divertir [ divɛrtir ] v. tr. <conjug. : 2>
• fin XIVe; lat. divertere « détourner »
1 ♦ Vx Détourner, éloigner. « elle qui l'a diverti de sa famille, qui nous l'a enlevé » (Balzac).
♢ Mod. (Dr.) Soustraire à son profit. ⇒ détourner (III), distraire, soustraire. Divertir de l'argent remis en dépôt, une partie d'une succession.
2 ♦ (XVIIe) Vieilli Détourner de ce qui occupe. ⇒ distraire. Divertir qqn de sa tâche. — Absolt, littér. Détourner d'une préoccupation dominante, essentielle, ou jugée telle. Le monde « nous détourne de nous-mêmes, nous divertit » (F. Mauriac).
3 ♦ Mod. Distraire en amusant. ⇒ amuser, égayer, récréer. Le spectacle nous a bien divertis. « Je crois que l'art dramatique n'est estimable qu'autant qu'il a pour but d'instruire en divertissant » (Destouches). Son étourderie m'a diverti quelque temps.
♢ SE DIVERTIRv. pron. Se distraire, se récréer. Vous avez l'air de bien vous divertir. ⇒ s'amuser, 1. rire. Il « riait de tout et se divertissait lui-même de sa verve » (Martin du Gard). — Se divertir à (et l'inf.). « il se divertissait à l'ahurir d'injures » (Courteline). — Se divertir de (et subst.) :rire aux dépens de. ⇒ se moquer. Se divertir de l'embarras de qqn. « je me suis divertie de tout ce qu'il m'a dit. — [...] à la fin, il pourrait bien se divertir de vous » (Marivaux).
⊗ CONTR. Ennuyer, importuner.
● divertir verbe transitif (bas latin divertere, détourner) Égayer quelqu'un, l'amuser, lui procurer une distraction ; distraire : Tes plaisanteries ne nous divertissent pas. Littéraire. Détourner quelqu'un de quelque chose, faire que ses pensées se tournent ailleurs : Divertir un ami de ses soucis en lui rendant visite. Détourner un bien, une succession. ● divertir (synonymes) verbe transitif (bas latin divertere, détourner) Égayer quelqu'un, l'amuser, lui procurer une distraction ; distraire
Synonymes :
- dérider
- désennuyer
- égayer
- récréer
- réjouir
Contraires :
- ennuyer
- lasser
divertir
v. tr.
d2./d Cour. Récréer, amuser. Ce spectacle m'a diverti.
|| v. Pron. S'amuser, se distraire. Se divertir agréablement.
⇒DIVERTIR, verbe trans.
A.— Vieilli
1. Gén. péj. [Le compl. désigne gén. une somme d'argent] Détourner (à son profit), s'approprier illégalement :
• 1. Elle prouverait d'abord qu'il était tenu solidairement à payer tout le passif de la compagnie, puisqu'il avait déclaré comme dettes collectives des dettes personnelles, enfin, qu'il avait diverti plusieurs effets à la société.
FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 252.
— Spéc., DR. Divertir les effets d'une succession. Détourner tout ou partie d'un héritage à son profit. J'ai perdu le trône de mes pères et diverti l'héritage de mes enfants (DUMAS père, Jeunesse Mousquet., 1849, III, 8, p. 948) :
• 2. 792. Les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d'une succession, sont déchus de la faculté d'y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés.
Code civil, 1804, art. 3, pp. 144-145.
— Rare. [Le compl. désigne une pers.] Elle qui l'a diverti de sa famille, qui nous l'a enlevé (BALZAC, Béatrix, 1839-45, p. 246).
— Plus usuel, littér., emploi pronom. réfl. [P. réf. au divertissement pascalien] S'éloigner du réel, se détourner de la vue de l'essentiel (cf. divertissement B). [Ils] font tourner un disque comme ils se piqueraient, pour fuir le réel, pour se divertir au sens pascalien (MAURIAC, Journal 3, 1940, p. 230). Où veut donc nous conduire cette belle critique? (...) à psychanalyser le travail en montrant que le travailleur s'occupe pour se divertir de la mort? (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 237) :
• 3. Les plaisirs bruyans de la ville nous jettent hors de nous-mêmes, et le mot divertir est d'une grande justesse, à laquelle on ne fait pas attention. Ce genre de plaisir, effectivement, nous éloigne de nous-mêmes, et c'est ce que signifie divertir.
SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, p. 1561.
2. Non péj. [Construit avec la prép. de] Détourner l'attention ou l'activité de quelqu'un sur un autre objet, une nouvelle occupation. Ce n'étaient pas les occupations qui lui manquaient (...) pour divertir sa pensée (G. ROY, Bonheur occas., 1945, p. 431) :
• 4. Je me suis fait connaître, au moins du monde savant, par mes recherches sur les mutations expérimentales chez les animaux supérieurs. Le laboratoire m'a, de bonne heure, diverti de la médecine à laquelle je dois une grande partie de ma formation intellectuelle.
DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Notaire du Havre, 1933, p. 24.
— Domaine moral et affectif. Divertir qqn de son mal. Lui adoucir le mal par des activités absorbantes ou agréables :
• 5. Mon dieu! n'est-ce pas un bienfait de votre main, (...) Que j'aie pu l'amener à s'apaiser dans les irritations violentes de sa maladie, à reconnaître qu'elle était heureuse et vénérée, adorée et divertie de ses ennuis par des soins et des caresses sans fin.
VIGNY, Le Journal d'un poète, 1837, p. 1091.
B.— Cour. (gén. non péj.; parfois avec une idée de malice).
1. Distraire, procurer un passe temps agréable. Synon. amuser, recréer. Il était très-spirituel, divertissant les bureaux de ses saillies (CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p. 261). Ses manies divertissaient la famille, bien qu'on n'osât pas en rire devant lui (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 418) :
• 6. ... les hommes vraiment à plaindre sont ceux qui sont les plus difficiles à amuser ou à qui il faut les excitants les plus actifs, les plus rares, les plus compliqués. La raison consiste non pas à nous affliger de ce que nous pouvons être facilement divertis par des bagatelles, mais plutôt à nous maintenir dans cette disposition où le divertissement soit toujours aisé et à notre portée, comme faisait Malebranche qui au sortir de ses méditations s'amusait à des jeux d'enfants.
MAINE DE BIRAN, Journal, 1817, p. 81.
— Absol. Certes, nous devons divertir! Ne pas l'oublier! Nous sommes payés pour cela! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 458).
2. Emploi pronom. S'amuser, se délasser; passer son temps dans des distractions agréables.
— P. euphém. Se divertir avec une femme. Prendre de libres ébats avec elle. Pourquoi vas-tu te divertir chez les femmes honnêtes? (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 201).
— En partic. [Souvent suivi des prép. à ou de] S'amuser aux dépens de, se moquer, se gausser. Un chuintement qui amuse les gens de Madrid comme les parisiens se divertissent de l'accent auvergnat (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p. 267) :
• 7. Tous les gens du village à qui j'ai parlé ce matin m'ont dit que vous aimiez votre cousine, et que vous ne m'avez fait la cour que pour vous divertir tous deux; on se moque de moi quand je passe, et je ne pourrai plus trouver de mari dans le pays, après avoir servi de risée à tout le monde.
MUSSET, On ne badine pas avec l'amour, 1834, p. 75.
Prononc. et Orth. :[], (je) divertis []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1370-80 « détourner quelqu'un de quelque chose » (Trad. Ovide Remède d'Amour, 1013 ds T.-L.); 1608 spéc. divertir (qqn) de l'ennuy (SCHELANDRE, Tyr et Sidon, Arg. ds GDF. Compl.); qualifié de ,,vieilli`` ds DG; 1633 se divertir « s'amuser, se distraire » (CORNEILLE, Mélite, préf., p. 49 ds IGLF). Empr. au b. lat. divertere avec changement de conjugaison « se détourner, se séparer de, être différent ». Fréq. abs. littér. :538. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 806, b) 960; XXe s. : a) 642, b) 696.
DÉR. Divertisseur, subst. masc. Personne qui distrait par ses actes ou ses écrits. Synon. amuseur. Il fit [Collé] sa première comédie... et il devint le divertisseur en vogue du comte de Clermont (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 7, 1863-69, p. 365). — Seule transcr. ds LITTRÉ : di-vèr-ti-seur. — 1res attest. a) XVIe s. (AMYOT, Collation d'aucunes histoires romaines, 19 ds HUG.); b) 1757 (Lettre de Mme de Rochefort au marquis de Mirabeau ds LITTRÉ); du rad. du part. prés. de divertir, suff. -eur2.
BBG. — MIMIN (P.). Napoléon et la lang. du droit. Déf. Lang. fr. 1969, n° 47, p. 23.
divertir [divɛʀtiʀ] v. tr. [CONJUG. finir.]
ÉTYM. V. 1370; lat. divertere « détourner », de dis, et vertere « tourner, se tourner ».
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I Vx ou spécialt.
1 Vx. Détourner, éloigner (qqch., qqn) en écartant.
1 Après de si beaux coups qu'il a su divertir.
Molière, l'Étourdi, III, 1.
♦ (Compl. n. de personne) :
2 Elle ! s'écria la vieille Zéphirine, l'auteur de tous nos maux, elle qui l'a diverti de sa famille, qui nous l'a enlevé (…)
Balzac, Béatrix, Pl., t. II, p. 515.
2 Mod. (Dr.). Soustraire à son profit. ⇒ Détourner (III.), distraire, soustraire. || Divertir de l'argent remis en dépôt. || Il a diverti les titres qu'on lui avait confiés. || Divertir des fonds. — Divertir une partie de la succession; un des époux a diverti des effets de la communauté (⇒ Divertissement).
3 Celui des époux qui aurait diverti ou recélé quelques effets de la communauté, est privé de sa portion dans lesdits effets.
Code civil, art. 1477.
4 Les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d'une succession, sont déchus de la faculté d'y renoncer (…)
Code civil, art. 792.
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II
1 (XVIIe). Vieilli. Détourner (qqn, l'esprit de qqn) de ce qui occupe. ⇒ Distraire. || Divertir qqn d'une occupation, d'un projet, d'une entreprise. || Il faut le divertir de ses ennuis, de ses soucis. || Divertir l'attention (cit. 1), la pensée de qqn.
5 (…) c'est rendre un homme heureux de le divertir de la vue de ses misères domestiques (…)
Pascal, Pensées, II, 142.
6 Si je n'oubliai pas complètement les liens que j'avais contractés, j'étais occupé d'intérêts qui m'en divertissaient (…)
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 480.
7 Douze siècles ne sont rien pour une caste que le spectacle historique de la civilisation n'a jamais divertie de sa pensée principale (…)
Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 90.
♦ Absolt. Détourner d'une préoccupation dominante, essentielle, ou jugée telle. ⇒ Divertissement.
8 (…) l'homme, quelque heureux qu'il soit, s'il n'est diverti et occupé par quelque passion ou quelque amusement qui empêche l'ennui de se répandre, sera bientôt chagrin et malheureux.
Pascal, Pensées, II, 139.
9 Le monde sert à cela surtout : il nous surveille; nous oblige à nous tenir sur nos gardes. Il nous détourne de nous-mêmes, nous divertit.
F. Mauriac, la Province, p. 29.
2 Mod. et cour. (mais style soutenu). Distraire en récréant. ⇒ Amuser, distraire, égayer, récréer. || Le spectacle nous a bien divertis. || Divertir un auditoire par des boutades, des saillies. ⇒ Rire (faire rire). || Il me divertit par sa maladresse. || Sa bonne volonté et sa gaucherie me divertissent. ⇒ Réjouir.
10 Pour l'homme aux rubans verts (…) il me divertit quelquefois avec ses brusqueries et son chagrin bourru (…)
Molière, le Misanthrope, V, 4.
11 (…) un charlatan du Pont-Neuf disait à son singe, en commençant ses jeux : « Allons, mon cher Bertrand, il n'est pas question ici de s'amuser. Il nous faut divertir l'honorable compagnie. »
Chamfort, Caractères et Anecdotes, « Lectures demandées ».
12 Il (Destouches) dit : « Je crois que l'art dramatique n'est estimable qu'autant qu'il a pour but d'instruire en divertissant. »
G. Duhamel, la Défense des lettres, V, p. 301.
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se divertir v. pron.
ÉTYM. (1633).
1 Vieilli ou philos. Se détourner de ce qui occupe, et, spécialt, des problèmes essentiels (⇒ Divertissement, II.).
2 Cour. Se distraire, se récréer. || Après un si long travail il voudra se divertir. || Les enfants se divertissent. ⇒ Amuser (s') [cour.], jouer. || Vous avez l'air de bien vous divertir. ⇒ Amuser (s'), rire. — (Vx). || Se divertir sous cape (cit. 5), à petit bruit (cit. 31). — Se divertir en s'instruisant (→ Culture, cit. 9).
13 (…) il fit son livre tout au contraire pour se distraire et s'amuser, pour se divertir et non pour s'avertir.
France, le Petit Pierre, XXXIII, p. 236.
14 (…) il l'appelait « petite sœur », riait de tout et se divertissait lui-même de sa verve.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 252.
15 (…) il se divertissait à l'ahurir d'injures, de scies empruntées au répertoire varié des rapins de la place Pigalle.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 2e tableau, I, p. 57.
♦ Vieilli. || Se divertir de… ⇒ Moquer (se moquer de), rire (de). || Se divertir de la maladresse de qqn.
16 — (…) je me suis divertie de tout ce qu'il m'a dit. — (…) à la fin, il pourrait bien se divertir de vous.
Marivaux, le Paysan parvenu, I, p. 15.
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diverti, ie p. p. adj.
♦ (Personnes). Vx. Distrait. — Mod. Amusé. || Le public est sorti tout à fait diverti.
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CONTR. Ennuyer, importuner.
DÉR. Divertissant, divertissement.
Encyclopédie Universelle. 2012.