CHARBONS
Toute une série de roches sédimentaires, tourbe, lignite et houille, entre autres, résultent de la transformation d’anciens végétaux terrestres. Les débris de plantes mortes sont normalement détruits à l’air, mais noircissent sous l’eau par l’action de micro-organismes. Les modifications subies au cours de la fossilisation consistent surtout en un enrichissement en carbone aux dépens des autres constituants, d’où la notion de carbonification ; il y a environ 50 p. 100 de carbone dans le bois, 50 à 58 p. 100 dans la tourbe, 55 à 75 p. 100 dans le lignite, 74 à 90 p. 100 dans la houille, et l’on atteint théoriquement 100 p. 100 avec le graphite, terme ultime de l’évolution.
Quoique de tels matériaux existent, plus ou moins dispersés, dans de nombreuses roches, on réserve le nom de «charbons» à celles qui renferment suffisamment de carbone pour être utilisables comme combustibles.
S’il existe de nombreuses variétés de charbons, c’est d’abord parce que les éléments végétaux qui les ont constitués étaient eux-mêmes variés, ce qui est bien évident pour des produits peu transformés, tels que tourbes (sphaignes), lignites xyloïdes (bois) ou ambre (résine). Mais c’est surtout parce qu’après leur enfouissement ces dépôts ont été soumis, comme toutes les roches, à des actions métamorphiques, c’est-à-dire notamment à des augmentations de température et de pression, auxquelles la matière organique est très sensible.
1. Classifications
D’une façon générale, on distingue:
– les tourbes , qui se rencontrent dans les formations sédimentaires récentes, et qui se constituent encore de nos jours dans des formations végétales bien définies, les tourbières ;
– les lignites , soit bruns et encore voisins des tourbes, soit noirs et passant insensiblement aux houilles; ils s’observent surtout dans les formations secondaires ou tertiaires; il en existe de nombreuses variétés;
– les houilles , compactes et noires, et les anthracites .
Classifications chimiques
Elles sont fondées sur l’analyse «industrielle», autrement dit sur le comportement d’une houille lors de sa combustion. Pour en comprendre le principe, il suffit de savoir qu’un échantillon chauffé à un peu plus de 100 0C commence par perdre de l’eau: c’est l’humidité . Puis, à 960 0C, s’échappe une certaine quantité d’hydrocarbures: les matières volatiles , ou M.V. Il reste le carbone fixe . Les cendres représentent les matières minérales non combustibles. On tient compte également du pouvoir calorifique . Le fuel-ratio exprime le rapport du carbone fixe sur les matières volatiles.
La classification la plus utilisée en France reste celle, ancienne, qui est dite «utilitaire», de Grüner. En partant des houilles les plus riches en carbone fixe, nous trouvons d’abord des charbons maigres, avec 10 p. 100 ou moins encore de M.V. et, à l’autre bout de la classification, des charbons flambants, des charbons gras à gaz, avec 40 p. 100 ou plus de M.V. (tabl. 1).
Il existe d’autres classifications chimiques notamment la classification internationale du Congrès de Toronto (1913), indiquée dans le tableau 2.
Autres classifications
En réalité, les classifications industrielles varient encore largement d’un pays à l’autre. Une classification vraiment universelle serait souhaitable.
On a encore envisagé des classifications pétrographiques (charbons mats ou brillants, zonés, etc.), botaniques (houilles de cutine et houilles ligno-cellulosiques de Duparque), et ainsi de suite.
Potonié distingue, dans le groupe des kaustobiolithes , c’est-à-dire dans l’ensemble des roches combustibles dérivant d’anciens êtres vivants, animaux ou végétaux:
– des sapropélites , combustibles formés à partir d’organismes inférieurs, surtout aquatiques (plancton), dont la matière organisque a une forte teneur en graisses et en protéines, qui ont subi la bituminisation; les pétroles et les schistes bitumineux dériveraient de roches initiales ou sapropels , qui se transformeraient en sapropélites ou saprocols ;
– des charbons humiques , constitués essentiellement par des végétaux terrestres supérieurs, à forte teneur en hydrates de carbone; ils correspondent, en gros, à nos charbons (de la tourbe à l’anthracite);
– des liptobiolithes , résines, cires, résultant de la décomposition complète de végétaux dont seules les résines ont résisté.
Toutes ces classifications présentent des difficultés pour délimiter les groupes, étant donné l’existence de termes de passage entre eux, par exemple entre les sapropélites et les charbons humiques. Des charbons particuliers, comme les cannel-coals (formés principalement de spores et donnant de 40 à 60 p. 100 de M.V.) et les bogheads (formés d’algues et donnant de 55 à 66 p. 100 de M.V.), sont des charbons sapropéliques constituant un passage aux schistes bitumineux et au groupe des pétroles. De plus, les hypothèses faites dans certaines définitions sur la genèse des types sont discutables; ainsi, il est certain que les végétaux terrestres ont pu, dans certains cas, jouer un rôle dans la formation des sapropélites, au même titre que les micro-organismes aquatiques.
Ce sont en définitive les classifications chimiques qui restent le plus commodes, car elles peuvent se superposer, au moins pour l’essentiel, à toutes les autres.
2. Constituants
M. C. Stopes a défini clairement, dès 1919, quatre constituants essentiels visibles à l’œil nu (lithotypes ):
– le fusain , fibreux et pulvérulent, ressemblant à du charbon de bois;
– le durain , dur et compact, à cassure mate et granuleuse;
– le clarain , compact, à cassure unie, légèrement brillante;
– le vitrain , compact, homogène; sa cassure est vitreuse, brillante, conchoïdale.
Mais la structure intime du charbon est restée longtemps mystérieuse; c’est qu’on ne pouvait l’étudier au microscope suivant les techniques habituelles de la science des roches, une lame mince de houille restant opaque quelle que soit sa finesse. L’idée d’observer, par réflexion, au microscope métallographique, des sections polies, a marqué le véritable début de la science du charbon, avec Duparque (1933). Les études menées suivant cette technique ont, en effet, révélé que la houille est formée par l’accumulation d’une énorme quantité de menus débris végétaux:
– tissus lignifiés (sclérenchyme, bois, fibres ligneuses), existant dans toutes les houilles, mais en proportions très variables, alignés suivant la stratification (ce sont eux qui forment le fusain);
– corps résineux , correspondant à la fossilisation du contenu cellulaire des tissus sécréteurs (résines, essences, etc.), et présentant encore la disposition pluricellulaire des appareils sécréteurs; ils sont alignés suivant la stratification, mais non aplatis;
– cuticules de feuilles , disposées à plat suivant les plans de stratification, fragmentaires en général, et séparées des parenchymes qui semblent avoir disparu;
– spores : l’enveloppe de cutine (exine ) est seule à avoir été conservée sous forme de petits sacs sphériques aplatis dans le plan de stratification; ce sont surtout des spores de cryptogames vasculaires hétérosporées: microspores mesurant quelques centièmes de millimètre, très nombreuses dans certaines houilles, et macrospores pouvant dépasser 1 mm de diamètre, beaucoup moins nombreuses que les microspores, et parfois même absentes;
– algues , très nombreuses dans les bogheads, mais très rares ou absentes dans les houilles proprement dites;
– sclérotes de champignons , masses globulaires à structure irrégulière.
Tous ces débris baignent dans un fond homogène qui existe dans toutes les houilles; parfois, il est très abondant, avec des éléments figurés disséminés dans la masse, tandis que, dans d’autres cas, les corps figurés sont si nombreux et si serrés que le fond ne constitue plus qu’une trame très fine qui les sépare.
Le caractère essentiel de tous ces éléments figurés réside dans leur petitesse, leur alignement suivant la stratification de la houille qui se trouve ainsi mise en évidence, et l’aplatissement des tissus ou des organes compressibles dans le plan de stratification.
Les caractères distinctifs des quatre éléments de M. C. Stopes sont en relation avec leur constitution pétrographique: c’est ainsi que le fusain est constitué par des tissus lignifiés (bois ou sclérenchyme à structure cellulaire nette), tandis que le vitrain correspond à la pâte amorphe.
3. Nomenclature lithologique
C’est la nomenclature du Congrès de Heerlen (1935) qui est la plus utilisée en Europe. Après de nombreuses retouches, elle a atteint un haut degré de complexité. Elle utilise les éléments microscopiques constitutifs, appelés macéraux , par assimilation aux éléments minéraux des roches éruptives ou sédimentaires; ce terme de «macéral» a été forgé à partir de «macération» (des tissus végétaux) et de «minéral».
On peut ranger les principaux macéraux en plusieurs groupes.
Le groupe de la vitrinite est de couleur grise en lumière réfléchie. C’est l’élément essentiel du vitrain. On y distingue deux types:
– la télinite , où une structure cellulaire est encore reconnaissable;
– la collinite , qui ne présente plus aucune structure cellulaire.
La télinite dérive de tissus végétaux, ligneux principalement, qui se sont gélifiés presque entièrement, avec réduction du pouvoir réflecteur et de la couleur. La collinite dériverait de gels humiques. Il paraît regrettable que ces deux types de vitrinite qui ont des origines aussi différentes aient été réunis du fait de leur ressemblance au microscope.
Le groupe de l’exinite est de couleur foncée en lumière réfléchie. On y rassemble:
– l’exinite proprement dite, constituée par l’ensemble des cutines des exines de spores et de grains de pollen, des cuticules de feuilles; sombre et noire en lumière réfléchie, elle devient plus pâle et moins visible pour disparaître dans les charbons maigres ou anthraciteux; dans les charbons riches en matières volatiles, qui peuvent être transparents en lames minces, elle devient rouge sombre en lumière transmise; on distingue la sporinite et la cutinite ;
– l’alginite ;
– la résinite qui dérive de la résine des appareils sécréteurs (corps résineux); elle est gris foncé, en globules ou en imprégnations diffuses dans le vitrain; elle peut aussi remplir les cavités de la télinite.
Le groupe de l’inertinite , de couleur blanche en lumière réfléchie, rassemble des éléments plus ou moins inertes à la cokéfaction:
– la sclérotinite , révélant la structure cellulaire irrégulière bien visible de champignons, avec, souvent, des sclérotes en grains arrondis d’assez grande taille, à contours bien définis; toujours blanche, elle a un fort pouvoir réflecteur;
– la micrinite , en très petits grains blancs, à fort pouvoir réflecteur, dérivant peut-être des mycéliums de champignons, mais homogène, sans cellules reconnaissables;
– la fusinite , tissus ligneux à structure cellulaire bien visible; les cellules sont vides ou remplies de substances minérales (souvent CO3 Ca), avec des parois jaune clair, à pouvoir réflecteur élevé;
– la semi-fusinite , intermédiaire entre la vitrinite et la fusinite.
À côté de ces macéraux bien définis, il existe des types de passage, de la fusinite à la vitrinite par exemple (cas de la télinite), par des formes de bois de plus en plus gélifiées, que certains auteurs ont appelées xylain , xylo-vitrain , vitro-fusain , etc.
Ces macéraux, ou groupes de macéraux, se groupent et s’associent pour former les lithotypes macroscopiques.
En dehors de cette nomenclature de Stopes-Heerlen, deux autres, principalement, ont été établies : celle de Thiessen-Bureau of Mines, en usage aux États-Unis, et celle de l’Institut de géologie de l’Académie des sciences d’U.R.S.S., cette dernière s’appuyant davantage sur des données génétiques. La force des traditions locales interdit d’espérer un accord sur une nomenclature unique. Mais on a pu établir des équivalences approximatives.
4. Carbonification
Depuis longtemps on avait observé dans le bassin franco-belge que la teneur en matières volatiles diminue progressivement à mesure qu’on s’éloigne des affleurements suivant une verticale. La loi de Hilt exprime cette diminution progressive. Elle a été vérifiée en de nombreux points. C’est ainsi que dans le bassin français du Creusot, la même grande couche contient:
– près de la surface, 20 à 26 p. 100 de M.V.;
– de 120 à 200 m de profondeur, de 16 à 20 p. 100 de M.V.;
– au-dessous de 220 m, 12 à 16 p. 100 de M.V.
Corrélativement, il y a augmentation du carbone total.
C’est qu’après leur enfouissement les sédiments charbonneux ont été soumis aux mêmes actions que les sédiments minéraux et, notamment, aux augmentations de température et de pression, que celles-ci soient dues à la masse des sédiments pesant sur des couches de houille profondément enfouies, au degré géothermique ou aux efforts mécaniques accompagnant les déformations du sol. C’est ainsi qu’en Amérique du Nord, des couches de houille bitumineuse perdent leurs matières volatiles et passent progressivement à des anthracites quand elles se rapprochent des montagnes Rocheuses. De même, dans les Alpes françaises, toutes les couches de houille sont aujourd’hui à l’état d’anthracites, quels qu’en aient été les constituants végétaux originels, parce qu’elles ont subi l’orogenèse alpine. De même encore, en Afrique du Sud, des houilles bitumineuses ont été transformées en anthracites et même en graphite par des roches éruptives (dolérites).
On désigne par houillification (ou carbonification ) les modifications que le charbon subit au cours de son histoire géologique; c’est l’ensemble des processus par lesquels le matériel végétal s’est transformé en lignite, puis en charbons de plus en plus pauvres en matières volatiles. Certains auteurs emploient de plus le terme spécial de tourbification pour les transformations qui mènent inclusivement à la tourbe.
Le rang d’un charbon est le degré de houillification atteint par celui-ci au cours de sa maturation géologique. On dira, par exemple, que tel charbon est d’un rang élevé.
D’un point de vue physico-chimique, la carbonification se traduit essentiellement par un enrichissement relatif en carbone; en même temps, il y a diminution des matières volatiles, diminution de l’hydrogène et de l’oxygène, augmentation, jusqu’à un certain stade, du pouvoir calorifique. Les caractères des macéraux sont modifiés: couleur, pouvoir réflecteur, anisotropie optique, dureté, résistance mécanique, etc.
Aussi, pour déterminer le rang d’un charbon, faut-il se rapporter à une propriété variant de façon significative. On utilise surtout la vitrinite parce qu’elle est abondante, facile à isoler, et que ses propriétés varient de façon continue au cours de la carbonification. Mais comme cette dernière, loin d’être uniforme, se traduit par des modifications d’inégale amplitude, on doit utiliser plusieurs échelles de mesure qui se recouvrent plus ou moins (tabl. 3).
La plupart des frontières indiquées ne peuvent l’être qu’artificiellement, à partir de valeurs moyennes; aussi sont-elles plus ou moins imprécises. Par contre, la frontière entre houille et anthracite notamment (à 8 p. 100 de M.V.) correspond à un saut naturel dans la diminution de l’hydrogène et l’augmentation du carbone.
Encyclopédie Universelle. 2012.