emplir [ ɑ̃plir ] v. tr. <conjug. : 2>
• XIIe; lat. pop. °implire, class. implere « rendre plein »
♦ Vieilli ou littér.
1 ♦ Remplir. Les soldats « viennent emplir leurs bidons » (Martin du Gard). « Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare » (Apollinaire) . Fig. Cette nouvelle nous a emplis de joie. ⇒ combler. — Pronom. « Le canal s'emplit d'un flot rougeâtre » (Chardonne).
2 ♦ Occuper par soi-même la capacité de (un réceptacle, une place vide). « Beaucoup de gens emplissaient les rues ou les cafés » (Camus). ⇒ envahir.
⊗ CONTR. Vider.
● emplir verbe transitif (latin populaire implire, latin classique implere) Littéraire. Remplir. ● emplir (difficultés) verbe transitif (latin populaire implire, latin classique implere) → remplir ● emplir (homonymes) verbe transitif (latin populaire implire, latin classique implere) empli ampli nom masculin emplis ampli nom masculin ampli nom masculin emplit ampli nom masculin emplît ampli nom masculin ● emplir (synonymes) verbe transitif (latin populaire implire, latin classique implere) Littéraire. Remplir.
Synonymes :
- combler
- garnir
- gonfler
- remplir
Contraires :
- vider
emplir
v. tr. Vieilli litt. (On emploie plutôt remplir.) Rendre plein.
|| Fig. Une pensée qui emplit de joie.
|| v. Pron. La chambre s'emplissait de parfum.
⇒EMPLIR, verbe trans.
A.— Emploi factitif. [Le suj. exprime une entité autre que le contenu; celui-ci est exprimé par un compl. prép. de] Mettre dans un contenant une chose en sorte qu'elle en occupe le volume.
1. [Le contenu est une substance matérielle]
a) [Le contenant est un objet] Emplir son assiette de soupe; emplir son verre à ras bord, à demi, aux trois quarts. Après avoir empli son baquet de quatre seaux d'eau froide (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 387).
— Emploi pronom.
♦ réfl. Loubet venait d'apercevoir un champ de pommes de terre, et il s'y était rué avec Lapoulle, fouillant des deux mains, arrachant, s'emplissant les poches (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 90).
♦ à sens passif. Les mains ne s'arrêtent pas, (...) les baquets s'emplissent d'épis (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 197).
— Emploi intrans., vieilli (à sens pronom. avec compl. second. sous-entendu). Le bateau emplit, il a une voie d'eau (Ac. 1932).
— Fam. Les deux costumées en homme marchaient devant : (...) l'autre, emplissant de sa graisse ses vêtements de flanelle blanche (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Femme de Paul, 1881, p. 1221).
— Loc. fig. Emplir ses poches. S'enrichir de façon plus ou moins honnête. On ne lui a pas pardonné d'avoir aimé l'argent et d'avoir empli ses poches (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 227).
Rem. On rencontre plus couramment se remplir les poches.
b) [Le contenant est un être animé] Fam. ou pop. Il préfère (...) entretenir un tas de rastaquouères sans aveu (...) [qu']il emplit d'apéritifs et de liqueurs, dans tous les cafés où ils le débusquent (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 56).
— Emploi pronom. réfl. S'emplir la bouche, l'estomac :
• BOTARO. — (...) Bois, mange, arrondis-toi comme une futaille, emplis-toi comme une outre...
DUMAS père, Le Vampire, 1865, I, 1, p. 158.
— En partic., région. (surtout Centre, Normandie). [Sans expr. du compl. prép.] Rendre une femelle pleine. Il a fait emplir sa jument, sa vache, sa chienne (Ac. 1932). J'vas faire emplir ma vache (MARTELLIÈRE, Gloss. Vendômois, 1893, p. 115).
♦ P. anal., pop. [En parlant d'une femme] Rendre enceinte. La Brûlé se jeta hargneusement sur le jeune homme. — (...) Tu ferais mieux de reconnaître les deux gosses dont tu l'as emplie! (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1187).
2. P. ext. [Le contenu est une substance matérielle subtile, etc.] La pluie de l'après-midi avait empli les halles d'une humidité infecte (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 868). Un chou-fleur, qui bouillottait bruyamment dans la cuisine, emplissait le logement de son odeur fétide (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 239).
— Emploi pronom.
♦ réfl. indir. Il crevait de faim. Il passait les journées près du poêle de la cuisine à humer, à s'emplir les narines des maigres odeurs du rata, à espérer qu'il tomberait une miette (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 219).
♦ passif. Ils ne savent même pas faire du feu sans laisser la chambre s'emplir de fumée (DUMAS père, Fille du régent, 1846, I, 1, p. 151).
— P. anal. Elle s'occuperait du ménage; elle emplirait toute la maison de sa gentillesse et de sa gaieté (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 35). Il emplissait de bruit le village (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 167).
— En partic. Recouvrir une surface de quelque chose. Un gros volume noir, lourd, dont le pasteur de Fontanin avait empli les marges de signes et de références (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936 p. 651.
3. Au fig. [Le contenu est d'ordre psychol.; le contenant désigne une pers. ou une partie d'une pers.] Ce vers, gravé dans la pierre (...) m'eût empli d'une émotion infinie (BENOIT, Atlant., 1919, p. 230).
— Emploi pronom. réfl. Le monde navrant s'étend devant mes yeux désespérés; et je regarde et je m'emplis de honte! (CLAUDEL, Tête d'Or, 1901, p. 224).
B.— [C'est le suj. qui exprime le contenu; l'obj. dir. désigne le contenant] Occuper entièrement ou abondamment un espace déterminé. La poussière emplissait les yeux continuellement (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Partie camp., 1881, p. 372). L'herbe emplit les sentiers que suivaient les mulets (HUGO, Fin Satan, 1885, p. 855). Le peuple à genoux emplissait l'église natale (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 161).
— Emploi pronom. à sens passif. Ses yeux s'emplirent de larmes (MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p. 1050). Les rues s'emplissent d'ouvrières en cheveux (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 443).
— P. anal. [Le temps étant assimilé à l'espace] Occuper son temps par un grand nombre d'activités. La continuelle agitation de ses espérances emplissait (...) ses heures sans qu'elle les sentit passer (MAUPASS., Une Vie, 1883, p. 86). Il emplit de tant d'événements une pauvre journée de vingt-quatre heures (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 160).
— Au fig. Les émotions qui emplirent le cœur de Gérard sont trop vives pour être décrites (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 84). Le cœur empli d'espérance et de crainte (LECONTE DE LISLE, Poèmes ant., 1874, p. 48). C'est une joie qui emplit les cœurs et gagne tout le trottoir (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 251).
Rem. On rencontre ds la docum. a) Le part. prés. pris comme adj. emplissant, ante. Qui emplit, envahit. Un Omer paisible avalait la soupe aux pommes de terre, content de cette chaleur emplissante (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 8). b) Le subst. masc. emplissement. ) Fait d'occuper son temps par un certain nombre d'activités. La Princesse (...) parle longuement et éloquemment de l'emplissement de la vie des femmes d'à présent par la toilette; et elle fait le procès à ces grands magasins, où maintenant, tous les jours de la vie, une Parisienne va passer quelques instants (GONCOURT, Journal, 1883, p. 278). ) Fait de remplir, d'accomplir son destin. Mourir, dans Homère, dans les tragiques, c'est accomplir le destin de sa vie. C'est en un certain sens et en somme se parfaire. C'est toujours tout de même un emplissement, un accomplissement (PÉGUY, Clio, 1914, p. 216). Sens attesté seulement chez Péguy.
Prononc. et Orth. :[], (j')emplis []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1140 trans. « rendre plein » les celiers emplir (Voy. de Charl., éd. P. Aebischer, 558); b) 1176 fig. (CHR. DE TROYES, Cliges, éd. A. Micha, 4297 : El panser dom ele est emplie); 2. 1er quart XIIIe s. intrans. « (d'un navire) prendre eau » (Florence de Rome, 5419 ds T.-L.); 3. 1580 « occuper entièrement un espace déterminé » (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, livre II, chap. 12, p. 682). Du lat. vulg. , class. de même sens. Fréq. abs. littér. : 3 304. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 975, b) 7 087; XXe s. : a) 8 458, b) 4 330.
DÉR. Emplissage, subst. masc. Action d'emplir; résultat de cette action. Au lieu de recevoir la masse-cuite dans les formes, elle est versée dans les moules de tablettes qui, placés sur des chariots, sont directement amenés sous le réchauffoir d'emplissage (ROUBERTY, Sucr., 1922, p. 99). P. métaph. Le talon est si haut que l'aplomb manque; plus de base. Et d'autre part on rembourre le mollet, emplissage philosophique flasque (FLAUB., Corresp., 1853, p. 326). — []. — 1res attest. a) 1596 « action d'emplir » (HULSIUS), b) 1816, 14 août « manière dont sont emplis un baril, une mesure quelconque » (Ordonnance du roi, titre IV, art. 32 ds LITTRÉ Suppl.); du rad. du part. prés. de emplir, suff. -age. — Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 14.
emplir [ɑ̃pliʀ] v. tr.
ÉTYM. Déb. XIIe; du lat. pop. implire, lat. class. implere « rendre plein ».
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1 (Sujet n. de personne ou de chose; compl. n. de chose). Vieilli ou littér. (le verbe courant est remplir). Faire occuper (par quelque chose d'autre que soi) la capacité d'un contenant. ⇒ Bourrer; bonder, combler, remplir, saturer. || Emplir un sac, une valise, un tiroir. || Emplir d'eau un verre. || Emplir un récipient jusqu'au bord, à ras bords. || Emplir un vase, une bouteille, un tonneau, un réservoir (→ Abreuvoir, cit.). || Emplir un bateau de marchandises. ⇒ Charger (→ 1. Coco, cit. 1). || Le glouton ne songe qu'à s'emplir la panse.
1 (…) un berceau vide, qu'on emplit d'un petit enfant rond et rose comme un radis (…)
Colette, la Naissance du jour, p. 232.
♦ ☑ Loc. fig. Emplir ses poches d'argent; emplir ses poches : gagner de l'argent, tirer profit d'une situation (→ Après, cit. 75). — REM. On dit plus couramment (se) remplir les poches.
2 On ne lui (Mazarin) a pas pardonné d'avoir aimé l'argent et d'avoir empli ses poches. Des services qu'il rendait, il se payait lui-même.
J. Bainville, Hist. de France, XII, p. 219.
♦ Le vent emplit le ciel de nuages (→ Bourre, cit. 2). || Le plat emplit de son fumet tout l'appartement (→ Bouillotter, cit.). || Emplir un lieu de son odeur. || Emplir la maison de ses cris, de ses chants.
3 (…) cette sinistre salle à manger que la flamme de la bougie emplissait de fantastiques ombres (…)
Courteline, Boubouroche, Nouvelle, IV.
4 Passé minuit, quand tout enfin se tait, le silence appartient aux rossignols, qui emplissent l'oasis d'une exquise et grêle musique de cristal.
Loti, Jérusalem, XV, p. 187.
5 Le soleil encore invisible emplissait tout le ciel d'une blancheur de perle, diffuse et multicolorée.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 225.
6 Le soleil emplissait maintenant les rues d'ombre.
Malraux, l'Espoir, III, I.
♦ Par ext. || Emplir une maison de son activité.
7 De son activité turbulente de petit chien, elle emplissait le bureau, au contraire; follement amusée, et galopant d'un mur à l'autre avec de brusques et admiratifs temps d'arrêt devant les rangées superposées de cartons verts (…)
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 4e tableau, II.
♦ Fig. || Emplir qqn de joie. ⇒ Combler. || Ce spectacle nous a emplis de dégoût, de pitié. || Son succès l'a empli d'orgueil. ⇒ Gonfler.
8 Il eût voulu que l'ombre dans la pièce fût encore plus épaisse pour mieux cacher le sentiment âpre et tragique dont l'emplissait cette scène.
M. Barrès, Leurs figures, p. 328.
2 (1580). Sujet n. de personne ou de chose. Occuper complètement (un espace). || Meubles qui emplissent une pièce (→ Chambre, cit. 5). ⇒ Garnir; encombrer. || La foule emplit les rues, les terrasses des cafés. ⇒ Occuper; → Congé, cit. 4; craquer, cit. 4. — Son corps amaigri n'emplit plus ses vêtements.
9 Dans la dernière image qu'on a prise de lui (Tolstoï), courbé, sur les genoux, maigre et défait, ravagé, la taille réduite, les épaules obliques, le corps n'emplissant plus les vêtements presque vides de chair (…)
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », VII, p. 159.
♦ La brume emplit la vallée (→ Doux, cit. 2). || L'odeur qui emplissait la cuisine. ⇒ Envahir, répandre (se répandre dans). || Le froid emplit l'église (→ Catacombe, cit. 5). || Des lumières emplissent le ciel.
♦ Par ext. || Les grands mots qui lui emplissent la bouche. || Joie, tristesse qui emplit l'âme, le regard. || L'amour emplit son cœur.
10 Que croire ? — La pitié me prend, m'emplit, m'enivre,
Me donne le dégoût formidable de vivre.
Hugo, la Légende des siècles, LV.
11 Au moment qu'elle en parle, il est trop clair que l'uniforme de ces jeunes messieurs lui emplit le regard.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XVIII, p. 200.
3 Régional (Centre, Normandie). Rendre (une femelle) pleine. || Faire emplir une chienne, une jument. — Par anal. (pop. et vx). Rendre enceinte.
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s'emplir v. pron.
ÉTYM. (1680).
♦ Devenir plein (au propre et au figuré). || Le réservoir s'emplit rapidement. || Le canal s'emplit d'eau (→ Courant, cit. 2). || Le navire s'emplissait à chaque vague. — Ses yeux s'emplissent de larmes. || La salle s'emplit rapidement de spectateurs. — Le ciel s'emplit rapidement de nuages. ⇒ Couvrir (se). || La nuit s'emplissait de la clarté des étoiles. — La campagne s'emplissait de chants d'oiseaux (→ Airain, cit. 6). || La nuit s'emplit de rumeurs (→ Désir, cit. 16).
12 L'ombre autour d'eux s'emplit de sinistres clartés.
Hugo, la Légende des siècles, X, « Mariage de Roland ».
13 Peu à peu la nuit était venue; mais la lune était si lumineuse que la chambre s'emplissait de clarté bleue.
Pierre Louÿs, Aphrodite, I, I, p. 25.
14 Le ciel s'emplit alors de millions d'hirondelles.
Apollinaire, Alcools, « Zone ».
15 La rue vide s'emplit peu à peu du bruit régulier des pas.
Malraux, l'Espoir, I, II.
16 Mais je pensais tellement à une femme, aux femmes, à toutes celles que j'avais connues, à toutes les circonstances où je les avais aimées, que ma cellule s'emplissait de tous les visages et se peuplait de mes désirs.
Camus, l'Étranger, II, II, p. 111.
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empli, ie p. p. adj.
♦ Verre empli jusqu'au bord. ⇒ Plein. — Figuré :
17 Il est midi. La canicule tombe des ormeaux bleus et noirs où éclate le cri d'une cigale. L'air tremble et sue. Un souffle chaud, empli d'âmes, de fleurs lourdes se traîne.
Francis Jammes, Clara d'Ellébeuse, I.
♦ N. m. (Empli). Opération qui consiste à remplir les moules avec le sirop cuit, en sucrerie. — Remplissage des formes, dans les savonneries, les sucreries…
REM. Emplir semble lentement éliminé par le composé remplir, qui peut dans tous les cas lui être substitué, alors que l'inverse n'est pas toujours possible (on ne peut que remplir sa tâche, sa mission, etc.).
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CONTR. Désemplir, vider.
DÉR. Emplissage, emplisseur.
COMP. Remplir.
HOM. (Du p. p.). Ampli.
Encyclopédie Universelle. 2012.