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mûrir

mûrir [ myrir ] v. <conjug. : 2>
• mil. XIIIe mëuri p. p. adj.; de mëur (→ mûr); a évincé l'a. fr. meürer (1119), du lat. maturare, devenu hom. de murer
I V. tr.
1Rendre mûr. « Seul, un ensoleillement prolongé peut mûrir le raisin » (Taillemagre).
2Fig. Mener (une chose) à point en y appliquant sa réflexion. approfondir. Mûrir une pensée. méditer, réfléchir (sur). Mûrir un projet. mijoter, préparer. « Que m'importent les dons, chez qui ne sait pas les mûrir ? » (A. Gide).
3Donner de la maturité d'esprit à. Les épreuves l'ont mûri avant l'âge. « Car je suis un homme fait : les dégoûts m'ont mûri » (Senancour).
4Arg. Se mûrir : s'enivrer.
II V. intr.
1Devenir mûr, venir à maturité. Fruit qui commence à mûrir. maturation. Les blés mûrissent. grandir. Faire mûrir précocement. forcer.
2Méd. Devenir mûr. Abcès qui mûrit.
3Fig. Se développer, atteindre son plein développement. Ce projet a mûri dans son esprit. Laisser mûrir une idée.
4Acquérir de la maturité d'esprit, de la sagesse. Elle a mûri pendant son séjour à l'étranger. « Les bons mûrissent. Les mauvais pourrissent » (Hugo).
⊗ CONTR. Avorter.

mûrir verbe intransitif (de mûr) Devenir mûr ; arriver à maturité : Des fruits qui mûrissent au soleil. Évoluer, arriver à un stade qui puisse amener un résultat favorable : Il faut attendre que cette idée mûrisse. Prendre, acquérir de la sagesse, de l'expérience : Son esprit n'a pas mûri. Arriver au maximum de son développement, en parlant d'un abcès. Perdre sa verdeur, en parlant du vin. ● mûrir (citations) verbe intransitif (de mûr) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Mûrir, mourir ; c'est presque le même mot. Tas de pierres Éditions Milieu du monde Henri Michaux Namur 1899-Paris 1984 Tout ce qui mûrit s'emplit de brigands. Tranches de savoir Cercle des Arts Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz, dit O. V. de L. Milosz Tchereïa, Lituanie, 1877-Fontainebleau 1939 Le ciel tiède et pâle de la pensive contrée qui s'ouvre devant nous a toutes les fraîcheurs du regard des races primitives, il ignore la somptueuse tristesse de mûrir. Cahier spécial de Poésie 42 Jules Supervielle Montevideo, Uruguay, 1884-Paris 1960 Laissez le fruit mûrir au fond de son loisir Et sans que le pourrisse un brusque repentir. Le Forçat innocent, Supplique Gallimardmûrir verbe transitif Rendre mûrs un fruit, un végétal : Le soleil a mûri les raisins. Porter quelque chose à l'état de maturité, de complet développement : Mûrissez votre projet avant de lui donner sa forme définitive. Former l'esprit de quelqu'un, lui donner de l'expérience, de la sagesse : Les épreuves l'ont mûri.mûrir (synonymes) verbe transitif Porter quelque chose à l'état de maturité, de complet développement
Synonymes :
- approfondir

mûrir
v.
rI./r v. intr.
d1./d Devenir mûr. Des fruits qui mûrissent.
Fig. Laisser mûrir une affaire.
|| Loc. (Mart.) Mûrir en case: pour un fruit, mûrir dans des chiffons ou de la paille afin de devenir plus onctueux. (V. cabaner.)
d2./d Acquérir du jugement. Esprit qui mûrit.
rII./r v. tr.
d1./d Rendre mûr. Le soleil mûrit les fruits.
d2./d Former (qqn), lui donner de la sagesse. Ces épreuves l'ont mûri.
d3./d Mettre au point peu à peu. Mûrir un projet.

⇒MÛRIR, verbe
Devenir mûr. Je crois (...) la tradition des grandes civilisations artistiques étroitement liée à la découverte progressive et à la conquête joyeuse du caractère organique de l'art. La tradition naît, croît, se fortifie, mûrit, décroît et meurt en même temps que naît, croît, se fortifie, mûrit, décroît et meurt la vie spirituelle d'un peuple (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 213).
A.— 1. a) [Le suj. désigne un fruit, une plante, un élément biol.] Qqc.1 mûrit. Poursuivre un processus de maturation; parvenir à maturité. Au dehors, les foins blondissaient prêts à mûrir. Le bois des plus vieux sarments éclatait; la vigne montrait ses premiers bourgeons. Les blés étaient verts (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 50). Je me plaisais dans le fruitier, où des pommes et des poires mûrissaient sur des claies (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 78). L'épithélium vaginal prolifère et se kératinise lorsque les follicules mûrissent dans la gonade; en même temps survient le rut (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 650) :
1. ... il est (...) peu de climats qui vaillent celui de notre Bretagne où tous les fruits mûrissent parfaitement, même la figue qui, sur les côtes, est aussi bonne qu'en Provence, quoique les Provençaux n'en conviennent pas.
LAMENNAIS, Lettres Cottu, 1835, p. 278.
Littéraire :
2. Comme sur un plant où les fleurs mûrissent à des époques différentes, je les avais vues, en de vieilles dames, sur cette plage de Balbec, ces dures graines, ces mous tubercules, que mes amies seraient un jour.
PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 892.
Au fig. La poire mûrit. [Correspond à mûr I A 1 b] Deux années s'écoulèrent encore, durant lesquelles la poire mûrissait [l'annexion de Strasbourg par Louvois] (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 7, 1864, p. 67).
Au part. passé, avec compl. prép. Il était chaudement basané comme un fruit mûri au soleil (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 241). L'odeur du feuillage de la tomate se mêlait, en juillet, au parfum de l'abricot mûri sur espaliers (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 7).
Emploi factitif. Pour faire mûrir la datte, il faut le sol d'Afrique (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 14).
b) P. anal.
Littér. [À Alfred Athis :] (...) vous devriez revenir à Chaumot. Vous ne le connaissez pas. Ces dernières journées sont émouvantes. J'ai mal aux reins de regarder l'automne mûrir (RENARD, Corresp., 1904, p. 301). L'aube mûrissait doucement (GIONO, Eau vive, 1943, p. 180). Il voulait être heureux. Toutes choses étaient dans un grand repos et dans un grand silence autour de lui. L'année mûrissait (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, p. 147).
♦ [Le suj. désigne un être vivant] Croître, grandir, pousser. Sylvie, gorgée de lait, mûrissait sans à-coup, grasse et belle dans son berceau (GIONO, Voy. Ital., 1953, p. 15). Il l'aimait, cette plaine, charnellement, pour (...) l'odeur de son vent, son visage toujours renouvelé et cependant toujours pareil (...) dans chaque pli vivant de laquelle naissaient et mûrissaient les perdreaux gris (VIALAR, Homme de chasse, 1961, p. 17).
En partic.
) [Le suj. désigne une substance, une matière] Subir un processus conférant les qualités ou les propriétés nécessaires à une bonne utilisation. Préparer le mortier : (sable sec, 2 parties; chaux, 1 partie); homogénéiser, ajouter l'eau lentement, gâcher la terre jusqu'à consistance de beurre; la laisser mûrir quelques jours (Arts et litt., 1935, p. 30-5). Pour qu'elle mûrisse, la viande doit obligatoirement passer de un à trois jours en chambre froide (Marie-France, févr. 1982, p. 11a).
Spécialement
AGRON. [Le suj. désigne la terre après un labour] ,,Se diviser sous l'action d'alternances d'humectations et de dessications favorisées en particulier par des périodes de gel et de dégel`` (Agric. 1977). Paul-Louis (...) est le premier homme du monde pour terrasser un arpent de vigne. Il amène (...) cinq cents charges de gazon ou terre de bruyère. Il la laisse mûrir à l'air, de temps en temps la vire, la remue avec cent à cent cinquante charges de fumier (COURIER, Pamphlets pol., Gaz. vill., 1823, p. 180).
MÉGISS. Subir un repos d'un mois environ à l'abri de la chaleur et de l'humidité, destiné à améliorer le tannage et l'incorporation des matières grasses. Les cuirs graissés sont ensuite empilés pour mûrir, terminer le travail d'absorption et égaliser la répartition des matières grasses, puis séchés (BÉRARD, GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, p. 109).
ŒNOL. Perdre sa verdeur, vieillir. Une faible lumière tombe des petites ouvertures découpées dans le toit [des chais], et l'on distingue à peine les rangées d'antiques barriques grises, où le cognac mûrit au contact du bois (CHARDONNE, Dest. sent., I, 1934, p. 13).
) MÉD. Subir l'évolution au terme de laquelle on peut espérer la guérison. La toux est plutôt sèche, comme dans un rhume qui ne mûrit pas (LONDE ds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p. 538).
Emploi factitif. Faire, laisser mûrir un abcès. Infra C 1 ex. de Arnoux.
2. Qqc.2 mûrit qqc.1 (littér.). Amener à maturité. Le ciel ne cessera pas de verser au printems des pluies fécondes, (...) l'été ne manquera pas de mûrir ses moissons, et l'automne ses fruits (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 447). Le faubourg batelier du Portereau (...) s'étendait le long du fleuve, au pied des vignobles de Saint-Jean-le-Blanc qui mûrissaient le meilleur vin du pays (A. FRANCE, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 129). Blanc ou noir, le soleil a mûri le raisin (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 180).
3. Qqn2 mûrit qqc.1 (littér. ou vieilli). Dans les mammifères, dont nous sommes, la femelle a la charge douloureuse de mûrir, dans son utérus, le fruit de la conception (LE DANTEC, Savoir! 1920, p. 72).
B.— 1. [Le suj. désigne une pers.; et p. méton., ses facultés ou une période de sa vie] Qqn1/qqc.1 mûrit.
a) Atteindre, approcher de l'âge mûr. Lord David mûrissait. Quarante ans, c'est une heure qui sonne. Il ne s'en apercevait pas (HUGO, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 199). V. âge ex. 14.
b) Acquérir de la maturité. Il faut que ma tête mûrisse, que mon caractère se forme, avant que je puisse, sans démence, m'engager à jamais (J.-J. AMPÈRE, Corresp., 1826, p. 373). On avait supporté ses plus mauvaises années et les effets de l'âge ingrat, mais (...) il allait heureusement changer en mûrissant et devenir sociable (NIZAN, Conspiration, 1938, p. 126) :
3. ... au cours de ces deux dernières années, elle s'était intellectuellement beaucoup développée; elle avait mûri, elle avait changé. Pendant sa brève entrevue avec André, elle avait eu l'impression que lui n'avait pas évolué; il était resté très juvénile et un peu fruste.
BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 250.
Avec compl. prép. [Graziella] sentait son âme jusque-là dormante se révéler à elle dans l'âme de Virginie. Elle semblait avoir mûri de six ans dans cette demi-heure de lecture (LAMART., Graziella, 1849, p. 200). Il me semble que je m'éloigne toujours plus de la médisance et de la méchanceté, que je connais mieux la vie, les caractères, la nature humaine, en un mot que j'ai quelque peu mûri en sagesse (AMIEL, Journal, 1866, p. 39).
Au part. passé. Intelligence précocement mûrie. Ses filles! à tournure étrange et garçonnière dont les treize et quinze ans mûris trop tôt et montés en graine promettaient tout ce que les quarante de madame leur mère tenaient (A. DAUDET, Trente ans Paris, 1888, p. 238).
Avec compl. prép. (Personne) mûri(e) par les épreuves, par l'expérience, par le malheur, par le temps. Mûrie par les années et par l'expérience des choses humaines, (...) [Mme de Staël] avait perdu l'âpreté de ces idées républicaines qui avaient fanatisé sa jeunesse en 1791 et 1792 (LAMART., Nouv. confid., 1851, p. 281). Il était un homme accompli, mûri dans les épreuves de la guerre (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 94) :
4. Baudouin III fut proclamé roi sous la régence de sa mère Mélisende. Les chroniqueurs nous le décrivent dès cette époque comme un adolescent bien doué, tôt mûri par le sentiment de ses responsabilités.
GROUSSET, Croisades, 1939, p. 162.
c) Perdre sa fraîcheur, vieillir. Antoine : ... Vous n'êtes pas changée du tout, quoi! (...) la même absolument. (À part). Je dis ça pour lui faire plaisir; mais elle a drôlement mûri, la baronne (DUMAS père, L. Bernard, 1843, II, 6, p. 231). De Jonsac : Eh bien, et madame la baronne? De Grandgicourt : Ma femme?... Oh! elle mûrit bien depuis deux ans!... Elle prend ses quartiers d'hiver, la pauvre baronne! (LABICHE, Mari lance sa femme, 1864, I, 9, p. 391).
2. Qqc.2 mûrit qqn1. Former, assagir quelqu'un; donner de la maturité à quelqu'un. L'âge et l'expérience avaient mûri cette vieille tête grise (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 8). Le temps et la réflexion avaient mûri son caractère, son extérieur et ses goûts (SAND, Jeanne, 1844, p. 27). Elle n'était pas sotte. Ces trois années semblaient même l'avoir beaucoup mûrie. Embellie aussi, affinée (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1320) :
5. ... ce désarroi dans les hauts et les bas de l'espérance, les sanglots, les exhortations de la mère à ses filles, ses adieux à elles et à Grange, tout cela retournait le cœur. Des heures pareilles mûrissent une enfant de quinze ans.
POURRAT, Gaspard, 1922, p. 104.
Avec compl. prép. Elle priait, jeûnait, méditait (...) Hélas! l'âge et la maladie ne l'avaient que trop mûrie pour la dévotion (A. FRANCE, Vie littér., 1892, p. 342).
Absol. Certains propos échangés autour d'une table de dîner ou de thé instruisent et mûrissent bien plus que la lecture de cent volumes (VALÉRY, Entret. [avec E. Lefèvre], 1926, p. 149).
3. a) Qqn1 mûrit qqc.1 (littér.). Quand (...) [le voyageur, le poëte ou le philosophe] a mûri son âme et ses convictions, il parle à son tour; et, bonne ou mauvaise, juste ou fausse, il donne sa pensée à sa génération (LAMART., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 6). Né à Paris en 1785, arrivant à l'adolescence avec le Consulat, M. Lebrun mûrit sa jeunesse sous l'Empire (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t. 3, 1841, p. 152). Le matin, il étudiait la grammaire, le calcul, l'histoire, mûrissant son intelligence, il travaillait de ses petits bras, l'après-midi (ZOLA, Travail, t. 1, 1901, p. 229).
b) Emploi pronom. réfl. Qqn1 se mûrit
) Synon. supra B 1. Si elle n'avait pu devenir jolie, elle s'était mûrie vers les trente ans, prenant une saveur douce et une bonne odeur fraîche de fruit d'automne (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 11). Pour un être conscient, exister consiste à changer, changer à se mûrir, se mûrir à se créer indéfiniment soi-même (BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 7).
Avec compl. prép. En avançant dans la vie, en se mûrissant par la lecture et la réflexion, Guillaume avait compris que sa voie était trop différente de celle de Léon pour ne pas devenir bientôt l'objet de ses critiques et de ses sarcasmes (SAND, Jeanne, 1844, p. 75).
) Arg. et pop. S'enivrer. Apportez vos bidons, (...) [ordonna le lieutenant] je vous les prends, comme ça vous aurez juste votre litre de la distribution (...) et vous cesserez de vous « mûrir » (VIALAR, Morts viv., 1947, p. 265).
4. Qqn2 mûrit qqc.1 (littér.). Quant à vous, mon guide et mon ami, qui avez mûri ma jeunesse, qui m'avez appris à apprécier les choses et la vie (...). Serions-nous destinés à ne jamais nous revoir? (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 3, 1801, p. 322).
Rem. Mûrir qqn (arg. et pop.). Cogner, frapper quelqu'un. L'autre, il m'a dit : « Descends du tram si tu es un homme » (...). Alors je suis descendu et je lui ai dit : « Assez, ça vaut mieux, ou je vais te mûrir ». Il m'a répondu : « De quoi? ». Alors je lui en ai donné un. Il est tombé (...) il m'a donné des coups de pied par terre. Alors je lui ai donné un coup de genou et deux taquets (CAMUS, Étranger, 1942, p. 1143).
C.— 1. [Le suj. désigne une entité abstr. ou une manifestation de l'activité humaine] Qqc.1 mûrit. Prendre forme, se développer, atteindre un certain degré d'élaboration. Ayez du courage, renoncez pendant deux ou trois années à vos travaux et à vos pensées. Le problème mûrira, je vous aurai amassé l'argent nécessaire pour le résoudre et vous le résoudrez (BALZAC, Rech. absolu, 1834, p. 280). Le complot mûrissait lentement (...). Florent, qui, dans les premiers temps, éprouvait une sorte de méfiance, finit par croire à la possibilité d'un mouvement révolutionnaire (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 751). Pendant plusieurs jours je sens mûrir en moi la détresse d'une amitié qui se brise (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 292) :
6. ... tout va porter les Alliés à frapper au lieu de subir. Une action de grande envergure se prépare en Occident. Je vois mûrir cette entreprise. Assez seul au milieu de partenaires très entourés, bien pauvre parmi les riches, je suis bercé par l'espoir, mais aussi rempli de soucis, car, au centre de l'opération, il y aura de toute façon la France.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 1.
SYNT. Affaire, décision, idée, pensée, processus, projet (qui) mûrit; affection, aspiration, sentiment (qui) mûrit; don, qualité, talent (qui) mûrit.
Avec compl. prép. Je fis sa connaissance. Cette connaissance mûrit bien vite en amitié, — car il y avait, certes, dans le cher reclus, de quoi exciter l'intérêt et l'estime (BAUDEL., Hist. extr., 1856, p. 76). L'histoire est, prise en elle-même, cette connaissance infiniment subtile qui mûrit lentement dans l'esprit de l'historien (MARROU, Connaiss. hist., 1954, p. 284).
Au part. passé, avec compl. prép. Ce petit homme bilieux n'était guère plaisant. Pourtant elle l'attirait. Elle estimait très haut son ironie profonde, sa fierté sauvage, son talent mûri dans la solitude (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 12). Une réunion publique, s'accroche à un détail, modifie à la légère un projet mûri par la réflexion de gens qui s'y connaissent : c'est ainsi que toutes les lois sont votées (RENARD, Journal, 1906, p. 1089). Le romantisme français eut avant tout des origines françaises; comme toujours, les « influences » n'ont fait que faciliter et autoriser l'éclosion de germes longuement mûris dans le sol national (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 327).
Emploi factitif. Faire mûrir un projet. Il ne pressait pas les confidences; il faut les laisser mûrir et crever comme des abcès à point (ARNOUX, Rêv. policier amat., 1945, p. 112). Ces remarques (...) montrent que le problème n'est point aussi simple qu'on le croit communément; elles mènent à réfléchir. Laissons donc mûrir un peu ce problème (Jeux et sports, 1967, p. 55) :
7. La synagogue (...) attend, avec un vif espoir, que la providence et (...) son propre effort de pureté, de justice, et d'humanité, fassent mûrir le messianisme authentique qui unira en un faisceau tous les cœurs croyants et toutes les bonnes volontés.
WEILL, Judaïsme, 1931, p. 222.
Absol. Je me sauve!... Nous laissons mûrir... C'est convenu! À tout à l'heure! (SARDOU, Rabagas, 1872, I, 5, p. 14).
Emploi pronom. passif. Qqc.1 se mûrit. Il a fallu que j'arrivasse à trente ans, que mes observations se soient mûries et condensées (...) pour que je comprisse la portée des phénomènes desquels je fus alors l'inhabile témoin (BALZAC, L. Lambert, 1832, p. 49). Je travaille à une grande fresque qui doit évoquer l'antiquité (?), Hélène, mais vous connaissez que je suis poète de quatrième ordre et pavé de bonnes intentions. Je veux faire aussi quelque chose pour vous tout seul. Cela se mûrit (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 72).
2. Qqn2 mûrit qqc.1 Développer, donner forme, élaborer. Il faut sans doute moins de patience et moins d'effort pour mûrir un art qu'il n'en faut ensuite pour l'empêcher de se corrompre (GIDE, Journal, 1921, p. 700). Toujours en état de subordination et parfois d'humiliation sociale, l'homme de condition modeste mûrit très tôt un complexe d'infériorité qui l'embarrassera toute son existence durant (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 89) :
8. Se conduire par caprice consiste à osciller mécaniquement entre deux ou plusieurs partis tout faits et à se fixer pourtant enfin sur l'un d'eux : ce n'est pas avoir mûri une situation intérieure, ce n'est pas avoir évolué; c'est, si paradoxale que cette assertion puisse paraître, avoir plié la volonté à imiter le mécanisme de l'intelligence.
BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 47.
SYNT. Mûrir une aversion, une conviction, un dessein, une évidence, une idée, un jugement, une parole, une pensée, un plan, un problème, un projet, une réplique, une résolution, une théorie; mûrir son bonheur, sa destinée.
3. Emploi pronom. réfl. Qqc.1 se mûrit. Acquérir une certaine maturité :
9. ... cette terre, (...) il l'avait aimée en amoureux, son amour s'était mûri (...). Et cette tendresse ne faisait que grandir, à mesure qu'il lui donnait son temps, son argent, sa vie entière...
ZOLA, Terre, 1887, p. 104.
Prononc. et Orth. :[], (il) mûrit []. Att. ds Ac. dep. 1740. V. mûr. Étymol. et Hist. 1. Av. 1267 (St Jacques le Majeur, 20 ds T.-L. : un olivier mëuri); p. anal. a) 1538 méd. meurir (EST., s.v. suppuro); b) 1690 en parlant d'un vin (FUR.); c) 1846 (SAINTE-BEUVE, Portraits littéraires, Mlle Aïssé ds Œuvres, éd. M. Leroy, t. 2, p. 634 : celle [Mlle Aïssé] qu'il considérait comme son bien, lorsqu'il la retrouva grandissante et mûrissante [tempestiva viro] comme dit Horace); 2. a) fig. 1352-56 réfl. « devenir mûr, atteindre un certain degré de qualité » (BERS., Tit. Liv., BN 20312 ter, fol. 55 r° ds GDF. Compl. : vertu se meuriroit); 1580 (MONTAIGNE, Essais, II, XXIX, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 685 : ce conseil meurist une nuict entière dans sa teste); b) 1636 « (en parlant d'une personne) acquérir de l'expérience » (MONET : Meurir, se meurir, devenir meur, posé, sage). Issu, par changement de conjug., de l'a. fr. meürer « devenir mûr » (1119, PHILIPPE DE THAON, Comput, 136 ds T.-L. [pume] Ki unkes ne mäure); ca 1190 fig. [en parlant d'une personne] (Renart, éd. M. Roques, 9013), du lat. maturare « faire mûrir, devenir mûr [au propre et au fig.] ». Fréq. abs. littér. :987. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 269, b) 1 348; XXe s. : a) 1 454, b) 1 513.
DÉR. 1. Mûrisserie, subst. fém. Entrepôt où l'on amène à maturité complète des fruits cueillis et transportés avant celle-ci, notamment des bananes (d'apr. CLÉM. Alim. 1978). []. V. mûr. 1re attest. 1959 (ROB.); du part. prés. de mûrir, suff. -erie. 2. Mûrisseur, subst. masc. Agent, instrument d'une maturation. Ces grands champs [travaillés mécaniquement] sont intimement liés à l'économie générale du pays (...) rien n'existe plus des logiques naturelles; c'est tout à fait par hasard que le soleil est suspendu au-dessus de ces champs; il ne joue qu'un rôle de mûrisseur (GIONO, Poids du ciel, 1938, p. 269). Emploi adj. Cher recommencement bien humble Fuite insigne De l'heure vers l'azur murisseur de fruits d'or! (VERLAINE, Œuvres compl., t. 2, Amour, 1888, p. 24). Agron. Substance qui provoque ou active un processus de maturation. Les études de physiologie végétale et de chimie organique ont permis la mise au point de produits utilisables comme retardateurs de croissance, défoliants ou mûrisseurs (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 442). []. V. mûr. 1res attest. 1888 « qui fait mûrir » (VERLAINE, loc. cit.), 1964 (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, p. 442); du part. prés. de mûrir, suff. -eur2.

mûrir [myʀiʀ] v.
ÉTYM. V. 1119, maürer; refait en meürir, murir, v. 1350-1360; à cause de murer; mûrir, XVIe; de meür, mûr.
———
I V. tr.
1 Rendre mûr. || Le soleil dore et mûrit les fruits (→ Fructidor, cit.). || Fruit que le soleil a trop mûri, qui est cuit par le soleil ( Blet).
1 Ne sois envieux du désir
Des raisins trop verts, car l'Automne
Les mûrira tout à loisir.
Ronsard, Pièces retranchées, « De la jeune amie… ».
2 Mais seul, un ensoleillement prolongé peut mûrir le raisin, l'enrichir de sucre et d'alcool, évaporer l'excès d'acides qui empêcherait la transformation du moût en vin de bonne qualité.
J. Taillemagre, la Peine des hommes, in le Monde, 20 nov. 1956.
Par anal. || Mûrir un abcès par des compresses. || Médicament qui mûrit les abcès. Maturatif.
2 Fig. Mener (une chose) à point en y appliquant sa réflexion. Approfondir (→ Énergie, cit. 9). || Mûrir une pensée. Digérer, méditer, réfléchir (sur). || Mûrir un projet. Mijoter, préparer (→ Malfaisant, cit. 4).Pron. || Entreprise qui s'est mûrie (→ Exécuter, cit. 26).
3 En France, on s'impose de ne livrer son œuvre au public que quand elle est parfaitement mûrie et achevée (…)
Renan, Questions contemporaines, Études sav. en Allemagne, in Œ. compl., t. I, p. 183.
4 Que m'importent les dons, chez qui ne sait pas les mûrir ?
Gide, Journal, 30 mars 1906.
3 (1652). Sujet n. de personne ou de chose abstraite; complément n. de personne ou mot désignant l'esprit. || Mûrir l'esprit, lui donner du sérieux, de la profondeur. || Mûrir qqn, lui donner de la maturité d'esprit. || La vie, le malheur l'a mûri avant l'âge (→ Rendre sage).Pron. || Esprit, homme qui s'est mûri.
5 Il ne faut pas, disait mon père, que les enfants s'appliquent sérieusement, que le temps n'ait un peu mûri leur esprit.
A. R. Lesage, Gil Blas, I, V.
6 Car je suis un homme fait : les dégoûts m'ont mûri (…)
É. de Senancour, Oberman, XL.
7 (…) une de ces bonnes et saines causeries qui sont le besoin de l'âme, et où la pensée se corrige ou se mûrit dans une concorde ou dans une contradiction féconde (…)
Sainte-Beuve, Proudhon, p. 82.
8 Cette secrète tristesse qui mûrissait si précocement mon amie (…)
Gide, Si le grain ne meurt, I, V, p. 125.
4 Pop. || Se mûrir : s'enivrer.
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II V. intr.
1 Devenir mûr, venir à maturité. || Fruits (cit. 9) qui commencent à se former, à prendre de la couleur, à mûrir ( Tourner); fruit qui mûrit en août ( Aoûter). || Action de mûrir. Maturation. || Les blés mûrissent. Grandir (→ aussi Épi, cit. 1). || Fraise (cit. 2) qui mûrit, tombe et pourrit. || Faire mûrir précocement ( Forcer).
9 Vous qui allez vers la Forêt Verte pour saisir autour des branches mouillées les premières vapeurs du printemps, vous trouverez bon que les feuilles s'étalent au nouveau soleil, qu'après cela les graines mûrissent et tombent sur la terre.
Alain, Propos, 1er avr. 1908, « Aimer ce qui existe ».
(1690). Par anal. || Vin qui mûrit, qui se fait, vieillit (→ Gourmet, cit. 3).
(1538). Méd. Devenir mûr. || Son abcès ne mûrit pas.
2 Fig. Se développer, atteindre son plein développement. || Un talent qui mûrit chaque jour (→ Espérance, cit. 36). || Ville où les passions mûrissent avec lenteur (→ Histoire, cit. 55). || Laisser mûrir une idée, un projet, une affaire.
10 Laissons mûrir le dessein de ce voyage de traverse (…)
Mme de Sévigné, 1273, 23 avr. 1690.
11 Il y avait dans la tête de ce brave père un projet en train de mûrir : la seconde des filles Barrel aurait fait un bon parti pour Edmond.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, III.
3 (1636). Personnes. Acquérir de la maturité d'esprit, de la sagesse (par l'âge, l'expérience, l'adversité…).
12 (…) l'expérience est diverse, et tourne bien ou mal selon les natures. Les bons mûrissent. Les mauvais pourrissent.
Hugo, l'Homme qui rit, I, I, VII.
13 Barnave avait vite mûri. Ses jugements sur les derniers actes de l'Assemblée constituante sont d'une grande sagesse. Il démêle et fait vivement ressortir les fautes suprêmes de cette grande Assemblée, de même qu'il a dévoilé, chemin faisant, les siennes propres.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 8 avril 1850.
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mûri, ie p. p. adj.
Qui a mûri (II., 1.) ou a été mûri. || Fruits trop mûris. Mûr.
Fig. || Un homme fait (cit. 266), mûri par la vie, par l'expérience. || Personne éprouvée, mûrie (→ Efficient, cit. 2).Talent mûri dans la solitude (→ Estimer, cit. 21).
CONTR. Avorter.
DÉR. Mûrissage ou mûrissement, mûrissant, mûrisserie.

Encyclopédie Universelle. 2012.