étranger, ère [ etrɑ̃ʒe, ɛr ] adj. et n.
• estrang(i)er v. 1350; de étrange
I ♦ Adj.
1 ♦ Qui est d'une autre nation; qui est autre, en parlant d'une nation. Les nations, les puissances étrangères. Vivre dans un pays étranger. « La Grèce me reproche une mère étrangère » (Racine). « de jeunes personnes étrangères, venues de diverses parties du monde, à qui elle serine un peu de français » (Bloy). « Un peu de sang étranger coulait dans ses veines » (Green). Touristes étrangers. Les travailleurs étrangers en France, en Allemagne. ⇒ immigré. — Langues étrangères; accent étranger. Haïr ce qui est étranger (⇒ chauvin, xénophobe) . Devises étrangères. Il a acheté une voiture étrangère. Marque étrangère.
2 ♦ Relatif aux rapports avec les autres nations. Les Affaires étrangères. ⇒ diplomatie. Ministère des Affaires étrangères. Politique étrangère d'un gouvernement. ⇒ 1. extérieur. — Spécialt La Légion étrangère.
3 ♦ Qui n'appartient pas ou qui est considéré comme n'appartenant pas à un groupe (familial, social). Se sentir étranger dans une réunion, un milieu. ⇒ différent, intrus, isolé. — Être étranger à qqn, à un milieu, n'avoir rien de commun avec. « je sentais qu'en six semaines d'absence, ils m'étaient devenus à peu près étrangers » (France).
4 ♦ (Choses) ÉTRANGER À (qqn) :qui n'est pas propre ou naturel à qqn. Ces préoccupations, ces considérations me sont étrangères. « la pitié, l'amitié et l'amour sont également étrangers à votre cœur » (Laclos). « un état d'irritation tout à fait étranger à son caractère plein de dignité et de mesure » (Stendhal). — Qui n'est pas connu (de qqn). Ce visage ne m'est pas étranger. ⇒ inconnu. Le document est entre des mains étrangères.
♢ Qui n'est pas familier. Tout lui paraît hostile et étranger dans cette nouvelle maison. ⇒ étrange. « cette ville, où j'ai vécu quinze ans, me devient tout à coup étrangère, parce que je vais la quitter » (France).
5 ♦ (Personnes) ÉTRANGER À (qqch.) :qui n'a pas de part à qqch., se tient à l'écart de qqch. Personne étrangère au service. Il est étranger à ce complot, à cette affaire, il n'y a pas participé, ne s'en est pas mêlé. Être étranger à l'art, au théâtre. ⇒ ignorant, profane. « Étrangers aux idées du temps, ignorants de la situation, ces hommes de l'Ancien Régime » (Michelet). « Se sentir étranger à tout, voilà l'excès de la solitude » (Suarès). — Être étranger à tout sentiment de pitié, être incapable d'éprouver ce sentiment. ⇒ insensible.
6 ♦ (Choses) ÉTRANGER À : qui ne fait pas partie de; qui n'a aucun rapport avec. ⇒ distinct, 1. extérieur. Fait étranger à la cause. ⇒ indépendant. Notes, considérations, digressions étrangères à un sujet, un texte (cf. Hors sujet).
7 ♦ CORPS ÉTRANGER : toute chose qui se trouve de manière anormale, non naturelle dans l'organisme. Extraire un corps étranger d'une plaie. — Chim. Qui n'est pas de même nature que le corps auquel il est mélangé. Métaux purifiés de tout corps étranger. — Fig. Cette digression constitue un corps étranger qui rompt l'unité du récit.
II ♦ N.
1 ♦ Personne dont la nationalité n'est pas celle d'un pays donné (par rapport aux nationaux de ce même pays). ⇒Région. horsain. Un Allemand qui vit en France est un compatriote pour les Allemands et un étranger pour les Français. Statut d'étranger. ⇒ extranéité. Naturalisation d'un étranger. Passeport d'un étranger. Étranger qui réside, qui est établi en France. ⇒ immigrant, immigré, réfugié, résident; ressortissant; péj. métèque . Ville remplie d'étrangers de tous pays. ⇒ cosmopolite. Malveillance envers les étrangers. ⇒ racisme, xénophobie. Étranger en situation irrégulière. Expulser un étranger pour qu'il soit jugé. ⇒ extrader; extradition. « L'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra » ( CODE CIVIL ).
♢ N. m. Collect. L'étranger : les étrangers, et plus souvent l'ennemi. Pays envahi par l'étranger. Faire appel à l'étranger.
2 ♦ Personne qui ne fait pas partie ou n'est pas considérée comme faisant partie de la famille, du clan; personne avec laquelle on n'a rien de commun. « Un étranger vêtu de noir Qui me ressemblait comme un frère » (Musset). ⇒ inconnu. Ils se vouvoient devant les étrangers. ⇒ tiers. Se sentir un étranger parmi les hommes. « L'Étranger », roman de Camus.
3 ♦ N. m. (XIXe) Pays étranger (surtout dans à, pour l'étranger; de l'étranger). Voyager à l'étranger. Partir pour l'étranger. Aller vivre, s'installer à l'étranger. ⇒ émigrer, s'expatrier. Il est en mission à l'étranger. Être nommé, travailler à l'étranger. Se réfugier à l'étranger. Banque domiciliée à l'étranger (⇒ extraterritorial) . Fuite des capitaux, des cerveaux à l'étranger. Envoyer des marchandises à l'étranger (⇒ exporter) , en faire venir de l'étranger (⇒ 1. importer) . Nouvelles de l'étranger. « on n'est considéré à l'étranger qu'en rapport de la considération que l'on s'attribue soi-même » (Flaubert).
⊗ CONTR. Autochtone, indigène, national. Naturel, propre. Connu, familier. — Citoyen, compatriote. Parent.
● étranger nom masculin Ensemble des pays étrangers : Voyager à l'étranger. ● étranger, étrangère adjectif et nom (de étrange) Qui est d'un autre pays, qui n'a pas la nationalité du pays où il se trouve : Son père est français, sa mère est étrangère. Qui ne fait pas partie d'un groupe, d'un milieu, d'un organisme, ou qui n'est pas considéré comme en faisant partie : L'entrée est interdite à toute personne étrangère au service. En Afrique, se dit d'un hôte de passage que l'on accueille chez soi quelques jours. ● étranger, étrangère (citations) adjectif et nom (de étrange) Pierre Laurent Buirette, dit Dormont de Belloy Saint-Flour 1727-Paris 1775 Académie française, 1771 Plus je vis d'étrangers, plus j'aimai ma patrie. Le Siège de Calais René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Lorsqu'on emploie trop de temps à voyager on devient enfin étranger en son pays. Discours de la méthode Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 J'ai regardé de près le dieu de l'étranger, Et j'ai dit : Ce n'est pas la peine de changer. La Légende des siècles, l'Inquisition Geert Groote, dit Gérard le Grand Deventer 1340-Deventer 1384 Conduis-toi sur la terre comme un voyageur et comme un étranger que les affaires du monde ne regardent aucunement. Serva te tanquam peregrinum et hospitem super terram, ad quem nihil spectat de mundi negotiis. Imitation de Jésus-Christ, I, 23, 43 Commentaire Geert Groote est un des auteurs possibles, avec Thomas a Kempis, de l'Imitation de Jésus-Christ. George Washington comté de Westmoreland 1732-Mount Vernon 1799 Notre vraie politique est de nous tenir à l'écart de toute alliance permanente avec toute puissance étrangère. Our true policy is to steer clear of permanent alliance with any portion of the foreign world. Stanisław Jerzy Lec Łwów 1909-Varsovie 1966 Adresse-toi toujours aux dieux étrangers. Ils t'écouteront en priorité. Pensées hirsutes ● étranger, étrangère (expressions) adjectif et nom (de étrange) Devenir un étranger pour quelqu'un, cesser d'avoir des rapports, des liens d'amitié avec lui. ● étranger, étrangère adjectif Qui n'appartient pas à la nation où on vit ou par rapport à laquelle on se place : Langue étrangère. Qui a trait aux relations avec les autres pays ; extérieur : Politique étrangère. Qui n'est pas de la nature propre de quelque chose, qui est un élément rapporté : Un développement étranger au sujet. Qui n'est pas impliqué dans une action, qui est à l'écart : Je suis étranger à toute cette affaire. Qui n'est pas accessible à un sentiment, qui ne se sent aucunement concerné par quelque chose ; insensible : Il est étranger à tout sentiment de pitié. Qui est inconnu à quelqu'un ou peu familier : Son visage ne m'est pas étranger. Qui ne touche pas, ne concerne pas quelqu'un ; en quoi il ne se reconnaît pas du tout ; à quoi il est indifférent : Rien de ce qui est humain ne m'est étranger. ● étranger, étrangère (synonymes) adjectif Qui a trait aux relations avec les autres pays ; extérieur
Synonymes :
- extérieur
Contraires :
- intérieur
Qui n'est pas de la nature propre de quelque chose, qui...
Synonymes :
- différent
- distinct
- extérieur
Qui n'est pas accessible à un sentiment, qui ne se...
Synonymes :
- éloigné
- fermé
- imperméable
- indifférent
Qui ne touche pas, ne concerne pas quelqu'un ; en quoi...
Synonymes :
- ignoré
- inconnu
étranger, ère
adj. et n.
rI./r adj.
d1./d Qui est d'une autre nation; qui a rapport à un autre pays. Touristes étrangers. Coutumes étrangères.
|| Qui concerne les relations avec les autres états. Les Affaires étrangères.
d2./d Qui ne fait pas partie (d'un groupe ou d'une famille).
d3./d étranger à (qqch, avec sujet n. de pers.). être étranger à une affaire, n'y être pas mêlé.
— Il est étranger aux malheurs d'autrui, il y est insensible.
|| étranger à (qqn, avec sujet n. de chose). Ces idées me sont étrangères, inconnues, indifférentes ou inaccessibles.
— Un comportement étranger à qqn, qui n'est pas propre ou naturel à qqn.
— Qui n'est pas connu ou familier. Cette voix ne m'est pas étrangère.
d4./d Sans rapport ou sans conformité avec la chose dont il s'agit. Des raisons étrangères au vrai mobile.
d5./d MED Corps étranger, qui se trouve de façon anormale (projectile, écharde, etc.) dans l'organisme.
rII./r n.
d1./d Ressortissant d'un pays autre que celui où il se trouve, ou que celui auquel on se réfère. Pays hospitalier aux étrangers.
|| Personne d'un autre groupe social ou familial. Elle est devenue une étrangère pour les siens.
d2./d (Afr. subsah.) Personne à qui on donne l'hospitalité. Avoir des étrangers.
d3./d n. m. L'étranger: toute communauté, toute puissance étrangère.
|| Tout pays étranger. Partir pour l'étranger.
d4./d Rare Personne indifférente aux autres, au monde extérieur (spéc. l'étranger dont Camus raconte l'histoire sous ce titre).
⇒ÉTRANGER, ÈRE, adj. et subst.
A.— Adj. et subst. [En parlant d'une pers., d'une collectivité, parfois d'un animal]
1. [Par rapport à un lieu, à une collectivité]
a) (Celui, celle) qui n'est pas d'un pays, d'une nation donnée; qui est d'une autre nationalité ou sans nationalité; plus largement, qui est d'une communauté géographique différente. Français et/ou étranger; pays étranger; nation étrangère. Il n'a été satisfait que d'une élève, une petite étrangère filasse (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1910, p. 204).
SYNT. a) Un jeune étranger; une belle étrangère; des étrangers de passage; d'illustres étrangers; une foule d'étrangers; sous le joug des étrangers; aux yeux des étrangers; les étrangers affluent. b) Étranger et/ou ennemi; étranger et/ou provincial. c) Diplomate, étudiant, ministre, prince, touriste étranger; les dieux étrangers; femme, personne étrangère; gouvernement, peuple étranger; armée, autorité, cour, puissance, race, ville étrangère; en (sur une) terre étrangère. La Légion étrangère.
— Spéc., subst. masc. sing. [En parlant d'une collectivité]
♦ Ensemble de pays n'appartenant pas à une nation donnée. Dans l'étranger (vieilli); passer, vendre à l'étranger; séjour à l'étranger; Français résidant à l'étranger. J'ai passablement voyagé, vécu bien des mois en province et à l'étranger (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 181).
♦ Ensemble de personnes originaires de ces pays, y habitant. Chasser l'étranger. Les armées de volontaires purgeant de l'étranger le sol de la patrie (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 440).
b) (Celui, celle) qui n'est pas familier(ière) d'un lieu qui ne fait pas partie d'une collectivité donnée :
• 1. Sans doute elle [Gervaise] avait confiance en madame Boche; seulement ça la mettait hors d'elle de voir une étrangère s'installer dans sa chambre, ouvrir les tiroirs, toucher ses affaires.
ZOLA, Assommoir, 1877, p. 472.
— Étranger à. Glaneuses étrangères au bourg (BALZAC, Lys, 1836, p. 68). Personnes étrangères à l'administration (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 161).
c) Expressions
— Être (un) étranger dans son (propre) pays. En ignorer les coutumes, les événements, être tenu à l'écart de ce qui s'y passe. Vous qui vous plaigniez tant d'être un étranger dans votre propre pays (SARTRE, Mouches, 1943, I, 1, p. 14).
♦ P. anal. Lady Falkland vit en étrangère dans sa propre maison, où la maîtresse de son mari (...) commande à sa place (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 85).
— N'être étranger nulle part. Être bien accueilli, à l'aise partout.
— Étranger sur la terre. (Celui) qui, croyant en Dieu, à l'au-delà, se considère comme passager sur la terre, aspire au ciel, sa véritable patrie :
• 2. C'est bien l'étranger sur la terre du psaume 119, l'exilé qui cherche dans les nuages les frontières d'une patrie perdue.
GREEN, Journal, 1942, p. 244.
2. [Par rapport à une pers. ou à une chose]
a) (Celui, celle) qui n'est pas familier (ière) à quelqu'un, qui n'a pas de relation avec lui, qui en est mal connu(e), distant(e). Être étranger l'un à l'autre, rendre qqn étranger à qqn. Vous n'êtes pas (...) une étrangère pour moi. Je ne connais (...) que vous au monde (FRANCE, Servien, 1882, p. 125) :
• 3. Jacques eut une impression pénible, comme s'il eût essuyé une offense. De minute en minute son ami lui devenait étranger. Un regard curieux, un peu moqueur, dont Daniel l'enveloppa, acheva de le glacer.
MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 792.
b) (Celui, celle) qui est sans lien, sans rapport avec quelque chose, qui ne se mêle pas de quelque chose, qui est indifférent(e) à quelque chose, qui n'a pas de notion de quelque chose. Être absolument, tout à fait étranger à, rester étranger à. J'étais trop étrangère à tout sentiment de coquetterie, et encore trop éloignée de la moindre notion d'amour (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 334). Je suis étrangère à toutes ces intrigues (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 317) :
• 4. — Bah! maman, laisse faire à papa (...) dit Césarine en embrassant sa mère et se mettant au piano pour montrer à l'architecte que la fille d'un parfumeur n'était pas étrangère aux beaux-arts.
BALZAC, Birotteau, 1837, p. 102.
SYNT. Étranger à la politique, à des passions, à des préoccupations, à ce qui se passe; étranger et/ou indifférent.
c) (Celui, celle) qui n'arrive pas à se situer par rapport à lui-même, à la vie, à ce qui l'entoure; à qui tout paraît sans rapport avec lui-même :
• 5. ... il [l'Étranger de M. Camus] se sent étranger au monde tout entier qui lui est tout entier étranger. Souvent dans le malheur l'homme renie ainsi toutes ses attaches. Il ne veut pas du malheur, il cherche comment le fuir; il regarde en soi : il voit un corps indifférent, un cœur qui bat d'un rythme égal...
BEAUVOIR, Pyrrhus, 1944, p. 14.
B.— Adj. [En parlant d'une chose, parfois d'un végétal]
1. Qui est d'un autre pays, d'une autre nation et plus largement d'une communauté géographique différente; relatif à un autre pays ou à d'autres pays, à leurs caractéristiques. Force, langue, littérature étrangère; d'origine étrangère. Traduire la monnoie étrangère en monnoie nationale (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 248) :
• 6. Alors elle [la sauterelle] se croit au bout de l'hémisphere,
Chez un peuple inconnu, dans de nouveaux états;
Elle admire ces beaux climats,
Salue avec respect cette rive étrangere.
FLORIAN, Fables, 1792, p. 188.
SYNT. Accent, nom étranger; capitaux, journaux, marchés, produits étrangers; concurrence, domination, influence, intervention, occupation étrangère; devises, plantes étrangères; sous un ciel étranger.
— Spéc., POL. Qui concerne les relations d'un pays donné avec les autres pays. Politique étrangère; ministère des Affaires étrangères. Enfin, mon fils, tant civile qu'étrangère, la guerre est exécrable et d'une malignité que je déteste (FRANCE, Opinions J. Coignard, 1893, p. 171). Le rapport de Louis Marin sur le budget des Affaires étrangères (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1917, p. 82).
2. Qui n'est pas d'un lieu, d'un groupe donné. Déchirant sans pitié toute œuvre étrangère à leur coterie (SAINTE-BEUVE, Tabl. poés. fr., 1828, p. 62).
3. Qui est sans rapport avec quelqu'un ou quelque chose.
a) Qui n'est pas propre, naturel, familier à quelqu'un, à sa personnalité, qui est inconnu ou mal connu de quelqu'un. Je suis homme et rien d'humain ne m'est étranger [trad. d'un vers de Térence, Heautontimoroumenos] (SARTRE, Mots, 1964, p. 44). Cf. aussi ex. 5 :
• 7. On connaît toujours trop les causes de sa peine,
Mais on cherche parfois celles de son plaisir;
Je m'éveille parfois l'âme toute sereine,
Sous un charme étranger que je ne peux saisir.
SULLY PRUDH., Solitudes, 1869, p. 11.
— Spéc. [En parlant d'un attribut de la pers.] Qui appartient ou semble appartenir à quelqu'un d'autre, qui n'est pas familier, qui est inconnu. Visages, yeux étrangers. Des critiques ont voulu n'y voir (...) qu'une composition de Léonard exécutée par une main étrangère (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 66).
b) Qui est sans lien, sans rapport avec quelque chose, qui ne fait pas partie d'un ensemble, qui est différent d'autre chose. Objet, principe étranger; cause, pensée étrangère. Des considérations étrangères au sujet (CHAMPFLEURY, Bourgeois Molinch., 1855, p. 207). On se trouve toujours à la merci (...) du moindre bruit étranger (STRAVINSKY, Chron. vie, 1931, p. 137).
— Spéc. [En parlant d'un élément, d'une substance]
♦ CHIM. Dont la nature est différente de celle du corps auquel il est allié. Argiles (...) pures de toutes matières étrangères (BOURDE, Trav. publ., 1928, p. 126).
♦ MÉD. et MÉD. VÉTÉR. Qui est de nature différente de celle de l'organisme ou des tissus dans lesquels il se trouve par accident ou par introduction volontaire; qui s'y développe de façon anormale. Pénétration d'un corps étranger dans l'articulation (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 154). Cf. aussi corps III A 2 b méd. Au fig. Les secteurs modernes, toutefois, ne peuvent plus être des corps étrangers croissant aux dépens de l'environnement immédiat (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 254).
Prononc. et Orth. :[], fém. [-]. Enq. : /, -/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1369 « celui qui n'est pas du pays » (GUILL. DE MACHAUT, Prise d'Alexandrie, éd. De Mas-Latrie, 3644). Dér. de étrange; suff. -ier réduit à -er derrière consonne palatale. Fréq. abs. littér. :12 635. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 25 390, b) 13 646; XXe s. : a) 14 871, b) 15 813. Bbg. LAUNAY (M.). Le Vocab. pol. de J.-J. Rousseau. Genève-Paris, 1977, p. 104. — MOORE (W.G.). Mod. Lang. R. 1961, t. 56, p. 149. — MUNSTER (V.). Die Entwicklung des Fremdenverkehrs im Spiegel der französischen Fachterminologie. Der österreichische Betriebswirt. 1961, t. 11, pp. 242-244. — QUEM. DDL t. 11.
1. étranger, ère [etʀɑ̃ʒe, ɛʀ] adj. et n.
ÉTYM. V. 1350, estrang(i)er; de étrange.
❖
———
I Adj.
1 Qui est d'une autre nation (par rapport à celle du locuteur ou à une nation de référence) qui est autre, en parlant d'une nation. || Les nations, les puissances étrangères. || Pays, État étranger. || Les peuples étrangers. || Une famille étrangère installée dans notre pays. || Travailleurs étrangers, immigrés ou temporaires. — Mœurs, coutumes étrangères. || Langues étrangères. || Accent étranger (dans une langue) : tout accent qui permet de penser que le locuteur est étranger ou que sa langue maternelle est une autre langue. || Littératures étrangères. || Aimer, mépriser ce qui est étranger. ⇒ Xénophile (rare), xénophobe. || Voyage en pays étranger (→ Commerce, cit. 10). || Fouler le sol étranger. || Vivre en terre étrangère, sous un ciel étranger. || Invasion, occupation étrangère (→ Avorter, cit. 10). — Produits d'origine étrangère. ⇒ Exotique. || Marque étrangère. || Devises étrangères. ⇒ Devise (cit. 5). — Souverain, gouvernement étranger (→ Arroi, cit. 2; diplomatique, cit. 1).
1 Il faut faire, mon Prince, ainsi qu'Ulysse fit,
Qui des peuples connus sut faire son profit,
Comme à votre retour soigneusement vous faites,
Honorant votre État des lois les plus parfaites,
Ayant à vos Français, après mille dangers,
Enseigné les vertus des peuples étrangers.
Ronsard, le Bocage royal, I, « À lui-même ».
2 La Grèce me reproche une mère étrangère.
Racine, Phèdre, II, 2.
3 (Sous Louis XIII) les villes étaient sans police, l'État sans argent, et le gouvernement presque toujours sans crédit parmi les nations étrangères.
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, I.
4 (…) je pars pour Malte (…) j'irai enfin chercher à perdre, sous un ciel étranger, l'idée de tant d'horreurs accumulées (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CLXXIV.
5 Ses pensionnaires sont de jeunes personnes étrangères venues de diverses parties du monde, à qui elle serine un peu de français (…)
Léon Bloy, la Femme pauvre, p. 97.
6 Un peu de sang étranger coulait dans ses veines; il avait fallu pour créer une femme aussi secrète et aussi violente autre chose que l'insouciance, autre chose que la mesure et la raison françaises.
J. Green, Léviathan, p. 144.
♦ ☑ Loc. fig. Être étranger dans son pays : se considérer, ou être considéré comme ne participant pas à la vie de son pays — ☑ N'être étranger nulle part : se considérer, ou être considéré comme un national partout où l'on va; être bien accueilli, se sentir à l'aise.
2 Qui concerne les rapports entre un État et les autres. ⇒ Extérieur. — (En France). || Ministre, ministère des Affaires étrangères (remplacé par : des Relations extérieures de mai 1981 à mars 1986). — Politique étrangère d'un gouvernement. || Guerre civile et guerre étrangère. — Abusivt. || La Légion étrangère (française) [composée en partie d'étrangers].
3 Qui n'appartient pas ou qui est considéré comme n'appartenant pas à un groupe (familial, social). || N'allez pas faire état de ces démêlés familiaux devant des personnes étrangères. || Se sentir étranger dans une réunion, un milieu. ⇒ Différent, distinct, isolé.
7 (…) et les fils de ce roi,
Quoique nés de mon sang, sont étrangers pour moi.
Racine, Athalie, II, 7.
8 (…) malgré les liens du sang, on peut appeler étrangère une personne qui ne sait rien de nos intérêts les plus chers, et que l'on ne voit qu'une fois par an.
Stendhal, la Chartreuse de Parme, t. II, p. 399.
9 Je dis « ce milieu », parce que, tout en l'aimant beaucoup, je me trouve quelquefois étrangère parmi les peintres et leurs amies (…)
Colette, la Naissance du jour, p. 94.
♦ Étranger, ère à… (un groupe) : même sens. || Il se sent complètement étranger à sa famille, à la famille de sa femme. — Étranger à… (qqn) : sans rapports affectifs étroits avec… || Elle lui était devenue peu à peu étrangère. ⇒ Lointain.
10 Nous sommes devenus absolument étrangers l'un à l'autre.
11 (…) je sentais qu'en six semaines d'absence, ils m'étaient devenus à peu près étrangers. Et je crois que leur tristesse venait du même sentiment.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, IX, in Œ, t. VIII, p. 82.
♦ Être étranger à soi-même, à sa propre vie (→ Absent, cit. 6).
12 Personne ne m'attend. Je vais de ville en ville, étranger aux autres et à moi-même (…)
Sartre, les Mouches, II, I, IV.
4 (Choses). Qui appartient à autrui, n'appartient pas à (un ensemble; une personne). || Obéir à une volonté étrangère. || Il ne peut s'assimiler une pensée étrangère.
13 (…) il semblait obéir à une volonté étrangère, se conformer à un devoir pénible (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 185.
♦ Étranger à… : qui n'est pas propre ou naturel à… — Une pensée étrangère à… (qqch., qqn). || Cette philosophie est étrangère à la pensée française. ⇒ Éloigné (de). || Ces préoccupations, ces considérations me sont étrangères. || La mauvaise foi lui est tout à fait étrangère, est étrangère à sa nature, à son caractère.
14 (…) l'on écarte tout cet attirail qui t'est étranger, pour pénétrer jusques à toi, qui n'es qu'un fat.
La Bruyère, les Caractères, II, 27.
15 (…) la pitié, l'amitié et l'amour sont également étrangers à votre cœur.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XXVIII.
16 (…) madame de Larçay rentra chez elle dans un état d'irritation tout à fait étranger à son caractère plein de dignité et de mesure.
Stendhal, Mina de Vanghel.
17 Le soin généreux que nous prenons aujourd'hui d'instruire l'enfance n'était pas aussi étranger à l'esprit de nos pères qu'on le croit communément.
France, Pierre Nozière, p. 229.
18 Rien ne te change à mes yeux. Je vois ces traces de l'âge comme étrangères à toi (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 417.
♦ Qui n'est ou ne semble pas connu (de qqn). ⇒ Ignoré, inconnu. || Ce visage ne m'est pas étranger. — Qui n'est pas familier; qui est contraire à notre nature, à nos goût, à nos habitudes… ⇒ Extérieur (à soi). || Tout lui paraît hostile et étranger dans cette nouvelle maison. ⇒ Étrange. || La peinture moderne lui est tout à fait étrangère. — REM. Avec cette valeur, l'emploi de étranger sans compl. en à est vieux (→ ci-dessous, cit. 20).
19 Tu m'écoutes. Ma voix ne t'est point étrangère (…)
Racine, Esther, Prologue.
20 Parler à un homme intéressé de faire des largesses aux pauvres, c'est lui tenir un langage étranger.
Bourdaloue, Pensées, I, p. 341.
21 (…) voici que cette ville, où j'ai vécu quinze ans, me devient tout à coup étrangère, parce que je vais la quitter. Bien plus : elle a déjà perdu pour moi, en quelque sorte, sa réalité.
France, l'Anneau d'améthyste, XXV, Œ., t. XII, p. 266.
22 J'ai l'âme distraite jusqu'à trouver étrangères ces paroles dont les lueurs, tant de fois, m'ont ébloui.
Villiers de l'Isle-Adam, Axel, III, 1.
23 J'admire beaucoup le travail des frères Tharaud sur leur Dingley dont je relis l'excellente refonte; mais combien ce travail de perfectionnement entrepris à quelques années de distance m'étonne et me reste étranger.
Gide, Journal, 9 janv. 1907.
24 Nous ne sommes ici que depuis cinq minutes, et rien ne nous est étranger.
J. Romains, les Copains, III.
5 (Personnes). || Étranger à… (qqch.) : qui n'a pas de part à qqch., se tient à l'écart de quelque chose. || Il est étranger à ce complot, à cette affaire, il n'y a pas participé, ne s'en est pas mêlé. ⇒ Dehors (en). || Être étranger à l'art, au théâtre. ⇒ Ignorant, profane (→ Coopérer, cit.). || Jésus resta étranger aux raffinements de la théologie (→ Devoir, cit. 32). ⇒ Éloigné. || Rester étranger aux peines d'autrui. ⇒ Détaché, fermé, indifférent.
25 Étrangers aux idées du temps, ignorants de la situation, ces hommes de l'ancien régime virent avec un attendrissement extraordinaire leur pauvre Roi traîné ainsi (…)
Michelet, Hist. de la Révolution franç., t. III, p. 101.
26 À tort ou à raison, je lui prêtais des indifférences et des impassibilités d'idole; je la supposais étrangère à tous les attachements qu'elle inspirait; je la plaçais ainsi dans des isolements chimériques (…)
E. Fromentin, Dominique, VII.
27 Se sentir étranger à tout, voilà l'excès de la solitude.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », VII.
28 (…) l'artiste se méprenait sur ce qu'il reprochait au bourgeois. C'était d'être étranger à l'art, sans doute; l'aristocratie avait-elle toujours si bien compris celui-ci ? Géricault, Delacroix, Corot, Manet, étaient-ils vénérés à la Cour (…) ?
Malraux, les Voix du silence, p. 482.
♦ Être étranger à tout sentiment de pitié, être incapable d'éprouver ce sentiment. ⇒ Insensible. || Être tout à fait étranger aux idées nouvelles, incapable de les comprendre (⇒ Imperméable).
29 Rien de plus respectable que ce noble de campagne quand il restait paysan, étranger à l'intrigue et au souci de s'enrichir (…)
Renan, Souvenirs d'enfance, I, I.
30 (…) une âme insensible au sentiment et étrangère au scrupule.
Louis Madelin, Talleyrand, I, V.
6 (Choses). || Étranger à… : qui ne fait pas partie de…, qui n'a aucun rapport avec… ⇒ Dehors (en dehors de), distinct, extérieur, voir (qui n'a rien à voir). || Fait étranger à la cause. || Événement étranger à l'action. || Être distrait (cit. 5) par quelque chose d'étranger à ce qu'on fait. || Un écrit diffus (cit. 8) contient des choses étrangères à l'objet dont il s'agit. || Notes, considérations, digressions étrangères à un sujet, un texte (→ Compilation, cit. 1).
31 (…) l'éloquence (…) est étrangère à tout ouvrage où il ne s'agit pas de persuader, mais de convaincre (…)
P.-L. Courier, Éloge de Buffon, Pl., p. 566 (→ Éloquence, cit. 7).
7 Corps étranger : : chose qui se trouve de manière anormale, non naturelle dans l'organisme. || Une écharde, un éclat d'obus, une balle de revolver, un objet avalé sont des corps étrangers dans l'organisme (→ Bronche, cit. 1). || Extraire un corps étranger d'une plaie.
♦ Chim. Qui n'est pas de même nature que le corps auquel il est mélangé. || Métaux purifiés de tout corps étranger.
♦ Fig. || Cette digression constitue un corps étranger qui rompt l'unité du récit.
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II N.
1 N. m. et f. Personne dont la nationalité n'est pas celle d'un pays donné (par rapport aux nationaux de ce même pays ou par rapport au locuteur) → Appartenir, cit. 33; attirer, cit. 10; débarquer, cit. 1; désavouer, cit. 8. || Un français est un étranger pour toutes les autres nations. || Un Allemand qui vit en France est un compatriote pour les Allemands et un étranger pour les Français. || Étranger pour les Gréco-Latins (⇒ Barbare), pour les Allemands (⇒ Velche). || Étranger de passage. ⇒ Pérégrin (vx), touriste, voyageur. || Passeport d'un étranger. || Étranger qui réside, qui est établi en France. ⇒ Aubain (vx), immigrant, immigré, métèque (péj.), réfugié, résident (temporaire, ordinaire). || Colonie d'étrangers. || Étranger naturalisé. || Étranger sans nationalité. ⇒ Apatride, heimatlos, sans-patrie. || Bien accueillir les étrangers. || Des chauvins, des xénophobes qui méprisent les étrangers. || Épouser une étrangère. || On n'a jamais vu cet homme-là, c'est un étranger (→ Il n'est pas d'ici, pas de la paroisse). || Ville remplie d'étrangers de tous pays. ⇒ Cosmopolite. — Lettres à l'étrangère (Mme Hanska), de Balzac. || L'étranger, opéra de Vincent d'Indy. || « Les belles étrangères », chanson de Jean Ferrat.
♦ Dr. || Condition, situation, statut des étrangers en France. ⇒ Extranéité. || Les étrangers n'ont aucun droit politique mais sont admis en principe à se livrer librement au commerce. || Obligation pour l'étranger de donner caution (cit. 9) dans un procès. || Conventions, diplomatiques concernant les étrangers. ⇒ Exterritorialité, extradition. || Litiges entre étrangers (⇒ Exequatur). || Expulsion d'un étranger, par mesure administrative.
32 Tous ces saints sont morts (…) confessant qu'ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre.
Bible (Sacy), Épître aux Hébreux, XI, 13.
33 Mais comment voudriez-vous la France abandonner,
Quand tous les étrangers y veulent retourner ?
Ronsard, Élégies, IX.
34 Tous les étrangers ne sont pas barbares, et tous nos compatriotes ne sont pas civilisés (…)
La Bruyère, les Caractères, XII, 22 (→ Agreste, cit. 2).
35 L'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra.
Code civil, art. 11.
36 Sont considérés comme étrangers au sens de la présente ordonnance tous individus qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'ils aient une nationalité étrangère, soit qu'ils n'aient pas de nationalité.
Ordonnance du 2 nov. 1945, art. 1.
36.1 J'ai vu un ami qui est xénophobe.
Il ne peut pas supporter
les étrangers ! (…)
Il déteste à tel point les étrangers
que lorsqu'il va dans leur pays
il ne peut pas se supporter !
Raymond Devos, Sens dessus dessous, « Xénophobie », p. 115.
♦ N. m. Spécialt. (Sens collectif). || L'étranger : (rare) les étrangers; (cour.) l'ennemi. || Pays envahi par l'étranger. || Livrer son pays à l'étranger. || Faire appel à l'étranger (→ Appeler, cit. 14; assimiler, cit. 10). || Le parti de l'étranger.
37 L'étranger est en fuite (…)
Racine, Athalie, V, 6.
38 (…) ils (tous ces Italiens) n'avaient de commun que la haine de l'étranger, le straniero, — le Français d'ailleurs comme l'Allemand et l'Espagnol, — qui les avait, depuis des siècles, foulés, conquis, dépouillés et bafoués; de tous, ils se méfiaient.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Vers l'Empire d'Occident, XII, p. 149.
2 Fig. Personne qui ne fait pas partie ou n'est pas considérée comme faisant partie du groupe (famille, clan…); personne avec laquelle le locuteur n'a rien de commun. || Nous ne voulons pas d'étrangers dans cette réunion de famille. || Ils se vouvoient devant les étrangers. ⇒ Inconnu, tiers. || Vous n'êtes pour moi qu'une étrangère (→ Vous n'êtes rien pour moi). || La maison ne désemplit pas d'étrangers (→ Bâtir, cit. 16). || Ce père et ce fils vivent en étrangers l'un pour l'autre (→ Communiquer, cit. 10). || Être un étranger parmi les étrangers (→ Désert, cit. 13). || Se sentir un étranger parmi les hommes. || L'Étranger, roman d'A. Camus (1942).
39 « Le moineau du voisin viendra manger le nôtre !
Non de par tous les chats. » Entrant lors au combat,
Il croque l'étranger (…)
La Fontaine, Fables, XII, 2.
40 Au coin de mon feu vint s'asseoir
Un étranger vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.
A. de Musset, Poésies nouvelles « Nuit de décembre. »
41 Elle connaissait le nom de la maladie, mais elle n'osa le dire devant un étranger.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 505.
42 Je prends mes renseignements avant d'ouvrir à une étrangère la porte d'une famille honorable.
J. Green, Adrienne Mesurat, p. 224.
43 Toute famille, tout clan, toute école forme ses « mots », et ses locutions familières, qu'elle charge d'un sens, secret pour l'étranger.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 96.
44 (…) l'étranger, c'est l'homme en face du monde; M. Camus aurait tout aussi bien pu choisir pour désigner son ouvrage le nom d'une œuvre de Georges Gissing : Né en exil. L'étranger, c'est aussi l'homme parmi les hommes. « Il est des jours où (…) on retrouve comme une étrangère celle qu'on avait aimée. » — C'est enfin moi-même par rapport à moi-même, c'est-à-dire l'homme de la nature par rapport à l'esprit : « L'étranger qui, à certaines secondes, vient à notre rencontre dans une glace. »
Sartre, Situations I, p. 103.
3 En franç. d'Afrique. Personne que l'on accueille chez soi, hôte. || « Ces étrangers peuvent être des amis, même très intimes » (I. F. A.).
B N. m. (XIXe). Pays étranger (surtout dans à, pour l'étranger; de l'étranger). || Voyager à l'étranger. || Partir pour l'étranger (→ Débattre, cit. 3). || Passer ses vacances à l'étranger. || Passer, vivre à l'étranger. ⇒ Émigrer, expatrier (s'), transplanter (se). || Déporter des gens à l'étranger. ⇒ Bannir. || Envoyer des marchandises à l'étranger (⇒ Exporter), en faire venir de l'étranger (⇒ Importer). || Relations avec l'étranger. ⇒ Diplomatie. || Mission à l'étranger. || Nouvelles de l'étranger. || Correspondant à l'étranger.
45 Ce que nous disons l'étranger, se disait, au XVIIIe s., le pays étranger.
Littré, Dict., art. Étranger.
46 (…) on n'est considéré à l'étranger qu'en rapport de la considération que l'on s'attribue soi-même.
Flaubert, Correspondance, t. I, p. 211.
47 (…) nos contacts avec l'étranger, qu'il soit ami, ennemi ou neutre, ne laissent pas de nous rendre de plus en plus sensibles à notre personnalité française.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 178.
48 (…) l'influence des lettres françaises actuelles à l'étranger.
Gide, Journal, nov. 1924, Cuverville (→ Avisé, cit. 4).
C N. m. Fam. et plais. || En étranger, dans une langue étrangère.
49 Le chauffeur a (…) décroché un téléphone. Un instant plus tard, il s'est mis à parler en étranger dans l'appareil. Tout ce que j'ai pu saisir, c'est « O. K. ». Ça faisait pas lourd.
J.-P. Manchette, Polar, p. 84 (1973).
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CONTR. (Adj.) Aborigène, autochtone, indigène, natif, national. — Naturel, propre. — Connu, domestique, familier. — Rompu (à). — Essentiel. — (N.) Citoyen, compatriote, pays. — Parent.
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2. étranger [etʀɑ̃ʒe] v. tr.
ÉTYM. V. 1120, estrangier; de étrange.
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1 Le roi très piqué mais ne voulant pas étranger Monsieur (…)
Saint-Simon, Mémoires, III, 10.
2 Bientôt après la première connaissance, il n'en est aucun (ami) que mes discours n'étrangent de moi.
Stendhal, Armance, t. I, p. 614.
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CONTR. Attirer, rapprocher.
Encyclopédie Universelle. 2012.