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PERSE
PERSE

IDÉE de l’Iran et études iraniennes ont subi très longtemps un morcellement désastreux. On connaît le mot d’Oswald Spengler: «L’Iran a été livré aux philologues.» Le jugement est-il juste? La responsabilité n’est-elle pas partagée par d’autres? Toujours est-il que la représentation la plus courante, et dont le règne n’est peut-être même pas encore tout à fait clos, morcelle la réalité iranienne en deux grands secteurs: avant l’islam (jusqu’au VIIe siècle) et depuis l’islam. Par la philologie de l’Avesta, le livre saint des zoroastriens, le premier secteur est limitrophe des études védiques relevant des indianistes. Quant au second secteur, les orientalistes ont eu trop longtemps tendance à le considérer comme une simple province du monde islamique, quand ce n’était pas du monde arabe.

Les Iraniens ont toujours donné à leur pays le nom d’Iran et se sont eux-mêmes désignés comme Iraniens. Qu’une tradition séculaire ait consacré en France l’usage des mots «Perse» et «anciens Perses» («Persans» pour la période islamique), parce que la Perside (le F rs ou P rs est la province du Sud-Ouest par laquelle l’abordèrent les Grecs, cela ne change rien au fait déploré ici. Longtemps les Iraniens n’ont pas même soupçonné cette mutilation. Qu’elle leur soit aujourd’hui insupportable, cela se comprend d’emblée. C’est qu’en effet, de tous les pays devenus «terre d’Islam», l’Iran apparaît comme le seul qui ait conservé présente à sa conscience l’histoire de son passé, et soit à même de le valoriser de plein droit.

La langue persane (langue indo-européenne), directement issue du moyen iranien (le pehlevi), a traversé les siècles. Le Sh h-N meh (Livre des rois ) de Ferdaws 稜 (Xe siècle) nous apprend qu’antérieurement à l’islam l’Iran n’était pas plongé dans la j hil 稜ya (l’état d’ignorance, d’obscurantisme), mais que ce passé est rempli par la geste des héros dont parle l’Avesta; dans certaines parties de celui-ci (les G thas ), on peut même encore entendre la voix du prophète de l’Iran, Zarathoustra (Zartosht), c’est-à-dire Zoroastre. Calqué sur le terme persan Ir n-shn s 稜 , le terme «iranologie», créé dans les années cinquante, offre l’avantage de regrouper, comme formant un tout, aussi bien le concept d’Iran que les études iraniennes. Il suggère au mieux l’idée de ces «continuités iraniennes» dont l’affirmation fut le propos essentiel de la célébration du vingt-cinquième centenaire de la fondation de l’Empire perse, et qui furent le thème du Congrès international d’iranologie tenu à cette occasion (Sh 稜r z, octobre, 1971).

La continuité iranienne, formée par un ensemble de continuités diverses, n’est pas à déduire de faits antérieurs, dont la définition et le sens seraient livrés à l’exégèse des interprètes. Elle a son fondement dans la conscience iranienne même, et doit être cherchée et rencontrée dans les faits de cette conscience. Aussi est-ce essentiellement à l’historien des religions, ou mieux dit au phénoménologue de la conscience religieuse, ainsi qu’au philosophe, qu’incombe la tâche de montrer et d’analyser ces continuités. Et c’est peut-être l’inattention des philosophes, ou plutôt le manque de philosophes iranologues, qui a laissé s’accomplir le morcellement déploré plus haut.

L’Iran a été le grand carrefour, voire le foyer, des grandes religions mondiales. La religion des mages (que ce soit sous la forme du mazdéisme, du zoroastrisme ou du zervanisme) s’est propagée jusqu’aux rivages d’Asie Mineure. Le mithraïsme, quelle que soit la répartition de ses monuments, ne peut être séparé de l’Iran. Le manichéisme, sous sa forme d’expression iranienne, s’enracine dans les profondeurs d’une conscience qui n’a cessé de pressentir le mystère du salut comme une dramaturgie cosmique. Le bouddhisme s’est avancé jusque dans les territoires extrême-orientaux de l’Empire perse; la tradition veut que l’on doive à deux princes parthes la traduction (du sanskrit en chinois) des textes qui, dans le mahayanisme, ont suscité le bouddhisme de la «Terre pure». Les chrétiens nestoriens trouvèrent un foyer de refuge dans l’Empire perse. Un autre fait apparaît prédominant: les représentations religieuses iraniennes ont eu une part essentielle dans celles de la gnose en général, en premier lieu celles de la gnose mandéenne et celles de la gnose manichéenne. Le phénomène de la gnose est universel: il y a une gnose juive, une gnose chrétienne, une gnose bouddhique, une gnose islamique. Cette dernière a justement donné sa physionomie propre à un islam spirituel attaché au sens intérieur, ésotérique, des révélations divines, et qui s’est manifesté dans les diverses formes du sh 稜‘isme (im misme duodécimain, ismaélisme) et du soufisme iranien. D’emblée, il est à pressentir que c’est plus particulièrement de ce côté de la gnose que l’iranologie sera à même de relever les «continuités» iraniennes.

À grands traits, la perspective à dégager doit permettre une vue d’ensemble de la réalité iranienne, telle que le champ de vision s’étende de l’Iran zoroastrien à l’Iran islamique, plus exactement dit à l’Iran sh 稜‘ite, puisque le sh 稜‘isme est depuis bientôt cinq siècles la religion officielle de l’Iran. Ce qu’il faut discerner, c’est la manière dont la conscience iranienne islamique fut à même de valoriser la mission d’un prophète extérieur à la lignée des prophètes bibliques, dont le prophète Mo ムammad s’est considéré comme étant le «Sceau». Il faut, à cette fin, s’adresser à ceux qui furent les témoins ou les supports de cette conscience. On relève alors un ensemble de faits spirituels .

Le Coran et la prophétologie islamique distinguent expressément les Ahl al-Kit b , les «communautés du Livre», les communautés groupées autour d’un livre saint, révélé par un prophète. Le terme vise expressément les juifs et les chrétiens. Cependant les zoroastriens, grâce au prophète Zoroastre et à l’Avesta, ont pu bénéficier, dans une grande mesure, de cette désignation. On relèvera que, chez les hérésiographes et chez d’autres, le terme de zend 稜q est expliqué à partir du mot zendcommentaire», cf. le terme Zend-Avesta), pour désigner tous ceux qui, insatisfaits du littéralisme de la religion légalitaire, affirment la nécessité du ta’w 稜l , c’est-à-dire d’une herméneutique spirituelle du sens vrai, lequel est le sens intérieur, «ésotérique», des révélations divines. Sont ainsi visés les sh 稜‘ites duodécimains aussi bien que les ismaéliens et les soufis. Un autre fait: une tradition veut que la princesse Shahrb n , fille du dernier souverain sassanide, Yazdgard III, ait épousé l’Im m ネosayn ibn‘Al 稜, troisième Im m des sh 稜‘ites et petit-fils du prophète Mo ムammad. La continuité était ainsi établie entre la légitimité de la monarchie iranienne et la lignée des Douze Im ms du sh 稜‘isme. Peut-être cette tradition est-elle vulnérable aux yeux de la critique historique. Elle n’en est pas moins enracinée depuis des siècles dans la conscience iranienne, et constitue un de ces faits spirituels qui sont, par excellence, l’expression d’une conscience.

Trois autres groupes de ces faits qui ressortissent à l’histoire religieuse et philosophique illustrent ce qui précède.

1. Il y eut au XIIe siècle l’œuvre audacieuse d’un jeune maître, Shih bodd 稜n Yahy Sohraward 稜 (mort en 1191) dont le propos délibéré fut de «ressusciter» la philosophie des Sages de l’ancienne Perse. Sa doctrine est centrée sur la notion d’Ishr q ; entendu au sens littéral, le mot désigne l’orient du soleil, l’illumination matinale. Entendu au sens métaphysique, il signifie l’illumination du monde suprasensible comme «orient» spirituel, et cette splendeur d’«orient», Sohraward 稜 l’identifie avec le Xvarnah , la Lumière de Gloire qui nimbe les héros de l’Avesta (la trace s’en retrouve jusque dans l’auréole nimbant les figures de l’iconographie byzantine et bouddhique). Fondamentale pour la conception mazdéenne du monde et de l’homme, cette Lumière de Gloire est d’autre part identifiée avec la «Lumière mo ムammadienne» (N r mo ムam-mad 稜 ), dont la notion est essentielle pour la prophétologie et l’imamologie du sh 稜‘isme.

Sohraward 稜 interprète le dualisme mazdéen en termes d’être et de non-être, de positivité et de négativité. Il connaît parfaitement la cosmologie mazdéenne, répartissant le monde de l’être en m 勒n 拏k , ou état subtil, et g 勒t 稜k , ou état matériel, manifesté. Il connaît nommément les archanges zoroastriens, et c’est en termes d’angélologie zoroastrienne qu’il donne son interprétation des Idées platoniciennes. Il considère que les philosophes de l’Ishr q , les ishr q 稜y n , qui seront encore désignés plus tard comme les «platoniciens de Perse», continuent la lignée des khosraw n 稜y n , les Sages de l’ancienne Perse, dont le héros éponyme est Kay Khosraw, huitième et dernier souverain de la dynastie légendaire des Kay nides. Quelque trois siècles avant le grand philosophe byzantin Gémiste Pléthon, Sohraward 稜 conjoignit ainsi les noms de Platon et de Zoroastre. Pour encadrer le fait, on rappellera qu’en 529, lors de la fermeture de l’école d’Athènes par Justinien, les derniers néoplatoniciens avaient trouvé un refuge auprès du souverain sassanide. On insistera sur l’influence considérable que, depuis plus de sept siècles, notamment depuis la renaissance safavide (XVIe siècle), l’Ishr q de Sohraward 稜 a exercée sur la philosophie irano-islamique (il y a encore des ishr q 稜y n très productifs dans l’Iran actuel). On soulignera le fait qu’au XVIIe siècle tout un groupe de zoroastriens, l’école d’Azar Kayvan, établie à Sh 稜r z, apporta la réponse zoroastrienne à Sohraward 稜, en se ralliant à sa doctrine (de Sh 稜r z, le groupe émigra en Inde, attiré par la généreuse réforme de Sh h Akbar, dans laquelle l’Ishr q eut une grande part). On voit ainsi s’esquisser les grands traits d’une histoire philosophique et religieuse; c’est dans la conscience de ceux qui firent cette histoire que s’est tissée la continuité de la réalité iranienne.

2. Du soufisme proprement iranien, on doit se limiter ici à mentionner un symbolisme traditionnel faisant appel aux figures de l’ancien Iran. Temple du Feu et autel du Feu, grand-maître des Mages, prieuré des Mages, fils des Mages, vin et graal des Mages, etc. sont les expressions typiques auxquelles recourt l’ésotérisme du soufisme iranien comme à autant de symboles de la religion mystique d’amour. Il faudrait beaucoup de légèreté pour n’y voir qu’un artifice littéraire. La méditation des textes permet de déceler le réseau des intentions profondes; la démarche spirituelle ressortit à cette herméneutique des symboles qui a été désignée – on l’a rappelé plus haut – sous le nom de ta’w 稜l .

3. Il serait faux, bien entendu, de prétendre chercher dans le zoroastrisme une explication causale du sh 稜‘isme, de ce qui différencie celui-ci, comme phénomène essentiellement religieux et spirituel, de l’islam sunnite. Rappelons simplement que le sh 稜‘isme est centré sur le sens ésotérique de la révélation coranique, l’idée de l’Im m et de l’imâmat constituant l’ésotérique de la mission prophétique. À la différence du sunnisme qui se fait de l’Im m («guide» ou chef de la communauté) une conception purement laïque, sociale et temporelle, le sh 稜‘isme en professe une conception métaphysique, investissant la personne de l’Im m d’une fonction sacrale et cosmique. Les Douze Im ms sont autant de manifestations ou théophanies de l’Homme parfait, conception dans laquelle se conjoignent celle de l’Anthrôpos teleios de l’hermétisme et celle de l’Anthrôpos céleste de la cosmogonie mazdéenne et de la gnose. Plus décisive que le recours à une causalité historique toujours contestable, s’impose ici l’évidence d’une rencontre sous un horizon commun. Certes, il y a lieu de valoriser les termes positifs dans lesquels s’expriment certaines traditions rapportées des Im ms à l’égard du prophète de l’ancien Iran. Elles sont d’autant plus compréhensibles, si l’on tient compte de ce que la gnose ismaélienne interprète les «six jours» de la Création (l’hexaéméron ) comme l’histoire symbolique de la création du cosmos religieux: les mazdéens y ont leur place au troisième jour, les juifs au quatrième, les chrétiens au cinquième, les musulmans au sixième jour. Reste le septième jour, et là même s’opère la rencontre sur la perspective eschatologique.

On a pu dire avec raison que la théologie zoroastrienne avait, elle seule, opposé au problème du mal une attitude vraiment radicale. Elle fut conduite à concevoir une dramaturgie cosmique dont les phases s’inscrivent dans une théologie de l’Aiôn (`vum mundi ), c’est-à-dire une théologie ou une théosophie répartissant en douze millénaires les phases et le dénouement de la lutte entre le principe de Lumière (Ohrmazd) et le contre-principe de Ténèbres (Ahriman). Le dénouement final est amené par l’apparition du Sauveur cosmique ou Saoshyant , en quelque sorte un Zarathoustra redivivus , opérant la «transfiguration» du monde. La conception sh 稜‘ite est, elle aussi, essentiellement eschatologique; elle est centrée sur le drame de la descente en ce monde et de la remontée de la «Lumière mo ムammadienne». Descente et remontée s’effectuent à travers douze «Voiles de lumière», lesquels sont les Douze Im ms, typifiant expressément douze millénaires (ces millénaires ne sont pas des mesures arithmétiques quantitatives). Le dénouement final s’accomplit au XIIe millénaire, marquant l’avènement de l’Im m de la Résurrection, le douzième Im m, qui présentement est l’«Im m caché».

L’analogie de structure entre la perspective eschatologique zoroastrienne et la perspective sh 稜‘ite est vraiment frappante. Aussi bien, au XVIIe siècle, Qotbodd 稜n Ashkevari, un des plus brillants élèves de M 稜r D m , le grand philosophe d’Ispahan, put-il écrire: «Celui que les zoroastriens appellent le Saoshyant, c’est celui que nous, sh 稜‘ites, appelons l’Im m attendu (le douzième Im m).» Si l’on ajoute que, dans l’ismaélisme aussi bien que dans le sh 稜‘isme duodécimain, le douzième Im m fut identifié d’autre part avec le Paraclet annoncé dans l’Évangile de Jean, on peut entrevoir quel champ immense de la conscience religieuse et philosophique enclôt l’ensemble de la conscience iranienne.

Sans doute approche-t-on ici la raison pour laquelle, alors que dans le reste du monde islamique la philosophie est à peu près rentrée dans le silence depuis la mort d’Averroès (1198), il se produisit en Iran, notamment depuis quatre siècles, un foisonnement de métaphysiciens et de spirituels. Mieux qu’une philosophie de l’histoire (car celle-ci peut être agnostique), ces penseurs iraniens ont été les représentants et les précurseurs d’une «historiosophie» qui devait éclore plus tard en Occident, et qui fut effectivement l’expression d’une éthique procédant d’un éthos commun au croyant zoroastrien et au croyant sh 稜‘ite.

Les faits spirituels que l’on a tenté d’indiquer ici suffisent à montrer pourquoi et combien il importe de surmonter le morcellement que l’on déplorait au début. Il importe à la vérité de l’histoire des religions et des philosophies de concevoir l’ensemble iranien comme formant un tout: religion de la Lumière, philosophie de la Lumière.

1. perse [ pɛrs ] adj. et n.
• av. XVIe; pers 1080; bas lat. persus
Hist. De l'ancienne Perse (antérieurement à la conquête arabe, VIIe s.). Les Mèdes et les Perses. Gouvernement perse. satrape, satrapie. Zoroastre (Zarathoustra), fondateur de la religion perse. manichéisme, mazdéisme, parsisme, zoroastrisme; guèbre, parsi. Écriture perse cunéiforme. Archit. Chapiteau perse, à deux têtes de taureaux opposées. — (1874) Ling. Langues perses. iranien, parsi, persan. ⊗ HOM. Perce. perse 2. perse [ pɛrs ] n. f.
• 1730; de 1. perse
Tissu d'ameublement à décor floral, toile peinte originaire de l'Inde (que l'on croyait être de Perse). Rideaux de, en perse.

perse adjectif Relatif aux Perses. ● perse (difficultés) adjectif Orthographe 1. Persane, avec un seul n, au féminin. 2. Toujours une majuscule au nom (un Persan, une Persane ; un, une Perse ; les Perses), jamais à l'adjectif (une femme persane ; l'Empire perse). Sens Ne pas confondre les deux mots. 1. Persan, e adj. et n. = de la Perse médiévale ou moderne (du VIIe s. jusqu'en 1935, année où la Perse a repris son ancien nom d'Iran). 2. Perse adj. et n. = de la Perse ancienne (jusqu'au VIIe s. après J.-C.). ● perse (homonymes) adjectif perce nom féminin perce forme conjuguée du verbe percer percent forme conjuguée du verbe percer perces forme conjuguée du verbe percer perse nom fémininperse nom masculin Moyen perse, langue iranienne occidentale (moyen iranien) qui fut l'organe principal de la civilisation sassanide et de la littérature mazdéenne. Vieux perse, langue iranienne ancienne attestée par les inscriptions de l'Empire achéménide (VIe-IVe s. avant J.-C.), écrite grâce à un syllabaire de caractères cunéiformes. ● perse nom féminin Toile peinte à décor floral importée autrefois de l'Inde et fabriquée dès le XVIIIe s. en Europe. ● perse (expressions) nom masculin Moyen perse, langue iranienne occidentale (moyen iranien) qui fut l'organe principal de la civilisation sassanide et de la littérature mazdéenne. Vieux perse, langue iranienne ancienne attestée par les inscriptions de l'Empire achéménide (VIe-IVe s. avant J.-C.), écrite grâce à un syllabaire de caractères cunéiformes. ● perse (homonymes) nom masculin perse adjectifperse (synonymes) nom masculin Moyen perse
Synonymes :
- pahlavi
perse (homonymes) nom féminin perse nom masculinpers, perse adjectif (bas latin persus, persan) Littéraire. D'une couleur entre le vert et le bleu. ● pers, perse (expressions) adjectif (bas latin persus, persan) La déesse aux yeux pers, Minerve. ● pers, perse (homonymes) adjectif (bas latin persus, persan) pair adjectif pair nom masculin paire nom féminin perd forme conjuguée du verbe perdre perds forme conjuguée du verbe perdre père nom masculin

Perse
(en lat. Aulus Persius Flaccus) (34 apr. J.-C. - 62) poète latin qui laissa des Satires d'inspiration stoïcienne.
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Perse
auj. Iran. (V. ce nom pour la géographie et l'histoire moderne.) Hist. - à partir du Xe s. av. J.-C., la lente migration des Iraniens (Aryens venus d'Asie centrale) à travers le plateau d'Iran s'acheva dans les vallées du Zagros. Ces Aryens (les Mèdes et les Perses) sont mentionnés, pour la première fois, dans les annales assyriennes en 844 et 836 av. J.-C. Les Mèdes furent les premiers maîtres du pays, et leur royaume eut pour cap. Ecbatane (auj. Hamadhan), mais l'hégémonie mède (VIIe-VIe s. av. J.-C.), assurée par la destruction de Ninive en 612, ne dura pas. Un Perse de la famille des Achéménides, Cyrus II le Grand, renversa le roi Astyage et fonda en 550 l'Empire achéménide. Après avoir réalisé l'union des Mèdes et des Perses, il soumit Crésus, roi de Lydie (546), puis Nabonide, prince de Babylone (539). L'Empire perse s'étendait alors de l'Indus à l'Anatolie et à la Palestine. à la mort de Cyrus (528), son fils Cambyse II lui succéda; il s'empara de l'égypte en 525. Cambyse II disparu, Darios Ier (522-486) prit le pouvoir. "Roi des rois", il devint le maître d'un état (divisé en une vingtaine de satrapies) dont les frontières allaient de l'Inde à l'égypte et qui comptait près de 40 millions d'hab. Sous son règne, la richesse de la Perse achéménide fut à son apogée: la ville de Persépolis, fondée à cette époque, en est un vestige grandiose. En revanche, un conflit alors mineur opposa la Grèce et la Perse (V. médiques [guerres]). L'expédition de Darios échoua à Marathon (490). Son successeur, Xerxès Ier (486-465), fut vaincu à Salamine (480) et à Platées (479). Artaxerxès Ier (465-424) signa la paix de Callias (449) avec les Grecs. Artaxerxès II Mnémon fut vaincu par le corps expéditionnaire grec des Dix Mille (401), mais Cyrus le Jeune, qui avait organisé cette expédition pour prendre le trône, fut tué. Artaxerxès III et Darios III Codoman furent les derniers Achéménides; leur royaume s'effondra sous l'assaut d'Alexandre le Grand (331). Les successeurs d'Alexandre en Perse, les Séleucides (descendants de Séleucos Ier, un des lieutenants d'Alexandre), fondèrent des villes grecques. à partir de la fin du IIIe s. av. J.-C., ils reculèrent devant les Parthes Arsacides, qui, ayant occupé l'Iran et la Mésopotamie, affrontèrent les Romains. En 224 apr. J.-C., Ardachêr Ier fonda la dynastie des Sassanides et un état fort et indépendant. Son successeur, Châhpuhr Ier (241-272), prit l'Arménie et la Mésopotamie aux Romains. Sous Châhpuhr II (310-379), la Perse connut l'une des périodes les plus glorieuses de son histoire, mais, à partir du Ve s., les Huns la menacèrent à l'E. et les Byzantins à l'O. En 637, les envahisseurs arabes entrèrent à Ctésiphon. En 642, ils étaient maîtres de la Perse. Islamisé (chiisme), le pays fit partie de l'Empire omeyyade, puis de l'Empire abbasside. à partir du IXe s., le pays s'effrita; régnèrent, notam. sur l'Est, les Tâhirides (820-873), les Saffârides (863-902), les Sâmânides (874-v. 999); les Buwayhides (932-1055) unifièrent l'Ouest. En 1055, les Turcs Seldjoukides s'imposèrent, puis les Mongols déferlèrent (XIIIe s.) et se maintinrent jusqu'à la fin du XIVe s. Après l'invasion encore plus destructrice de Tamerlan (1360), la Perse fut réunifiée grâce à une dynastie locale, les Séfévides; son chef Isma'îl prit le pouvoir (1501), s'installa à Bagdad et imposa le chiisme comme religion d'état (contre les Ottomans sunnites). Le danger ottoman fut écarté par `Abbas Ier le Grand (1587-1629) qui reprit la Mésopotamie et fonda Ispahan. Après une éphémère domination afghane, les Séfévides furent renversés en 1736 par Nâdir châh, qui se lança dans de vastes mais fragiles conquêtes. En 1786, les Qâdjârs saisirent le pouvoir et firent de Téhéran leur capitale. Le XIXe s. fut marqué par les luttes d'influence entre Russes, Français et Britanniques; les Russes conquirent la Géorgie et l'Arménie dès le début du XIXe s. En 1919, les Britanniques confièrent la direction militaire des forces persanes à Rîza khan pour conjurer la menace soviétique. Rîza s'empara bientôt de tous les pouvoirs (1921), monta sur le trône en 1925 sous le nom de Rîza châh Pahlavi. En 1935, il donna au pays le nom officiel d'empire d'Iran. V. Iran.
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Perse
adj. et n. De l'ancienne Perse (av. la conquête arabe).
|| Subst. Les Mèdes et les Perses.

I.
⇒PERSE1, adj. et subst.
A.Subst. Habitant ou originaire de l'ancienne Perse. Les Mèdes et les Perses. C'est le même dieu [le soleil] auquel les Perses éleverent des temples et consacrerent des images sous le nom de Mithra (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p.19).
Empl. adj. De l'ancienne Perse. Souverain perse; cavaliers perses. Chassés à coup de fouet, ils se jettent sur les lances et les javelots. Tels sont les soldats perses (A. FRANCE, Voie glor., 1915, p.65).
B.Adj. Qui se rapporte ou qui appartient à la Perse ancienne (avant l'invasion arabe). Art perse; armée perse. Je crois avoir eu sur la religion perse une idée assez heureuse (...), celle de la lutte des climats, occasionnée par les différents climats sur lesquels l'empire perse étendait sa domination. Il en résulta que la religion perse combina avec le caractère mystique et la hiérarchie sacerdotale du Midi les habitudes et les opinions farouches du Nord (CONSTANT, Journaux, 1805, p.226).
C.Subst. masc., LING. Groupe de langues et de dialectes de la famille iranienne, originaires du sud-ouest de l'Iran. V. persan ex. de Renan:
♦ Le vieux perse [it. ds le texte] est la langue des souverains perses achéménides; il est attesté exclusivement par les inscriptions gravées sous les rois achéménides (...). Le moyen perse [it. ds le texte], résultat de la transformation du vieux perse après plusieurs siècles d'évolution, était la principale langue commune, littéraire, religieuse et officielle de l'empire des Sassanides (...). Il est attesté assez abondamment par des documents divers...
Lar. encyclop.
Prononc. et Orth.:[]. Homon. perse (fém. de pers), perce (de percer). Étymol. et Hist. [Av. XVIes. (s. réf. ds Pt ROB.)] 1. 1560 subst. «habitant de la Perse» (RONSARD, Poèmes, l. V ds OEuvres, éd. P. Laumonier, t.10, p.357); ca 1590 adj. «de la Perse» (MONTAIGNE, Essais, I, 47, éd. P. Villey, p.284); 2. 1765 adj. ling. (Encyclop. t.12, p.421b: le zend [...] est écrit en langue et en caracteres Perses); 1869 subst. ling. (Fr. LENORMANT, Manuel d'hist. anc. de l'Orient, t.1, p.128: le perse des inscriptions cunéiformes); ca 1900 vieux perse (Gde Encyclop., t.26, p.446b). Empr. au lat. Persa «habitant de la Perse».
II.
⇒PERSE2, subst. fém.
Toile d'ameublement glacée, peinte à ses origines puis imprimée. Canapé en perse; rideaux, tentures de perse; perse à ramages. Les tentures étaient fraîches, et les dessins de la perse —des oiseaux volant parmi des roseaux bleuâtres —faisaient bien l'effet d'un rêve d'été, une image légère flottant devant les yeux qui se ferment (A. DAUDET, Fromont jeune, 1874, p.199). Le soleil entrait dans la chambre tendue de perse à fleurettes jaunes et bleues (POURRAT, Gaspard, 1922, p.194). Un lit à baldaquin orné d'une perse anglaise délavée (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p.11).
En appos. avec valeur d'adj. Un joli boudoir tendu d'une étoffe perse à fond gris perle (PONSON DU TERR., Rocambole, t.1, 1859, p.33).
Empl. subst. masc., rare. L'inutile boudoir était tendu de ce vieux perse après lequel courent aujourd'hui tous les amateurs du genre dit Pompadour (BALZAC, Vieille fille, 1836, p.304).
Prononc. et Orth.:[]. Homon. perse (fém. de pers), perce (de percer). Att. ds Ac. dep.1762. Étymol. et Hist. 1730 (SAVARY DES BRUSLONS, Dict. universel de comm. ds FEW t.8, p.263b). Emploi comme nom commun de Perse, nom du pays d'où l'on croyait ce tissu originaire alors qu'il venait des Indes.
STAT.Perse1 et 2. Fréq. abs. littér.:327. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 996, b) 468; XXes.: a) 254, b) 136.
BBG. —HÖFLER (M.). A. fr. pers, étoffe de laine bleu foncé; n. fr. perse, toile peinte. Z. rom. Philol. 1965, t.81, pp.341-345. — VIDOS (B. E.). Mots créés, mots empruntés et curiosités lexicol. R. port. Filol. 1951, t.1, n° 4, p.304.

pers, perse [pɛʀ, pɛʀs] adj.
ÉTYM. V. 1175; « livide », 1080; du bas lat. persus; lat. class. persicus « persan ».
Vx ou littér. Se dit de couleurs où le bleu domine (bleu-vert, glauque, bleu-violet, bleu-noir…), surtout en parlant des yeux. || La déesse aux yeux pers : Minerve.
1 Et sous mes pieds, la mer, jusqu'au couchant pourpré,
Céruléenne ou rose ou violette ou perse (…)
J. M. de Heredia, Trophées, « Floridum Mare ».
2 (Le concierge) était un homme silencieux et tolérant. Il avait de beaux yeux marrons, très parlants, et ma concierge de très beaux yeux pers, un peu contemplatifs, ce qui lui donnait l'air d'une fée déguisée.
B. Cendrars, la Main coupée, in Œ. compl., t. X, p. 238.
tableau Désignations de couleurs.
HOM. Pair, père.
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1. perse [pɛʀs] adj. et n.
ÉTYM. Av. 1500; pers, 1080; bas lat. persus.
Hist. De l'ancienne Perse (antérieurement à la conquête arabe, VIIe s.). || Les armées perses. || Domination perse sur l'Asie occidentale (VIe s. av. J.-C.). || Gouvernement perse. Satrape, satrapie. || Zoroastre (Zarathoustra), fondateur de la religion perse. Manichéisme, mazdéisme, parsisme, zoroastrisme; guèbre, parsi; mage (→ Dualiste, cit.). || Écriture perse cunéiforme. || Tiare des souverains perses. || La darique, monnaie perse.Archit. || Chapiteau perse, à deux têtes de taureaux opposées.N. Habitant de la Perse antique. || Les Mèdes et les Perses. || Les Perses, tragédie d'Eschyle.
(1874). Ling. || Langues perses. Iranien.N. || Vieux perse : perse très ancien à alphabet cunéiforme. || Moyen perse. Parsi.
tableau Classification des langues.
HOM. Perse (de pers), 2. perse. — Formes du v. percer.
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2. perse [pɛʀs] n. f.
ÉTYM. 1730; du précédent.
Tissu d'ameublement, toile peinte originaire de l'Inde (mais que l'on croyait être de Perse).Mod. Cretonne imprimée.
0 Je m'étendis sur un lit à colonnes drapé de perse à grandes fleurs rouges.
Nerval, Aurélia, I, IV.
tableau Noms et types de tissus.
HOM. Perse (de pers), 1. perse. — Formes du v. percer.

Encyclopédie Universelle. 2012.