HYPNOSE
L’hypnose est un état de conscience particulier encore mal défini; connue depuis la plus haute antiquité, elle a été et reste entourée d’un halo de mystère auprès du grand public, pour qui elle revêt une apparence magique exerçant à la fois un effet d’attraction et de crainte.
Malgré les études expérimentales qui ont été entreprises depuis la fin du XVIIIe siècle, sa nature profonde n’a pas encore été dévoilée. Mais certaines de ses manifestations sont maintenant mieux comprises par les chercheurs. La relation entre l’hypnotiseur et l’hypnotisé représente, en effet, la forme la plus ancienne de la relation psychothérapique. La psychanalyse s’est édifiée en bonne partie sur l’étude et la critique de cette relation; elle l’a, à son tour, rendue plus intelligible en permettant d’entrevoir les lois qui la régissent. L’état hynoptique lui-même, qui est spécifiquement de nature psychophysiologique, puisqu’il se situe à un carrefour entre le corps et l’esprit, constitue un riche terrain d’observation.
Après une longue éclipse, l’hypnose paraît constituer à nouveau un objet d’actives recherches scientifiques. Ce regain d’intérêt se manifeste dans différents domaines de la connaissance, notamment en psychanalyse, psychologie, philosophie et sociologie.
1. Du magnétisme animal aux écoles de Nancy et de la Salpêtrière
Le problème de la définition de l’hypnose est difficile puisqu’on n’a pas encore d’explication satisfaisante de cet état. Parmi les descriptions qui en ont été données, la plus élaborée est celle de l’Association médicale britannique (1955): «L’hypnose est un état passager d’attention modifiée chez le sujet, état qui peut être produit par une autre personne et dans lequel divers phénomènes peuvent apparaître spontanément ou en réponse à des stimuli verbaux ou autres. Ces phénomènes comprennent un changement dans la conscience et la mémoire, une sensibilité accrue à la suggestion et l’apparition chez le sujet de réponses et d’idées qui ne lui sont pas familières dans son état d’esprit habituel. En outre, des phénomènes comme l’anesthésie, la paralysie, la rigidité musculaire et des modifications vaso-motrices peuvent être, dans l’état hypnotique, produits et supprimés.»
Le phénomène qu’on appelle actuellement l’hypnose est connu par son utilisation thérapeutique depuis les temps les plus anciens. C’étaient souvent les prêtres qui en faisaient usage. Il n’entra dans la phase expérimentale qu’en 1776 avec Franz Anton Mesmer, sous le nom de «magnétisme animal». D’après lui, il existait un fluide universel pouvant se transmettre d’un sujet à un autre: à l’aide de passes, l’opérateur provoquait des «crises» de nature convulsive et obtenait ainsi une distribution du fluide plus harmonieuse et curative dans le corps malade. Ces théories dépourvues de fondement scientifique ont néanmoins posé pour la première fois le problème d’une relation dynamique entre le malade et son thérapeute.
En 1784, au milieu de discussions passionnées sur le magnétisme animal, Louis XVI nomma une commission composée de savants éminents pour vérifier les assertions de Mesmer. Dans deux rapports célèbres, les membres de cette commission condamnèrent le magnétisme animal: ils conclurent à l’inexistence du fluide et attribuèrent à l’imagination certains des effets d’ordre physiologique et curatif obtenus. Ainsi, sans s’en douter, les rapporteurs, en mettant l’accent sur le pouvoir de l’imagination, préfigurèrent l’avènement de la médecine psychologique. Dans la même année 1784, un élève de Mesmer, le marquis de Puységur, décrivit le somnambulisme artificiel sans crise convulsive, qui permet une communication verbale avec le sujet. Il inaugura ainsi la thérapie par le langage.
Une période nouvelle, plus scientifique, s’ouvrit en 1843 avec un chirurgien de Manchester, J. Braid, qui introduisit le mot «hypnotisme» (du grec hypnos , sommeil; le mot «hypnose» ne sera utilisé qu’une trentaine d’années plus tard). Il réfuta définitivement la théorie fluidique pour la remplacer par une explication neurophysiologique et substitua à la technique des passes celle de la fixation d’un objet brillant; plus tard, il admit l’action de la suggestion verbale.
C’est un médecin de campagne français, A.-A. Liébeault, qui reprit à Nancy (1866) les travaux de Braid en insistant sur l’aspect psychologique de l’hypnose et sur la suggestion. Longtemps ignorées, ses études intéressèrent H. Bernheim, professeur à la faculté de médecine de la même ville, qui commença lui-même à expérimenter dans ce domaine et fonda avec Liébeault l’École de Nancy (1884). Face à cette école de tendance psychologique J.-M. Charcot et son École de la Salpêtrière, d’inspiration physiologique, défendaient une théorie somatique de l’hypnose en insistant sur la présence en celle-ci de signes physiques objectifs.
Pendant la décennie 1880-1890, marquée par la lutte passionnée entre les deux écoles, un bouillonnement d’idées fécondes et un énorme développement des recherches attirèrent en France un grand nombre d’étrangers. Parmi eux se trouvait Freud, qui profita successivement des leçons de Charcot (en 1885-1886), et de celles de Bernheim (en 1889). Ce furent pour lui des enseignements décisifs qui le menèrent vers la découverte de la psychanalyse.
À la mort de Charcot, en 1893, commença le déclin de l’hypnose, qui fut presque total en France, où seul Pierre Janet continua de s’y intéresser. Ce déclin fut cependant moins marqué à l’étranger et un certain renouveau se manifesta après la Première Guerre mondiale pendant laquelle l’hypnose s’était révélée utile dans le traitement des névroses chez les combattants. Des recherches furent alors entreprises particulièrement aux États-Unis et, en U.R.S.S., par l’école pavlovienne. Mais ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’elles se multiplient, surtout aux États-Unis. En France, la réhabilitation de l’hypnose s’amorce vers 1950, avec les travaux de Léon Chertok. Mais ils ne suscitent qu’un intérêt très limité.
2. Les théories en présence
Les théories sur l’hypnose se répartissent en trois tendances, inspirées respectivement par la physiologie, la psychologie expérimentale et la psychanalyse.
Les théories physiologiques sont centrées sur les rapports entre le sommeil et l’hypnose considérée par les pavloviens comme un sommeil partiel. Dans le sommeil normal, l’écorce cérébrale est inhibée, mais cette inhibition laisse pourtant subsister des «points vigiles» qui permettent une communication élective avec l’extérieur; ainsi une mère profondément endormie, qui ne réagit pas à des bruits intenses, peut être réveillée par les faibles pleurs de son enfant. Dans l’hypnose, il se crée artificiellement des «points vigiles» qui rendent possible la communication entre le sujet et l’opérateur. Cet état de sommeil partiel, intermédiaire entre le sommeil et la veille, comporte des phases hypnoïdes, ou phases de suggestion, pendant lesquelles diverses modifications physiologiques, impossibles dans l’état de veille, peuvent se produire. Pour les pavloviens l’existence des «points vigiles» est confirmée par l’expérimentation en physiologie animale: un chien conditionné à un son de trompette accompagnant l’apparition de la nourriture se réveille seulement à ce son et demeure insensible aux autres bruits, même plus intenses.
Mais il paraît difficile de transposer à l’homme les résultats d’expériences faites sur ces animaux; en effet, le langage, comme l’admet Pavlov lui-même, ne saurait être assimilé à un stimulus physique. D’autre part, l’assimilation de l’hypnose au sommeil n’a pu être confirmée par des tracés électro-encéphalographiques. Dans les années soixante-dix en U.R.S.S., le nombre de partisans de cette théorie a nettement diminué.
L’absence de signes physiques dans l’hypnose a fait abandonner la théorie somatique de Charcot au profit de celle de Bernheim, d’après laquelle tout est suggestion. Partant de ce point de vue, les psychologues expérimentaux, notamment C. L. Hull aux États-Unis vers 1930, se sont attachés à étudier la suggestibilité qui, pour l’essentiel, serait une forme d’«apprentissage»; l’hypnose allait perdre en quelque sorte sa spécificité. Mais, par la suite, ces chercheurs se sont trouvés obligés d’admettre que la suggestibilité ne doit pas être confondue avec l’hypnose qu’elle accompagne selon des doses variables. D’innombrables travaux sont en cours aux États-Unis pour trouver des signes spécifiques du comportement des sujets hypnotisés. En éliminant, suivant Orne, les «artefacts» qui seraient le produit des influences socio-culturelles d’une époque et des éléments communiqués consciemment ou inconsciemment par l’hypnotiseur, on devrait arriver à cerner l’«essence» même de l’hypnose.
L’aptitude d’un sujet à être hypnotisé est un problème qui préoccupe spécialement les psychologues expérimentaux. On distingue en gros trois stades dans la transe hypnotique: transe légère, moyenne et profonde. Il existe relativement peu de sujets (environ 1 p. 100 de la population) qui soient capables d’entrer en transe profonde, dite «somnambulique», dans laquelle l’hypnotisé peut garder les yeux ouverts, se mouvoir et se comporter apparemment comme dans son état habituel, mais répond docilement aux suggestions qui lui sont faites. Parmi ces derniers sujets, il en est qui sont capables de subir des interventions chirurgicales sans l’aide d’aucun agent chimique, d’autres chez qui l’on peut produire des brûlures au deuxième degré par suggestion (vésication). On n’a pas trouvé de corrélation entre la réceptivité à l’hypnose et la constitution physique et psychique des individus (caractère extraverti ou intraverti, race, sexe, statut social, niveau intellectuel). L’étude du comportement superficiel ne suffit pas pour élucider ce qui reste encore un mystère, et certains des psychologues expérimentaux, E. R. Hilgard en particulier, reconnaissent la nécessité de prendre en considération l’histoire du sujet et ses motivations inconscientes. Par là s’ouvre le dialogue avec les représentants de la psychologie des profondeurs.
La théorie psychanalytique de l’hypnose a subi une évolution depuis Freud. À l’origine, l’état hypnotique était interprété en fonction des désirs instinctuels du sujet. Tout était centré sur le transfert, c’est-à-dire sur le fait qu’un sujet peut reporter sur un autre, dans le présent, les sentiments qu’il a éprouvés à l’égard de ses parents dans sa petite enfance; en l’occurrence l’hypnotisé, par un phénomène de régression psychologique, transfère sur l’opérateur une attitude de soumission et d’obéissance absolues. Le concept de transfert a permis de comprendre le contexte relationnel de l’hypnose et son utilisation thérapeutique, mais non l’essence même du mécanisme hypnotique. Par la suite, à côté des forces pulsionnelles en jeu, on a pris en considération la dimension corporelle, sensori-motrice, c’est-à-dire la possibilité d’obtenir l’hypnose non seulement par une action «psychologique» mais par une action «physique» impersonnelle exercée sur le corps du sujet, donc sans transfert. On en est ainsi arrivé à une nette distinction entre le processus d’induction et l’état hypnotique lui-même qui sont dissemblables, tant du point de vue psychologique que du point de vue physiologique (Kubie et Margolin, 1944).
L’induction pouvant être opérée dans certains cas sans processus relationnel apparent, le rôle du transfert dans l’état hypnotique est controversé. Pour M. Gill et M. Brenman (1959), le transfert est un élément constitutif de l’hypnose, tandis que pour Kubie (1961) ce n’est qu’un épiphénomène qui peut apparaître ou non. D’après ce dernier auteur, la spécificité de l’hypnose ne se situe pas uniquement sur un plan purement phychologique, elle est d’essence psycho-physiologique. L’hypnotisé finit par se confondre avec l’hypnotiseur; ils paraissent «s’engloutir réciproquement». Quand son mécanisme sera connu, elle sera d’après lui «l’un de nos instruments essentiels pour l’étude du sommeil normal, de l’état de veille normal et de l’interaction continuelle entre processus normaux, névrotiques et psychotiques».
3. Technique et thérapeutique
Il existe plusieurs techniques d’induction qui varient avec l’opérateur et s’adaptent à la personnalité du sujet. Toutefois, certaines conditions sont généralement requises, en totalité ou en partie:
– diminution ou exclusion des stimulations extérieures, de manière à créer une ambiance favorable à la détente et au sommeil du sujet en position assise ou allongée;
– fixation de l’attention, soit par un objet, soit par un groupe d’idées; la fixation par le regard ou la fascination, bien connue du public des music-halls, relève du folklore et n’est pas utilisée par les chercheurs;
– stimulations auditives: l’opérateur répète les suggestions d’une voix monotone; le ton autoritaire employé autrefois a fait place à une approche plus souple adaptée aux différents cas;
– l’établissement d’un «rapport» c’est-à-dire d’une relation de confiance entre le médecin et le malade, surtout si l’hypnose doit être utilisée dans un but thérapeutique.
L’action thérapeutique de l’hypnose s’opère généralement par voie verbale, mais peut également s’exercer par voie non verbale. Le seul fait, pour le malade, de se trouver sous hypnose sans l’intervention parlée de l’opérateur lui est parfois bénéfique, dans certains cas privilégiés. On fait ainsi des séances d’hypnose prolongée agissant comme une «cure de sommeil». Le mode d’action de cette technique sera interprété par les tenants de l’explication physiologique (école pavlovienne) comme un effet physique bienfaisant produit par une «inhibition restauratrice» des fonctions cérébrales. Les défenseurs de la psychologie subjective parleront d’un état de régression psychologique particulière. Quelles que soient les théories, dans la pratique, l’action thérapeutique s’opère généralement par la communication verbale: cette communication se fait par des suggestions directes visant à la levée des symptômes mais peut comporter également, surtout chez les auteurs russes, un caractère persuasif et éducatif ayant pour but le reconditionnement du malade à des attitudes plus saines. Le patient reste passif. Un autre mode d’application de l’hypnose qui suppose une certaine participation de ce dernier, est la méthode cathartique (c’est elle qui a ouvert la voie à la psychanalyse). Grâce à elle, on fait revivre au patient des émois refoulés, liés à des traumatismes, cette reviviscence pouvant amener la disparition des symptômes. Signalons enfin l’hypno-analyse, qui combine les procédés hypnotiques et analytiques (association libre et interprétation). Cette technique n’est pas encore codifiée dans les détails, mais elle apparaît prometteuse avec les derniers développements de la théorie psychanalytique qui vont être indiqués.
4. Retour de l’hypnose
Dans les années soixante-dix, l’hypnose et la suggestion sont revenues à l’ordre du jour. Entre autres raisons, on peut invoquer la prolifération des techniques psychothérapiques (environ 250 aux États-Unis) et l’impossibilité, constatée par des recherches américaines, de prouver la supériorité de telle ou telle de ces approches.
Il est apparu qu’il existait dans les différentes techniques un facteur d’efficacité lié à une bonne relation entre le médecin et son patient. On pourrait dire, en d’autres termes, qu’il s’agit là d’un phénomène de suggestion. Sous ce nom, on a pendant longtemps vu uniquement la domination exercée par le médecin sur son malade au moyen d’injonctions verbales. Mais il existe aussi une forme de suggestion, plus importante, qui est, selon Freud, «un phénomène originaire qu’on ne peut réduire davantage, un fait fondamental de la vie psychique de l’homme». Cette suggestion indirecte, non délibérée, émane du patient: «Un facteur dépendant de la disposition psychique du malade influence, sans aucune intention de notre part, le résultat de tout processus thérapeutique introduit par le médecin.» «Cette attente croyante», comme dit encore Freud, n’est «ni dosable, ni contrôlable, ni intensifiable». Mais, grâce au transfert, elle pourra être maîtrisée, interprétée, résolue. Dans la perspective rationaliste de Freud, l’affectif devait ainsi être intégralement pris en compte dans la relation, et sous le strict contrôle du cognitif.
Mais on s’est aperçu, dans la suite, que la relation comportait un élément archaïque non accessible à la verbalisation. Depuis la dernière guerre mondiale, les travaux psychanalytiques ont mis de plus en plus l’accent sur la relation mère-nourrisson, saisie au stade pré-langagier. Ils ont fait ressortir qu’elle joue un rôle crucial dans la psychopathologie future de l’enfant et, corrélativement, dans le traitement. Pour celui-ci, l’interprétation, processus intellectuel, devient moins importante que cette forme de communication affective intense, fusionnelle, symbiotique, que l’on appelle l’empathie.
Cette nouvelle perspective change quelque peu le rapport des termes dans la dualité traditionnelle: traitement «symptomatique» et traitement «causal». Dans certains cas, la réparation affective en profondeur, plus restructurante, correspondrait au causal, tandis que la prise de conscience, élément cognitif, se rapprocherait de l’apprentissage et entrerait plutôt dans le symptomatique.
L’hypnose, nous l’avons vu, offre un modèle privilégié d’empathie. De sorte que, comme l’annonçait L. Chertok (1965), la «psychanalyse, qui est issue de l’hypnose et a permis de mieux la comprendre, peut se trouver éclairée par elle». Il y a là un étonnant renversement de situation si l’on considère que la constitution de la psychanalyse a amené la mise à l’écart de l’hypnose. Or c’est à propos d’un concept fondamental de la psychanalyse que l’hypnose a fait son retour. On tenait jusqu’ici pour indubitable que le transfert avait éliminé l’hypnose dans la relation médecin-malade. Mais François Roustang (1980) se demande si le véritable ressort du transfert n’est pas identique à celui de l’hypnose. Identité qui a été soupçonnée par Freud, tandis que ses continuateurs, y compris Jacques Lacan, ont rejeté toutes les questions sur ce sujet. De son côté, Octave Mannoni estime que, si Freud a fait entrer l’hypnose dans la psychothérapie, «il l’a noyée sous l’aspect obscur du transfert».
Ce regain d’intérêt pour l’hypnose ne se manifeste pas seulement chez des psychanalystes. On le constate aussi chez des philosophes, en particulier René Girard, Jacques Derrida et ses disciples. L’un d’eux, M. Borch-Jacobsen (1982), relève que, chez Freud, le transfert et la suggestion sont une seule et même chose. Dès lors, l’énigme qui entoure cette dernière contamine aussi le transfert et, par voie de conséquence, toute la psychanalyse. C’est le point de départ, chez le même auteur, pour une dé-construction de la philosophie du sujet. D’autre part, Serge Moscovici (1981) a remis au premier plan l’hypnose comme «modèle principal des actions et réactions sociales». Il a tiré de l’oubli les travaux de Gustave Le Bon, qui prenaient l’hypnose comme paradigme des influences relationnelles entre les masses et les meneurs. Il a montré comme Freud, dans son propre ouvrage sur la psychologie des foules (1921), s’est insipiré de Le Bon, en même temps qu’il proposait de nouvelles explications de l’hypnose faisant appel à des notions comme l’identification, la libido, le surmoi, la horde primitive, etc.
hypnose [ ipnoz ] n. f.
• v. 1870, de l'angl.; 1862 « maladie du sommeil »; du gr. hupnoein « endormir » ou de hypnotique
1 ♦ État voisin du sommeil, provoqué par des manœuvres de suggestion, des actions physiques ou mécaniques (⇒ hypnotisme), ou par des médicaments hypnotiques. ⇒ catalepsie, magnétisme, narcose, somnambulisme, transe. Agir sous hypnose.
2 ♦ Par anal. État d'engourdissement ou d'abolition de la volonté, rappelant l'hypnose. Un auditoire en état d'hypnose (cf. Sous le charme). « Il n'est pas toujours facile [pour un poète] de produire l'hypnose » (Claudel). ⇒ envoûtement.
● hypnose nom féminin (grec hypnoûn, s'endormir) État de conscience particulier, entre la veille et le sommeil, provoqué par la suggestion.
hypnose
n. f. état psychique proche du sommeil, provoqué artificiellement par suggestion ou par des moyens chimiques. (Dans ce dernier cas, on parle de narcose.)
⇒HYPNOSE, subst. fém.
État de passivité semblable à celui du sommeil, artificiellement provoqué, chez un sujet qui reste en partie conscient, par des manœuvres de suggestion ou par l'absorption de produits chimiques (dans ce dernier cas, on dit plutôt narcose). J'essayai peu de l'hypnose, des tables tournantes; je préférais les spéculations épuisantes : embuscades, écoles buissonnières, affûts spéciaux (COCTEAU, Poés. crit. II, 1960, p. 50) :
• ... à dose plus forte, il [un produit] crée l'état crépusculaire de la conscience qui permet la narco-analyse, c'est-à-dire l'exploration du subconscient dans un état d'hypnose; à forte dose, il procure le sommeil : c'est un hypnotique.
DELAY, Psychol. méd., 1953, p. 226.
— P. anal. État de passivité pendant lequel une personne subit le pouvoir de fascination, d'envoûtement qu'exerce sur elle un être ou une chose. Cette lampe m'a retenu, car je sais la sorte d'hypnose que ces objets brillants peuvent déterminer sur des yeux las (LA VARENDE, Cadoudal, 1952, p. 30). V. fascination ex. de HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.133.
Prononc. et Orth. : [ipno:z]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1873 méd. (Lar. 19e); 1895 p. anal. « état second sous l'empire d'une fascination, de l'étonnement, hébétude » (LORRAIN, Sens. et souv., p. 214). Formé sur le rad. de hypnotique; suff. -ose. Fréq. abs. littér. : 37.
hypnose [ipnoz] n. f.
ÉTYM. V. 1870 (1873, in P. Larousse), postérieur à hypnotisme, pris à l'angl.; « maladie du sommeil », 1862, Dangais, in Année sc. et industr. 1863, p. 360; hypnotique (dans ce sens) et hypnotiser sont antérieurs; du grec hupnoein « endormir » ou de hypnotique; on parlait auparavant de magnétisme, magnétisation.
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1 État voisin du sommeil, provoqué par des manœuvres de suggestion, des actions physiques ou mécaniques (⇒ Hypnotisme, magnétisme, suggestion) ou par des médicaments hypnotiques. ⇒ Catalepsie, léthargie, narcose, somnambulisme. || États d'hypnose. || Être, tomber en état d'hypnose, dans l'hypnose. ⇒ Transe (en). || Hypnose provoquée par des agents chimiques. ⇒ Narcose. || Docilité du sujet en état d'hypnose à l'égard de l'hypnotiseur. || Utilisation thérapeutique de l'hypnose.
1 (…) l'hypnose, la possession de l'âme d'un être par un autre qui le voue au crime !
Huysmans, Là-bas, XV, p. 206.
2 Sauf dans des cas tout particuliers, à la suite de suggestions spéciales, on ne trouve pas pendant l'hypnose la réduction des fonctions qui caractérise le sommeil : la respiration reste celle de la veille et ne baisse pas dans ces proportions énormes qui caractérisent le sommeil. Mais surtout l'activité mentale reste susceptible de tension élevée : dans la plupart des cas le sujet reste capable de se mouvoir et d'agir spontanément, en tous les cas il comprend la parole et il parle.
Pierre Janet, les Médications psychologiques, t. I, IV, p. 266.
3 Le bar était à peu près vide. Machinalement, comme en hypnose, elle se dirigea vers Fontranges, s'assit près de lui, et tout recommença.
Giraudoux, Bella, p. 233.
4 L'état d'hypnose existe chez certains animaux (poule). Chez l'homme, les procédés par lesquels il peut être provoqué sont : la prise du regard, la fixation d'un point brillant, la compression des globes oculaires associés à des mouvements respiratoires lents et profonds (…) Au cours de l'état d'hypnose, le sujet manifeste à l'égard de son hypnotiseur une très grande docilité, répond à ses questions et peut libérer son subconscient; il reçoit également toutes ses suggestions avec une certaine facilité, accomplit des actes au commandement, peut recevoir des ordres à retardement qui seront exécutés après son réveil (…) Mentionnons aussi les cas d'hypnose collective provoquée dans certaines sectes religieuses (…) par des pratiques rituelles : psalmodies, balancements et flexions rythmées du tronc, fumées d'aromates, musique monotone, etc.
A. Porot, Manuel de psychiatrie, art. Hypnose.
2 (1895, J. Lorrain, in T. L. F.). Cour. État d'engourdissement ou d'abolition de la volonté, qui rappelle l'hypnose. ⇒ Enchantement, ensorcellement, envoûtement. || L'auditoire était en état d'hypnose. → Sous le charme.
5 Il n'est pas toujours facile (pour un poète) de produire l'hypnose, mais il est très facile de procurer le sommeil.
Claudel, Positions et Propositions, p. 17.
6 À peine eut-elle prononcé ces mots qu'elle parut sortir de son hypnose, sa figure s'anima, ses yeux perdirent quelque chose de leur limpidité, mais elle ne recula pas d'un pouce.
H. Bosco, le Sanglier, VI, p. 190.
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COMP. Auto-hypnose.
Encyclopédie Universelle. 2012.