instruments à vent, qui produit de façon insensible mais constante une montée générale par suite de l’échauffement de la colonne d’air. Causes psychologiques surtout: les solistes désirent être accordés très légèrement au-dessus de l’accompagnateur, ce qui leur donne une impression de brillance fort agréable, mais déchaîne inconsciemment un processus de chaîne sans fin, l’orchestre désirant, inconsciemment lui-même, rattraper le soliste, etc. La construction des instruments s’inspirant naturellement des normes en usage, une baisse du diapason semble éminemment souhaitable mais très difficile à réaliser pour le répertoire courant, aussi bien en raison de la facture des instruments existants que des résistances psychologiques qu’elle ne peut manquer d’entraîner. Ce problème est particulièrement grave en ce qui concerne le théâtre lyrique.

La situation est différente pour les ensembles instrumentaux dits baroques qui se sont multipliés depuis les années cinquante. Devant les difficultés engendrées par un diapason trop haut pour les instruments anciens ou leurs copies, les musiciens de ces ensembles ont pris l’habitude de s’accorder autour de 415, soit un demi-ton environ au-dessous du diapason usuel. Le seul tort de ce diapason très bas est d’être présenté comme «le diapason ancien» à valeur historique, appellation que rien, on l’a vu, ne peut justifier. Ce malentendu n’affecte cependant pas l’intérêt de l’entreprise, encore discutée, mais jugée positive par le plus grand nombre.

On rapelle que, pour le la théorique officiel actuel de 440, le la bémol tempéré se situe à 410 et le si bémol à 461.

diapason [ djapazɔ̃ ] n. m.
• déb. XIIe, rare av. XVIIe; mot lat. « octave », gr. dia pasôn (khordôn) « par toutes (les cordes) »
1Mus. Étendue des sons que parcourt une voix ou un instrument, du plus grave au plus élevé. registre.
2Son de référence (la3) utilisé pour l'accord des voix et des instruments. Le diapason a été fixé à 440 Hz en 1939. Mettre un instrument au diapason, l'accorder.
3(av. 1705) Fig. Degré auquel se trouvent, à un moment donné, les dispositions d'une personne, d'un groupe. niveau, 2. ton. (Surtout au, à un diapason ) Il n'est plus au diapason (de la situation). Être, se mettre au diapason de qqn, se conformer, s'adapter à sa manière de voir, de sentir. Les enfants avaient « monté leurs sentiments à un diapason tel qu'il leur était impossible de les y maintenir dans la réalité » (R. Rolland).
4(1819) Cour. Instrument métallique, en forme de fourche à deux branches, qui donne le la lorsqu'on le fait vibrer en le frappant. « mon oreille exercée, comme le diapason d'un accordeur » (Proust).
Petit instrument à vent en forme de sifflet qui sert au même usage.

diapason nom masculin (bas latin diapason, du grec dia pasôn khordôn, à travers toutes les cordes) Note dont la fréquence sert de référence pour l'accord des voix et des instruments. Appareil producteur de cette note. Oscillateur à deux branches en forme de U d'un appareil horaire, vibrant à une fréquence plus stable que les dispositifs à balancier-spiral. Correspondance conventionnelle établie, dans un diagramme ou un cartogramme, entre le type de hachures ou la couleur et les tranches de valeur des statistiques représentées. ● diapason (expressions) nom masculin (bas latin diapason, du grec dia pasôn khordôn, à travers toutes les cordes) Être, se mettre au diapason, dans une disposition d'esprit conforme aux circonstances, en harmonie, en accord avec l'attitude ou les opinions d'autrui.

diapason
n. m. MUS
d1./d étendue des sons que peut parcourir une voix ou un instrument, de la note la plus grave à la plus aiguë.
d2./d Petit instrument composé d'une lame d'acier recourbée et qui, mis en vibration, produit la note la.
d3./d Fig. Se mettre au diapason de qqn, adopter le même ton, la même attitude que lui.

⇒DIAPASON, subst. masc.
A.— [P. réf. à un système ou à un élément concr.]
1. [P. réf. à un système]
a) MUS. Échelle des sons que peut produire une voix ou un instrument déterminé, du son le plus grave au son le plus aigu. (Quasi-)synon. registre. Cet air sort du diapason de la voix (Ac. 1798-1932). Francœur a intitulé « Diapason général des voix et des instruments » un tableau réunissant l'étendue comparée de chacun d'eux (BRENET, Dict. prat. et hist. mus., 1926, p. 115) :
1. Si, dans cinquante ans d'ici, on remonte encore le diapason de trois autres quarts de ton, et que, d'après le conseil fort sage que donne le musicien dont je viens de citer l'avis, on écrive les parties vocales, entre les deux notes extrêmes qui forment le diapason forcé des chanteurs, n'y aura-t-il pas incohérence sensible pour l'oreille entre le chant et l'accompagnement?
DELÉCLUZE, Journal, 1824, p. 75.
P. métaph. Mais ma tête, montée au ton d'un instrument étranger, était hors de son diapason : elle y revint d'elle-même; et alors je cessai mes folies (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 58).
b) P. ext. [Surtout à propos de la parole] Ton, tonalité. Parler sur un diapason bas et sourd (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 82). Une brutalité (...) due aussi au diapason qu'il devait prendre pour se faire entendre d'elle [la vieille] (GIDE, Faux monn., 1925, p. 1060). L'œuvre [Tristan et Iseut], qui fut jouée sur un excellent diapason modéré (COLETTE, Jumelle, 1938, p. 127).
[Avec un compl. prép. de] Les commères causaient et riaient sur un diapason de dispute (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 643).
2. [P. réf. à un élément]
a) MUSIQUE
) Son de fréquence donnée servant de référence (la de l'octave moyenne). Remonter le diapason (cf. ex. 1). L'élévation progressive du diapason est une cause de ruine pour les plus belles voix (BERLIOZ, À travers chants, 1862, p. 290). L'assemblée a adopté le diapason de 870 vibrations par seconde pour le « la » d'orchestre à la température de +15 degrés centigrades (SCHMITT, SIMON, GUÉDON, Nouv. manuel organiste, 1905, p. 190).
Mettre un instrument au diapason. Accorder un instrument en fonction du son de référence. D'un grattement du pouce il en [du violon] fit vibrer toutes les cordes, qu'ensuite, l'oreille tendue, il mit au diapason (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 64).
) P. méton. Instrument qui donne le la de référence.
Instrument se présentant sous la forme d'une fourche vibrante à deux branches. Les vibrations d'un diapason; faire vibrer un diapason. [Le] diapason qui, lorsqu'on le frappe, donne un son d'une justesse fondamentale (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 239). Point de diapasons, point de métronomes (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 146) :
2. Quand un diapason vibre, ses vibrations se transmettent à l'air environnant, et, si dans le voisinage se trouve un diapason d'accord avec le premier, il entre à son tour en vibration.
POINCARÉ, La Théorie de Maxwell et les oscillations hertziennes, 1899, p. 29.
P. compar. Le pas fin et pur du cheval monté que les étriers en tintant accompagnent parfois de leur timbre de diapason (MORAND, Extrav., 1936, p. 17). Les libellules vibraient comme des diapasons d'or transparent (ARNOUX, Calendr. Fl., 1946, p. 174).
Plus rarement. Petit instrument à vent (généralement du type de l'harmonica). Le droguiste souffle dans son diapason (GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, II, 5, p. 135).
) P. anal., domaine de la fabrication des instruments de mus.
[Orgue] Rapport entre la longueur et le diamètre d'un tuyau. Des tuyaux d'un diapason encore plus étroit, ce sont ceux qui servent pour les jeux de voix célestes et d'éoline (SCHMITT, SIMON, GUÉDON, Nouv. manuel organiste, 1905 p. 173).
P. méton. Barème qui donne les dimensions de tous les jeux de l'orgue. On dresse, sous le nom de D[iapasons], pour chaque sorte de jeux [d'orgue], des tableaux contenant tous les chiffres relatifs aux dimensions des tuyaux et au débit de l'air employé dans un espace de temps et sous une pression donnés (BRENET, Dict. prat. et hist. mus., 1926, p. 115) ).
[Instruments à cordes] Longueur de la partie vibrante d'une corde. Cf. BOUASSE, Cordes et membranes, 1926, p. 278; HUBERSON, Nouv. manuel accord. et répar. pianos, 1926, p. 38.
b) P. anal., TOPOGR. Un diapason est constitué par 2 lignes parallèles, tracées sur une bande de papier. On dessine, soigneusement entre ces lignes, les types de hachures correspondant aux 12 pentes caractéristiques, on le promène sur la carte et quand on obtient la coïncidence entre les hachures, on en déduit la pente (La Pédale, 16 nov. 1927, p. 25, col. 1).
B.— Au fig. Niveau, degré plus ou moins élevé (qu'ont atteint ou auquel se trouvent les dispositions, l'état d'esprit d'une personne). L'exaltation maternelle de Rosita se maintint, pendant le premier mois, au diapason le plus élevé (L. HALÉVY, Criquette, 1883, p. 85). Les deux enfants avaient (...) monté leurs sentiments à un diapason tel qu'il leur était impossible de les y maintenir dans la réalité (ROLLAND, J.-Chr., Matin, 1904, p. 157).
(Être, mettre, se mettre) au diapason (de qqn, qqc). (Être, mettre, se mettre) dans une disposition conforme (aux circonstances) ou en harmonie avec (les dispositions d'autrui).
♦ [Avec compl. prép. de] Je remercierai Hipp L. sans chaleur, pour être à son diapason (HUGO, Corresp., 1862, p. 394). Tu te mets volontiers au diapason du milieu dans lequel tu te trouves (GIDE, Journal, 1914, p. 441). Se remettre au diapason de la ville (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 102).
♦ [Sans compl. prép. de] Renseigné par un premier coup d'œil sur les physionomies, le vieux parlementaire comprit qu'il n'était pas au diapason (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 13) :
3. Aufrère est un type! Intelligent mais plus encore ambitieux. Ses boutades! Ses réticences! Impénétrable, à son dire; d'ailleurs caustique et brûlant d'esprit. Il est savant et m'explique, non sans raillerie, mille et mille choses passionnantes. Je me suis mis au diapason; je blague.
DUHAMEL, Journal de Salavin, 1927, p. 71.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1762. Pour GRAMMONT Prononce 1958, p. 32 ce mot se prononce []. Qq. occurr. de diapazon, v. p. ex. JOUBERT, Pensées, t. 2, 1824, p. 114. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 dijapason « étendue des sons que la voix peut parcourir, de la note la plus grave à la plus aiguë, octave » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 4996), rare jusqu'au XVIIe s. (XIIIe s. ds GDF., s.v. diapenté; XIVe s. ORESME, Livre du ciel et du monde, éd. Menut-Denomy, p. 480; COTGR. 1611); av. 1705 au fig. (REGNARD, Bel., sc. 9 ds DG : Nul ne sait de l'amour mieux le diapason); 2. 1690 p. ext. « hauteur relative d'un son dans une échelle sonore » (FUR.); 1819 en partic. « instrument à deux branches, en forme de U » (BOISTE). Empr. au b. lat. diapason « octave » (gr. c'est-à-dire ( ) « l'échelle de toutes les notes, l'octave »). Fréq. abs. littér. :116. Bbg. GOHIN 1903, p. 369. — GOTTSCH. — Redens. 1930, p. 339.

diapason [djapazɔ̃] n. m.
ÉTYM. V. 1150, dijapason; rare avant le XVIIe; lat. diapason « octave », grec diapasôn, de dia pasôn (khordôn), littéralt « par toutes (les cordes) », qui désignait l'octave.
1 Mus. a Étendue des sons que parcourt une voix ou un instrument, du ton le plus grave au plus élevé. Registre. || Le diapason de la clarinette a cinq ou six notes de plus que celui de la flûte.
b Son de référence, utilisé pour l'accord des voix et des instruments (en Occident, le la de l'octave moyenne : la 3); fréquence de ce son. || Mettre au diapason. Diapasonner. || La montée progressive du diapason depuis le XVIIe siècle. || Le diapason baroque (utilisé de nos jours pour jouer la musique baroque); le diapason classique. || Fixation du diapason à 435 Hz (1859), 440 Hz (1939).
Fig. Fam. et vieilli. Ton. || « Un diapason bas et sourd » (Sand, in T. L. F.). || Un diapason de dispute (→ Commerce, cit. 3).Loc. Hausser, baisser le diapason : augmenter, diminuer ses prétentions.
2 (1819). Mus. et cour. Petit instrument d'acier, en forme de fourche, qui donne le la lorsqu'on le fait vibrer (→ ci-dessus, 1., b.).
1 (…) mon oreille exercée, comme le diapason d'un accordeur.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IX, p. 85.
Petit instrument à vent du type de l'harmonica, qui sert au même usage.
Techn. Module qui permet aux fondeurs de déterminer les dimensions et le poids qu'ils doivent donner aux cloches.
3 (1705). Fig. Degré auquel se trouvent, à un moment donné, les dispositions d'une personne, d'un groupe. Niveau, ton. || Prendre le diapason d'un groupe.(Surtout : au, à un diapason). || Il n'est plus au diapason (de la situation).Être, se mettre au diapason de qqn, se conformer, s'adapter à sa manière de voir, de sentir ( Accord).
2 Il faut que je prenne d'abord le diapason de ceux que je veux forcer personnellement à se mettre au mien.
Mirabeau, in Barthou, Mirabeau, p. 257.
2.1 Comme il arrive souvent entre deux êtres dont les destinées complices ont élevé l'âme à un égal diapason, — engageant la conversation assez brusquement, — il eut néanmoins le bonheur bizarre de trouver une personne disposée à l'écouter et à lui répondre.
Baudelaire, la Fanfarlo.
3 Le mode de publication en feuilletons, qui obligeait, à chaque nouveau chapitre, de frapper un grand coup sur le lecteur, avait poussé les effets et les tons du roman à un diapason extrême, désespérant, et plus longtemps insoutenable.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 2 sept. 1850, M. de Balzac.
4 C'étaient des croyants absolus; le monde, qui n'était plus à leur diapason leur semblait vide et enfantin.
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, V.
5 (…) il se sentait au diapason avec ce jeune, et préoccupé uniquement des mêmes questions, tout le reste ne comptant plus.
Loti, les Désenchantées, VI, XL, p. 218.
6 La vérité était que les deux enfants avaient, depuis huit jours, en l'absence l'un de l'autre, monté leurs sentiments à un diapason tel qu'il leur était impossible de les y maintenir dans la réalité, et qu'en se retrouvant, leur première impression devait être une déception : il en fallait rabattre. Mais ils ne pouvaient se résoudre à en convenir.
R. Rolland, Jean-Christophe, « Le matin », II.
DÉR. Diapasonner.

Encyclopédie Universelle. 2012.