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DIPLOMATIQUE
DIPLOMATIQUE

La diplomatique est la science qui étudie la tradition, la forme et la genèse des actes écrits en vue de faire leur critique, de juger de leur sincérité, de déterminer la qualité de leur texte, d’apprécier leur valeur exacte en les replaçant dans la filière dont ils sont issus, de dégager de la gangue des formules tous les éléments susceptibles d’être exploités par l’historien, de les dater s’ils ne le sont pas et enfin de les éditer. Science autonome, elle est aussi et avant tout une des sciences auxiliaires de l’histoire.

Elle se relie étroitement à l’histoire administrative ou histoire des institutions, car l’acte en soi ne peut être compris sans une connaissance précise de l’institution qui l’a conçu, établi et expédié; à l’histoire du droit, car elle traite de la forme de l’acte dont le juriste étudie le fond; à l’archivistique, car elle porte sur les documents d’archives dont l’archiviste voit l’organisation dans les fonds en s’intéressant à leur conservation, à leur classement, à leur inventaire; au XVIIIe siècle l’archivistique était la «diplomatique pratique». En relation avec la paléographie qui s’est progressivement détachée d’elle, la diplomatique est liée également à la chronologie technique ou connaissance des moyens employés pour placer un acte ou un fait à un certain point de la mesure du temps, et à la sigillographie, qui étudie les sceaux utilisés pour valider des actes.

On distingue une diplomatique générale , qui se propose l’étude des notions qui ne sont propres ni à une époque, ni à une région, ni à une chancellerie, mais qui sont nécessaires pour aborder de façon utile les actes d’une chancellerie donnée, et la diplomatique spéciale qui étudie soit les conditions particulières des actes de chacune des chancelleries pontificale, impériale, royale française, anglaise, etc., ou encore de telle chancellerie seigneuriale ou ecclésiastique, soit l’acte notarié, judiciaire, administratif.

Pendant longtemps, on a vu dans la diplomatique un ensemble de méthodes destinées à critiquer la sincérité des actes, c’est-à-dire à juger de leur authenticité ou de leur fausseté. D’autres ont étendu son domaine jusqu’à faire de leurs ouvrages une encyclopédie de toutes les connaissances qui concourent à la critique historique des actes, mais qui en fait relèvent d’autres sciences auxiliaires de l’histoire.

Jusqu’à l’époque contemporaine, on a d’autre part restreint le domaine de la diplomatique à l’étude des seuls écrits consignant un acte juridique, chartes ou titres (diploma, selon la terminologie, d’ailleurs erronée des humanistes, d’où le terme «diplomatique»; Urkunde en allemand, d’où le nom usuel de cette science en Allemagne, Urkundenlehre ). Aujourd’hui, la matière tend à s’élargir à tous les écrits constatant, outre des actes, des faits juridiques: rapports, comptes, correspondance administrative, etc. (Akten en allemand, d’où le nom d’une branche nouvelle de cette science en Allemagne: Aktenlehre ). La plupart des spécialistes estiment donc maintenant qu’elle doit porter sur l’ensemble des documents d’archives.

Enfin, le domaine privilégié de la diplomatique a très longtemps été le Moyen Âge. On pense généralement aujourd’hui que ses méthodes sont également valables pour toutes les autres époques, dès lors qu’on dispose de documents d’archives, qu’il s’agisse de l’Antiquité orientale aussi bien que de la période moderne et contemporaine.

1. Histoire de la diplomatique

Si les «documents diplomatiques» ont été utilisés, avec plus ou moins de bonheur, par les historiens de toutes les époques et si une critique des faux, plus ou moins assurée, s’est exercée de tout temps devant les juridictions, ce n’est que progressivement que se sont dégagées certaines règles de critique: les humanistes – depuis Pétrarque au XIVe siècle et Lorenzo Valla au XVe – y ont contribué. Le recours de plus en plus fréquent aux documents et leur exploitation intensive à des fins plus politiques qu’historiques au temps des guerres de Religion, pendant la guerre de Trente Ans et sous le règne de Louis XIV entraînèrent de véritables bella diplomatica (guerres diplomatiques) que menèrent historiens et juristes. Publiant en 1685 son De re diplomatica pour dissiper la suspicion jetée par le jésuite Papebroch contre les vénérables chartriers des monastères bénédictins, dom Jean Mabillon constitua d’un coup une science nouvelle en créant une méthode fondée sur l’examen des caractères externes et internes des actes. Au milieu du XVIIIe siècle, d’autres bénédictins, Tassin et Toustain, compilèrent une somme énorme de matériaux pour la critique des titres: le Nouveau Traité de diplomatique. Dès cette époque, la discipline était pratiquée en Italie par des savants comme L. A. Muratori ou S. Maffei et elle faisait en Allemagne l’objet d’enseignement dans les universités.

Aux XIXe et XXe siècles, tandis que les spécialistes français s’attachaient plus à éditer des collections documentaires considérables qu’à faire œuvre de théoriciens, la diplomatique reçut une impulsion décisive des travaux de grands érudits allemands et autrichiens, et en particulier de T. Sickel, de J. Ficker, de H. Bresslau. La publication systématique de registres des actes des empereurs et des papes – commencée respectivement par K. F. Bohmer et par P. Jaffé et A. Potthast –, la préparation des grandes collections des diplômes des souverains, notamment en Allemagne (dans les Monumenta Germaniae historica ), en France (avec A. Giry, M. Prou, G. Tessier) et en Italie (avec L. Schiaparelli), les travaux portant sur les bulles pontificales (notamment sous la direction de P. Kehr et de L. Santifaller) ont marqué les étapes du développement des méthodes diplomatiques. Mais l’attention tend à se déplacer aujourd’hui vers les époques plus récentes, vers les actes privés, vers les études comparatives. L’institution d’une Commission internationale pour la diplomatique au sein du Comité international des sciences historiques a annoncé une nouvelle orientation de cette science.

2. La tradition des actes

La tradition d’un acte est l’état de rédaction dans lequel cet acte nous a été transmis: sa détermination permet de préciser le degré de confiance qu’on doit lui accorder. On peut en effet connaître l’existence ou le contenu d’un acte soit par son texte intégral, soit par des extraits, soit par une mention dans un acte ultérieur, une citation d’érudit ou un inventaire ancien d’archives. Quant à la teneur intégrale de l’acte, elle peut être révélée soit par un état préparatoire (brouillon ou minute), soit par l’original, soit par une expédition, une réexpédition, une ampliation, soit par une copie authentique ou informe, soit encore par un faux. C’est l’étude de cette tradition qui autorise à porter un jugement sur la sincérité d’un document ou sa fausseté, ainsi que sur la qualité du texte qui nous est parvenu.

Original

L’original est le document primitif où se trouve consignée pour la première fois sous sa forme définitive la volonté de l’auteur et qui est marqué des signes de validation destinés à faire foi. La notion d’originalité est une des plus essentielles de la diplomatique: un acte original est par définition un acte sincère (c’est-à-dire revêtu de l’authenticité diplomatique) et c’est d’après lui, si possible, que doit se faire l’édition du document.

Il peut y avoir plusieurs originaux d’un acte s’il s’agit d’une pièce très solennelle ou bien d’une circulaire ou encore si chacune des parties concernées désire en conserver un exemplaire.

Pendant des siècles, c’est l’acte remis au destinataire qui doit être tenu pour l’original; mais, par suite de l’évolution des pratiques, la minute, qui en vint à recevoir des marques de validation, doit à son tour être regardée comme le véritable original; l’expédition remise à l’intéressé n’est plus, dès lors, qu’une première copie, privilégiée parce que délivrée par l’expéditeur lui-même, et pourvue de certains signes de validation (qui peuvent d’ailleurs différer de ceux de l’original).

Tant que, ni par un enregistrement ni par la conservation des minutes, les chancelleries ne gardèrent trace des actes qu’elles expédiaient, il était impossible de procéder à une réexpédition. À l’époque romaine, on avait pu suppléer aux titres perdus en recourant à une procédure spéciale, impliquant une enquête publique, mais celle-ci tomba en désuétude à l’époque mérovingienne. De plus en plus souvent, on usa de la pratique de la confirmation des actes précédents; le titre nouveau est obtenu des autorités sur une requête, généralement fondée sur le simple témoignage de l’intéressé ou sur quelque note par lui communiquée: le haut Moyen Âge nous en a conservé un grand nombre d’exemples dont la critique est évidemment difficile.

Copies

La notion d’authenticité s’étant obnubilée au cours du haut Moyen Âge, les intéressés (et spécialement les établissements ecclésiastiques) qui avaient besoin de produire le texte d’un acte se contentaient d’en tirer eux-mêmes copie. Celle-ci était le plus souvent informe, c’est-à-dire sans marque d’authenticité apposée par une autorité. Pour lui donner plus d’apparence, on en pouvait faire une copie figurée en s’essayant à reproduire certains des caractères externes de l’original. Certains allèrent même jusqu’à pourvoir de signes de validation fictifs une telle copie, lui donnant l’aspect d’un pseudo-original qui, à nos yeux, est diplomatiquement un faux, d’autant que le texte en est souvent plus ou moins consciemment adultéré. La critique est rendue d’autant plus délicate qu’à cette époque bien des destinataires procédaient eux-mêmes à la rédaction des actes qu’ils soumettaient ensuite à la sanction de l’autorité supérieure. Parfois, après un sinistre, on établissait, sans volonté de tromper, des titres reproduisant plus ou moins fidèlement les titres disparus: ces actes récrits ou refaits , aux anachronismes de langue ou d’écriture, sont également d’une critique malaisée.

Cependant, en Italie, sous l’influence du droit romain, les scribes avaient la possibilité d’établir des copies qu’ils marquaient de leur nom ou de leur souscription et qu’ils dataient après en avoir affirmé la conformité avec l’original. De cette copie conforme naquit, avec les premiers développements du notariat public, la copie authentique dont les linéaments apparaissent dès le Xe siècle. Dans la Marche d’Espagne aussi, les juges, dès le IXe siècle, donnaient l’ordre de dresser des copies dont, avec d’autres témoins, ils affirmaient la conformité à l’original. Sous ces influences conjuguées, la copie authentique fit sa réapparition au XIIe siècle dans la France méridionale et s’étendit largement dès que le notariat se fut répandu. Il suffisait dès lors que le notaire, persona publica , l’authentifiât de son seing manuel, plus tard de sa signature.

Dans le nord de la France, en Angleterre, dans les pays germaniques, l’authentification des copies se fit essentiellement sous le sceau des autorités: du fait qu’elles disaient avoir «vu» l’acte antérieur, la copie fut appelée vidimus. Après la désaffection du Nord pour le sceau, la copie authentique signée se développa universellement.

La qualité du texte est indépendante de cette marque d’authenticité juridique: la copie informe d’un érudit expérimenté constitue généralement une source beaucoup plus sûre de la teneur de l’acte.

Faux

Des actes nous sont parvenus sous une forme falsifiée et certains ont même été forgés par des faussaires. Le diplomatiste doit donc peser cette sincérité des documents: est considéré comme sincère un acte qui, dressé et expédié régulièrement, répond effectivement aux apparences qu’il nous offre. Il est des falsifications qui altèrent la matérialité de l’original ou de sa copie par grattage, lavage, rature, correction de toute nature; d’autres, plus subtiles, consistent à modifier sciemment le contenu d’un acte en écrivant un pseudo-original et surtout en procédant à une copie falsifiée. Les altérations prennent toutes les formes: additions (interpolations), suppressions, modifications de toutes sortes d’éléments du texte; elles peuvent affecter la date, les noms des parties, les lieux concernés, les prix, les conditions des contrats, etc., ou encore contrefaire l’écriture ou les signatures. Certains faux ne gardent de l’acte original qu’un moule formel dans lequel vient se fondre un texte fabriqué; d’autres encore sont entièrement supposés. Les buts des faussaires sont d’une infinie variété: faux monastiques du haut Moyen Âge (si nombreux que plus de la moitié des actes prétendant remonter à l’époque mérovingienne sont des faux), faux utilitaires (qui aujourd’hui comme autrefois encombrent les rôles judiciaires), faux politiques, faux d’érudition (venant à l’appui de thèses), faux autographes (destinés aux collectionneurs). La critique de sincérité est donc un des aspects essentiels de la diplomatique qui doit dégager les éléments sincères de l’acte des éléments falsifiés, dater la falsification et en déterminer les raisons.

La sincérité ou «authenticité diplomatique» est distincte de l’authenticité juridique: un faux peut avoir fait l’objet d’une authentification par une autorité habile à la lui conférer mais ne possédant pas les connaissances suffisantes pour déceler la falsification. La «sincérité diplomatique» n’implique pas que l’auteur de l’acte ait fait preuve de sincérité morale: l’exposé des faits peut être tendancieux ou même faux, mais cette critique relève de l’analyse historique et elle n’est plus du ressort du diplomatiste.

Groupement d’originaux ou de copies

Originaux et copies peuvent être isolés; mais ils nous sont souvent parvenus groupés en recueils, sous forme de volumes ou de rouleaux (rôles ), dont la composition pose également de nombreuses questions.

Un registre , au sens diplomatique du terme, est un recueil d’actes qui est tenu au fur et à mesure par une autorité ayant capacité pour le faire et qui confère aux actes «enregistrés» validité, publicité et date certaine, ainsi qu’une présomption de sincérité. Il peut être tenu soit par l’expéditeur au départ, soit par le destinataire à l’arrivée, soit encore par une administration spéciale en vue d’une vérification, d’une taxation, d’une publicité. Pour tout registre, il convient de déterminer s’il est original ou si c’est une copie, si l’enregistrement a été systématique ou s’il y a eu sélection de pièces et quels sont les critères de cette sélection, si la transcription est intégrale ou partielle, si elle a été faite sur l’original ou sur la minute, et plus encore d’apprécier le soin apporté à sa tenue, car de là dépend la qualité du texte.

Le carticulaire , au contraire, comporte la copie faite par l’intéressé des documents qui le concernent et n’implique lui-même aucun caractère d’authenticité.

Un formulaire peut faire connaître des types d’actes dont aucun exemplaire ne nous est parvenu, mais les textes peuvent avoir été arrangés pour les besoins de son utilisateur ou même être entièrement supposés.

Le rôle du diplomatiste est de procéder dans tous les cas à la critique du recueil, en même temps qu’à celle de chacun des actes qu’il contient.

3. La forme des actes

L’étude de la forme des actes est indispensable pour en opérer la critique diplomatique. Il convient à propos de chaque acte d’examiner les caractères qui lui sont propres: caractères externes ou matériels, qui ne peuvent être observés que sur l’original ou son exacte reproduction, et caractères internes, inhérents à l’acte et qui en sont inséparables quel qu’en soit le mode de tradition.

Caractères externes

Il s’agit avant tout du support de l’acte ou matière subjective: ce fut successivement, au cours du Moyen Âge, le papyrus, puis le parchemin, enfin le papier, et exceptionnellement les tablettes de bois et de cire, héritées de l’Antiquité, les écorces de bouleau utilisées dans les pays slaves, les plaques de pierre et de métal, cuivre ou plomb. La qualité de ce support, son format, la présentation matérielle du texte, l’encre, les éléments figurés éventuels, l’écriture, les abréviations, la ponctuation doivent faire l’objet d’une observation attentive, de même que les marques de validation et surtout le sceau. Ce dernier constitue, en effet, durant presque tout le Moyen Âge et une partie des Temps modernes, la manifestation essentielle de l’authenticité de l’acte: son mode d’apposition (pendant ou plaqué), la nature et la couleur de ses attaches (soie, chanvre, lacet de cuir, etc.), son type, sa légende, le contre-sceau aussi doivent être soumis à un examen, inséparable de l’étude systématique de toute chancellerie.

Caractères internes

Un des plus importants est la langue du texte puisque se rencontrent selon les temps, en Occident, le latin, littéraire ou vulgaire, et les diverses langues avec leurs variantes dialectales. On y peut assimiler les applications des règles les plus diverses de la rhétorique, enseignée selon la tradition antique par les écoles ou diffusée par les formulaires et les manuels qui proliférèrent au cours du Moyen Âge.

La rédaction elle-même peut prendre la forme d’une lettre ou d’un procès-verbal. Elle peut être d’aspect objectif (X donne ) ou subjectif (Je donne ), dispositif (la mise par écrit de l’acte juridique fondant par là même cet acte: par cet acte je donne ) ou probatoire (l’écrit étant destiné à faire la preuve d’un acte juridique rendu parfait par simple déclaration verbale de volonté ou échange des consentements: j’ai donné ), avec emploi du sujet, du verbe et de son complément au singulier ou au pluriel (je donne ou nous donnons à toi ou à vous ou à lui ).

Quant à la teneur même de l’acte, les diplomatistes ont l’habitude de la décomposer en un certain nombre d’éléments qui, sans exister dans tous les actes ou sans figurer toujours à la même place, constituent un mode d’analyse commode. C’est ainsi que pour les actes en forme de lettre – les plus nombreux – ces éléments se répartissent en trois groupes:

– Le protocole initial , lequel comprend l’invocation (au nom de la divinité ou du peuple), la suscription (nom de l’auteur de l’acte, sa qualité ou sa titulature, éventuellement une formule de dévotion: par la grâce de Dieu , par exemple), l’adresse (générale, collective ou personnelle), le salut ou une formule de perpétuité.

– Le texte , où se rencontrent le préambule, considérations d’ordre général, religieuses, morales, politiques ou juridiques, sur lesquelles est fondée la mesure; l’exposé, qui fait connaître l’historique de l’affaire, la requête de l’intéressé, les pièces produites, la motivation concrète de la mesure, et auquel on peut assimiler les textes antérieurs visés et les avis reçus des organismes compétents; la notification, qui porte les faits ou la décision à la connaissance des intéressés; le dispositif, qui constitue le cœur de l’acte et dont le verbe exprime la manifestation de la volonté de l’auteur ou la constatation des faits; enfin les clauses finales, qui accompagnent le dispositif pour en assurer l’exécution ou en renforcer l’efficacité juridique. Ces clauses sont extrêmement diverses: clauses intentionnelles («motu proprio », «bon plaisir», etc.), injonctives (mandement aux agents en vue de l’exécution), prohibitives (interdiction de s’opposer à l’exécution ou de laisser s’élever une opposition), dérogatives (exécution en dépit de dispositions contraires), comminatoires ou bien pénales (menaces d’amende, de châtiments physiques ou de peines spirituelles, excommunication ou damnation, à l’égard des contrevenants), clauses d’exécution nonobstant appel, clauses de réserve (pour la protection éventuelle des intérêts de l’auteur ou des tiers). D’autres clauses portent sur la durée de la mesure, perpétuelle ou temporaire, le délai et les conditions de son exécution, l’ordre de mise par écrit, de sceller, de procéder à l’enregistrement ou à la publication. Enfin la clause de corroboration, un des éléments les plus stables des actes, en annonce les signes de validation. Dans les actes privés se rencontrent encore les clauses de promesse ou de serment (obligation morale d’exécuter ou faire exécuter l’acte et les charges en découlant); de garantie ou d’obligation (par laquelle le contractant fournit des sûretés personnelles ou réelles de l’exécution), de renonciation à toutes exceptions susceptibles d’annuler l’acte ou d’en empêcher ou retarder l’exécution; d’astreinte ou de dommages et intérêts en cas de refus d’exécution ou d’usage de moyens dilatoires; enfin de soumission à une juridiction donnée en cas de litige.

– Le protocole final ou eschatocole, où prennent place les signes de validation autres que le sceau – c’est-à-dire les formules autographes de souscription, les seings ou signa (croix ou marques personnelles apposées par les intéressés eux-mêmes ou en leur nom par le rédacteur de l’acte) et les signatures et paraphes – et la date ou indication de lieu et de temps. Cette dernière peut se composer d’un nombre variable d’éléments chronologiques: année de l’ère chrétienne, année du règne, indiction, etc. Dans les actes en forme de procès-verbal, la formule de datation est souvent placée en tête ou bien elle se trouve partagée entre le début et la fin de l’acte.

Il existe aussi des éléments hors teneur , qui trouvent place dans les marges ou au dos des actes ou encore sur ou sous le repli qui se pratiquait pour le scellage. Leur intérêt est grand pour le diplomatiste, qu’ils renseignent sur la filière suivie par le document: visa des autorités, contrôle, collation, enregistrement, taxes perçues, etc.

Mais de tous ces éléments constitutifs de l’acte, il n’en est pas de plus important que le dispositif, car en même temps qu’il détermine la nature juridique du document, il conditionne sa nature diplomatique et, généralement, sa forme entière, compte tenu de l’emploi des formulaires et des usages propres de chaque chancellerie.

4. L’élaboration des actes

La diplomatique étudie l’organisation et l’histoire des chancelleries, greffes et bureaux d’écriture et d’ordre des administrations, pour déterminer la filière suivie par l’acte écrit dans sa préparation et jusqu’à l’accomplissement des formalités qui lui donnent valeur exécutoire. Elle est donc amenée à se préoccuper des personnes qui composent ces services et de leurs attributions, des règles qui y sont en usage, des moyens de rédaction des actes (les formulaires notamment), aussi bien que des documents qui servent à étudier l’affaire, à préparer la décision et à en assurer la diffusion et l’exécution (mémoires, rapports, correspondance administrative, etc.).

L’origine de l’acte peut découler de la volonté personnelle de son auteur agissant motu proprio en dehors de toute sollicitation extérieure; plus souvent, il y a eu requête ou supplique de l’intéressé, verbale ou écrite. Cette demande doit être soit entendue et approuvée par l’auteur de l’acte, soit instruite par l’organisme compétent ou par une institution spécialisée (telle que, par exemple, la daterie et les référendaires à la chancellerie pontificale, ou les maîtres des requêtes et la Chambre des requêtes dans la France de l’Ancien Régime). Parfois les suppliques, une fois approuvées, ont été tenues, du seul fait de cette approbation, comme l’équivalent de l’acte parfait sans qu’il soit procédé à l’établissement d’un autre acte. Telle est l’origine de la «signature en cour de Rome», apparue au cours du XIVe siècle; il en fut de même des «bons du roi» en France au XVIIIe siècle, lorsque le souverain écrivait «bon» en marge de mémoires à lui présentés.

L’intervention des tiers marque une autre phase de la procédure: appui donné à la requête par une personnalité, consentement accordé par des parents, des supérieurs ou des tiers intéressés, conseils ou avis donnés par certaines personnes ou certains corps.

Puis se présente, moment essentiel, le commandement de l’acte, qualifié de jussio dans la terminologie de l’acte public et de rogatio dans celle de l’acte privé: déclaration publique de volonté, ordre ou prière de dresser l’écrit. Souvent cet ordre n’est pas donné par celui au nom de qui l’acte est intitulé, mais par un service ou un agent qui a reçu de lui délégation de pouvoir pour ce qui regarde ses attributions.

On établit alors la minute. Celle-ci peut être dictée au scribe ou composée par le rédacteur, conformément aux instructions reçues, sur une feuille isolée ou sur un registre. Parfois précédée de notes ou d’un brouillon informe, sans valeur authentique, la minute est dressée en recourant soit au mémorandum de l’affaire incorporée dans la requête ou annexée à elle, soit aux pièces produites ou aux précédents administratifs, soit à un formulaire. Après contrôle et correction éventuelle de la part du rédacteur ou de celui qui a commandé l’acte et qui y appose son visa ou une autre marque d’approbation, la minute devient, ne varietur , la matrice d’où on tire l’expédition et, chaque fois qu’il en sera besoin, les réexpéditions ultérieures. Elle va donc être appelée à recevoir les signatures, à l’époque où celles-ci deviennent les marques de validation par excellence: l’évolution s’achève au cours du XVIe siècle et, dès lors, pour un certain nombre d’actes tant publics que privés, la minute peut être regardée comme le véritable original. Déjà depuis le XIIIe siècle, bien des particuliers négligeaient de faire «lever» l’acte dès lors que la minute avait été «couchée» dans le registre d’un notaire, car ils savaient qu’à tout moment, en cas de litige, il leur serait loisible d’en demander l’expédition.

Une minute ne possède cependant pas par elle-même la publicité nécessaire pour donner valeur exécutoire à l’acte juridique. Pour obtenir exécution, il faut grossoyer la pièce ou accomplir des formalités de publication. Le grossoiement est le plus souvent l’œuvre de clercs ou d’expéditionnaires, simples scribes ancêtres de nos dactylographes, agissant sous le contrôle des rédacteurs ou des officiers supérieurs de la chancellerie. Cette «grosse» (ainsi appelée parce que son écriture, soignée, de module assez grand et sans abréviation des formules ou des clauses de style, s’oppose à l’écriture plus menue de la minute, fortement abrégée) devait être collationnée à cette dernière et vérifiée par le service d’origine en vue de constater sa conformité quant au fond avec la décision prise.

C’est alors qu’intervient la validation. Après soumission à un dernier contrôle en chancellerie attestant la régularité des opérations (visa du chancelier, recognition d’un officier), l’acte public fait l’objet d’une lecture ou d’un rapport à l’autorité qui va en prendre la responsabilité: c’est, par exemple, l’«audience des lettres contredites» pour les bulles en matière de justice et l’«audience du sceau» à la chancellerie royale française et dans la plupart des chancelleries souveraines. Il s’agit d’un véritable «jugement de la lettre» par le chancelier (ou le garde des Sceaux qui le remplace), et de l’ordre de scellage exécuté en sa présence. À une autre époque ou pour d’autres actes, dont la validation est seulement marquée par la signature – et c’est le cas, par exemple, des décrets ou des instruments diplomatiques de l’époque contemporaine –, la signature est apposée à l’acte par le chef de l’État ou par qui a autorité pour engager l’État, avec le contre-seing éventuel d’un ou plusieurs ministres.

Les actes privés ont été de même validés, selon les temps et les lieux, par le scellage avec un sceau de l’autorité publique ou par l’apposition du seing ou de la signature du notaire, ainsi que par l’approbation verbale puis, après le XVIe siècle, par la signature des parties, et l’attestation donnée, conformément aux prescriptions juridiques en vigueur, par les témoins. Les actes sous seing privé reçoivent le signet ou cachet, puis la signature des intéressés et, éventuellement, ceux de leurs témoins, sans préjudice d’une insinuation ou d’un enregistrement par une autorité compétente ou sous condition d’un dépôt au rang des minutes d’un notaire pour leur donner date certaine.

En effet, des formalités doivent encore intervenir dans la plupart des cas pour donner valeur exécutoire aux actes publics ou privés. Il s’agit notamment de l’enregistrement soit par la chancellerie ou le bureau d’ordre d’une administration, soit par un service public spécialisé (bureau d’insinuation, administration de l’enregistrement ou des hypothèques, etc.). En outre, sous l’Ancien Régime, la vérification des ordonnances et lettres patentes par les cours souveraines, et en particulier par les parlements, et leur enregistrement par ces institutions étaient généralement tenus pour nécessaires. Cette démarche en deux temps a donné lieu entre le roi et ces dernières à des conflits dont le mécanisme est bien connu et qui, après des «remontrances au roi», se terminaient souvent par des « lits de justice».

Il s’agit encore d’assurer la publication des décisions de l’autorité, l’exécution étant reportée à un certain délai après cette formalité. La publicité est donnée par le moyen de cris publics ou d’impressions: placards, origine de notre affichage, puis insertion dans un journal officiel ou dans un bulletin officiel propre à une administration donnée. De même, la publication des actes privés concernant des tiers doit être faite par impression d’affiches ou insertion dans des bulletins d’annonces légales.

Les dernières formalités de cette filière complexe sont la taxation, le paiement des taxes, la remise aux destinataires, soit directement par la chancellerie ou un bureau adéquat, soit par le recours à un service de messagerie ou de courriers officiels, soit encore par une administration locale qui procède encore à une vérification de la matérialité des faits et à un enregistrement.

La complexité des rouages est allée croissant et il n’y a pas grand-chose de commun entre la charte ou la notice médiévale (simple mémorandum rédigé par le destinataire lui-même en vue de garder mémoire de l’affaire et d’appeler les témoins à en porter témoignage) et l’acte des autorités modernes, tel qu’il s’est formé par une lente évolution à partir du XIVe siècle, en subissant les effets du centralisme monarchique depuis le XVIe siècle. De même, il n’y a que peu de points de comparaison entre les clercs de Philippe le Bel et les lourds ministères modernes qui sont progressivement issus de ce germe modeste.

Le schéma ici présenté vise seulement à dégager la méthode d’investigation, d’analyse et de critique de la diplomatique, sans tenir compte de la multitude des cas particuliers qui varient selon les époques, les lieux et la nature des actes: leur étude forme l’objet d’autant de chapitres relevant de la diplomatique spéciale.

La diplomatique a enfin pour tâche d’assurer l’édition scientifique des actes et plus généralement des documents diplomatiques. Leur texte est établi en tenant compte de la tradition et en proposant, si celle-ci est fautive, les corrections qui s’imposent. Une analyse doit dégager sous une forme sommaire la nature juridique de l’acte et sa finalité, pour faciliter son exploitation par l’historien. Une note critique doit, en outre, résoudre les difficultés que pose l’interprétation du texte, procéder s’il y a lieu à l’examen des falsifications, proposer une datation si le document ne comporte pas de date ou si celle-ci présente quelque erreur, compléter enfin la publication par une annotation identifiant les personnages, les lieux et les faits mentionnés. Il s’agit donc là d’une technique souvent délicate, indispensable au travail historique, qui fait de la diplomatique une discipline fondamentale de la recherche historique.

diplomatique [ diplɔmatik ] adj. et n. f.
• 1721; n. f. 1708; du lat. sc. diplomaticus diplôme
IDidact.
1Relatif aux diplômes, aux chartes ( diplôme, 1o ). Écritures diplomatiques, en usage dans les diplômes.
2 N. f. LA DIPLOMATIQUE : science qui a pour objet les diplômes, l'étude de leur âge, de leur authenticité, de leur valeur. ⇒ paléographie.
II(1726 « relatif aux diplômes, aux documents internationaux ») Cour.
1Relatif à la diplomatie. Histoire diplomatique. Relations diplomatiques (cf. Relations internationales, affaires étrangères, extérieures). La carrière diplomatique : le métier de diplomate. Complications, incidents diplomatiques. Correspondance, courrier, dépêche, valise diplomatique. Note diplomatique. Intervenir par la voie diplomatique. Être chargé d'une mission diplomatique. Cérémonial, protocole diplomatique. Spécialt Caractère diplomatique : caractère des personnes qui représentent leur pays, qui incarnent la souveraineté de l'État qui les envoie. Agent diplomatique : diplomate. Corps diplomatique et corps consulaire. Maladie diplomatique.
2Fig. (des actions, des manières) adroit, habile. « Je lui ai demandé l'autre bourse. — Aïe ! ce n'est pas diplomatique » (Musset).
⊗ CONTR. Maladroit, grossier.

diplomatique adjectif (latin scientifique diplomaticus, de diploma, diplôme) Relatif aux diplomates, à la diplomatie : Relations diplomatiques. Corps diplomatique. Qui est plein de prudence, d'habileté, de tact : Un langage peu diplomatique.diplomatique (expressions) adjectif (latin scientifique diplomaticus, de diploma, diplôme) Familier. Maladie diplomatique, maladie alléguée mensongèrement pour justifier une absence ou échapper à une obligation. ● diplomatique (synonymes) adjectif (latin scientifique diplomaticus, de diploma, diplôme) Qui est plein de prudence, d'habileté, de tact
Synonymes :
- adroit
- astucieux
- habile
- ingénieux
Contraires :
- maladroit
diplomatique nom féminin (de diplomatique) Science des actes et documents officiels (diplômes, chartes, traités), de leur élaboration, de leur transmission, etc. ● diplomatique adjectif Qui concerne la diplomatique. ● diplomatique (expressions) adjectif Critique diplomatique, critique formelle d'un acte et de son authenticité. Édition diplomatique, édition d'actes selon les règles de la diplomatique.

diplomatique
adj. et n. f.
rI./r adj.
d1./d Qui a rapport à la diplomatie. être chargé d'une mission diplomatique.
|| Valise diplomatique: bagage ou colis appartenant à certains diplomates et sur lesquels l'administration des douanes n'a pas le droit de visite.
d2./d Fig. Qui a rapport au tact et à l'habileté dans les relations ou négociations privées.
rII./r n. f. Didac. La diplomatique: la science qui étudie les diplômes, les chartes, les documents anciens et examine leur authenticité.
|| adj. Qui a rapport à la diplomatique.

I.
⇒DIPLOMATIQUE1, subst. fém. et adj.
I.— Subst. fém. Science ayant pour objet les diplômes (cf. diplôme A), chartes et autres documents officiels, leur authenticité, leur intégrité, leur âge et leurs variations au cours des temps. Ouvrages, traité de diplomatique et de paléographie. Je pense en particulier à l'histoire de l'écriture et du livre, à la diplomatique et à la codicologie (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 800) :
1. Ce corps de doctrines, d'observations et de résultats, propre à faciliter la critique des diplômes et des chartes, existe : c'est la diplomatique. Nous dirons donc que la diplomatique, comme l'épigraphie, comme la paléographie, comme la philologie (Sprachkunde), est une discipline auxiliaire des recherches historiques.
LANGLOIS, SEIGNOBOS, Introd. aux ét. hist., 1898, p. 33.
II.— Adj. Relatif aux diplômes (cf. diplôme A). Archives, documents, sources diplomatiques :
2. Ce clerc picard a connu diverses choses et vu certaines pièces diplomatiques (...). Ses informations sur la vie militaire de la Pucelle sont de source française...
FRANCE, Vie de Jeanne d'Arc, t. 1, 1908, p. XV.
Critique diplomatique. Critique formelle d'un document et de son authenticité. Les chartes, dont la critique diplomatique permet d'habitude de déterminer la provenance (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 599).
Édition diplomatique. ,,Qui reproduit scrupuleusement le texte primitif d'un ouvrage`` (Éd., s.v. édition). S'il [l'éditeur] présente les textes sous une forme dite « diplomatique », il sera conscient du fait qu'il ne rendra jamais les manuscrits de façon exacte (Neophilologus, t. 61, 1977, n° 3, p. 338).
Rem. La docum. atteste diplomatiste, subst. masc., rare. Spécialiste de la diplomatique. Il m'a été impossible de découvrir la pièce originale (...) dont s'est servi le savant diplomatiste anglais (MÉRIMÉE, Don Pèdre Ier, 1848, p. 462). Attesté ds Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, Lar. 19e-Lar. encyclop., LITTRÉ, GUÉRIN 1892, QUILLET 1965.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1740-1932. Étymol. et Hist. Cf. diplomatique2.
II.
⇒DIPLOMATIQUE2, adj.
A.— Relatif à la diplomatie, aux relations politiques entre États. (Haute) mission diplomatique, relations diplomatiques. L'association contractuelle de nos deux pays, aux points de vue économique, diplomatique, culturel et militaire (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 225) :
1. M. de Ligny, diplomate d'origine et de carrière, était en soi très honorable. Il l'était même avant que de naître par les services diplomatiques que ses ancêtres avaient rendus à la France.
FRANCE, Histoire comique, 1903, p. 232.
SYNT. Histoire diplomatique; cérémonial, convention, formalité, langue, protocole, traitement diplomatique; correspondance, courrier, dépêche, note, valise diplomatique; démarches, interventions, manœuvres, médiations, négociations, pourparlers diplomatiques; accord, traité diplomatique; conflit, incident, rupture diplomatique; succès, victoire diplomatique; intervenir par la voie diplomatique; être chargé d'une mission diplomatique.
Carrière diplomatique. Synon. diplomatie (cf. diplomatie A 2 a). Se destiner, renoncer à la carrière diplomatique. Il est entré dans la carrière diplomatique (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 58).
B.— Qui concerne les diplomates et leurs activités. Conférence, congrès, réunion diplomatique; privilèges et immunités diplomatiques; services diplomatiques; agents, cadres diplomatiques et consulaires :
2. Le prince, dans ses ambassades et comme ministre des Affaires étrangères, avait tenu, pour son pays au lieu que ce fût comme maintenant pour lui-même, de ces conversations où on sait d'avance jusqu'où on veut aller et ce qu'on ne vous fera pas dire. Il n'ignorait pas que dans le langage diplomatique causer signifie offrir.
PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 258.
Corps diplomatique. Ensemble des ambassadeurs et des ministres étrangers qui sont accrédités auprès d'un gouvernement. La colonie française qui se composait uniquement du Corps diplomatique (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 301). Respecter la solidarité du corps diplomatique (CHAZELLE, Diplom., 1962, p. 23).
Caractère diplomatique. Caractère des personnes officiellement chargées de représenter leur pays à l'étranger. Le caractère diplomatique dont M. de Staël est revêtu (STAËL, Lettres div., 1793, p. 381).
C.— P. anal. [En parlant des actes, des manières] Empreint de finesse, de tact, et de discrétion. Air, sourire diplomatique; flair, habileté, prudence, réserve, ruse, tact diplomatique. Synon. adroit, habile. Elle fait des prouesses diplomatiques pour rétablir, un instant, d'impossibles équilibres (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 179). Une expression de pondération et de finesse diplomatique (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 307).
Rem. Dans ce sens, diplomate (cf. diplomate1 B 2) s'emploie pour qualifier une personne et diplomatique pour qualifier un comportement.
Fam. Maladie diplomatique. Prétexte allégué pour se soustraire à une obligation. Malade? Ce n'est pas au moins une maladie diplomatique? (PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920 p. 298).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. A. 1. 1708 subst. fém. « science qui a pour objet l'étude des diplômes » ([LALLEMENT], Hist. des contest. sur la diplomatique [titre d'ouvrage] ds DG); 1721 adj. « relatif aux diplômes » (Trév.); 2. 1726 adj. « relatif aux diplômes qui règlent les rapports internationaux » (J. DUMONT, Corps universel et diplomatique du droit des gens [titre d'ouvrage], Amsterdam). B. 1777 adj. « relatif à la diplomatie » (LINGUET, Annales, juillet, I, pp. 422-423 ds PROSCHWITZ Beaumarchais); 1807 fig. (STAËL, Corinne, t. 1, p. 134 : Les hommes frivoles sont très-capables de devenir habiles dans la direction de leurs propres intérêts, car, dans tout ce qui s'appelle la science diplomatique de la vie privée comme de la vie publique, l'on réussit encore plus souvent par les qualités qu'on n'a pas, que par celles qu'on possède); 1822 (CHÊNEDOLLÉ, Journal, p. 120 : Je ne lui trouvai point du tout cet air de réserve, cet air diplomatique dont parle Goethe). Empr. au lat. sc. diplomaticus (cf. en 1681 l'ouvrage de MABILLON, De re diplomatica,) lui-même dér. de diploma (diplôme).
STAT. — Diplomatique1 et 2. Fréq. abs. littér. :677. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 061, b) 722; XXe s. : a) 826, b) 1 089.

diplomatique [diplɔmatik] adj. et n. f.
ÉTYM. 1721, adj.; n. f., 1708; du lat. mod. diplomaticus, du lat. class. diploma. → Diplôme.
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I Didact.
1 Adj. Relatif aux diplômes, aux chartes ( Diplôme, 1.). || Écritures diplomatiques, en usage dans les diplômes. || Critique diplomatique.
2 N. f. || La diplomatique : science qui a pour objet les diplômes, l'étude de leur âge, de leur authenticité, de leur valeur. || La diplomatique étudie le fond, la valeur des documents, la paléographie, leur forme.
Ensemble de documents.
0.1 (…) le texte de la charte-partie qui nous envoie au Sénégal. La diplomatique de ces instruments remonte à la meilleur époque; les siècles ont ébranlé trônes et cerveaux, ils ont laissé intacte l'architecture de cette grande phraséologie commerciale.
J.-R. Bloch, Sur un cargo, p. 226.
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II Cour. (1726; « relatif aux diplômes, aux documents internationaux »).
1 Relatif à la diplomatie. || Histoire diplomatique. || Relations diplomatiques (Cf. Relations internationales, affaires étrangères, extérieures…). || Pourparlers, négociations diplomatiques. || Complications, incidents diplomatiques. || Rupture des relations diplomatiques entre deux pays. || Correspondance, courrier, dépêche, valise diplomatique. || Note diplomatique. || Intervenir par la voie diplomatique. || Être chargé d'une mission diplomatique. || Réunion, congrès diplomatique. || Agent diplomatique : diplomate. || Vie diplomatique. || Manières diplomatiques. || Correction (cit. 12) diplomatique. || Cérémonial diplomatique. Protocole.
Spécialt. || Caractère diplomatique : caractère des personnages qui représentent leur pays, qui incarnent la souveraineté de l'État qui les envoie. On parle dans ce sens d'agent diplomatique, de Corps diplomatique, de cadres diplomatiques.
REM. Les consuls, qui font partie du personnel de la diplomatie, peuvent être considérés comme des agents diplomatiques lato sensu. Dans la théorie, on distingue Corps diplomatique, agent diplomatique de Corps consulaire, consul.
1 (Les consuls) devinrent des agents commerciaux et (…) en vinrent même par suite de leur séjour continu, à jouer un certain rôle diplomatique auprès des souverains étrangers (…) il a été question de leur attacher un véritable caractère diplomatique (…) Si cette assimilation n'a pas été réalisée théoriquement, elle existe de fait puisque les deux cadres diplomatique et consulaire se pénètrent et que l'on passe couramment de l'un à l'autre.
Carlo Laroche, la Diplomatie française, p. 57-59.
2 (1807). Fig. (Des actions, des manières). Adroit, habile.
2 (…) j'ai fait une grande folie; je lui ai demandé l'autre bourse. — Aïe ! ce n'est pas diplomatique. — Non, Ernestine, et il m'a refusé (…)
A. de Musset, Un caprice, 6.
CONTR. Maladroit; grossier
DÉR. Diplomate, diplomatie, diplomatiquement.

Encyclopédie Universelle. 2012.