VELOURS
VELOURS
Les premiers hommes furent, dit-on, vêtus de fourrures d’animaux variés et, par son aspect, le velours suggère une sorte de pelage, mais en est-il dérivé? Ce n’est là qu’une simple hypothèse. Quoi qu’il en soit, il est certain que le velours est une création de l’Orient, vraisemblablement de la Perse, où les Italiens le découvrirent et d’où ils l’importèrent. On a retrouvé des velours qui garnissaient des fonds de reliquaires datant du XIVe siècle, et il semble que ce soit là la date la plus ancienne à laquelle puisse remonter cette technique, du moins en Occident. On sait que, déjà, en 1347, le Grand Conseil de Venise autorisait les veloutiers à se constituer en corporation et que, dès le XVe siècle, la maîtrise des tisseurs veloutiers italiens était très grande. Nous possédons en effet des velours de cette époque dont l’exécution, faute d’une main-d’œuvre qualifiée, serait très difficile de nos jours, sinon impossible. En France, ces étoffes à l’aspect somptueux étaient fort appréciées, mais ce n’est guère qu’à la fin du XVIe siècle que l’on fut en mesure de les tisser. On continua cependant d’en importer d’Italie ou d’Espagne jusqu’au XVIIe siècle, époque à laquelle ont été réalisés de très beaux velours, tant pour l’ameublement que pour le vêtement, et dont la consommation croissante devait encore entraîner des recherches d’exécution et d’invention.
Les velours peuvent être en laine, en coton, en lin ou en soie, les plus beaux velours étant exécutés en soie. Chacun connaît l’aspect particulier de ces tissus qui se distinguent des autres étoffes par leur surface couverte de boucles ou de poils dressés au-dessus d’une croisure de fond. Les velours sont des tissus formés de deux chaînes, une chaîne pièce servant à produire la croisure de fond, et une chaîne spéciale, dite chaîne poil, réservée à la formation de la surface velue. Cette dernière chaîne passe sur des «fers», sortes de tiges métalliques, qui sont intercalés tous les deux, trois ou quatre coups de trames entre les fils des deux chaînes qu’une seule trame suffit à lier. Au fur et à mesure du tissage, lorsque les «fils poil» sont bien fixés par leurs croisements avec la trame, les fers (au nombre de deux, trois ou quatre) sont pris par leur extrémité et retirés à tour de rôle, puis replacés immédiatement entre les deux chaînes. Suivant le mode de tissage et le genre de fer utilisé, les velours sont dits épinglés ou frisés, ou bien coupés. Le velours frisé est construit à l’aide de fers de section ronde. Le tissu est composé de côtes parallèles à la trame, qui sont formées de bouclettes en relief juxtaposées et fixées au-dessus de la croisure du fond, en général une armure taffetas.
Dans les velours coupés, on utilise des fers de section plus ou moins rectangulaire, présentant à leur partie supérieure une cannelure sur toute leur longueur. Cette cannelure sert à guider une lame d’acier qui vient couper les flottés de la «chaîne poil», et par là même libérer les fers. On obtient ainsi, au lieu de la bouclette caractéristique du velours frisé, deux brins en relief. La surface est ensuite égalisée avec une machine spéciale, dite à raser, et se trouve dès lors composée de petites touffes de même hauteur, juxtaposées et dressées plus ou moins verticalement au-dessus du fond (le plus souvent en armure taffetas ou sergé). Bien entendu, pour que ces touffes de poil ne puissent s’arracher du tissu par simple frottement, il importe que les fils croisent au maximum avec la trame entre chaque insertion d’un fer. L’emploi de fers de section différente permet, d’autre part, d’obtenir deux hauteurs de poil produisant des effets de dessin, mais ce procédé, dit altobasso en Italie, relevé en France, est rarement employé parce que l’exécution en est difficile. Si le velours contient des parties bouclées, d’autres coupées, il prend alors le nom de velours ciselé (dont il s’est fait un grand usage depuis le XVe siècle, tant pour le vêtement que pour les ornements liturgiques). Bien que faites avec le même poil, les touffes de velours coupé et les boucles de velours frisé ne réfléchissent pas la lumière de la même façon. Les parties coupées, plus hautes, paraissent plus foncées que les parties frisées, et le velours donne ainsi l’impression d’avoir été tissé en deux tons.
Il existe également des velours à plusieurs coloris, appelés «velours à plusieurs corps» (deux, trois, quatre corps...). Ils nécessitent un ourdissage (préparation de la chaîne) spécial, l’emploi de plusieurs «cantres» (appareils composés d’autant de bobines qu’il y a de coloris), et ce sont, là encore, des tissus d’une exécution compliquée. Les velours peuvent être brochés, enrichis de boucles d’or, de lames de métal, ils peuvent également être décorés par l’impression, le chinage (impression sur chaîne) ou la peinture (velours Grégoire, velours Vauchelet), ou encore être frappés. Ce dernier procédé, déjà connu au XVIIIe siècle et très souvent employé aujourd’hui pour les étoffes d’ameublement, est une façon économique de décorer le velours uni, qui est pressé à chaud avec un cylindre métallique sur lequel est gravé le dessin. Les parties écrasées sont alors plus claires que celles où le poil conserve toute sa hauteur, et l’on obtient ainsi, comme dans les velours ciselés, un dessin en deux tons.
Devant la difficulté de faire des velours à plusieurs corps, qui étaient en outre très coûteux, on imagina au second Empire un nouveau procédé, dit du velours au sabre, qui combinait le tissage et l’impression. Il s’agit en réalité d’un satin d’une armure particulière, imprimé en plusieurs couleurs, et dont les flottés de chaîne ou de trame des parties imprimées sont coupés à l’aide d’une lame effilée. Celles-ci prennent alors un aspect velouté. De très jolies étoffes ont été exécutées ainsi, mais elles n’ont pas cependant la solidité des véritables velours, car les parties découpées du satin finissent par s’écraser. Cette technique du velours au sabre n’en fut pas moins très utilisée pour les tissus de robe au XIXe siècle et devait connaître un regain de succès au cours des années 1960. Outre son aspect luxueux, le velours a aussi l’avantage d’être un tissu très robuste. C’est pourquoi il est couramment employé pour recouvrir des sièges. Il faut noter enfin que toute étoffe comportant une partie, aussi minime soit-elle, de son dessin en velours porte obligatoirement le nom de velours. Cela prouve l’importance attachée à ce mode de tissage puisqu’il a en quelque sorte la primauté sur tous les autres qui peuvent, ou non, l’accompagner.
velours [ v(ə)lur ] n. m.
1 ♦ Tissu à deux chaînes superposées dont l'une produit le fond du tissu et l'autre le velouté; tissu analogue dont le velouté est produit par une trame. Velours de coton, de soie, de rayonne, de laine, ou absolt du velours. Velours uni, côtelé, façonné (broché, frappé). Costume, pantalon, robe de velours. Veste en velours. Col de velours. Nœuds de velours dans les cheveux. Loup de velours. — Une main de fer dans un gant de velours. — Fauteuils de velours, en velours, couverts de velours. « Les rideaux, la cheminée, les housses des tables, les fauteuils, les chaises, tout était velours cramoisi » (Hugo). Tapis de velours d'une table de jeu. Loc. (1740) Jouer sur le velours, avec le gain, sans risquer d'entamer sa mise initiale; (1872) fig. agir de telle sorte qu'on ne puisse qu'y gagner, sans risques. « Il jouait toujours sur du velours, ce qui lui était bien agréable » (Montherlant).
2 ♦ Ce qui est doux au toucher. « Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc » (Rimbaud). Une peau de velours.
♢ Loc. Chat qui fait patte de velours, qui présente sa patte après avoir rentré ses griffes. (1718) Fig. Faire patte de velours : dissimuler un dessein de nuire sous une douceur affectée.
♢ Par appos. Veau velours : peau de veau suédée. ⇒ daim.
3 ♦ (XVIe) Ce qui donne une impression de douceur (au goût, à l'ouïe, etc.). ⇒ velouté. C'est du velours, un vrai velours, une nourriture, une boisson délectable. — Plaisant Faire des yeux de velours, des yeux doux.
● velours nom masculin (ancien français velous, du latin villosus, velu) Étoffe rase d'un côté et couverte de l'autre de poils dressés, très serrés, maintenus par les fils du tissu. Littéraire. Ce qui est doux au toucher : Une peau de velours. Ce qui produit un effet de douceur : Une brune aux yeux de velours. Liaison incorrecte par substitution de s ou z à t (ce n'est point-z-à moi). ● velours (expressions) nom masculin (ancien français velous, du latin villosus, velu) À pas de velours, sans faire de bruit en marchant. Bois de velours, bois du cerf récemment repoussés et couverts d'une peau veloutée. Vieux. C'est du velours, c'est facile. De velours, se dit de ce qui se déroule sans violence apparente ; en douceur : Une révolution de velours. Faire patte de velours, présenter sa patte en rentrant ses griffes, en parlant d'un chat ; cacher de mauvais desseins sous des dehors caressants. Jouer sur le velours, ne miser au jeu que ce qu'on a déjà gagné ou, familièrement, obtenir ce qu'on désire sans risques.
velours
n. m.
d1./d étoffe à deux chaînes, dont l'endroit offre un poil court et serré, doux au toucher, et dont l'envers est ras. Velours uni, côtelé.
|| Loc. fig. Jouer sur le velours: agir sans risque.
d2./d Ce qui est doux au toucher. Le velours de sa peau.
|| Loc. Chat qui fait patte de velours, qui rentre ses griffes.
— Fig. Faire patte de velours: affecter la douceur pour dissimuler une mauvaise intention.
⇒VELOURS, subst. masc.
A. — 1. INDUSTR. TEXT. Étoffe de coton, laine, soie, etc. qui présente généralement à l'envers une surface mate et lisse, à l'endroit une surface lustrée et moelleuse, formée de poils courts, dressés, serrés. Les garde-robes où bouffent les taffetas, où craquent les satins et les velours si doux à manier (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 255). Les velours sont des tissus recouverts de poils courts et serrés qui masquent complètement l'armure de fond, toile ou sergé, visible seulement à l'envers du tissu (...). Les poils sont formés par des boucles fixées sur les fils de chaîne (velours de soie) ou sur les fils de trame (velours de coton) et coupées ensuite (BLANQUET, Techn. mét. habill., 1948, p. 104).
SYNT. Velours cerise, cramoisi, écarlate, grenat, gris, jaune, marron, olive, pourpre, rose, sombre, violet; velours brodé, éraillé, usé; beau, gros velours; bordé, couvert, drapé, garni, habillé, recouvert, tendu, vêtu de velours; velours de laine; velours des fauteuils; bande, morceau, pièces de velours.
— [Le velours comme symb. de luxe, d'apparat] Rois! la bure est souvent jalouse du velours. Le peuple a froid l'hiver (HUGO, Chants crépusc., 1835, p. 90). Quoiqu'à vos habits on puisse reprocher Un luxe un peu trop grand, car le velours est cher! (...), moi, je porte Du drap (DUMAS père, Alchimiste, 1839, I, 6, p. 223).
♦ Loc. proverbiale. [À propos de qqn qui fait étalage de richesse mais économise sur sa nourriture] Habit de velours, ventre de son. (Dict. XIXe et XXe s.).
— De/en velours
♦ Confectionné avec du velours. Bonnet, calotte, capote, casquette, chapeau, col, collet, corsage, costume, culotte, jupe, loup, manteau, masque, nœud, pantoufles, portière, pourpoint, redingote, rideau, ruban, sac, tapis, tenture, toque, tunique, veste, veston de/en velours. Baccarat lui apparut dans une charmante toilette d'intérieur, — en robe de chambre de velours bleu de ciel décolletée (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 189).
♦ Garni, recouvert de velours. Banquettes, canapé, coussin, dais, divan, dossier, écrin, rampe de/en velours. Des fauteuils de velours rouge damassé (JOUHANDEAU, M. Godeau, 1926, p. 23).
— Locutions
♦ Velours anglais. ,,Velours coupé. C'est un velours par trame et réalisé tout en coton`` (J. COULON, Technol. gén. modiste, 1951, p. 45). La robe des dimanches et des occasions habillées, en vrai velours anglais (...), est bleu saphir (Elle, 19 nov. 1951, p. 23).
♦ Velours bouclé, épinglé. Synon. de velours frisé. Un habit de velours épinglé que j'avais fait faire en 1783 (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 208). Les velours bouclés sont obtenus à l'aide de deux ensouples, la première portant les fils de fond (coton, soie, rayonne) est tendue, la seconde portant les fils de poil se déroule (THIÉBAUT, Fabric. tissus, 1961, p. 109).
♦ Velours cannelé, côtelé, à côtes. Velours à raies parallèles formées par des poils alternativement pleins et ras. Les gilets d'étiquette sont en velours de soie côtelé (Obs. modes, t. 5, 1820, p. 128). Le velours cannelé, qui a quelque ressemblance avec le reps et produit un effet charmant (J. femmes, nov. 1849, p. 346). Il a ses grands pantalons de velours brun, à côtes; il semble vêtu avec un morceau de ses labours (GIONO, Regain, 1930, p. 240).
♦ Velours ciselé.
♦ Velours coupé. Velours dont les boucles ont été tranchées. Les velours se divisent en deux catégories: 1 Les velours proprement dits ou à boucles (...) 2 Les velours coupés et déchirés (ARAUD, Ch. THOMAS, Fabric. drap, 1921, p. 246).
♦ Velours figuré. Velours qui présente des dessins, des ornements. L'Italien Sylvio et Bernardin Reynon fabriquaient à Lyon des velours figurés si magnifiques, que Louis XIV (...) leur confia le soin de meubler ses palais (HAVARD 1890).
♦ Velours frappé.
♦ Velours plain/plein, velours uni. Velours à poils longs, sans figures ni rayures. L'Italie, la première après l'Inde, a fait du velours; elle a une grande réputation; (...) elle la conserve encore en fait de velours unis (Comm. t. 2 1839). Experte en élégances, (...) cachemire, velours plein (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 285).
♦ Velours à deux, trois, quatre, cinq, six poils. V. poil II B 2 c.
♦ Velours de Gênes. ,,Très beau velours ancien, qui associe le velours coupé au velours épinglé, créant ainsi dessins et motifs (...). Il est maintenant employé en ameublement`` (J. COULON, loc. cit.). Grands paravents en vieux velours de Gênes (TOULET, Corresp. avec un ami, 1920, p. 80).
♦ Velours d'Utrecht. Velours à longs poils, façonné de diverses manières (gaufré, tondu par endroits, etc.) et utilisé pour l'ameublement de luxe. Le salon de province: le velours d'Utrecht rouge paraît être, comme le veau, une des bases de mœurs de la province (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 188).
— P. anal., vx. Velours(-)maurienne, velours de Maurienne. ,,Gros drap qu'on fabrique dans la vallée de Maurienne, en Savoie`` (Lar. 19e-20e). Une veste de ce drap si plaisamment nommé velours de Maurienne et avec lequel s'habillent les savoyards (BALZAC, Curé vill., 1839, p. 164).
2. P. méton.
a) Ruban ou autre objet confectionné avec du velours. Un velours autour du cou. Elle avait sa robe rose, (...) un chapeau de jardin, en paille bise avec un velours noir (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 134).
b) [À propos d'une pers.] Être en velours. Être habillé de velours. Des marches nuptiales (...), des enfants en velours bleu (NIZAN, Conspir., 1938, p. 125).
B. — P. anal.
1. a) [À propos d'une pers. ou d'un animal] Ensemble d'éléments pileux rappelant les poils du velours. Ailes, museau, sourcils de velours. Le frelon noir, plein de lumière De cils, de soie et de velours (NOAILLES, Éblouiss., 1907, p. 273). Son visage (...) à peine menacé dans sa grâce par l'ombre — poil dru demain, duvet de velours aujourd'hui — de la moustache future (COLETTE, Blé en herbe, 1923, p. 104).
— ICHTYOL. Dents de/en velours. Dents de poisson très fines et rapprochées. Pagel (...) Mâchoires garnies en avant de dents en velours ou en cardes fines (COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p. 202).
b) [À propos d'un végétal] Duvet couvrant certaines parties de la plante ou ensemble d'éléments végétaux fins et serrés rappelant l'aspect duveté du velours. Velours du gazon, des mousses; fleurs de velours. De vieux troncs d'arbres (...) apparaissaient vêtus d'un incomparable velours vert, étoffe superbement feutrée de fines mousses moelleuses au tact, qui charmaient l'œil par leurs aspects changeants, leurs reflets (MICHELET, Insecte, 1857, p. XVII). V. edelweiss ex.
2. Ce qui rappelle le velours en produisant une impression flatteuse sur les sens.
a) [Sur la vue] Velours du ciel, de la nuit, des ombres. Le ciel (...), Pavillon que Dieu vous décore De taffetas bleu jusqu'au soir, De velours brun jusqu'à l'aurore (BOUILHET, Dern. chans., 1869, p. 248). V. orchidée C ex. de Proust.
b) [Sur le toucher] Anton. âpreté, dureté, grossièreté, rudesse, rugosité. Velours de la pêche; mains, peau de velours; d'une douceur de velours. Je sens encore (...) une paire de grands sabots pleins de paille, où elle m'arrangeait les doigts de pied là-dedans... Un vrai velours que la douce chaleur de cette paille! (GONCOURT, Journal, 1892, p. 288). La poignée de main d'Anne fut nette (...). Mais qu'elle le voulût ou non, elle déposa sur l'épiderme d'Augustin la douceur mortelle de son effleurement de velours (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 141). V. soierie A ex. de Zola.
— MÉGISS. ,,Type de cuir ou de peausserie préparé à l'envers du sens habituel, et dont le côté placé dessus est poncé de façon qu'il acquière un aspect velouté`` (RAMA Maroq. 1975). Du veau velours, de la chèvre velours, de l'agneau velours (RAMA Maroq. 1975). La Russie (...) est célèbre par ses veaux mort-nés qui servent surtout à la fabrication de la peau-velours pour dessus de souliers (BÉRARD, GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, p. 14). Les bas sont en daim (comprenez en porc-velours), les hauts en gros drap moelleux (L'Événement du Jeudi, 22 nov. 1984, p. 105).
— VÉN. ,,Fine peau veloutée, plantée de poils et vascularisée, recouvrant étroitement et protégeant les bois des Cervidés pendant leur formation et leur croissance, et qui se dessèche lorsqu'ils ont acquis leur dureté naturelle`` (BURN. 1970). Sous le velours de la peau richement irriguée, le sang nourrit les cellules qui construisent la matière osseuse et vivante des dagues (...). Les cerfs plus âgés ont déjà en août des trophées dépouillés de leur gangue (...). Le velours s'est desséché et, à grands coups de tête dans les genêts (...), le daguet tente de dégager l'arme de son fourreau (M. GISSY, Vosges sauvages, Strasbourg, éd. des Dernières Nouvelles, 1972, p. 22).
♦ Être en velours. Être au stade où cette peau protège la ramure. Je peux ainsi arriver assez près des rennes (...). Tous deux malheureusement sont encore en velours à cette époque (H.-Ph. D'ORLÉANS, Chasses arct., 1911, p. 148).
c) [Sur l'ouïe] Synon. suavité. Voix de velours. La nuit enveloppait le cottage d'un silence de velours qu'alimentaient la poussée de l'herbe (...), le glissement des nuages contre le ciel et l'atterrissage en douceur de la lumière des étoiles (ARNOUX, Suite var., 1925, p. 44).
♦ (Avancer, marcher) à pas de velours. (Avancer, marcher) à pas très légers, à peine audibles. — Doucement! fit encore Thérèse (...) Marc obéit. Ils marchaient à pas de velours (ESTAUNIÉ, Vie secrète, 1908, p. 272). Au fig. Avec subtilité, furtivement. J'admire aussi sa discrétion, sa patience, son adresse à se glisser dans ma petite vie sans être vue, à pas de velours (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 882).
— En partic. Liaison abusive consistant à introduire le son s ou z là où il n'est pas attendu. Braves gens (...) ils balançaient les hanches et tenaient les doigts écarquillés, parlaient avec des velours et des cuirs (VALLÈS, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 99). Mauvaise liaison (...) qu'on appelle velours si elle est en /z/ (tu n'étais point-/z/-ici, va-/z/-à-lui) (MOUNIN 1974, s.v. pataquès).
d) [Sur le goût] Synon. délice, onctuosité; anton. acidité, âcreté, amertume. Un jambon accompagné de truffes (...) dont je renonce à décrire le velours parfumé (L. DAUDET, Salons et journaux, 1917, p. 19). Le velours des vins vous réattirera, comme une lumière dans le brouillard (BUTOR, Passage Milan, 1954, p. 214).
— Loc. fam. [Notamment à propos d'une boisson alcoolisée]
♦ C'est un velours (pour/sur l'estomac), c'est du velours. Il n'y a rien de bon pour la santé comme de faire bouillir dans du tafia une pomme de pin (...); on mêle ça avec le rhum ou le genièvre (...), c'est un velours, c'est doux comme le duvet d'une jeune mouette, un baume pour l'estomac (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 2). Buvez un verre de vin, vous le méritez bien. Il faut vous mettre du velours sur l'estomac, si vous voulez entretenir convenablement votre margoulette. Monsieur, le vin de Vouvray, bien conservé, c'est un vrai velours (BALZAC, Gaudissart, 1834, p. 38).
♦ Avaler le Bon Dieu/le petit Jésus en culotte de velours. V. culotte1 A 1 b. C'est le Bon Dieu/le petit Jésus en culotte de velours (qui vous descend dans l'estomac/le gosier). C'est excellent. On dirait le bon Dieu qui vous descend en culotte de velours dans l'estomac (SANDRY, CARRÈRE, Dict. arg. mod., 1953, p. 190).
C. — Au fig.
1. a) [À propos du caractère d'une pers. ou d'une chose abstr., qui évoque la richesse, la délicatesse fragile du velours] Mon âme est un velours douloureux que tout froisse, Et je sens en mon cœur lourd d'ineffable angoisse Je ne sais quoi de doux, qui voudrait bien mourir (SAMAIN, Chariot, 1900, p. 24). Un objet matériel, si je le retrouvais (...) dans mon souvenir, je voyais que la vie n'avait pas cessé de tisser autour de lui des fils différents qui finissaient par le feutrer de ce beau velours inimitable des années (PROUST, Temps retr., 1922, p. 973).
— En partic. [À propos d'une chose abstr. qui a encore toute sa fraîcheur première] Il s'agissait ensuite de rendre sa pensée [de Barrès] communicable à autrui, sans lui enlever ce velours des choses intouchées, cette rosée des nuits d'où elle était sortie. C'était là le beau du travail (J. THARAUD, Chez Barrès, 1928, p. 112).
b) [À propos d'un trait du comportement, d'un mode d'expr. verbale ou artist., qui exprime l'aménité, la tendresse] Saint-Lambert n'a pas le velours de la mélancolie, il n'a que de la tristesse (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1807, p. 21). Il faut porter son velours en dedans, c'est-à-dire montrer son amabilité de préférence à ceux avec qui l'on vit chez soi (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 239).
♦ (Avoir des) yeux de velours. (Avoir un) regard qui charme par sa douceur d'expression. Des yeux de velours bleu, des yeux presque sans transparence, mais d'une douceur que n'ont presque jamais les yeux bleus (GREEN, Journal, 1945, p. 265). Faire des yeux de velours. Synon. faire les yeux doux. V. œil II B 3 ex. de Chênedollé.
2. [Avec une idée de facilité]
a) Locutions
♦ Chemin de velours. V. chemin II B.
♦ Jouer sur du/le velours. Vx. Ne plus miser que sur ses gains. (Dict. XIXe et XXe s.). Au fig. Agir sans risques, en étant certain de ne rien perdre. Mes meilleurs souhaits de première à Coppée (...). Heureusement il joue sur le velours, sa position étant faite (VERLAINE, Corresp., t. 3, 1883, p. 388). P. ell. Sur le velours. Sans problèmes. Demain j'aurai quarante-quatre ans (...). À quarante-cinq seulement il faut réfléchir; quarante-quatre, c'est une année sur le velours (RENARD, Journal, 1908, p. 1164).
♦ C'est du velours (fam.). C'est chose aisée. C'était du velours pour les clebs [des policiers], d'autant qu'il y avait dedans du linge propre et du sale. L'odeur de Barbier, ils pouvaient s'en foutre jusqu'aux trous de nez, ces chiens de salope (FALLET, La Grande ceinture, 1982 [1956], p. 121).
b) Argot
) ,,Travail facile`` (CARABELLI, [Lang. pègre], s.d.). Des mecs (...) m'ont appelée pour un fourbi, qu'ils disaient que c'était un velours... Y s'agissait de glisser un macchabée [à l'eau] (BRUANT 1901, s.v. eau).
) Bénéfice. Les deux gonzesses qui avaient quêté [pour la couronne mortuaire] et auxquelles il restait trois cents francs de velours les buvaient tranquillement (TRIGNOL, Pantruche, 1946, p. 96).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1377 velours « étoffe à poil court et serré » (DEHAISNES, Doc. et extraits divers concernant l'hist. de l'art ds la Flandre... av. le 15e s., 548 d'apr. HÖFLER ds Cah. Lexicol. n° 6 1965, p. 89); b) 1740 jouer sur le velours « jouer avec l'argent qu'on a déjà gagné » (Ac.); 1872 « agir sans courir le risque, avec l'assurance de la réussite » (LITTRÉ); 2. 1579 cautères de velours « qui ne font point de douleur quand on les applique » (PARÉ, Œuvres, XXV, 32, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 3, p. 583); 3. 1822 « faute de langage » (ESN.). Altér. de velos « étoffe à poil court et serré » (1160-74, Rou, III, éd. A. J. Holden, 9243), par adjonction d'un -r, qui s'est produite au temps où la prononc. de la lang. était hésitante dans les mots à r final. La forme sans -r reste prédominante jusqu'au XVIe s., alors que les ex. deviennent plus rares au cours du XVIIe s. sans disparaître complètement (HÖFLER, loc. cit.). Fréq. abs. littér.:2 169. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 2 093, b) 5 660; XXe s.: a) 3 350, b) 2 390. Bbg. BEZON (M.). Dict. gén. des tissus anc. et mod. Lyon, 1859, t. 2, p. 160. — ESNAULT (G.). Lois de l'Arg. R. Philol. fr. 1929, t. 41, p. 127. — LENOBLE-PINSON (M.). Le Lang. de la chasse. Bruxelles, 1977, pp. 128-130. — QUEM. DDL t. 16, 33.
velours [v(ə)luʀ] n. m.
ÉTYM. XVe; velos, velous, XIIe; anc. provençal velos; lat. villosus « couvert de poils », de villus. → Velu.
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1 Tissu à deux chaînes superposées dont l'une (chaîne de pièce, à armure taffetas ou sergé) produit le fond du tissu et l'autre (chaîne du poil) le velouté (poils dressés); tissu analogue dont le velouté est produit par une trame (velours par trame). || Tissus voisins du velours. ⇒ 1. Panne, peluche. — Velours par chaîne; velours bouclé, frisé, épinglé (à poils non coupés formant de petites boucles); velours coupé (boucles du poil coupées au tissage), ciselé (en partie bouclé, en partie coupé). || Velours plain, uni; cannelé, à côtes (alternativement plain et ras). || Velours façonné; velours broché, velours frappé (→ Appui-tête, cit. 2). || Velours ciselé, gaufré (→ Gaufrage, cit.). || Velours de soie, velours mélangé (soie et coton). — Velours par trame : velours de coton, côtelé ⇒ (Côte; → Bretelle, cit. 2), ou uni (façon soie, dit velvet, velvétine); velours de laine. — Mâchures du velours. || Velours râpé, rêche (cit. 4). — Costume, habit, toilette (cit. 13), robe de velours; pantalon, veste de velours (→ Doubler, cit. 11; jaquette, cit. 3; noir, cit. 2). || Veste en velours. || Col de velours (→ Noceur, cit. 1; paletot, cit.). || Nœuds de velours dans les cheveux (→ Coiffeur, cit. 1; grâce, cit. 87). || Bourse de velours rouge (→ Quêter, cit. 2). || Le velours des masques (1. Masque, cit. 8). || Loup de (ou : en) velours noir. Anciennt. || Chevaux enharnachés (cit. 1) de velours (→ Housse, cit. 1).
0.1 (…) une étoffe très vilaine qui était à la mode cet hiver-là, du velours frappé.
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, 1960, p. 16.
0.2 (…) ce rideau de velours, un velours très épais, du velours de laine de première qualité, d'un vert profond, sobre et discret… et d'un ton chaud, en même temps, lumineux…
N. Sarraute, le Planétarium, 1959, p. 7.
♦ ☑ Loc. prov. Habits de velours, ventre de son. — ☑ Loc. fig. Une main (cit. 44) de fer sous (ou : dans) un gant de velours.
♦ Utilisation du velours en ameublement, décoration… || Chaises recouvertes de velours (→ 1. Bourre, cit. 1). || Fauteuils de velours, en velours, couverts de velours (→ Capiton, cit. 1). || Tentures, rideaux de velours (→ 2. Estrade, cit. 3; ouvrir, cit. 26).
1 Comme le tapis et la tenture de la chambre, le dais, le baldaquin, le lit, l'escabeau, les rideaux, la cheminée, les housses des tables, les fauteuils, les chaises, tout était velours cramoisi.
Hugo, l'Homme qui rit, II, V, III.
♦ ☑ Argot de théâtre. (Vx). Faire rire le velours : jouer devant les fauteuils vides.
♦ Par ext. || Velours de laine : tissu de laine pelucheux sur l'endroit, utilisé dans l'ameublement (Velours d'Utrecht, gaufré par cylindrage, ou tondu par endroits; → Meuble, cit. 10; siège, cit. 6).
♦ Techn. Partie d'une moquette constituée par des fils ou des fibres coupés ou bouclés fixés verticalement par rapport au soubassement (syn. : couche d'usage). || Boucles, touffes d'un velours de tapis moquette. || Velours coupé, bouclé (bouclé-rasé, coupé-bouclé), frisé, ciselé (dessins par tondage), en relief (zones de hauteur différente).
♦ Tapis de velours d'une table de jeu (cf. argot velours « tapis de jeu », en 1867).
♦ ☑ Loc. Sur le velours (1740). || Jouer sur le velours, avec le gain, sans risquer d'entamer sa mise initiale. (1872). Fig. Agir de telle sorte qu'on ne puisse qu'y gagner, sans risques. || Il joue sur le velours, ça lui est facile. — REM. Cette loc. est plus ou moins confondue avec aller, marcher sur le velours (→ cit. 2).
2 Il avait érigé en politique de vie (…) d'aimer (et de pouvoir) autant que toute chose son contraire. Ainsi la destinée, qu'elle lui donnât le oui ou le non, le satisfaisait-elle également. Et il jouait toujours sur du velours, ce qui lui était bien agréable (…)
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 65.
♦ Par compar. (→ ci-dessous 3.).
3 (…) une soupe qui embaumait la carotte et le poireau, quelque chose de doux à l'estomac comme du velours.
Zola, la Débâcle, I, IV.
♦ ☑ Loc. C'est le petit Jésus en culotte de velours qui vous descend dans le gosier, pour exprimer la qualité d'un vin. → ci-dessous 3.
➪ tableau Noms et types de tissus.
2 Par métaphore. Douceur (au toucher) semblable à celle du velours. || Le velours de la pêche (1. Pêche, cit. 2). || Le velours d'une pelouse, d'un gazon (cit. 3).
♦ De velours : qui donne (ou donnerait) une impression de douceur, au toucher. || Fleurs (→ 2. Pensée, cit.), fourrure (→ Panthère, cit. 2), papillons de velours sombre, noir… (→ Sphinx, cit. 8). || Une peau de velours (→ Promener, cit. 8; nez, cit. 10).
3.1 L'air tiède de la nuit entrant par souffles légers, par souffles de velours, lui passait de temps en temps sur la face d'une façon exquise, imperceptible. C'était une caresse, quelque chose comme un baiser du vent (…)
Maupassant, Yvette, 1884, Pl., t. II, p. 306.
♦ Loc. || Patte de velours. || Chat (cit. 3) qui fait patte de velours, qui rentre ses griffes et présente le velouté des coussinets de sa patte. Par ext. || Chat, félin qui marche à pas (1. Pas, cit. 4) de velours.
♦ ☑ (1718). Fig. Faire patte de velours : dissimuler un dessein de nuire sous des attentions, des caresses, une douceur affectée. — ☑ Loc. fig. Chemin (cit. 43) de velours.
♦ ☑ Aller, marcher sur le velours. Au fig. Être en toute sécurité; faire qqch. avec facilité (→ ci-dessus Jouer sur le velours).
♦ (Par appos.). || Veau velours : peau de veau qui a subi un apprêt et dont la surface douce ressemble au « daim », au tissu suédé.
3 Par métaphore (XVIe, cautère de velours « indolore », A. Paré). Ce qui offre (au goût, à l'ouïe, etc.) une sensation de douceur veloutée. || C'est du velours, un vrai velours, une nourriture, une boisson délectable (se dit d'un vin moelleux, etc.). — ☑ || « Faire des yeux de velours » (France, le Lys rouge, XIII), des (ou les) yeux doux.
♦ Littéraire :
4 (…) les livres de leur âge mûr ont, à cause de cela, plus de force que ceux de leur jeunesse, mais ils n'ont plus le même velours.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XV, p. 47.
4 (1822; rare). Faute de liaison, qui consiste à remplacer le son t par le son z (ils allaient -z' à la campagne), alors que le cuir, à l'origine, ne désignait que la faute inverse.
5 Mais le moment du sermon faisait de ma mère une diablesse. Les cuirs, les « velours », les naïvetés chrétiennes d'un vieux curé paysan, rien ne la désarmait.
Colette, la Maison de Claudine, Ma mère et le curé.
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DÉR. (De veloux, velous) Velouté, veloutier.
Encyclopédie Universelle. 2012.