imprégner [ ɛ̃preɲe ] v. tr. <conjug. : 6>
• 1620; « rendre enceinte » 1500; réempr. du lat. imprægnare (de prægnas « enceinte »), le v. de même orig. empreigner (« féconder » XIIe; « pénétrer [chaleur...] » XVIe ) se confondant avec empreindre
1 ♦ Pénétrer (un corps) de liquide dans toutes ses parties. ⇒ imbiber, tremper. Teinture dont on imprègne les cuirs. Pronom. Le bois s'est imprégné d'eau. — Par anal. « Le parfum de la résine brûlée imprégnait ce jour torride » (F. Mauriac). Imprégner de lumière. ⇒ baigner. — Fig. L'ironie « dont est imprégnée votre lettre » (F. Mauriac).
2 ♦ Pénétrer, influencer profondément. Être imprégné de préjugés. ⇒ imbu. « Mes premières années ont été trop imprégnées des idées issues de la Révolution » (Nerval). Pronom. S'imprégner de littérature anglaise.
● imprégner verbe transitif (ancien français empreignier, du bas latin impraegnare, féconder) Faire pénétrer dans une substance un fluide qui s'y répand, s'y diffuse : Imprégner un bois d'un produit protecteur. Pénétrer une substance, un milieu, s'y répandre de façon diffuse : L'odeur du tabac imprégnait ses vêtements. Marquer quelqu'un, un groupe d'une influence durable : La propagande imprégnait les esprits d'idées révolutionnaires. En éthologie, soumettre un individu à un modèle d'empreinte dans une situation d'isolement social. ● imprégner (difficultés) verbe transitif (ancien français empreignier, du bas latin impraegnare, féconder) Conjugaison Attention à l'accent, tantôt grave, tantôt aigu : il imprègne, nous imprégnons ; il imprégna. ● imprégner (synonymes) verbe transitif (ancien français empreignier, du bas latin impraegnare, féconder) Faire pénétrer dans une substance un fluide qui s'y répand...
Synonymes :
- gorger
- imbiber
- saturer
Pénétrer une substance, un milieu, s'y répandre de façon diffuse
Synonymes :
- envahir
- inonder
- saisir
Marquer quelqu'un, un groupe d'une influence durable
Synonymes :
- baigner
- imprimer
- pénétrer
imprégner
v. tr. Imbiber, faire pénétrer un liquide dans (un corps). Imprégner un linge de produit nettoyant.
|| Par ext. L'odeur de friture imprègne les vêtements.
— Pp. Fig. Imprégné d'une idéologie.
⇒IMPRÉGNER, verbe trans.
I. — Vieilli. Féconder. (Dict. XIXe et XXe s.).
— En partic. [Dans les théories (contestées) de l'hérédité d'influence] Rendre une femelle pleine pour la première fois et, de ce fait, exercer une influence sur les produits de fécondations ultérieures par d'autres mâles. [Dans] l'hérédité d'influence, (...) [le] premier mâle (...) a comme imprégné la femelle pour sa conception future, même lorsqu'il n'en est plus l'auteur (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 38).
II. A. — [En parlant d'une substance, en partic. d'un fluide] (Faire) pénétrer complètement et de manière diffuse à l'intérieur d'un corps. Synon. humecter, imbiber.
1. a) Qqn1 imprègne qqc.2 (de qqc.3). Cette armoise, convenablement desséchée, fournit une substance très-inflammable, surtout lorsque plus tard l'ingénieur l'eut imprégnée de ce nitrate de potasse dont l'île possédait plusieurs couches (VERNE, Île myst., 1874, p. 120). Elle reprit la bouteille, et imprégna de nouveau le petit morceau de ouate (...). Deux fois elle versa du chloroforme dans le coton (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Yvette, 1884, p. 549).
— Qqc.2 s'imprègne de qqc.3 Au moyen des papilles plus ou moins nombreuses dont elle est parsemée, elle [la langue] s'imprègne des particules sapides et solubles des corps avec lesquels elle se trouve en contact (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 38). Le blé (...) s'y imprègne [dans le sol] d'azote et d'autres substances que plus tard la tige, en s'élevant, transformera au contact de l'air (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 134).
— Au passif ou part. passé. Un charbon dans un creuset, un boulet dans sa forge, sont tout blancs lorsqu'ils sont imprégnés de feu (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 345). Pendant qu'ils sont mastiqués les aliments sont imprégnés de salive : c'est l'insalivation (CAMEFORT, GAMA, Sc. nat., 1960, p. 130) :
• 1. ... les gardiens se chauffent avec des débris de vieilles barques imprégnées de sel et de goudron, dont l'odeur se mêle à celle des ananas fermentés.
MORAND, New-York, 1930, p. 64.
♦ Emploi adj. Ces dures et tristes pierres d'un gris de deuil, et toutes imprégnées de limaille de fer sont réfractaires au ciseau (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p. 284).
b) Qqc.3 imprègne qqc.2 Le liquide huileux qui imprègne les plumes des oiseaux (...) a sa source (...) dans une glande qui est située sur leur croupion (CUVIER, Anat. comp., t. 5, 1805, p. 260).
2. Rare. Qqn1 imprègne qqc.2 à, dans qqc.3; qqc.3 s'imprègne dans qqc.2 La pluie s'imprègne dans le sol (Lar. Lang. fr.).
— Au passif ou part. passé. Les uns [des insectes] s'abreuvaient d'un reste de parfum imprégné à ses cheveux mouillés (SAND, Lélia, 1833, p. 300).
3. En partic. Qqn1 imprègne qqc.2 au moyen de, avec, à (rare) qqc.3 Procéder à l'imprégnation d'un matériau au moyen d'une substance appropriée. Un premier procédé d'amélioration consiste à imprégner les bois dans la masse au moyen d'une résine synthétique convenablement choisie (CAMPREDON, Bois, 1948, p. 92). La fabrication des fruits confits consiste à imprégner la substance des fruits avec suffisamment de sucre pour assurer leur conservation (BRUNERIE, Industr. alim., 1949, p. 33).
— Au passif ou part. passé. Les bois imprégnés aux résines synthétiques se trouvent jouir de propriétés remarquables (CAMPREDON, op.cit., p. 94).
B. — P. anal. (Faire) se répandre de manière diffuse à l'intérieur de quelque chose.
1. Qqn, qqc.1 imprègne qqc.2 de qqc.3
a) Rare. [Le suj. désigne un agent hum.] Ah! Dieu! vous sentez le tabac à faire horreur! s'écria Julie... Laissez mes cheveux, vous allez les imprégner de cette odeur-là, et je ne pourrai plus m'en débarrasser (MÉRIMÉE, Double mépr., 1833, p. 14).
— Qqn1 s'imprègne de qqc.3 (p. plaisant.). On voit ainsi des malheureux — et des malheureuses — qui s'imprègnent de coco, d'héroïne et d'alcool, et deviennent ainsi pareils à ces baquets où les marchands de poisons vident le résidu de leurs assommoirs (L. DAUDET, Homme et poison, 1925, p. 117). Des parfums variés (...), Pierrot ne retenait que le voluptueux houbigant [un parfum] dont s'imprégnait la mignonne (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 28).
b) [Le compl. prép. introd. par de désigne une partie du référent du suj.] Elle s'enveloppa dans une gandourat blanche que sa doublure colorée imprégnait d'une lumière rose insaisissable (COLETTE, Chéri, 1920, p. 204). À cette époque où la résine commence à suinter, imprégnant l'air de son arôme balsamique, toute autre senteur s'avive (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 98).
— Qqc.1 s'imprègne de qqc.3 L'ouest s'imprègne en un clin d'œil de ce rouge très sombre qui semble être le sang veineux du couchant (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 299). Elle [la terre lorraine] s'imprégnait de lumière, se pénétrait de chaleur (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 255).
c) Au passif ou part. passé. L'air de leur chambre est imprégné de musc, d'ambre, ou d'autres parfums (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 61). Ces lambris encore tout imprégnés du souvenir des anciens hôtes (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 7).
— Emploi adj. Cette petite main douce et imprégnée de parfums (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 188).
2. Qqc.3 imprègne qqc.2 L'odeur sauvage des oiseaux imprégnait les murs de torchis, les planches vermoulues (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1529). Voici la chambre où il dormait. Rien de cette substance idéale qui semble parfois imprégner les cloisons et les meubles des pièces où de grands hommes ont vécu (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p. 242).
C. — Au fig. [Le compl.2 désigne une pers. ou, p. méton., une faculté, une production hum.]
1. [Le compl.3 désigne un affect] (Faire) ressentir profondément. Synon. pénétrer.
a) Qqc.1/qqn1 imprègne qqn2 de qqc.3 Le Léthé de la nuit délicieusement M'imprégnait d'un silence ineffable (DIERX, Lèvres closes, 1867, p. 180). La nuit (...) d'une beauté qui vous imprègne de volupté (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 309).
— Qqn2 s'imprègne de qqc.3 Le comte, depuis son entrée dans la maison, s'était déjà imprégné de ce bonheur; aussi restait-il muet et rêveur (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 728).
♦ [Le compl.3 désigne p. méton. l'impression causée par qqc.] Je compte rester deux mois là-bas, le temps de m'imprégner du paysage et de mettre de l'ordre dans mes sentiments (L. DAUDET, Médée, 1935, p. 163).
— Au passif et/ou part. passé. Synon. (être) plein de qqc. Ses pensées étaient imprégnées de bonheur, et ses rêves se ressentirent de cette douce inspiration (SÉGUR, Auberge ange gard., 1863, p. 267). Je suis imprégné d'émotions trop vives (...), trop bien inscrites en moi-même, pour désirer les reproduire (CHARDONNE, Éva, 1930, p. 95).
♦ Rare. [Le compl.3 désigne p. méton. l'impression causée par qqn] Madame Baudouin partit tout imprégnée de Madame Gérard, pleine d'admiration et de dévouement (DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p. 174).
b) Qqc.3 imprègne qqn2. Un bien-être fondant imprègne ma chair (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 129). V. alanguir ex. 3.
2. a) Qqn1 imprègne qqn2/qqc.2 de qqc.3 Faire que quelqu'un, quelque chose porte la marque de l'influence de quelque chose dans chacun de ses comportements, dans chacun de ses aspects. La politique socialiste, nuance Guesde, ou plutôt nuance Schleiter, c'est-à-dire (...) un socialisme d'extrême-gauche qu'il imprégnait de syndicalisme (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 45) :
• 2. ... c'est encore l'époque où il [Racine] crée lentement sa dernière tragédie profane. L'esprit religieux dont il l'imprègne n'a rien de commun avec celui dont les habiles commencent de faire parade à la cour.
MAURIAC, Vie Racine, 1928, p. 126.
— Qqn2/qqc.2 s'imprègne de qqc.3 Assimiler insensiblement. Synon. se pénétrer de. Élevés pendant trois générations successives dans notre pays, ils s'imprégnèrent de mœurs et d'opinions jusqu'alors repoussées comme contraires à leur loi (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 182). La facilité qu'ont les mots de s'imprégner des notions morales (DU BOS, Journal, 1923, p. 240). Il s'était fait une culture particulière, — commençant par s'imprégner, tout jeune encore, des œuvres les plus abstraites, les plus audacieuses de la littérature contemporaine (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 51) :
• 3. Les paysans y sont mêlés aux châtelains [dans des commissions]. Ils apportent aux assemblées leur sens des réalités, leur passion de l'économie, leur ingéniosité d'investigation. Ils s'y imprègnent d'idées d'organisation et de direction, de prévisions lointaines...
PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 231.
— Au passif ou part. passé. (Être) imbu, nourri de (quelque chose). Toute la philosophie [de Leibnitz] est imprégnée de l'idée de la perfectibilité (P. LEROUX, Humanité, t. 1, 1840, p. 142). L'ensemble de la littérature française de Suisse romande est imprégné de l'esprit protestant (Arts et litt., 1936, p. 38-04).
♦ Emploi adj. Il était aussi bien plus imprégné d'hellénisme que l'on ne s'y fût attendu (P. ROUSSEAU, Hist. transp., 1961, p. 44).
b) Qqc.3 imprègne qqn2, qqc.2 Influencer profondément dans chacun de ses comportements, dans chacun de ses aspects. Le puritanisme originel qui imprègne la politique américaine demeure visible et efficace (MAURIAC, Nouv. Bloc-notes, 1961, p. 240) :
• 4. Dans son contenu néo-classique et aussi dans une large part de la critique qu'elle dirige contre le néo-classicisme, la théorie moderne élude la réalité de la contrainte, en suppose arbitrairement le domaine fort restreint, dissimule qu'elle imprègne en fait toute la vie économique concrète.
PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 303.
— Rare, absol. Rien n'imprègne, rien ne reste comme ces lectures faites au fond d'une cellule (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 286).
3. Rare. Qqc.3 s'imprègne à, dans qqn2. Se communiquer à, pénétrer dans. Sa bonne humeur, très communicative, s'imprégnait à tous (VERNE, Tour monde, 1873, p. 195). Ce soir, ce soir qui meurt, s'imprègne dans nos moelles (SAMAIN, Chariot, 1900, p. 36).
III. — ÉTHOLOGIE. Imprégner (un animal) à qqc. Exposer un très jeune animal à un leurre (dans un dispositif expérimental) déclenchant et déterminant son comportement social et/ou sexuel. Il semble même que des oiseaux puissent être « imprégnés » à un objet stationnaire pourvu qu'en l'absence de toute autre stimulation plus attrayante, ils restent un temps suffisant en contact avec celui-ci (Encyclop. univ. t. 8, 1970, p. 759).
REM. 1. Imprégnant, -ante, adj. Qui a la propriété d'imprégner. Des résines imprégnantes (CAMPREDON, Bois, 1948, p. 94). Au fig. L'ombre avait cette mélancolie imprégnante (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1939, p. 216). 2. Imprégnable, adj. Qui peut être imprégné. (Dict. XIXe et XXe s.). La terre est imprégnable (RAYMOND 1832).
Prononc. et Orth. : [] ou [--], (il) imprègne []. Att. ds Ac. dep. 1740. V. imprégnation. Étymol. et Hist. I. 1. 1121-34 enpreignier intrans. « devenir enceinte; être fécondée » (PH. DE THAON, Bestiaire, 3032 ds T.-L.); 2. 1130-40 enpreigner trans. « rendre enceinte; féconder » (WACE, Conception N.D., éd. W. R. Ashford, 855); 1500 imprégner (Therence en français, éd. A. Verard, f° 370a ds GDF.). II. 1. [1620 imprégner « pénétrer (un corps) dans toutes ses parties » ds BL.-W.2-5]; 1671 « id. (en parlant d'une matière quelconque) » (POMEY); 2. 1762 « id. (en parlant d'un liquide) » (BONNET, Cons. Corps org., t. 1, p. 68); 3. 1740-55 « pénétrer, influencer profondément » (SAINT-SIMON, Mémoires, éd. A. de Boislile, t. 22, p. 23). Du b. lat. impraegnare « féconder ». La réfection d'empreignier (encore usité au XVIIIe s.) en imprégner est due au désir d'éviter une confusion avec certaines formes du verbe empreindre qui présentait des anal. de sens (d'où empreindre « engrosser » 1530, PALSGR.). Le sens 3 qui rappelle les sens fig. de l'a. fr. empreignier « remplir (d'un sentiment) » (XIIIe s. ds T.-L.) paraît dû à l'infl. d'empreindre. Fréq. abs. littér. Imprégner : 247. Imprégné : 441. Fréq. rel. littér. Imprégner : XIXe s. : a) 104, b) 222; XXe s. : a) 346, b) 557. Imprégné : XIXe s. : a) 373, b) 531; XXe s. : a) 791, b) 795.
imprégner [ɛ̃pʀeɲe] v. tr. [CONJUG. céder.]
ÉTYM. V. 1140, empreignier « devenir enceinte »; « rendre enceinte », 1125; bas lat. imprægnare « féconder », de im- (→ 2. In-), et prægnans, prægnantis « qui est près de produire; enceinte; gros, gonflé », de præ « avant » et gnasci, archaïsme pour nasci « naître ».
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II Mod.
1 (1620; par confusion avec empreindre, dont beaucoup de formes étaient communes avec celles d'imprégner). || Imprégner qqch. de qqch., pénétrer (un corps) dans toutes ses parties, en parlant d'une matière. ⇒ Imprégnation (II.). — (Vx, sauf en parlant de liquides : 1762). ⇒ Humecter, imbiber, tremper. || Imprégner un tissu d'eau, de teinture. || Teinture dont on imprègne les cuirs (→ Cirage, cit. 2). — Au p. p. || Tampon imprégné d'alcool; mouchoir imprégné de parfum.
1 (…) on obtient (la soude) par la combustion et l'incinération des plantes qui croissent près de la mer, et qui, par conséquent, sont imprégnées de sel marin (…)
Buffon, Hist. nat. des minéraux, Alcalis et leurs combinaisons.
2 Tout était imprégné d'eau; tout était ruisselant de sel et de saumure.
Loti, Pêcheur d'Islande, III, X.
3 (…) des cigarettes dont l'encens imprégnait ses vêtements, ses papiers et toutes choses autour de lui.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, p. 182.
♦ Par anal. (Sujet n. de chose). || La brise imprégnait l'atmosphère du parfum des fleurs. — (Passif et p. p.). || Être imprégné d'une odeur.
4 Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », XII.
5 La tombée du soir imprégnait le parc de fraîcheur, faisait frissonner les arbres et s'exhaler de la terre des vapeurs imperceptibles qui jetaient sur l'horizon un léger voile transparent.
Maupassant, Fort comme la mort, II, II.
♦ (Le sujet désigne ce qui imprègne) :
6 Le parfum de la résine brûlée imprégnait ce jour torride et le soleil était comme sali.
F. Mauriac, Thérèse Desqueyroux, VIII.
♦ Imprégner (un lieu) de lumière. ⇒ Baigner (→ Fondant, cit. 2).
7 Une allégresse infinie égayait la terre et le ciel. Tout respirait la joie et l'amour partagé; l'atmosphère était imprégnée de jeunesse et de bonheur.
Th. Gautier, Fortunio, XV.
8 Je m'exprime ici sans ironie, mon petit Louis, et vous avoue que je goûte peu celle dont est imprégnée votre lettre.
F. Mauriac, la Pharisienne, XIV.
2 (V. 1740, Saint-Simon). Abstrait. || Imprégner qqn de qqch., pénétrer, influencer profondément. ⇒ Envahir, pénétrer; impression, II. || Imprégner qqn d'une idée, d'une conviction. ⇒ Inculquer. || Imprégner qqn de son esprit. ⇒ Animer, déteindre (sur), imprimer, marquer. — Passif et p. p. || Être imprégné de préjugés. ⇒ Imbu. || Animés (cit. 42) par le vin, imprégnés de cette chaude atmosphère. || Cette femme le hante, il en est comme imprégné (→ Fada, cit. 1).
9 (…) pour avoir le temps aussi de le sonder (le Dauphin) partout, et de l'imprégner doucement et solidement de mes sentiments et de mes vues (…)
Saint-Simon, Mémoires, III, LVII.
10 Mes premières années ont été trop imprégnées des idées issues de la Révolution, mon éducation a été trop libre, ma vie trop errante, pour que j'accepte facilement un joug qui sur bien des points offenserait encore ma raison.
Nerval, Aurélia, IV.
11 (…) je me sens aujourd'hui un peu plus imprégné que jamais de cette vague tristesse que distille la vie.
France, le Crime de S. Bonnard, I, Œ., t. II, p. 284.
12 Dans ses moments bien lucides, son désespoir de plus en plus gagnait en profondeur, l'imprégnait plus mortellement jusqu'aux moelles (…)
Loti, Matelot, LIII.
13 L'homme qui, sans désir précis, sans besoin, sans programme surtout, ouvre chaque jour, pendant quelques heures, le robinet de musique et de mots, se trouvera finalement imprégné.
G. Duhamel, Manuel du protestataire, p. 159.
3 Didact. (éthol.). || Imprégner un animal à (qqch., qqn), l'exposer au début de son développement comportemental à (un objet, un animé, une personne qui conditionne son comportement futur). ⇒ Imprégnation (II., 3., spécialt).
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s'imprégner v. pron.
1 (Sujet et compl. n. de chose). S'imbiber. ⇒ Absorber, boire, prendre (l'eau). || Bois qui s'imprègne d'eau. Par anal. || Aliments qui se sont imprégnés d'une mauvaise odeur.
2 Fig. (Sujet n. de personne; compl. n. de chose abstraite). || S'imprégner d'une idée, d'un sentiment. || S'imprégner de connaissances. ⇒ Assimiler; apprendre (→ Faire entrer).
14 (…) nous le trouvâmes à Londres vivant de la vie anglaise pour bien s'imprégner du sentiment shakespearien et en mieux comprendre le sens intime.
Th. Gautier, Portraits contemporains, p. 155.
15 (…) il s'était imprégné d'elle comme une éponge se gonfle d'eau (…)
Maupassant, Fort comme la mort, I, I.
16 Nous n'allons pas au collège pour nous instruire, mais pour nous imprégner des préjugés de notre classe sans lesquels nous serions dangereux et malheureux.
A. Maurois, les Silences du colonel Bramble, I, p. 14.
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imprégné, ée p. p. adj.
♦ Au p. p. → ci-dessus cit. 1, 2 et 4; supra cit. 7; cit. 11 et 13.
♦ Adj. || Tampon imprégné.
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DÉR. Imprégnable, imprégnant.
Encyclopédie Universelle. 2012.