nerf [ nɛr ] n. m.
• 1080; lat. nervus « ligament, tendon »
I ♦
1 ♦ Vx Ligament, tendon des muscles. ⇒ muscle, tendon. « Un petit vieux sec, tout en nerfs » (A. Daudet). Se fouler, se froisser un nerf. Une viande dure, pleine de nerfs. ⇒ nerveux. — Spécialt NERF DE BŒUF : ligament cervical du bœuf étiré et durci par dessiccation, dont on se servait comme d'une matraque.
2 ♦ (1559; sens repris du lat.) Fig. Le nerf. Ce qui fait la force active, la vigueur physique d'une personne, d'un animal. ⇒ vigueur. Avoir du nerf. Priver de nerf. ⇒vx énerver. — Fam. Allons, du nerf, un peu de nerf, frappez plus fort ! Par anal. Un style qui a du nerf (⇒ musclé, vigoureux) , qui manque de nerf. Pinceau, touche, composition qui manque de nerf, qui est mou, languissant. — Par ext. Ce qui donne l'efficacité. Loc. Le nerf de la guerre : l'argent (comme moyen d'action).
3 ♦ Reliure Cordelette au dos d'un livre relié, à laquelle est cousu un cahier, et qui forme une nervure apparente. ⇒ nervure.
II ♦
1 ♦ (1314) Cordon blanchâtre, généralement cylindrique, qui relie un centre nerveux (moelle, cerveau) à un organe ou à une structure organique (⇒ nerveux, neur(o)-). Les nerfs sont constitués par les prolongements des cellules nerveuses (axones) réunis en faisceaux. Le nerf sciatique. Nerfs afférents : nerfs sensitifs, nerfs sensoriels. Nerfs efférents : nerfs moteurs, nerfs végétatifs. Nerfs mixtes, à fibres motrices et sensitives. Racine, tronc d'un nerf. Distribution des nerfs. ⇒ innervation. Réseau de nerfs. ⇒ plexus. Excitabilité, conductibilité des nerfs. Douleur, éruption sur le trajet d'un nerf. ⇒ névralgie, zona. Inflammation d'un nerf. ⇒ névrite. Ôter les nerfs d'une dent (⇒ dévitaliser) .
2 ♦ (XIXe) Cour., au plur. LES NERFS, considérés comme ce qui supporte les excitations extérieures ou les tensions intérieures, comme le centre de l'équilibre mental. Avoir les nerfs solides, des nerfs d'acier, beaucoup de self-control, de sang-froid. Avoir les nerfs fragiles, irritables. ⇒ nerveux (II), névropathe. Être malade des nerfs. — Loc. C'est un paquet de nerfs, se dit d'une personne très nerveuse. (1817) Porter sur les nerfs. ⇒ agacer, énerver, irriter. Fam. « Dieu ! que son ton péremptoire me tapait sur les nerfs » (A. Gide). Ne pas contrôler ses nerfs. ⇒ s'énerver; énervement, nervosité. Avoir les nerfs tendus, à vif, à fleur de peau, (fam.) en boule, en pelote : être très énervé, irrité, en colère. Être, vivre sur les nerfs, se dit d'une personne très fatiguée qui n'agit que par des efforts de volonté. Être à bout de nerfs, dans un état de surexcitation qu'on ne peut maîtriser plus longtemps (cf. Être à cran). — Crise de nerfs : cris, pleurs, gestes désordonnés (⇒ hystérie) . Faire, piquer une crise de nerfs. Absolt Avoir ses nerfs, les nerfs : être énervé, avoir une petite crise de nerfs. Passer ses nerfs sur qqn, qqch. : décharger son agressivité sur qqn, qqch. qui n'en est pas la cause. — La guerre des nerfs.
● nerf nom masculin (latin nervus) Cordon blanchâtre composé de fibres nerveuses, conduisant les messages moteurs du système nerveux central vers les organes, et les messages sensitifs et sensoriels en sens inverse. Familier. Tendon, ligament : Viande pleine de nerfs. Ce qui fait la force, l'énergie physique ou morale : Moteur qui a du nerf. Mines Banc stérile intercalé dans une couche de minerai. Reliure Chacune des nervures transversales disposées parfois sur le dos d'un livre relié. ● nerf (citations) nom masculin (latin nervus) Pierre Bayle Le Carla 1647-Rotterdam 1706 La joie est le nerf de toutes les affaires humaines. Pensées diverses sur la comète François Rabelais La Devinière, près de Chinon, vers 1494-Paris 1553 Les nerfs des batailles sont les pécunes. Gargantua, 46 ● nerf (difficultés) nom masculin (latin nervus) Prononciation [&ph98;ɛʀ], sans faire entendre le f final. Remarque La prononciation [&ph98;ɛʀ&ph90;] faisant entendre le f final, que l'on rencontrait naguère dans les emplois figurés avoir du nerf (= de l'énergie) et le nerf de la guerre (= l'argent), ne s'entend plus guère aujourd'hui, sauf dans certaines régions de France (Sud-Ouest, notamment). ● nerf (expressions) nom masculin (latin nervus) Greffe de nerf, transplantation chirurgicale d'un nerf. Le nerf de la guerre, l'argent. Nerf de bœuf, ligament cervical postérieur du bœuf ou du cheval, desséché et traité pour fabriquer des cravaches, des matraques. Faux nerf, bande de peau ou de carton collée en vue d'imiter des nerfs véritables. Nerf de dos, partie saillante produite sur le dos des volumes par des nerfs, des bandes de parchemin ou des ficelles utilisés pour la couture des livres lorsque le dos n'a pas été grecqué. ● nerf (synonymes) nom masculin (latin nervus) Ce qui fait la force, l'énergie physique ou morale
Synonymes :
- énergie
- muscle (familier)
- ressort
- vigueur
nerf
n. m.
rI./r
d1./d Chacun des filaments blanchâtres qui mettent les différentes parties du corps en relation avec l'encéphale et la moelle épinière. Nerfs sensitifs, qui transmettent les sensations de la périphérie vers le névraxe. Nerfs moteurs, qui transmettent aux muscles l'excitation motrice. Nerfs mixtes, à la fois sensitifs et moteurs.
d2./d (Plur.) Les nerfs (considérés comme le siège d'émotions telles que l'agacement, l'irritation, la colère). Crise de nerfs, extériorisation soudaine d'une tension affective devenue insupportable (sous forme de pleurs, de cris, de gesticulations diverses).
— Loc. Fam. Avoir les nerfs en boule: être très agacé. Taper sur les nerfs de qqn, l'agacer considérablement. Paquet de nerfs: personne très nerveuse. être à bout de nerfs: être nerveusement épuisé.
d3./d Loc. fig. Guerre des nerfs: ensemble des procédés de démoralisation qu'emploient des pays en conflit pour affaiblir le moral de l'ennemi (civils et militaires).
rII./r
d1./d Fig. Vigueur. Avoir du nerf, du ressort.
— Prov. L'argent est le nerf de la guerre, ce qui la permet et l'entretient.
d2./d Cordelette au dos d'une reliure.
d3./d Nerf de boeuf: cravache, matraque faite avec le tendon qui, chez le boeuf, relie la tête et le cou.
Encycl. Anat. et physiol. - Le système nerveux est un ensemble de structures, très complexes et hétérogènes, qui concourent à l'activité consciente ou inconsciente, volontaire ou involontaire de l'homme. On peut le diviser en deux grands systèmes: le système cérébrospinal et le système neurovégétatif, ou sympathique. Le système cérébrospinal est constitué par deux ensembles: le système nerveux central (ou névraxe), qui se compose de l'encéphale et de la moelle épinière, et le système nerveux périphérique, qui comprend les nerfs et les ganglions nerveux. Il permet la relation avec le milieu extérieur. Le système neurovégétatif, ou sympathique, se subdivise en systèmes sympathique, dit également orthosympathique, et parasympathique, qui innervent les viscères et règlent leur fonctionnement suivant les besoins de l'organisme. Il coordonne les fonctions de l'organisme humain en contrôlant la vie végétative (ou viscérale). Les nerfs crâniens, au nombre de 12 paires, se détachent de l'encéphale, du bulbe et de la protubérance. Les nerfs rachidiens (31 paires) se détachent de la moelle épinière par deux racines (antérieure et postérieure), se réunissent en un tronc commun pour sortir du canal rachidien, puis se séparent à nouveau. Les nerfs du système sympathique se détachent des ganglions de la chaîne sympathique, avec lesquels ils forment des plexus: plexus cardiaque, pulmonaire, solaire, hypogastrique, etc. Les nerfs sympathiques ont une action antagoniste de celle des nerfs parasympathiques. Tout nerf est composé par la réunion des fibres nerveuses (axones) qui prolongent les cellules nerveuses (neurones). V. encycl. neurone.
⇒NERF, subst. masc.
A. —ANAT. Filament blanchâtre et cylindrique composé de faisceaux de fibres nerveuses, reliant un centre nerveux à un organe et conduisant les incitations sensorielles, sensitives, motrices ou sécrétoires. Filet, branche, ramification d'un nerf; chronaxie d'un nerf. Le curare agit localement sur les nerfs. Il agit sur les centres nerveux, et quand un nerf a été séparé des centres, il n'agit pas sur lui (Cl. BERNARD, Notes, 1860, p.46). Les émotions s'accompagnent, comme chacun le sait, de modifications de la circulation du sang. Elles déterminent par l'intermédiaire des nerfs vasomoteurs la dilatation ou la contraction des petites artères (CARREL, L'Homme, 1935, p.170):
• 1. Le plus gros et le plus postérieur, que Lyonet a nommé premier ganglion frontal, se prolonge en arrière en un gros nerf récurrent qui suit toute la longueur du corps du côté du dos. Ce nerf récurrent donne des filets à l'oesophage et à ses muscles.
CUVIER, Anat. comp., t.2, 1805, p.327.
SYNT. Nerf acoustique, auriculaire, cardiaque, carotidien, cervical, crânien, crural, cutané, dorsal, facial, intercostal, lacrymal, lombaire, olfactif, optique, pelvien, pneumogastrique, sacré, sciatique, vague, vésical; nerf érecteur, obturateur, vasodilatateur; nerfs cérébro-spinaux, végétatifs, périphériques, rachidiens; nerfs afférents, efférents; nerfs moteurs, sensitifs.
— Au plur. et dans le lang. cour. Organe récepteur des excitations extérieures entraînant des manifestations physiques ou psychologiques influençant notablement le comportement; constitution nerveuse de quelqu'un. Calmer, dominer ses nerfs; avoir les nerfs délicats. Toutes ces circonstances unies à un extrême ébranlement de nerfs me donnent quelquefois l'idée que je ne vous reverrai plus, et la mort sous cette forme m'attendrit extrêmement (STAËL, Lettres L. de Narbonne, 1792, p.46). Heureux les gens qui n'ont pas de nerfs, les gens calmes et forts, ceux qui ne sont pas naturellement et toujours agités, comme les feuilles du tremble! (FLAUB., Corresp., 1867, p.307):
• 2. Dans ses années d'adolescence, où il était plus livré à ses nerfs, perpétuellement alternaient en lui des périodes d'exaltation et des périodes de dépression, se succédant d'une façon brusque.
ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p.943.
1. [Dans des loc. et expr. exprimant un état de nervosité plus ou moins intense] Avoir ses nerfs (vieilli); avoir les nerfs en pelote, en vrille (fam.); avoir mal aux nerfs; avoir les nerfs à vif, tendus, crispés, rompus; attaque de nerfs; avoir les nerfs à bout, à fleur de peau; être à fleur de nerfs, à bout de nerfs; être trahi par ses nerfs; vivre sur les/ses nerfs; perdre les/ses nerfs. Je suis sorti avant la fin, malade des nerfs, et donnant au diable la maladresse de notre ami (J.-J. AMPÈRE, Corresp., 1824, p.287). Ces souvenirs étaient si poignants à évoquer, ce soir, que, brusquement, ses nerfs le trahirent (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p.322):
• 3. Elle courut à la porte, en chemise. Finocle enfonça sa tête dans l'oreiller chaud, il entendit des cris, se boucha les oreilles, et, les nerfs écorchés, bondit à la fenêtre qu'il ouvrit grande...
AYMÉ, Rue sans nom, 1930, p.252.
— Crise de nerfs.
2. [Dans des loc. et expr. exprimant l'agacement, l'énervement] Porter sur les nerfs. Enfin! s'écria Marguerite en reparaissant, le voilà parti; ce garçon-là me porte horriblement sur les nerfs (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p.87).
— Vieilli. Donner sur les nerfs. Quand je vois des gens d'esprit comme vous se laisser berner de la sorte, ça me donne sur les nerfs, et je ne puis me retenir de leur crier casse-cou! (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.70).
— Fam. Taper sur les nerfs. Dieu! Que son ton péremptoire me tapait sur les nerfs, quand je l'entendais affirmer: —L'oeuvre de chaque auteur doit pouvoir se résumer dans une formule (GIDE, Si le grain, 1924, p.541).
— Passer ses nerfs sur qqn. Qu'est-ce qui m'arrive après tout? Il faut voir les choses comme elles sont... J'aurai eu les nerfs mal montés, et j'ai cherché querelle à mes illusions, pour passer mes nerfs sur quelqu'un (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p.246).
3. [Dans des loc. et expr. exprimant une qualité de tempérament]
a) [Tempérament irritable] Pelote de nerfs; boule de nerfs (fam.). Il m'avait dit: «Je ne veux plus que vous entendiez ces absurdités, ça vous rend malade». Et c'était vrai, parce qu'on me prend pour une femme sèche et que je suis, au fond, un paquet de nerfs (PROUST, Temps retr., 1922, p.1013).
b) [Tempérament calme, tranquille] Nerfs d'acier; nerfs solides; être maître de ses nerfs. Mes nerfs sont mieux trempés, peut-être, que ceux des plus flegmatiques et des plus blafards: j'affirme, toutefois, très humblement, que j'ai eu peur, ici, —et pour de bon (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.306). Voyez-vous, monsieur le Président, il faut, pour (...) endurer la fièvre de l'huile, une tête solide et des nerfs à toute épreuve (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p.151).
4. En partic. Guerre des nerfs. V. guerre B 1.
B. —[Terme de l'anc. anat., passé dans le lang. cour.] Tendon, ligament maintenant un muscle à son point d'attache. Tandis qu'il me parle, je regarde sa peau sèche, ses yeux creux, ses narines minces et les nerfs de son cou, et il me semble que l'araignée de la mort pose déjà ses fils (RENARD, Journal, 1895, p.306). Ses cuisses étaient aussi dures que du bronze, dit-il, elle semblait quasiment toute en nerfs (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1500):
• 4. Les doigts, ne voulant pas lâcher prise, s'enfonçaient dans l'écorce comme des griffes de fer, et les nerfs se tendaient sur la main près de se rompre, ainsi que les cordes d'un violon dont on tourne trop les chevilles.
GAUTIER, Fracasse, 1863, p.413.
1. En partic.
a) Nerf de boeuf (v. ce mot B).
b) Filament blanchâtre, tendon, aponévrose qui se rencontre dans une viande. On m'apporte un rosbif, dont j'examine la viande aqueuse et sans graisse, rayée de nerfs blancs, dont mes yeux de peintre regardent le rouge noirâtre, si différent du rouge rose du boeuf (GONCOURT, Journal, 1870, p.624).
2. P. anal. (de forme)
a) ARCHIT. Nervure (v. ce mot B 1).
— En partic. Nerfs d'ogives. ,,Sortes de moulures saillantes soutenant les pendentifs d'une voûte`` (ADELINE, Lex. termes art, 1884).
b) RELIURE. Cordelette servant à relier les feuillets au dos d'un livre. Dos à quatre nerfs, sans nerfs. Mon ami, vous vous doutez bien que je ne suis pas parti de Paris sans fourrer quelques vieux livres dans ma poche; en voici un qui est curieux, quoiqu'il ne soit pas très-rare; (...) qui a une jolie reliure en maroquin rouge, très-habilement montée sur nerfs (DU CAMP, Hollande, 1859, p.27).
3. Au fig., au sing.
a) Force, vigueur physique ou morale d'une personne. Il n'a pas le nerf nécessaire pour s'emparer d'une idée et la retourner en tout sens. Il la happe et la laisse retomber (CONSTANT, Journaux, 1804, p.180). Les plaisanteries s'accentuaient: le café, ça donnait du nerf, c'était excellent pour les hommes qui dormaient trop; et, chaque fois qu'un des convives mariés en avalait une gorgée, on se tenait les côtes (ZOLA, Terre, 1887, p.192):
• 5. Le prince saisit le papier que lui tendait Sophie. Ce qu'il y trouva, ce fut l'accablement, ou, pour mieux dire, la prostration d'un homme sans nerf et sans courage qui, chargé du loyer de ses fautes, succombe sous le poids, et crie bonnement aux échos, demandant merci et de l'aide.
GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.99.
— En partic. Vigueur de style, de composition d'une oeuvre artistique; mordant dans l'exécution. Chénier a de la chaleur et de l'énergie dans la pensée, des situations tragiques, mais son style manque de vigueur, de nerf et d'éclat, il est au-dessous de sa pensée (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p.175). L'harmonie à cinq est peu à peu délaissée pour le quatuor, qui laisse plus de jeu aux mouvements des parties intérieures de l'harmonie, qui donne plus de nerf à la sonorité (GEVAERT, Orchestr., 1885, p.311).
— [Dans une exclam. encourageant à l'effort] Du nerf! Le suivant se présentait: —Essaye vite! Et du nerf!... épatant! Sur mesure! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p.13).
b) Élément qui conditionne l'efficacité de quelque chose. Être le nerf de qqc. La crainte de Dieu et la confiance en Dieu: sa vie me paraît être dans ces deux mots. N'est-ce pas le nerf de la famille chrétienne? (AMIEL, Journal, 1866, p.108). D'autre part, si la qualification fait défaut, on ne voit pas sur quoi la négation qui est le nerf de l'argumentation peut reposer (G. MARCEL, Journal, 1914, p.39). La fraude —nerf du commerce —À notre époque s'exerce Sur les escargots itou: Ainsi des gens, sans vergogne, Vont déclarant de «Bourgogne» Ceux qu'ils cueillent n'importe où (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p.146).
♦Le nerf (de la guerre). L'argent (v. guerre A 5 c). Absol. Remerciez Mme Paul Meurice pour sa lettre si bonne et si charmante et si utile, et précipitez-moi à ses pieds. N'oubliez pas les 500 francs, le nerf! (HUGO, Corresp., 1862, p.409).
Prononc. et Orth.:[]. V. cerf. À partir du XVIIIe s. et encore au début du XXe s., hésitations dans la prononc. soignée. LITTRÉ recommande d'apr. Ac. [] au sing. seulement, mais note des exceptions ; même rem. ds BARBEAU-RODHE 1930. [] s'est généralisé depuis. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «tendon, ligament» (Roland, éd. J. Bédier, 3970); 1202 spéc. «tendon dans une viande» (Renart, éd. M. Roques, Br. XVIII, p.14, 15947); 1278 id. nerf de buef «verge du taureau, ou ligament cervical, ou corde du jarret du boeuf ou du taureau durcis par dessication et dont on se sert notamment pour frapper» (Doc. en fr. des Arch. angevines de Naples, t.1, p.121 d'apr. R. ARVEILLER ds Mél. J. Horrent, p.10); 2. 1314 «chacun des filaments qui mettent les différentes parties du corps en communication avec le cerveau et la moelle épinière» (H. DE MONDEVILLE, Chirurgie, 77 ds T.-L.); 3. 1534 au fig. «ce qui est la condition d'une action efficace» (RABELAIS, Gargantua, éd. R. Calder, M. A. Screech, V. L. Saulnier, chap. 44, p.261: guerre faicte sans bonne provision d'argent n'a q'un souspirail de vigueur. Les nerfz des batailles sont les pecunes); 4. 1559 id. au plur. «force» (AMYOT, Vies des hommes illustres, Timoléon, t.1, f° 189 v°); 1671 au sing. (POMEY). B. 1. 1268 «courroie du bouclier» (Claris et Laris, 2440 ds T.-L.); ca 1282 «corde (d'un arc ou d'une arbalète)» (Gouvernement des rois, 414, 16, ibid.); 1552 «id. (d'un instrument de musique)» (RONSARD, Les Amours ds OEuvres, éd. P.Laumonier, t.4, p.30: les nerfz de ma lyre); 1680 reliure (RICH.); 2. 1605 vén. nerf de cerf «membre génital du cerf» (A. DU PINET, Les Commentaires de M. P.André Matthiolus sur les six livres de Pedacius Dioscoride, p.144); 3. 1676 archit. (FÉLIBIEN). C. Au plur. loc. a) 1755 maladie de nerfs (Abbé PRÉVOST, Nouv. lettres angloises ou Hist. du chevalier Grandisson, t.3, p.43); b) 1756 ébranlement de nerfs (R.-L. D'ARGENSON, Journal et mémoires, t.9, p.222); 1825 crise de nerfs (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, p.458); c) 1762-79 avoir des nerfs (DIDEROT, Le Neveu de Rameau, éd. J. Fabre, p.67: Autrefois, Mademoiselle avoit des vapeurs; ce sont aujourdhuy des nerfs); 1851 avoir ses nerfs (DUMAS père, Villefort, III, 5); d) 1817 porter sur les nerfs (JOUY, L'Hermite de la Guiane, 29 janv. ds QUEM. DDL t.3); 1871 taper sur les nerfs (FLAUB., Corresp., p.304); e) 1876 passer ses nerfs (sur qqn) (GONCOURT, loc. cit.); f) 1901 mettre les nerfs en pelotes (BRUANT); g) 1929 (avoir les) nerfs à bout (COLETTE, Sido, p.136). Du lat. nervus «tendon, ligament; nerf», également «corde (d'un arc, de la lyre); lanière de cuir», et au fig. «force, vigueur; partie essentielle d'une chose». Fréq. abs. littér.:3891. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 9473, b) 6192; XXe s.: a) 3194, b) 3224.
DÉR. 1 Nerval, -ale, -als, adj. a) Anat. [Correspond à supra A] Qui a rapport aux nerfs. Le docteur fit une brochure dans laquelle il rappela l'antiquité de ces eaux, célébrées par Pline (...), et prouva qu'elles étaient le remède infaillible de ces affections nervales (JOUY, Hermite, t.4, 1813, p.106). b) Thérap. [Correspond à supra B] Qui soulage les nerfs. Le camphre fait partie de (...) préparations (...) telles que (...) le baume nerval (LEBEAU, COURTOIS, Pharm. chim., t.2, 1929, p.521). — []. Att. ds Ac. 1798. — 1res attest. a) 1590 «qui est bon pour les nerfs» (A. PARÉ, OEuvres, éd. J.-F. Malgaigne, t.2, p.542), b) 1771 «qui se rapporte aux nerfs» (Trév.); de nerf, suff. -al. 2. Nervisme, subst. masc. ,,Doctrine issue des travaux de Pavlov et développée par les auteurs russes, fondée sur «la soumission à l'organisation nerveuse de tous les processus ayant lieu dans l'organisme, aussi bien à l'état normal, qu'à l'état pathologique» (Bikov)`` (MARCH. 1970). — []. — 1re attest. 1958 (GARNIER-DEL.); de nerf, suff. -isme.
BBG. — QUEM. DDL t.3, 5, 8, 16 (s.v. nerval).
nerf [nɛʀ] (selon Académie, 8e éd., « l'F se prononce devant une voyelle et quelquefois quand il termine une phrase »; mais cet usage vieillit, sauf régionalement [Sud de la France] et au sens I, 2) n. m.
ÉTYM. 1080, la Chanson de Roland; du lat. nervus « ligament, tendon ».
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1 Il y a trois sortes de nerfs, parlant généralement : les uns qui sont des ligaments pour lier les os; et ceux-là sont insensibles. Les seconds sont les tendons, qui viennent d'une production des fibres du muscle, qui aboutissent à une espèce de corde pour faire mouvoir toutes les parties du corps. Ils ont un peu de sensibilité. Et les troisièmes viennent du cerveau et de l'épine, et sont appelés, par Galien, instruments du sentiment et du mouvement volontaire.
Furetière, Dict. (1690), art. Nerf.
———
1 Vx. Ligament, tendon des muscles (confondu, dans le langage courant, avec le nerf au sens II, et considéré à tort comme actionnant les muscles). ⇒ Muscle, tendon. || Les nerfs du jarret (→ Énervation; « Les Énervés de Jumièges »). || Le lion (cit. 2) est tout nerf et muscle. || Un petit vieux sec, tout en nerfs (→ Alerte, cit. 7). || Une viande pleine de nerfs (⇒ Nerveux, I.). || « Quand l'âge (cit. 45) dans mes nerfs a fait couler sa glace… » (Corneille). || Foulure, effort d'un nerf.
♦ Spécialt. (1278). || Nerf de bœuf : cravache, matraque faite d'une verge de bœuf ou de taureau étirée et durcie par dessication. || Battre qqn à coups de nerf de bœuf (cit. 8).
1.1 La police à cheval alors charge au triple galop, dégage l'abord, la perspective… fouaille les pillards au nerf de bœuf…
Céline, Guignol's band, p. 48.
2 (1559). Fig. (toujours au sing.; sens repris du latin). Ce qui fait la force active, la vigueur physique d'une personne, d'un animal. ⇒ Vigueur. || Avoir du nerf. || Un coureur, un cheval qui a du nerf. ⇒ Nerveux (I., 2.). || Priver de nerf. ⇒ Énerver (vx); énervant. || Un homme sans nerf et sans courage (→ Loyer, cit. 9). Fam. || Allons du nerf, un peu de nerf, frappez plus fort !
2 Les plaisanteries s'accentuaient : le café, ça donnait du nerf, c'était excellent pour les hommes qui dormaient trop (…)
Zola, la Terre, II, VII.
2.1 Non, à gauche ! À gauche ! Creuse plus fort ! — Allez, du nerf !
J.-M. G. Le Clézio, la Fièvre, p. 171.
♦ Par anal. (En parlant des ouvrages de l'esprit, des œuvres d'art). Vigueur, force (du style). ☑ Un style qui a du nerf, qui manque de nerf. || Pinceau, touche, composition qui manque de nerf, qui est mou, languissant.
3 (…) un article mal écrit, mais plein de nerf, dans lequel il déclare qu'il faut en finir avec l'idée de liberté, idée bourgeoise, paralysante et contre-révolutionnaire.
G. Duhamel, Salavin, V, IX.
♦ (Choses qui fonctionnent). || Le moteur manque de nerf. || Ce métal a du nerf.
♦ Ce qui donne de l'efficacité. — ☑ Loc. prov. L'argent (cit. 52 et 53) est le nerf de la guerre. (On dit absolt le nerf de la guerre pour l'argent).
4 Vous me représentez le bâtiment de Monsieur de Carcassonne comme un vrai corps sans âme, manquant d'esprits, et surtout du nerf de la guerre.
Mme de Sévigné, 1077, 26 oct. 1688.
5 (…) le serment (…) fut toujours le nerf de leur discipline militaire.
Montesquieu, Grandeur et décadence des Romains, I.
3 Par anal. (de forme). Reliure. Cordelette au dos d'un livre relié, à laquelle est cousu un cahier, et qui forme une nervure apparente. || Dos à quatre, à cinq nerfs. || Faux nerf ou nerf postiche : façon donnée au dos d'un livre et imitant le nerf. — Archit. || Nerf d'ogive. ⇒ Nervure.
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II
1 (1314). Chacun des filaments qui mettent les diverses parties du corps en communication avec le cerveau et la moelle épinière (centres nerveux). || Le nerf est constitué par les prolongements des cellules nerveuses (axones) groupées en faisceaux dans un tissu conjonctif et entourées d'une membrane (⇒ Névrilème). || L'élément du nerf est la fibre nerveuse, cylindraxe du neurone dont le corps cellulaire est dans les centres nerveux (fibre motrice) ou hors des centres nerveux (fibre sensitive). || Nerfs moteurs ou centrifuges (efférents), qui transmettent les indications motrices et sécrétoires à la périphérie. || Nerfs sensitifs ou centripètes (afférents), qui transmettent aux centres nerveux les stimuli concernant la sensibilité générale (→ Curare, cit.). || Nerfs sensoriels, qui conduisent les impulsions reçues par les organes des sens vers leurs centres nerveux. || Nerfs mixtes, à la fois moteurs et sensitifs, possédant des fibres des deux sortes. || Racines postérieures et antérieures d'un nerf. || Tronc d'un nerf. || Divisions du nerf. ⇒ Branche, faisceau, filet, rameau, ramification. || Trajet d'un nerf, distribution des nerfs (⇒ Innervation), enchevêtrement de nerfs (⇒ Plexus). || Faisceau qui se sépare d'un nerf et s'accole à un autre. ⇒ Anastomose. || Nerf récurrent. || Terminaison, arborisation du nerf dans le muscle. ⇒ Plaque (motrice). || Classification des nerfs par leur origine : nerfs de l'axe cérébro-spinal (névraxe), à fibres blanches à myéline, qui concernent la vie de relation (sensibilité et mouvements volontaires); nerfs de la chaîne latéro-vertébrale (reliée au névraxe par des rameaux communicants), à fibres grises sans myéline, qui intéressent la vie végétative (mouvements réflexes). ⇒ Sympathique. || Les nerfs se présentent par paires. — Nerfs crâniens ou encéphaliques (douze paires) qui partent de l'encéphale (cit. 1) : olfactifs, optiques, oculo-moteurs communs, pathétiques, trijumeaux, oculo-moteurs externes, faciaux, auditifs, glosso-pharyngiens, pneumogastriques ou nerf vague (→ Vagotonique), spinaux, hypoglosses. || Nerfs rachidiens ou spinaux (trente et une paires), qui partent de la moelle (cit. 8) épinière : huit paires cervicales, douze paires dorsales, cinq paires lombaires, cinq paires sacrées, une paire coccygienne. || Nerfs particuliers désignés par la région qu'ils innervent : axillaire, buccal, ciliaire, crural, cubital, cutané, dentaire (ou dental), digital, honteux (région génitale), nasal, oculaire, orbitaire, plantaire, radial, sciatique, sous-occipital, temporal, thoracique… || Anatomie du système nerveux et des nerfs. ⇒ Neurologie. || Physiologie du nerf. ⇒ Nerveux (influx); → Impression, cit. 47. || Excitabilité (cit. 3), conductibilité des nerfs. || On considérait autrefois les nerfs comme des vaisseaux servant de véhicule aux esprits animaux (→ 2. Animal, cit. 1). || Fonctions sécrétoire, trophique des nerfs. || Fonction vaso-motrice des nerfs; nerfs vaso-constricteurs, vaso-dilatateurs. || Science, pathologie des nerfs. ⇒ Neurologie, neurologue. || Exciter un nerf. || Élongation d'un nerf; section, ablation de nerf. ⇒ Énervation, névrotomie (ou neurotomie, névrectomie). Chir. dent. || Tuer, ôter le nerf d'une dent. || Rétraction d'un nerf coupé. || Douleur sur le trajet des nerfs. ⇒ Névralgie. || Irritabilité des nerfs. ⇒ Nervosisme (vx). || Maladies des nerfs. ⇒ Neurasthénie, névrite, névropathie, névrose (et aussi convulsion, spasme, prurit…). || Médicament pour le traitement des nerfs. ⇒ Nervin…; anesthésique, calmant, hypnotique, tranquillisant.
6 Les nerfs (…) sont l'organe immédiat du sentiment (sensibilité) qui se diversifie et change, pour ainsi dire, de nature suivant leur différente disposition, en sorte que, selon leur position, leur arrangement, leur qualité, ils transmettent à l'âme des espèces différentes de sentiments, qu'on a distinguées par le nom de sensations (…)
Buffon, Hist. nat. de l'homme, Des sens en général.
7 À l'exception des plus petits filets nerveux tous les nerfs présentent des artères, des veines, des lymphatiques et des nerfs (…) appelés nervi nervorum.
L. Testut, Traité d'anatomie, t. III, p. 52.
8 Les différents neurones qui constituent le système nerveux (…) sont groupés d'une manière bien définie, systématisée, et constituent ce que l'on appelle les centres et les nerfs. Les centres sont principalement constitués par la condensation de très nombreux corps cellulaires, tandis que les nerfs sont la réunion en un même faisceau, à la manière d'un câble téléphonique, de très nombreux prolongements, axones ou dendrites et que l'on appelle cylindraxes.
R. Fabre et G. Rougier, Physiologie médicale, p. 378.
2 (XIXe). Cour. || Les nerfs (considérés comme ce qui supporte les excitations extérieures ou les tensions intérieures). || Avoir les nerfs fragiles, irritables : être d'un tempérament nerveux. ⇒ Nerveux (II.), névropathie. ☑ C'est un paquet de nerfs, se dit d'une personne très nerveuse. ☑ Avoir des nerfs à toute épreuve (→ Cœur, cit. 111) : être d'un naturel calme. || Des bruits qui ébranlent, fatiguent les nerfs (→ Aboiement, cit. 1). — ☑ (1817). Porter sur les nerfs : irriter, exaspérer. ⇒ Agacer, énerver, irriter. — ☑ Fam. Cela me tape sur les nerfs. ⇒ Énervant. — Ne pas contrôler ses nerfs. ⇒ Énerver (s'). || Excitation des nerfs. ⇒ Énervement, nervosité. ☑ Avoir les nerfs tendus (→ Intense, cit. 2), crispés, en boule (cit. 2), en pelote, à vif… : être très énervé, irrité, en colère. || Se mettre les nerfs en pelote, en boule. ☑ Être sur les nerfs. ☑ Vivre sur les nerfs, se dit d'une personne très fatiguée qui n'agit que par des efforts de volonté. ☑ Être à bout de nerfs, dans un état de surexcitation qu'on ne peut maîtriser plus longtemps. ☑ Attaque (cit. 11), crise de nerfs, troubles hystériformes plus ou moins graves (cris, pleurs, gestes désordonnés…). ☑ Absolt. Avoir ses nerfs : être énervé, avoir une petite crise de nerfs. — Avoir les nerfs détendus. || Calmer (cit. 15), maîtriser (cit. 8) ses nerfs. || Activité, parole qui calme les nerfs.
9 Tout cet ensemble de choses calmes, rassurantes, hospitalières, ne détendait point les nerfs d'Isabelle, frémissants comme les cordes d'une guitare qu'on vient de pincer (…)
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, XVI.
10 (…) le petit porcher ayant renversé un seau d'eau blanche qu'il portait aux cochons, elle se détendit un peu les nerfs en le giflant.
Zola, la Terre, II, I.
11 Qu'a-t-il donc à gueuler comme ça ? dit-elle en parlant de Bordenave. Ça va être gentil tout à l'heure… On ne peut plus monter une pièce sans qu'il ait ses nerfs, maintenant.
Zola, Nana, IX.
12 En outre, ses nerfs étaient à fleur de peau, qu'il ne pouvait calmer que par un usage — presque immodéré — des bains prolongés (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, « De Brumaire à Marengo », VI.
13 Il avait sur n'importe quoi des opinions d'autant plus inébranlables, qu'il n'écoutait jamais que lui. Dieu ! que son ton péremptoire me tapait sur les nerfs (…)
Gide, Si le grain ne meurt, I, X, p. 273.
13.1 Votre père trouvait que vous preniez trop au sérieux la philosophie, que cela vous portait sur les nerfs.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 322.
14 Pour dompter ses nerfs, elle s'obligea à marcher, et, malgré son impatience, gagna l'avenue de Wagram à pied.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 249.
15 Vous ne vous figurez pas comme j'étais fatigué… J'avais les nerfs en pelote (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IX, VII, p. 66.
♦ ☑ La guerre des nerfs : l'ensemble des procédés utilisés en temps de guerre pour affaiblir le moral de l'ennemi en agissant sur les nerfs des militaires et des civils au moyen de fausses nouvelles, de campagnes d'intimidation, etc. (locution usitée depuis 1939-1945).
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DÉR. Nerval, nervé, nerver, nerveux, nervin, nervisme, nervure.
COMP. Nerf-férure, nerf-foulure.
Encyclopédie Universelle. 2012.