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PRESCRIPTION
PRESCRIPTION

Aux termes du Code civil, «la prescription est un moyen d’acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi» (art. 2219). Souvent critiquée, cette définition a tout au moins le mérite d’indiquer d’emblée le double objet de la prescription.

Moyen d’acquérir, la prescription est dite acquisitive et correspond à l’usucapio romaine; elle a pour effet de transférer au possesseur la propriété d’un bien pourvu que sa possession remplisse certaines conditions et notamment celle d’une durée suffisante. Moyen de se libérer, la prescription est dite extinctive ou libératoire et vise à dissoudre un rapport d’obligation par l’inaction prolongée du créancier. Mais la définition du Code pèche par exagération, car, à proprement parler, l’effet des deux classes de prescription est plus modeste. La prescription acquisitive est moins un moyen d’acquérir que de consolider une acquisition sujette à éviction ou même simplement présumée. Quant à la prescription extinctive, elle n’est jamais qu’une exception par laquelle le défendeur à une action judiciaire peut la faire repousser, celle-ci laissant cependant subsister sa dette comme obligation naturelle.

Une institution universellement répandue

Malgré la distance qui les sépare, la prescription acquisitive et la prescription extinctive s’apparentent l’une à l’autre par un élément fondamental commun. L’une et l’autre n’opèrent en effet qu’après «un certain laps de temps», généralement assez long. La question se pose dès lors de savoir si le simple écoulement du temps suffit, en équité, pour affecter les droits et obligations des intéressés, pour accroître le patrimoine des uns (possesseur, débiteur) et réduire proportionnellement celui des autres (propriétaire, créancier), sans qu’aucun d’eux ait rien fait pour le mériter. À première vue, l’idée même de la prescription paraît choquante en tant qu’elle serait un facteur d’instabilité, voire d’injustice; et bien des penseurs (école «idéaliste», canonistes, etc.) l’ont condamnée comme un «péché» tendant à spolier le véritable ayant droit au profit d’un usurpateur.

Ces scrupules n’ont pas prévalu, et l’on peut dire que la prescription est aujourd’hui une institution universellement répandue: sous les formes les plus variées, elle a été adoptée sous toutes les latitudes, et les «réalistes» l’ont saluée comme «la plus nécessaire à l’ordre social» (Exposé des motifs du Code civil ). Paradoxalement, on la justifie avant tout par le souci d’assurer la stabilité du patrimoine (ne dominia in perpetuum incerta maneant ) et d’écarter comme incertaines les réclamations trop différées tendant à modifier l’ordre établi (for quieting of men’s estates and avoiding of suits , préambule de la loi anglaise de 1623). Éminemment conservateur, le droit positif considère comme sa fonction essentielle de garantir aux personnes la possession paisible de leurs biens; et si celle-ci se trouve dissociée de la propriété véritable, l’intérêt social bien compris exigera de mettre fin à cette situation pathologique en ramenant le fait au droit et en faisant sortir du fait, au bout d’un certain temps, un droit nouveau.

À cette justification sont venues se joindre d’autres considérations, parmi lesquelles: celle que le retard exagéré à intenter l’action judiciaire équivaut à une négligence (vigilantibus non dormientibus jura servantur ); les présomptions qu’il fait naître en faveur du défendeur (présomption de paiement, de remise de l’obligation ou d’extinction par tout autre mode); le danger de dépérissement des moyens de preuve, et le caractère vexatoire de l’action à laquelle il est devenu difficile de s’opposer.

Enfin, on attribue à la prescription, cette «patronne du genre humain», le mérite de faciliter la preuve de la propriété. Celle-ci dérivant presque toujours d’un acte (vente, donation, testament) ou d’un fait (succession) translatif émanant d’un propriétaire antérieur, sans l’aide de la prescription, il serait nécessaire d’établir le droit de cet ayant cause et de tous ses prédécesseurs jusqu’à l’infini, preuve qui serait pratiquement impossible (probatio diabolica ). La meilleure justification de la prescription acquisitive est sans doute de dispenser le possesseur d’avoir à remonter au-delà du délai légal.

L’influence des idéalistes, hostiles à la prescription, s’est pourtant manifestée dans quelques-unes des restrictions auxquelles elle a été soumise, de manière à en atténuer les effets et à placer celui qui s’en prévaut devant une sorte de cas de conscience (nécessité de la bonne foi, nécessité d’invoquer la prescription et possibilité d’y renoncer, causes de suspension et d’interruption, longueur de certains délais, etc.). De plus, certains droits particulièrement respectables ont été proclamés imprescriptibles. Enfin, en matière pénale, le principe de la prescription du droit de punir n’a été admis qu’assez récemment et fait l’objet d’un régime particulier. En matière civile même, les législations récentes ont sensiblement réduit les délais de la prescription. Ainsi, en Angleterre, la législation surannée remontant au XVIIe siècle a été remplacée par le Limitation of Actions Act de 1939, fixant le terme général de la prescription civile à six ans (trois ans pour l’action en responsabilité du chef d’atteinte à la personne; douze ans pour la revendication d’immeuble).

Prescription acquisitive ou usucapion

En droit français, l’usucapion est fondée non seulement sur l’inaction prolongée du véritable propriétaire, mais encore et surtout sur la possession de celui qui va prescrire, c’est-à-dire acquérir la possession par l’effet de la prescription. Comme on l’a vu, ce mode d’acquisition ne s’applique qu’à la propriété des immeubles et à certains droits réels immobiliers (usufruit, servitude). Conformément au modèle romain, l’usucapion englobe deux institutions distinctes:

a ) La prescription trentenaire, prescription ordinaire ou de droit commun s’appliquant à «toutes les actions, tant réelles que personnelles» (art. 2262) et formant titre de propriété au possesseur, même de mauvaise foi, pourvu que sa possession ait été «continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire» (art. 2229).

b ) La prescription abrégée, de dix à vingt ans selon que le véritable propriétaire habite dans la même circonscription ou en un lieu plus éloigné (art. 2265): pour en bénéficier, il faut que, outre les conditions ordinaires de la possession, celle-ci ait été obtenue de bonne foi, c’est-à-dire en vertu d’un titre translatif dont le possesseur ignorait les vices (art. 550). Ainsi comprise, la prescription vise à purger les vices dont était affecté l’acte juridique en vertu duquel le possesseur était entré en possession.

Quoique ces deux espèces de prescription soient également dites acquisitives, leur accomplissement ne suffit pas pour transférer la propriété de plein droit: il faut en outre que le possesseur, défendeur à l’action en revendication, s’y oppose en invoquant le moyen de la prescription, moyen que le juge ne peut suppléer d’office et auquel le possesseur est libre de renoncer (art. 2223 et 2224). D’autre part, une fois acquise, la prescription est censée opérer rétroactivement depuis l’entrée en possession.

Dans certains droits étrangers, l’effet translatif de la prescription est encore moins prononcé. En Angleterre, par exemple, on décide que l’écoulement du terme (de 12 ans) ne fait qu’éteindre le titre du revendiquant, sans le transférer pour autant au possesseur, dont la position se trouve simplement renforcée.

Enfin, l’utilité de la prescription acquisitive disparaît partout où les titres de propriété découlent d’une immatriculation dans des livres fonciers doués de force probante absolue; néanmoins, même sous ce régime, une certaine place a été laissée à l’usucapion, notamment pour suppléer aux imperfections de l’immatriculation ou pour résoudre des problèmes de délimitation de parcelles contiguës.

Prescription extinctive ou libératoire

La prescription trentenaire mentionnée ci-dessus étant en droit français la prescription de droit commun, elle s’applique à toutes les obligations pour lesquelles une prescription plus brève n’a pas été prévue par un texte particulier, comme il en existe une grande variété, spécialement en matière commerciale (effets de commerce, assurances, transports et, généralement, prescription décennale des obligations entre commerçants à l’occasion de leur commerce).

La prescription extinctive offre à tout défendeur à une action judiciaire le moyen d’y faire échec. Ici encore l’exception tirée de la prescription est péremptoire; mais si elle éteint l’action, elle laisse subsister l’obligation comme simple obligation naturelle, dépourvue de sanction.

Certaines prescriptions particulières et fortement abrégées sont désignées du nom de prescriptions présomptives, étant basées sur une présomption de paiement, dont le débiteur n’aurait pas conservé la preuve. Tel est le cas de l’action «des maîtres et instituteurs des sciences et arts, pour les leçons qu’ils donnent au mois [...] des ouvriers et gens de travail, pour le payement de leurs journées, fournitures et salaires», qui se prescrit par six mois (art. 2271); celle des médecins et pharmaciens, pour leurs visites, opérations et médicaments, et celle des marchands pour les marchandises qu’ils vendent aux particuliers, qui se prescrivent par deux ans (art. 2272). La prescription ne s’applique qu’aux actions en justice, et non aux exceptions, lesquelles ne se prescrivent pas.

Computation des délais de prescription

Le caractère mécanique de la prescription suppose que le laps de temps nécessaire pour son fonctionnement soit fixé par la loi avec précision. Il importe donc d’en déterminer non seulement la durée exacte, mais encore le point de départ (dies a quo ); on pourra ainsi décider si, à la date considérée, la prescription était déjà acquise par l’arrivée du terme (dies ad quem ). Voici les règles généralement suivies à cet effet:

La prescription prendra cours à dater du jour où l’action de l’intéressé (propriétaire, créancier) pouvait être utilement intentée (entrée en possession, exigibilité de la dette). Elle ne commencera donc, à l’égard d’une créance à terme, qu’à partir de l’échéance; et à l’égard d’une obligation conditionnelle, qu’au moment où la condition se sera réalisée (actioni non natae non praescribitur ).

Le cours de la prescription peut se trouver entravé par certaines causes prévues par la loi. On distingue à cet égard les causes de suspension et les causes d’interruption, selon que le temps déjà écoulé au moment où ces causes surviennent est, ou n’est pas, compté comme utile à accomplissement de la prescription après que l’obstacle est écarté.

Les causes de suspension sont d’habitude fondées sur une dispense d’agir, résultant soit de l’incapacité juridique (minorité, interdiction), soit d’une difficulté matérielle objective (état de guerre, occupation ennemie), soit encore d’une impossibilité morale à raison des relations particulières des parties (action entre époux): dans chacun de ces cas, on admet que la prescription ne courra point contre celui qui était ainsi empêché d’agir.

L’interruption de la prescription, qui élimine les effets du temps déjà écoulé, résulte ordinairement d’un acte accompli par l’une des parties et susceptible de renverser l’une des présomptions justifiant la prescription. Il en sera ainsi lorsque, expressément ou tacitement, le débiteur reconnaît la dette ou que le possesseur reconnaît le droit de celui contre lequel il prescrivait; et la reconnaissance de dette peut résulter implicitement d’un paiement effectué à valoir sur la dette ou du fait par le débiteur de solliciter termes et délais. La prescription sera également interrompue par l’interpellation faite au débiteur ou au possesseur, pourvu que la volonté de l’interpellant d’être payé ou restitué se manifeste dans une forme reconnue par la loi comme suffisamment solennelle (citation en justice, commandement ou saisie), car de simples démarches ou même des pourparlers n’interrompent point la prescription.

La loi contient généralement des dispositions détaillées sur chacun de ces points, qu’elle ne peut évidemment abandonner à la libre appréciation du juge.

Dans les pays de la common law , les demandes fondées sur les règles de l’equity sont pourtant soumises à un régime tout différent: le juge disposant d’un large pouvoir discrétionnaire peut rejeter toute demande pour le seul motif de tardiveté (laches ); et il est libre d’apprécier dans chaque cas si l’action a été introduite avec toute la diligence désirable. De même, en droit allemand, l’abstention prolongée d’exercer un droit peut être considérée comme équivalente à une renonciation.

Est-il loisible aux particuliers de déroger aux règles légales de la prescription? Aux termes du Code civil, «on ne peut, d’avance, renoncer à la prescription: on peut renoncer à la prescription acquise» (art. 2220). On en déduit qu’une clause prolongeant le terme légal de la prescription serait inopérante, tandis qu’une stipulation réduisant ce délai serait valable. Cette solution est loin d’être admise partout.

Domaine de la prescription

La prescription est demeurée longtemps une institution purement civile; mais il est peut-être exagéré de dire que, sauf les causes de suspension en faveur d’une personne privilégiée, elle s’applique indistinctement à toute personne et contre toute personne, physique ou morale.

Une réserve s’impose en effet quant aux droits dits imprescriptibles (libertés publiques, droits de la personnalité): seuls peuvent être prescrits les droits qui sont dans le commerce (droits patrimoniaux). Pour la même raison, les biens qui dépendent du domaine public ne sont pas susceptibles d’usucapion tant qu’ils conservent leur destination; et un immeuble classé comme monument historique ne peut pas davantage être acquis par prescription (loi française du 31 déc. 1913, art. 12). Dans certains pays, l’imprescriptibilité de droit public est encore plus vaste. Ainsi, en Angleterre, jusqu’à la loi de 1939, le principe de l’irresponsabilité des pouvoirs publics (the King can do no wrong ) mettait ceux-ci à l’abri de la prescription (nullum tempus occurrit regi ).

L’action publique pour la répression des crimes et délits se prescrit dans les délais qui correspondent à la gravité de l’infraction: dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits, une année pour les contraventions. Les mêmes délais s’appliquent à l’action civile née de l’infraction. Quant aux peines, elles se prescrivent également par inexécution pendant un laps de temps qui est approximativement deux fois plus long que celui de l’action.

Dans le système français, dont le modèle a été suivi en bien d’autres pays, la prescription intéresse directement l’ordre public: autant ce dernier exige que les infractions soient dûment réprimées, autant on estime qu’il serait troublé si l’action publique n’était pas intentée dans le délai prescrit. C’est pourquoi, à la différence de la prescription civile, le prévenu ne peut valablement renoncer à la prescription pénale. Si même il omet de l’invoquer, il appartient au juge de la soulever d’office et en tout état de cause.

La prescription pénale a néanmoins conservé, en principe du moins, son caractère exceptionnel dans les pays de la common law : fidèles à la doctrine de l’irresponsabilité de la Couronne ou de l’État, la prescription pénale n’y est admise qu’à titre d’exception à la faveur d’un texte formel. En fait, les infractions pour lesquelles un délai de prescription (assez bref d’ailleurs) a été prévu sont fort nombreuses; mais il est encore des crimes (tel l’assassinat aux États-Unis) qui échappent à la prescription.

En France, les crimes contre l’humanité, tels qu’ils sont définis par la résolution des Nations-Unies du 13 février 1946, prenant acte de la définition des crimes contre l’humanité telle qu’elle figure dans la charte du tribunal international du 8 août 1945, sont, selon les dispositions de la loi du 26 décembre 1964, imprescriptibles.

prescription [ prɛskripsjɔ̃ ] n. f.
• 1260; lat. præscriptio, de præscribere « écrire en tête »
1Dr. « Moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi » (CODE CIV.). Opposer la prescription.
Dr. civ. Prescription acquisitive : mode d'acquisition de la propriété et des autres droits réels, par une possession non interrompue (30 ans). ⇒ usucapion. Prescription extinctive : mode de libération des obligations.
Prescription pénale : mode de prescription extinctive applicable à la poursuite et à la répression d'une infraction. Il y a prescription.
2(XVIe) Cour. Ordre expressément formulé, avec toutes les précisions utiles. instruction; précepte. « Vint le début du ramadan, et Moktar observa les prescriptions » (Duhamel ). commandement. Qui constitue une prescription (prescriptif, ive adj. ).
(1750) Prescriptions d'un médecin : recommandations faites au malade, verbalement ou par écrit (sous forme d'ordonnance). Médicament délivré sur prescription médicale. « L'incohérence des prescriptions officielles pour les injections de vaccin antityphique est incroyable ! » (Martin du Gard).
Action de recommander un produit en vente. Prescription de manuels scolaires par les enseignants.
⊗ CONTR. Interdiction.

prescription nom féminin (latin praescriptio, -onis) Ordre formel et détaillé énumérant ce qu'il faut faire : Les prescriptions de la loi. Recommandation thérapeutique, éventuellement consignée sur ordonnance, faite par le médecin. Document écrit dans lequel est consigné ce qui est prescrit par le médecin. Action d'un prescripteur. Écoulement d'un délai à l'expiration duquel une action judiciaire ne peut plus être exercée, ou bien une situation de droit ou de fait est acquise. (La prescription acquisitive fait acquérir un droit réel par la possession prolongée ; la prescription extinctive fait perdre un droit à son titulaire s'il ne l'a pas exercé dans les délais.) ● prescription (citations) nom féminin (latin praescriptio, -onis) Pierre Bayle Le Carla 1647-Rotterdam 1706 Il n'y a point de prescription contre la vérité. Nouvelles de la République des Lettresprescription (expressions) nom féminin (latin praescriptio, -onis) Prescription de l'action publique, extinction des poursuites pénales à l'issue d'un délai s'écoulant après la date du dernier acte de poursuite (10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits, 1 an pour les contraventions). [La prescription est de 3 mois pour les infractions en matière de presse, de 30 ans pour les crimes terroristes ou relatifs aux trafics de stupéfiants, de 20 ans pour les délits s'y rapportant.] Prescription de la peine, abandon de l'exécution des sanctions pénales à l'issue d'un délai (20 ans pour les crimes, 5 ans pour les délits et 2 ans pour les peines de police à partir du jour où la condamnation est devenue définitive). ● prescription (synonymes) nom féminin (latin praescriptio, -onis) Ordre formel et détaillé énumérant ce qu'il faut faire
Synonymes :
- commandement
- injonction
- loi
- précepte
- règle

prescription
n. f.
d1./d Ce qui est prescrit, commandé; ordre; précepte. Suivre les prescriptions d'un supérieur hiérarchique. Les prescriptions de la morale.
|| Spécial. Recommandation relative à la santé; ordonnance. Se conformer aux prescriptions du médecin.
d2./d DR Délai au terme duquel on ne peut plus, soit contester la propriété d'un possesseur, soit poursuivre l'exécution d'une obligation ou la répression d'une infraction (prescription extinctive).

⇒PRESCRIPTION, subst. fém.
A.DR. ,,Moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi`` (Code civil, 1804, art. 2219, p.407). Comme dit Grotius, le temps n'a par lui-même aucune vertu effective; tout arrive dans le temps, mais rien ne se fait par le temps; la prescription ou le droit d'acquérir par le laps du temps est donc une fiction de la loi, conventionnellement adoptée (PROUDHON, Propriété, 1840, p.202).
Spécialement
1. DR. CIVIL
a) Prescription acquisitive. ,,Mode d'acquérir la propriété ou un droit réel immobilier, par le fait d'une possession maintenue aux conditions et pendant le laps de temps exigés par la loi: 30 ans ou 10 à 20 ans`` (BARR. 1974). Synon. usucapion. V. acquisitif ex. 1.
b) Prescription extinctive ou libératoire. ,,Fin de non recevoir qu'un débiteur peut opposer à l'action de son créancier lorsque celui-ci a négligé de l'exercer pendant un temps déterminé, en général trente ans`` (CAP. 1936).
2. DR. PÉNAL.
a) Prescription (de l'action publique). ,,Mode d'extinction de l'action publique par l'écoulement, à partir du jour de la commission de l'infraction, d'un certain délai fixé par la loi à 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions`` (Jur. 1971). —Et son casier judiciaire? —Il y a eu prescription. —J'en suis bien content pour lui (GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p.1098).
b) Prescription (de la peine). ,,Dispense d'exécution de la peine, lorsque celle-ci n'a pas été mise à exécution dans un certain délai qui court du jour de la condamnation, et fixé par la loi à 20 ans pour les crimes, 5 ans pour les délits et 2 ans pour les contraventions`` (Jur. 1971):
1. ... ce fameux bandit (...) qui, aujourd'hui, grâce à la prescription dont il bénéficie, après sept ou huit meurtres à coups de fusil et de couteau, circule tranquillement dans le pays témoin de ses crimes...
A. DAUDET, Nabab, 1877, p.232.
3. DR. FISCAL. Extinction du droit d'exiger l'impôt du contribuable après un certain délai (un an pour les droits de douanes, quatre ans pour les impôts directs) (d'apr. ROMEUF t.2 1958).
B. —1. Commandement, précepte, règle à suivre. La règle la plus dure est celle des bernardines-bénédictines de Martin Verga. Elles sont vêtues de noir avec une guimpe qui, selon la prescription expresse de saint Benoît, monte jusqu'au menton (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.577). Il suffit (...) de se souvenir que la raison est l'oeuvre de Dieu, pour comprendre qu'enfreindre ses prescriptions soit enfreindre les prescriptions divines. Agir contre les ordres qu'elle dicte, c'est, à travers la nature, atteindre celui qui l'a faite (GILSON, Espr. philos. médiév., 1932, p.124).
2. Ordre formel, catégorique. Je reçois un télégramme du ministre de la guerre renouvelant la prescription de ne pas dépasser, sauf en cas d'attaque caractérisée, la ligne fixée le 30 juillet (FOCH, Mém., t.1, 1929, p.30):
2. Le père de Zigla se refuse à laisser percer les lèvres de sa fille, mais c'est à la grande désolation de celle-ci qui déclare qu'elle ne pourra trouver à se marier avec des lèvres «comme celles des garçons» et profitera d'une absence du père pour passer outre la prescription paternelle.
GIDE, Retour Tchad, 1928, p.922.
En partic. Indication, conseil, ordre donné par un médecin, soit oralement, soit par écrit sur une ordonnance; p.méton., ordonnance. Se soumettre aux prescriptions de son médecin; faire qqc. sur la prescription de son médecin; exécuter une prescription médicale; médicament délivré avec ou sans prescription médicale. C'était (...) pour son bien qu'il lui faisait une scène. Par exemple, si elle avait refusé de voir le médecin, ou si, contrairement aux prescriptions de cet homme, elle n'avait pas assez mangé à table (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.760). L'acide ascorbique, en tout état de cause, est devenu de prescription courante en présence d'anémie ou de manque de globules blancs (R. SCHWARTZ, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p.76).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1265 prescripcion «moyen de se libérer d'une charge, d'une obligation» (Justice et plaid, éd. Rapetti, III, 4, 10, p.109); 1875 prescription libératoire (Lar. 19e); 1904 prescription extinctive (Nouv. Lar. ill.); b) 1690 dr. pénal (FUR.); 1875 prescription criminelle (Lar. 19e); 2. 1376 prescripcion «moyen d'acquérir un droit, une propriété» (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, § 169, 16 [var.]); 1866 prescription acquisitive (Lar. 19e s.v. acquisitif). B. 1. a) 1586 pharm. «formule d'un médicament» (J. SUAU, Traitez contenans la pure et vraye doctrine de la peste, Paris, f° 180 r°: que tout le contenu [de la mixture] en sa prescription y soit exactement); b) 1823 méd. «ordre ou recommandation émanant d'un médecin» (BOISTE, Add. et corr.); 2. 1588 «ce qui est ordonné, règle» (MONTAIGNE, Essais, I, XIV, éd. Villey-Saulnier, p.62); ca 1590 en partic. (ID., ibid., I, LVI, p.318: les sainctes prescriptions de l'Eglise catholique). Empr. au lat. praescriptio (dér. de praescribere «prescrire») «titre, intitulé, préambule; dr.: clause préliminaire ou préambule définissant l'objet d'un procès, p.ext. objection préalable limitative soulevée par le défendeur, fondée notamment sur l'écoulement d'un certain laps de temps; règle, précepte, prescription» (GAFF.; OLD; v. aussi BLAISE Lat. chrét. et LITTRÉ). Fréq. abs. littér.:434. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 847, b) 579; XXes.: a) 621, b) 438.

prescription [pʀɛskʀipsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1260; lat. præscriptio, de præscribere « écrire en tête », de præ-, et scribere.
1 Dr. « Moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi » (Code civil, art. 2219). || Biens, droits qui échappent à la prescription. Imprescriptible (cit. 1). || Invoquer, opposer la prescription.
1 Il existe une notion universellement admise dont le fondement est assez mal défini et que nous appelons, en langage de droit, la prescription. La prescription est au civil une manière d'acquérir une propriété à la faveur du temps, au criminel le privilège pour le coupable de n'être plus poursuivi ou pour un condamné de ne pas subir sa peine lorsqu'une certaine durée s'est écoulée. Si cette idée que le temps modifie le droit s'impose assez impérieusement à l'esprit pour être universellement acceptée, il n'en reste pas moins que la prescription est toujours une violation d'un droit. Au civil la prescription acquisitive du droit de propriété est la violation du droit du propriétaire antérieur, au criminel c'est une atteinte au droit de punir ou à la valeur de la chose jugée.
Maurice Garçon, De la prescription, in le Monde, 3 févr. 1960.
Dr. civil. || Prescription acquisitive ( Usucapion), mode d'acquisition de la propriété et des autres droits réels, par une possession non entachée de discontinuité pendant une durée généralement fixée à trente ans (prescription trentenaire). || Prescription abrégée (dix à vingt ans), dont peut bénéficier un possesseur de bonne foi qui a juste titre. || Acte, fait interruptif de prescription. || Prescription extinctive (ou libératoire), mode de libération des obligations. || Extinction d'une hypothèque par prescription. || Prescriptions de courte durée (un an, six mois…, fondées sur présomption de paiement).
Dr. pén. || Prescription criminelle, pénale, et absolt. (cour.), prescription, mode de prescription extinctive applicable à la répression d'une infraction : prescription de l'action (publique et civile). || Prescription de la peine.Meurtre couvert par la prescription. || Il y a prescription.
2 Supposez qu'autrefois j'aie assommé un vieil oncle à héritage. Je me suis arrangé à ce moment-là pour faire croire (…) qu'il était mort en tombant dans un escalier (…) Je raconte ça aujourd'hui. Aucun inconvénient (…) Pas de danger que la Justice s'émeuve. Pourvu que le délai de prescription soit dépassé — et il l'est en somme très vite — le Juge d'instruction lui-même lira mon histoire, les pieds au feu… la prescription couvre mon coup de marteau.
J. Romains, le Besoin de voir clair, Deuxième rapport Antonelli, IX.
Par métaphore. || Il n'y a point de prescription contre la vérité (→ Erreur, cit. 26, Bayle).
2 Cour. (1580). Ordre expressément formulé, avec toutes les précisions utiles; ce qui est ainsi ordonné, prescrit. || Conformément aux prescriptions de ses chefs. Instruction (cit. 14). || Des prescriptions gênantes et surannées. Précepte (→ 2. Poétique, cit. 3). || Obéir aux prescriptions de l'Église ( Commandement), en matière d'abstinence, de jeûne ( Indiction). || Moniale vêtue selon la prescription de saint Benoît. Règle (→ Guimpe, cit. 1). || Contrevenir aux prescriptions légales et réglementaires. Disposition (→ Pharmacien, cit. 2).Par métaphore. || Suivre les prescriptions de son appétit (→ Panade, cit. Montaigne).
3 Vint le début du ramadan, et Moktar observa les prescriptions, jour par jour, avec un scrupule farouche.
G. Duhamel, Salavin, VI, XIII.
(1823). || Prescriptions d'un médecin : ensemble des recommandations qu'il fait à son malade, verbalement ou par écrit (sous forme d'ordonnance). Indication. || Observer scrupuleusement les prescriptions de la Faculté. || Inobservance des prescriptions médicales.
4 J'ai encore passé une journée à batailler à notre commission de l'hygiène… L'incohérence des prescriptions officielles pour les injections de vaccin antityphique est incroyable !
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 117.
CONTR. Interdiction.

Encyclopédie Universelle. 2012.