CHOLÉRA
Maladie transmissible, endémo-épidémique, le choléra est strictement limité à l’espèce humaine: il est provoqué par des bactéries du genre Vibrio et n’a rien à voir avec certaines infections animales comme le choléra des poules (causé par des Pasteurella ). Originaire d’Asie où il existait depuis des temps immémoriaux, le choléra a connu plusieurs extensions meurtrières en Europe, Amérique et Afrique à partir du XIXe siècle. Depuis 1960, la maladie a pris une allure bactériologique et épidémiologique nouvelle, au point que l’on doit opposer désormais un choléra «actuel» au choléra asiatique «classique».
Les grandes épidémies cholériques
Le choléra, dont le lieu d’origine peut être situé au Bengale, n’a cessé de sévir de façon endémique dans le delta du Gange, avec des diffusions plus ou moins étendues au reste de la péninsule indienne. Durant des siècles, ses expansions périodiques restèrent limitées à l’Asie du Sud-Est. À partir du début du XIXe siècle, les progrès des échanges commerciaux et de la navigation contribuèrent à sa dissémination, à l’est vers la Chine et le Japon, à l’ouest vers l’Afghanistan, l’Iran, la Syrie, l’Égypte et le bassin méditerranéen. L’année 1817 ouvrit la première des six «pandémies» durant lesquelles le choléra déferla sur le monde: de 1817 à 1823, l’Asie entière fut atteinte et l’épidémie s’étendit jusqu’à la côte orientale de l’Afrique. Les frontières de l’Europe furent atteintes pour la première fois en 1823 à partir de l’Asie Mineure; la Russie, l’Allemagne, l’Angleterre, la France et finalement l’Europe dans son ensemble totalisèrent plus d’un million de victimes jusqu’en 1837; simultanément, le choléra atteignit toute l’Amérique du Nord et l’Australie. La troisième pandémie ravagea l’Europe et le bassin méditerranéen de 1846 à 1851 avant de gagner à nouveau l’Amérique du Nord. De 1863 à 1876, le choléra toucha à nouveau l’Europe, mais surtout se répandit, à partir du bassin méditerranéen, en Afrique jusqu’au Sénégal et en Amérique du Sud (république Argentine). C’est à l’occasion de l’épidémie qui frappa l’Égypte, une fois encore, en 1883, que Robert Koch découvrit le germe responsable: Vibrio cholerae. Une prophylaxie rationnelle put alors voir le jour. Elle n’empêcha pas la Russie et l’Europe centrale d’être atteintes à nouveau de 1892 à 1896 et même, plus tardivement, en 1902, en 1908, puis lors de la guerre des Balkans et lors de la Première Guerre mondiale. Cependant, les mesures prophylactiques finirent par porter leurs fruits; ainsi la Seconde Guerre mondiale, malgré l’importance du brassage des populations, n’entraîna pas de nouvelle extension. Peu à peu, de 1910 à 1960, le choléra en vint à se cantonner dans ses zones endémiques d’origine et les épidémies demeurèrent toujours centrées sur le delta du Gange, avec des fluctuations en fonction des circonstances locales et des mesures prophylactiques. Ainsi l’activité incessante des instituts Pasteur d’Indochine contribua largement à la réduction du foyer de Cochinchine. D’autres circonstances favorisèrent la régression en d’autres points: les foyers de la Chine méridionale par exemple s’éteignirent grâce au blocus des guerres sino-japonaises.
L’éradication du choléra asiatique paraissait donc pouvoir être très sérieusement envisagée lorsqu’en 1961 ces prévisions furent démenties par une série d’épidémies. Parties de l’île Célèbes, elles gagnèrent Java et Bornéo, puis le Guangdong et les Philippines. Formose et la Corée du Sud furent touchées en 1962, Malacca, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge en 1963, le Pakistan oriental en 1964, le Pakistan occidental, l’Afghanistan et l’Iran en 1965. Ainsi le monde entrait dans la période du choléra «actuel» avec cette «septième pandémie cholérique» que les experts tenaient cependant pour très improbable. Si la marche vers l’ouest de cette pandémie fut calquée sur celles des précédentes, en particulier sur celles de la première et de la sixième, il est capital de souligner que le point de départ en fut l’Indonésie et non plus le foyer indien traditionnel. Cette origine géographique nouvelle s’accompagne d’un caractère bactériologique majeur: le germe actuellement en cause n’est plus le Vibrio cholerae classique, mais un germe voisin, Vibrio El Tor . Ce dernier, connu des bactériologistes depuis 1897, était tenu pour, sinon totalement, du moins exceptionnellement pathogène. Les raisons de son pouvoir pathogène actuel et de sa substitution au Vibrio cholerae dans la pandémie actuelle sont encore ignorées. Le fait qu’on ait vu en 1964 à Calcutta, foyer traditionnel de choléra classique, celui-ci disparaître pour être presque totalement remplacé par des cas de Vibrio El Tor a fait parler d’une «variation» de Vibrio cholerae sous l’influence du chlore utilisé pour la stérilisation de l’eau. Si certaines expériences appuient cette hypothèse, celle de l’importation de Vibrio El Tor ne peut être écartée pour autant.
Situation actuelle. Selon les relevés de l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de cas déclarés dans le monde fut de 303 504 en 1991 contre 48 403 en 1989, et le nombre de pays signalant la maladie n’est plus que d’une dizaine. En 1990-1991 en Amérique du Sud (Colombie et surtout Pérou) a sévi une grave épidémie, ce qui explique ces chiffres. L’Afrique (35 000 cas en 1989, dont l’Angola, le Malawi et la Tanzanie) et l’Asie (13 000 cas, dont la Chine et l’Inde) sont l’objet de fluctuations avec une baisse régulière. En Europe, on dénombre 11 cas dont 7 importés.
Épidémiologie et diagnostic
La transmission du choléra se fait toujours par voie orale, soit directement par contact avec les selles d’un malade ou d’un porteur sain de vibrions, soit indirectement par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. L’origine hydrique domine l’épidémiologie du choléra, expliquant son endémicité dans les régions deltaïques aux populations entassées, ne disposant pas d’eau épurée mais d’eaux chargées de matières organiques assurant la survie des vibrions et régulièrement réensemencées par les malades (défécation, vomissements, linges).
L’homme est infectant par ses selles dès la période d’incubation, puis pendant la maladie, et peut le rester plus ou moins longtemps après la guérison. Les dernières épidémies ont été l’occasion de réviser les notions classiques sur le rôle des porteurs de germes, convalescents ou sujets ayant été en contact avec des cholériques. La responsabilité des porteurs de germes dans la contamination était jusqu’alors considérée comme minime par rapport à celle des sujets en période d’incubation de la maladie. Jusqu’en 1960, il était admis que la présence du vibrion cholérique chez les porteurs sains ne dépassait pas trente à quarante jours; actuellement, nombre d’observations font état de délais pouvant atteindre plusieurs mois et aussi, dans un cas, trois ans. De même la proportion de ces porteurs sains semble avoir été sous-estimée: actuellement, une proportion de 18 p. 100 de porteurs sains a été relevée aux Philippines et de 30 p. 100 au Pakistan oriental, parmi l’entourage des malades.
Il est possible que l’augmentation actuelle de la proportion des porteurs et des délais de portage soit en partie expliquée par les techniques récentes de dépistage des vibrions: celui-ci n’était fait, jusqu’en 1960, qu’à partir de selles normalement émises. Actuellement, l’examen de selles est précédé d’une purge au sulfate de magnésie qui expulse dans les selles les vibrions qui pouvaient se maintenir dans la vésicule biliaire. Cette méthode, beaucoup plus fidèle, décèle donc un plus grand nombre de porteurs sains et après des délais plus étendus que les techniques antérieures. Le rôle des porteurs de germes dans le maintien ou la reviviscence des épidémies, qu’il s’agisse de Vibrio cholerae ou de Vibrio El Tor , apparaît maintenant beaucoup plus important que l’on ne pensait jusqu’à 1960.
La transmission indirecte par les linges, surtout lorsqu’ils restent humides, par des fruits ou légumes consommés crus et lavés dans l’eau souillée, par des mouches dont les pattes peuvent transporter les vibrions des selles aux aliments (lait, pain, fruits, etc.) est fonction de la possibilité de survie de ces vibrions hors de l’organisme humain. Des études ont montré que, si le temps de survie de Vibrio cholerae dans le milieu extérieur ne dépassait pas deux semaines, celui de Vibrio El Tor pouvait atteindre trois à quatre semaines; la propagation de ce dernier par transmission indirecte est donc favorisée, et les cadavres de cholériques peuvent rester infectants durant trois à cinq semaines.
Le rôle des facteurs météorologiques dans le déclenchement ou la limitation des épidémies a été bien démontré en Inde où les poussées épidémiques nécessitent un degré élevé d’humidité atmosphérique, une raréfaction des pluies durant la mousson d’hiver et un «terrain» réceptif, favorisé par l’absence de choléra durant deux ans. Dans les régions à hiver rigoureux, celui-ci entraîne l’arrêt du choléra. Il en fut ainsi en 1965 où la marche vers l’ouest du Vibrio El Tor fut stoppée par l’hiver iranien.
Qu’il soit ou non facilité par la notion d’épidémie, le diagnostic du choléra, comme le dépistage systématique des porteurs sains, repose sur la mise en évidence des vibrions. On les recherchera avant tout dans les selles, mais aussi les vomissements, les vêtements souillés. L’examen à l’état frais et après coloration apporte un argument de présomption en découvrant des bacilles incurvés (bacille «virgule»), très mobiles et non colorés par la méthode de Gram. Les passages, durant trois à six heures à 37 0C, en milieux d’enrichissement permettent de sélectionner les vibrions à partir des selles et de disposer de cultures pures après un délai de dix-huit à vingt-quatre heures. Les vibrions peuvent alors être identifiés par diverses épreuves: agglutination par des sérums anticholériques, action hémolytique sur les globules rouges de mouton ou de chèvre, propriétés culturales et biochimiques, sensibilité aux bactériophages ou à certains antibiotiques.
Pouvoir pathogène du vibrion cholérique
Tous les vibrions pathogènes élaborent une entérotoxine protéique de poids moléculaire 84 000. Libérée dans la lumière intestinale, celle-ci se fixe rapidement sur les sites récepteurs de l’épithélium intestinal de l’intestin grêle, en particulier du jéjunum. Cette fixation irréversible stimule l’activité adénylcyclasique de l’intestin, entraînant après une trentaine de minutes la fuite hydroélectrolytique responsable de la diarrhée aqueuse, symptôme majeur du choléra.
L’incubation est courte, quatre à cinq jours en moyenne, avec deux à neuf jours pour chiffres extrêmes. Dans les cas typiques, le début est brutal, frappant subitement des sujets en parfaite santé apparente. Le tableau est dominé par l’émission de selles accompagnant des douleurs épigastriques et non coliques; impérieuses, exténuantes, les selles peuvent atteindre le nombre de soixante à cent par jour et prennent rapidement un aspect aqueux, incolore, avec des grains blanchâtres analogues à des grains de riz. Les vomissements, également impérieux et incoercibles, apparus aussi dès le premier jour, prennent vite le même aspect aqueux et riziforme. Diarrhée et vomissements, dont le volume quotidien peut atteindre plusieurs litres, entraînent rapidement une soif inextinguible (toute ingestion de liquide provoque une recrudescence des vomissements) et un état de déshydratation aiguë avec raréfaction des urines ou même anurie totale, prostration et troubles circulatoires (pouls rapide filiforme, hypotension) entraînant l’algidité: alors que la température centrale reste à 37 0C, la température des extrémités peut descendre en dessous de 35 0C. La déshydratation entraîne un amaigrissement d’une extraordinaire rapidité. En l’absence d’un traitement d’urgence, la mort survient par collapsus cardiaque deux à trois jours après les premiers signes cliniques, le malade demeurant lucide malgré une asthénie, une angoisse croissante et des crampes extrêmement douloureuses.
À côté de cet aspect habituel, il existe des formes mortelles en quelques heures, sans diarrhée ni vomissements («choléra sec»), des formes atténuées, guérissant spontanément, limitées à une diarrhée transitoire, des formes typhoïdiques, etc.
La mortalité varie selon les épidémies, elle a nettement diminué et oscille autour de 1 p. 100 en régions d’endémies. Le pronostic, largement influencé par le rôle du terrain (vieillards, enfants, sous-alimentés), est avant tout fonction de la précocité du diagnostic et de la mise en œuvre d’un traitement d’urgence.
Traitement et prophylaxie
La rapidité de l’évolution du choléra, de la déshydratation et de la déminéralisation, de la menace d’acidose et d’urémie fait que le traitement doit être entrepris d’extrême urgence afin de compenser au plus tôt et très exactement les pertes en eau et en électrolytes des malades. Il s’agit d’une lutte de vitesse fondée sur l’administration par voie intraveineuse de solutions diverses (salées, glucosées, bicarbonatées, etc.) dont la composition et le rythme seront commandés à la fois par l’observation clinique (pouls, tension, etc.) et par la surveillance des constantes biologiques des malades. En association à ce traitement de base, certains antibiotiques (tétracycline, érythromycine, kanamycine, streptomycine, cette dernière étant moins active sur Vibrio El Tor que sur Vibrio cholerae ) ont contribué à transformer le pronostic du choléra, à condition que le traitement de base demeure la restauration hydro-électrolytique. Parmi les sulfamides, sulfadiazine et sulfaguanidine ont donné des résultats inférieurs à ceux des antibiotiques.
De nos jours, le choléra, s’il est précocement et correctement traité, ne doit plus entraîner qu’une très basse mortalité qui reste fonction du mauvais état antérieur des malades (cardiaques, sujets carencés, misère physiologique). La vaccination anticholérique par les vaccins classiques (corps bactériens tués) est peu efficace (50 p. 100 de protection pendant quatre à six mois); un vaccin administrable par voie buccale est expérimenté.
La prophylaxie individuelle repose d’une part sur la chimioprophylaxie, efficace mais éphémère, d’autre part et surtout sur les mesures d’hygiène visant à supprimer tout risque d’ingestion de vibrions: stérilisation de l’eau, du lait, traitement antiseptique des crudités, cuisson prolongée des aliments, etc.
La prophylaxie générale en zone d’endémie repose sur l’amélioration des conditions de vie, l’éducation sanitaire des populations, l’aménagement de réseaux protégés d’eau potable et de réseaux d’eaux usées, le dépistage des porteurs sains, etc. La prophylaxie internationale à laquelle s’est attachée l’Organisation mondiale de la santé est fondée sur l’application du règlement sanitaire international et sur l’activité incessante des laboratoires spécialisés dans l’ensemble du monde.
choléra [ kɔlera ] n. m.
• cholere 1546; lat. cholera; gr. kholera
1 ♦ Très grave maladie épidémique caractérisée par des selles fréquentes, des vomissements, des crampes, un grand abattement. Pandémie de choléra. Choléra asiatique, causé par le vibrion cholérique. Vaccin contre le choléra. — Vx Choléra morbus, gastroentérite grave.
● choléra nom masculin (latin cholera, du grec kholera) Maladie infectieuse épidémique produite par une bactérie, le vibrion cholérique, caractérisée par des selles très fréquentes, des vomissements, un amaigrissement rapide, un abattement profond avec abaissement de la température, et pouvant se terminer par la mort. Familier et vieux. Personne désagréable, nuisible, dangereuse ; peste. ● choléra (expressions) nom masculin (latin cholera, du grec kholera) Choléra aviaire ou choléra des poules, maladie infectieuse des gallinacés et des palmipèdes due à une bactérie du genre pasteurella, ayant souvent une évolution septicémique rapide, que l'on peut prévenir par vaccination. ● choléra (synonymes) nom masculin (latin cholera, du grec kholera) Familier Personne désagréable, nuisible, dangereuse ; peste.
Synonymes :
- gale
- peste
- poison (familier)
choléra
n. m. Infection intestinale aiguë, très contagieuse, due au vibrion cholérique et à sa variété El Tor, qui se traduit par une diarrhée aqueuse intense avec forte déshydratation. (La contamination se fait par les mains sales et l'absorption d'eau ou de crudités contenant l'agent infectieux.)
⇒CHOLÉRA, subst. masc.
A.— PATHOL. Infection intestinale grave, caractérisée notamment par des déjections fréquentes, des vomissements de bile avec déshydratation des tissus, altération de la physionomie, crampes et syncopes. (Quasi-)synon. vx et fam. trousse-galant (cf. HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 644) :
• 1. Qu'est-ce que le choléra? Est-ce un vent mortel? Sont-ce des insectes que nous avalons et qui nous dévorent? Qu'est-ce que cette grande mort noire armée de sa faux, qui traversant les montagnes et les mers, est venue comme une de ces terribles pagodes adorées aux bords du Gange, nous écraser aux rives de la Seine sous les roues de son char?
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 62.
SYNT. Choléra asiatique, épidémique, infantile, sporadique; attraper, vaincre le choléra; mourir, souffrir du choléra; le choléra décime, dévaste, emporte, gagne, sévit; attaque, atteinte, contagion du choléra; le vibrion du choléra; tordu par le choléra.
Rem. Le terme composé choléra-morbus (cf. MICHELET, Introd. à l'Histoire universelle, 1831, p. 405) servait anciennement à désigner cette maladie; il est attesté ds la plupart des dict. et illustré ds la documentation.
— [P. anal.]
1. [de symptômes] MÉD. VÉTÉR. Choléra des poules. Maladie parasitaire des oiseaux de basse-cour. Synon. choléra aviaire :
• 2. On sait que Pasteur a trouvé un moyen de détruire les lapins de l'Australie, en répandant parmi eux une maladie mortelle, contagieuse, le choléra des poules.
H. COUPIN, Animaux de nos Pays, 1909, p. 20.
2. [d'effets] :
• 3. C'est un temps de calamité, tout souffre. L'air est malsain, on n'entend parler que de morts et de mourants. La grippe fait bien des ravages. C'est un autre choléra qui décime presque la population à certains endroits.
E. DE GUÉRIN, Journal, 1837, p. 126.
♦ Loc. Donner le choléra. Rendre malade :
• 4. J'ai vu une représentation d'« Iphigénie en Tauride », à Prague, qui m'eût donné le choléra, si je n'avais fini par en rire de tout mon cœur.
H. BERLIOZ, À travers chants, 1862, p. 211.
Rem. Choléra est fréquemment associé à peste (cf. BERNANOS, Dialogues des Carmélites, 1948, 3e tabl., 6, p. 1623).
♦ Arg. Zinc.
Rem. Sens attesté ds LARCH. Suppl. 1880 et ds ESN. 1966, le zinc étant désigné ainsi en raison des douleurs intestinales, dites coliques de plomb que provoque la soudure des tôles de zinc et de plomb.
B.— P. compar. ou p. métaph.
1. [Du point de vue du caractère infectieux, contagieux ou meurtrier de la maladie] La peur, ça se gagne... comme le choléra (G. LEROUX, Le Parfum de la dame en noir, 1908, p. 79). [Du point de vue de la crainte qu'elle inspire] :
• 5. Leurs médisances n'épargnaient personne. Les voisins les craignaient à l'égal du choléra. — Julie, la cadette, vous déchirait quelqu'un brutalement : on l'entendait gronder, comme le chien qui ronge un os. Adélaïde, au contraire, était toute doucereuse : un soupir de dévote! elle donnait son coup de langue en paraissant égrener son chapelet.
REIDER, Mlle Vallantin, 1862, p. 73.
2. [P. réf. au teint du cholérique] :
• 6. Ciel : Bleu sombre au bas et concentré de chaleurs violettes, comme un ciel de choléra.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1854, p. 134.
C.— Au fig., fréq. Agent qui exerce une influence néfaste, corruptrice, dévastatrice; fléau.
1. [En parlant d'animés humains] :
• 7. La maladie du pauvre, c'est l'envie; la maladie du riche, c'est son stupide égoïsme. Je ne sais en vérité jusqu'où il ne va pas; cet égoïsme mal entendu le perdra, c'est le pire des choléras.
LAMARTINE, Correspondance, 1832, p. 271.
• 8. — Il avait une femme, reprend Tirette. C'te vieille... — J'm'en rappelle aussi, exclama Paradis, tu parles d'un choléra!
— Y en a qui traînent un roquet, lui, i'traînait partout c'te poison qu'était jaune, tu sais, comme y a d'ces pommes, avec des hanches de sac à brosse, et l'air mauvais. C'est elle qui excitait c'vieux nœud contre nous : sans elle, il était plus bête que méchant, mais du coup qu'elle était là, i d'venait plus méchant qu'bête. Alors, tu parles si ça bardait...
BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 262.
— P. métaph. :
• 9. ... un balai sanglant devient nécessaire quand l'administration de la voirie néglige (...) son premier devoir et que tout devient préférable à ce choléra de goujatisme et d'irrémédiable imbécillité qui menace de précipiter demain ce qui reste de la pauvre France dans le plus sinistre pourrissoir de peuple qu'un pessimisme dantesque pourrait rêver! ...
BLOY, Le Désespéré, 1886, p. 224.
SYNT. Choléra littéraire, moral, politique, social.
— P. plaisant. Allez vous coucher; vous êtes attaquée d'un choléra-morbus politique! (BALZAC, Œuvres diverses, t. 2, 1850, p. 131).
2. [En parlant d'une plante] :
• 10. ... elles [les taupes] débouchent dans une clairière, où la cuscute rongeuse, parasite méchante, choléra des bonnes luzernes, étend sa barbe de filaments roux.
RENARD, Poil de carotte, 1894, p. 52.
3. [En parlant de phénomènes physiques] :
• 11. Il y a eu, juste après cette foire, trois jours comme on en a souvent au commencement de l'automne. Un choléra! ça a fait les cent cochonneries : et du vent, et de l'eau, et de l'orage; le ciel était comme un chaudron. Avec ça, il a fait un froid de glace.
GIONO, Regain, 1930, p. 202.
• 12. L'Espagne, qui a des attraits de tout genre, nous inflige cependant l'un des pires fléaux du voyage. Ce ne sont ni les punaises, qui me semblent légendaires, rien n'étant plus propre que les hôtels et les maisons privées du pays; ni la radio, ce choléra du bruit, bien qu'elle y sévisse un peu plus qu'ailleurs; (...) mais la curiosité importune de la population pour tout ce qui n'est pas le quotidien le plus ordinaire.
T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 24.
Prononc. et Orth. :[()]. Pour la prononc. de l'initiale par [k] cf. lettre C, graph. ch. Ds Ac. 1835-1932. GUÉRIN 1892 et DG admettent choléra et coléra. Étymol. et Hist. 1546 (Ch. ESTIENNE, Disc. des parties du corps, 196, 6 ds QUEM.). Empr. au lat. cholera attesté à l'époque impériale au sens de « maladie qui vient de la bile », lui-même empr. au gr. « choléra ». Fréq. abs. littér. :259. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 413, b) 563; XXe s. : a) 459, b) 170. Bbg. DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 41. — GOUG. Mots. t. 1 1962, pp. 131-132. — VALTER (R.). Einige Bermerkungen zum romanischen Wortschatz gelehrtlateinischer Herkunft. Beitr. rom. Philol. 1972, t. 11, n° 1, p. 146.
choléra [kɔleʀa] n. m.
ÉTYM. 1546, cholere; lat. cholera; grec kholera « choléra ».
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1 Très grave maladie épidémique caractérisée par des selles fréquentes, des vomissements, des crampes, un grand abattement. || Choléra asiatique, le « vrai choléra », causé par le vibrion cholérique. || Un cas de choléra foudroyant. → Cholérique, cit. 1. || Choléra atténué. ⇒ Cholérine. || Vaccination contre le choléra. ⇒ Anticholérique. — Le choléra s'est appelé familièrement (jusqu'au XIXe s.) « trousse-galant ». — Choléra morbus [kɔleʀamɔʀbys] ou choléra nostras [kɔleʀanɔstʀas], ou, absolt, choléra : gastro-entérite (généralement salmonellose dont les manifestations rappellent celles du choléra vrai). || Le bacille virgule, agent du choléra.
0 Mon père m'a conté comment un de ses camarades mourut du choléra par persuasion.
Alain, Magie, in les Passions et la Sagesse, Pl., p. 81.
➪ tableau Principales maladies et affections.
♦ ☑ Loc. fam. Choisir entre la peste et le choléra, entre deux maux également redoutables, entre deux désagréments équivalents.
2 Par métaphore. Influence néfaste, dévastatrice, mortelle. ⇒ Épidémie, peste. || « Cet égoïsme (…) c'est le pire des choléras » (Lamartine, in T. L. F.).
3 Fam. et vieilli. (Un, des choléras). Personne méchante, nuisible (⇒ Peste). || C'est un vrai choléra, cette bonne femme !
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DÉR. Cholériforme, cholérine.
Encyclopédie Universelle. 2012.