FARCE
On appelle farces les pièces de théâtre comiques composées du XIIIe jusqu’au XVIe siècle. On ne les nomme pas comédies parce que, selon les Arts poétiques du Moyen Âge, ce terme s’applique aux poèmes dont le début est triste et la fin plutôt joyeuse. On trouve le terme de farce qualifiant une pièce de théâtre à partir de 1398. Vers la fin du Moyen Âge, nombreuses sont les pièces intitulées farce ou moralité , sottie ou farce . Des acteurs installaient des tréteaux, souvent en plein air à l’occasion d’une fête, d’un marché, dans la rue, et même, plus tard, sur le Pont-Neuf à Paris. On commençait par un cry , pièce d’une centaine de vers qui rassemblait le public. Venait ensuite une moralité , une pièce satirique qui visait surtout une idée, par exemple la Gourmandise (La Condamnation du Banquet ). Il ne faut pas confondre la moralité , pièce satirique française, et le Morality Play , pièce morale anglaise qui fait partie du théâtre religieux médiéval. Après la moralité on jouait une sottie , pièce comique qui satirisait souvent les idées politiques et dont les personnages sont le Sot, la mère Sotte, etc., c’est-à-dire les sots qui portaient le costume traditionnel aux grelots, et tenaient à la main la marotte. Le point culminant, c’est la farce , pièce comique qui présente des situations et des personnages ridicules où règnent tromperie, équivoques, ruses, mystifications.
Organisation, acteurs et thèmes
On peut situer l’âge d’or de la farce entre 1400 et 1600. Dès le début du XVe siècle les clercs du parlement de Paris et d’autres grandes villes se sont organisés en confréries, dont l’une, la Basoche, fit monter des spectacles. Une sous-section de la Basoche, les Enfants sans Souci, faisait spécialité des pièces profanes et des farces en particulier. À ces représentations jouées par des acteurs quasi professionnels ajoutons celles des jongleurs, des comédiens de métier, qui parfois s’organisaient en troupes, et donnaient des monologues dramatiques, des farces à un seul personnage, tel Le Franc Archer de Bagnolet . La farce était populaire dans les grandes villes. Les étudiants en droit présentaient des procès grotesques, des «causes grasses» (cf. Les Arrêts d’Amour par Martial d’Auvergne), d’autres troupes, les Cornards de Rouen – ils portaient des cornes ou des bonnets pointus –, faisaient rire un public plus large. Les ressources théâtrales que demandaient les farces étaient modestes: peu d’acteurs, quatre ou cinq, une mise en scène réduite, des meubles et des costumes ordinaires. Cela s’explique parce que les thèmes des farces étaient tirés du quotidien: ces heurts entre mari et femme, vendeur et client, procureur et défendeur, serviteur et maître. Dans le conflit, chacun veut prendre le dessus, et souvent emploie la tromperie. Le thème du trompeur trompé se retrouve fréquemment.
Quelques exemples
Des scènes comiques s’inséraient dans le théâtre religieux – les diables dans Le Jeu d’Adam ou les scènes de taverne dans le Jeu de saint Nicholas –, mais les premières farces dramatiques et indépendantes sont Le Garçon et l’aveugle et Courtois d’Arras (apr. 1266). Cette pièce n’a que 265 vers, et la plupart des farces sont assez courtes. Mieux connues sont certaines du XVe siècle, par exemple le Cuvier , où l’on voit clairement que le rôle d’un auteur est aussi le rouleau de papier ou de parchemin qui contient les vers qu’il prononce. La plus célèbre est la Farce de maître Pierre Pathelin . Ce texte, qu’on a dit digne de Molière, est appelé parfois une vraie comédie. Plus longue que toutes les autres farces (elle a 1 599 vers), elle présente Pathelin, un avocat sans cause, qui persuade un drapier de lui vendre six aunes de drap qu’il paiera au jour du Jugement. Quand le drapier se rend à la maison de Pathelin pour demander son argent, ce dernier feint le délire et lui parle en «divers langages». Le drapier part, mystifié, puis arrive Thibault Aignelet, un berger. Son maître, qui n’est autre que le drapier, l’accuse d’avoir volé ses brebis. Pathelin défend le berger devant le juge et lui conseille de répondre à toute question en poussant le cri «bée». Le drapier reconnaît Pathelin, et confond ses deux plaintes, les brebis volées et les moutons tués. Le juge, malgré sa patience, ne parvient pas à comprendre, et déclare que le berger n’est pas coupable. Quand enfin Pathelin demande ses honoraires, le berger le paie, à son mot, en ne lâchant que «bée».
On voit dans Pathelin l’étude approfondie des personnages, le conflit des caractères, les jeux de théâtre, le comique des mots et même des vers qui sont passés dans la langue proverbiale: par exemple «Revenons à ces moutons» (v. 1292). Le mérite littéraire de cette farce est incontestable et peu importe que nous n’en connaissions pas l’auteur. On a suggéré les noms de Villon, d’Antoine de la Salle et, plus sérieusement, de Guillaume Alexis. La vérité est qu’on ne sait pas qui a composé ce chef-d’œuvre, écrit, selon toute probabilité, vers 1463.
L’importance de la farce française
L’influence de la farce française sur la littérature européenne a souvent été sous-estimée. Aux Pays-Bas, les acteurs ont joué des farces dans les mêmes conditions qu’en France, comme en témoignent les tableaux des peintres flamands tel Pieter Balten (surtout sa Kermesse des paysans ). Selon Gustave Cohen, les guerres d’Italie ont offert l’occasion d’influencer la commedia dell’arte. Cervantès à son tour écrivit des farces. Mais l’héritier le plus fortuné de la farce fut Molière. On l’a dit, mais on n’a pas souligné assez la dette de cet auteur génial à ces farceurs anonymes français dont les thèmes s’ajoutent aux sources classiques et italiennes de Molière. Ainsi tout ce que Le Médecin malgré lui doit au fabliau Le Vilain Mire . Les jeux de scène, changements de costume, déguisements, tromperies, mystifications, et même la langue savoureuse et comique si caractéristique de Molière, se voient également dans les farces de la fin du Moyen Âge.
Ce genre théâtral amusait un public des plus étendus: bourgeois, étudiants, paysans, nobles. Les premiers imprimeurs profitaient de la popularité du genre, imprimaient les textes, qu’ils vendaient aux spectateurs. La plupart des farces sont connues dans des exemplaires aux pages longues mais très étroites – format dit agenda . On les réimprimait encore au milieu du XVIIe siècle.
1. farce [ fars ] n. f.
• XIIe; lat. pop. °farsa, de °farsus, p. p. de farcire → farcir
♦ Hachis d'aliments (certains légumes, viande, volaille, etc.) garnissant l'intérieur de quelques préparations culinaires. Farce fine, à base de veau et de fines herbes. Farce de chair à saucisse. Garnir de farce des poivrons, des tomates. ⇒ farcir.
farce 2. farce [ fars ] n. f.
• XVe; de 1. farce, fig. « petit intermède comique introduit dans une pièce sérieuse »
1 ♦ Petite pièce comique populaire très simple où dominent les jeux de scène. La Farce de maître Pathelin. « Le Médecin malgré lui » de Molière est une farce. Être le dindon de la farce.
♢ Genre littéraire de cette pièce; comique grossier. « Il l'a fait jouer dans un ton de farce, même un ton de guignol » (Léautaud).
♢ (XVIe; par anal.) Action réelle qui se déroule comme une farce, qui a qqch. de bouffon. ⇒ comédie. Cela tourne à la farce.
2 ♦ Par ext. (1870; « bouffonnerie » 1573) Acte destiné à se moquer, à faire rire aux dépens de qqn. Faire une farce. ⇒ canular, facétie, malice, mystification, 1. niche, plaisanterie, 3. tour, tromperie. Élèves qui font des farces à leur professeur. Une bonne farce, drôle. Une mauvaise farce, qui nuit ou déplaît à celui à qui on la fait.
♢ Objet vendu dans le commerce, servant à faire une farce. Magasin de farces et attrapes. Ce malaise « que donnent par exemple les farces-attrapes, quand la cuiller fond brusquement dans la tasse à thé, quand le sucre remonte à la surface et flotte » (Sartre).
3 ♦ Adj. (1784; à la mode jusqu'à la fin du XIXe s.) Fam. et vieilli ⇒ amusant, burlesque, cocasse, comique, drôle. « J'irai voir Mme Foucaud, ce sera singulièrement amer et farce, surtout si je la trouve enlaidie » (Flaubert).
● farce nom féminin (ancien français fars, farci, du bas latin farsus, de farcire, remplir) Hachis d'éléments divers dont on garnit l'intérieur d'une volaille, d'un poisson, d'un légume, ou dont on se sert pour confectionner des ballottines, des pâtés en croûte et des terrines. ● farce nom féminin (de farce, avec le sens de intermède comique dans un spectacle) Genre dramatique qui prit forme au XVe s., dans la tradition des récits et des dialogues comiques. Situation réelle qui a quelque chose de bouffon, qui se déroule comme une farce : La vie est une sinistre farce. Action destinée à faire rire aux dépens de quelqu'un ; mystification ; niche : Faire une farce à un camarade. ● farce adjectif Familier et vieux. Drôle, plaisant, cocasse : C'est assez farce ce qui nous arrive. ● farce (citations) nom féminin (de farce, avec le sens de intermède comique dans un spectacle) Henri Pourrat Ambert 1887-Ambert 1959 La vie sans farces est comme un voyage sans auberges. Gaspard des montagnes Albin Michel Suétone, en latin Caius Suetonius Tranquillus vers 69-vers 126 [Auguste] fit venir ses amis et leur demanda s'il leur paraissait avoir bien joué jusqu'au bout la farce de la vie. … et admissos amicos percontatus, ecquid iis videretur mimum vitae commode transegisse… Vies des douze Césars, Auguste, XCIX ● farce (difficultés) nom féminin (de farce, avec le sens de intermède comique dans un spectacle) Emploi L'emploi adjectif au sens de « drôle » est vieilli : « Tiens ! c'est toi la vieille ! [...] Ah ! elle est farce, par exemple !... Hein ? pas vrai, elle est farce ! »(E. Zola). ● farce (expressions) nom féminin (de farce, avec le sens de intermède comique dans un spectacle) Farces et attrapes, objets ou produits fabriqués spécialement pour faire des farces. Une mauvaise farce, une action, une situation qui tourne au désavantage de celui qui la subit. Tourner à la farce, perdre tout caractère sérieux. ● farce (synonymes) nom féminin (de farce, avec le sens de intermède comique dans un spectacle) Action destinée à faire rire aux dépens de quelqu'un ; mystification ;...
Synonymes :
- attrape
- blague (familier)
- canular (familier)
- niche (familier)
- tour (familier)
● farce (difficultés)
adjectif
Emploi
L'emploi adjectif au sens de « drôle » est vieilli : « Tiens ! c'est toi la vieille ! [...] Ah ! elle est farce, par exemple !... Hein ? pas vrai, elle est farce ! »(E. Zola).
farce
n. f.
d1./d LITTER Pièce de théâtre bouffonne. "La Farce de Maître Pathelin."
d2./d Comique bas et grossier. Cet auteur tombe souvent dans la farce.
d3./d Tromperie amusante faite par plaisanterie. Faire une farce à qqn. Syn. tour, (Fam.) niche.
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farce
n. f. Hachis de viandes, d'épices, etc., servant à farcir.
I.
⇒FARCE1, subst. fém.
ART CULIN. Mélange de viandes diverses et/ou d'autres ingrédients (tels que herbes, champignons, marrons hachés) épicé et généralement lié par une sauce, des œufs, de la panade, dont on garnit une viande, une volaille, un pâté, un poisson, un légume avant de le faire cuire. Farce au gras, au maigre; lit de farce. Ce fond de pâté enduit de farce (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 157). Des farces de chair à saucisse (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 113) :
• Vous prenez la chair et vous en faites une farce en la hachant avec de la moelle de bœuf cuite à la vapeur, un peu de lard râpé, poivre, sel, fines herbes, et la quantité de bonnes truffes suffisante pour remplir la capacité intérieure du faisan.
BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 347.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Début XIVe s. (Bataille de Karesme et de Charnage, éd. G. Lozinski, Bibl. Éc. des Htes Études, fasc. 262, p. 19, var. ms. E, vers 448-453). Du b. lat. farsus, part. passé de farcire (farcir; cf. TLL s.v., 279, 81), pour farsitus, d'où est issu l'a. fr. fars « farci » (dep. ca 1200, Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke et P. Rasch, 4621) et dont farce représente le fém. substantivé (FEW t. 13, p. 415a).
II.
⇒FARCE2, subst. fém.
A.— LITT. (THÉÂTRE)
1. HIST. LITTÉR. [Moy. Âge] Petit intermède comique joué sur le parvis des églises au cours de la représentation d'un mystère. Le peuple pieux du Moyen Âge, sur le parvis même de l'église, jouait les farces et les soties (PROUST, Prisonn., 1922, p. 127) :
• 1. ... les jours de spectacle, on avançait dans les églises l'heure des vêpres pour permettre aux fidèles, et sans doute aussi au clergé, de se rendre à temps au théâtre. (...). Les confrères, pour accroître encore la vogue dont ils jouissaient, ne tardèrent pas à joindre aux tragédies d'église quelques farces plus capables d'égayer l'assemblée.
SAINTE-BEUVE, Tabl. poésie fr., 1828, p. 176.
2. Pièce de théâtre d'inspiration bouffonne mettant en scène des personnages souvent grotesques et présentant généralement un comique de mots, de gestes ou de situation(s). Jouer une farce; farce italienne. Un théâtre où l'on jouait des parodies, des farces classiques et des comédies de Gozzi (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 198) :
• 2. Le Bourgeois Gentilhomme est une des seules grosses farces de Molière qui se hausse jusqu'au type, où la victime, à distance, échappe au rire cruel de la cour et nous montre un brave homme, soucieux de quitter l'ombre dédaignée par le soleil de Versailles.
COCTEAU, Foyer artistes, 1947, p. 181.
— En partic., MUS. Opéra bouffe en un acte qui connut une certaine vogue en Italie (cf. ROUGNON 1935).
— P. méton. [Avec l'art. déf.] Genre théâtral dont relève une pièce de ce type. Je veux ne rien omettre de la résurrection annuelle de Paris par le drame, la comédie, la farce et la féerie (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 752).
3. Loc. fig.
a) Tirez le rideau, la farce est jouée. C'est une affaire réglée, il est inutile de s'y attarder. Nous allons fermer l'appartement, la farce est jouée, et vous remettrez la clef à M. le maire (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 268).
b) Être le dindon de la farce (fam.). Cf. dindon I B 1 a. Tu n'entends pas être le dindon de la farce, peut-être? Reste donc chez toi, grande bête (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 759).
c) En voir la farce (pop. et rare). Être satisfait, comblé par un vœu, par un désir qui se réalise. — Vous ne savez pas ce que c'est que le grand jeu? dit solennellement Mme Fontaine. — Non, je ne suis pas n'assez riche pour n'en avoir jamais vu la farce (BALZAC, Cous. Pons, 1847, p. 126).
Rem. Encore ds ROB. Suppl. 1970 avec un ex. de M. Pagnol.
B.— P. ext., lang. cour.
1. Plaisanterie bouffonne, voire grossière, que l'on dit ou fait pour divertir les autres mais, plus souvent, pour s'amuser à leurs dépens.
a) [L'accent est spéc. mis sur les paroles] Dire, conter, débiter des farces. Synon. blagues. Maître Nicole (...) était un excellent homme, qui débitait d'assez bonnes farces au dessert (FLAUB., 1er Éduc. sent., 1845, p. 176).
b) [L'accent est spéc. mis sur un acte] Bonne (souvent par antiphrase), mauvaise farce; faire, jouer une (des) farce(s); une farce d'écolier, d'étudiant. Synon. bon (mauvais) tour, niche (fam.), canular (fam.). Gustave évoquait des farces d'écolier, des tours joués au père Gros (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 117). Le cancre végétatif (...) machinateur de chahuts et de farces (ARNOUX, Solde, 1958, p. 64) :
• 3. On ne fait plus chez nous la vraie farce, la bonne farce, la farce joyeuse, saine et simple de nos pères. Et, pourtant, quoi de plus amusant et de plus drôle que la farce? Quoi de plus amusant que de mystifier des âmes crédules, que de bafouer des niais, de duper les plus malins, de faire tomber les plus retors en des pièges inoffensifs et comiques?
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Farce, 1883, p. 1278.
— En partic.
♦ Goût, disposition naturelle à plaisanter, à jouer des tours. Le goût du merveilleux n'a d'égal que le goût de la farce (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 143). [Avec ell. de l'art.] Un certain esprit de farce et de taquinerie (CLAUDEL, Pain dur, 1918, I, 1, p. 419).
♦ Souvent au plur. Petit objet truqué que l'on offre à quelqu'un pour le duper et s'amuser de sa méprise. Boutiques de farces et attrapes. Synon. attrape (cf. ce mot ex. 3). Boîte contenant 15 farces amusantes (Catal. jouets [Louvre], 1936) :
• 4. Lorsqu'on avait eu un enfant ensemble, inutile, n'est-ce pas? d'y mettre des façons, pour se fourrer sous la couverture. C'était comme les farces, le poil à gratter, le lit déboulonné, les joujoux qui aboient quand on les presse, tout ça, avec eux, n'aurait guère été que de la moutarde après dîner.
ZOLA, Terre, 1887, p. 194.
c) Loc. (vieilli). Faire ses farces. S'amuser, mener une vie libre et dissolue. — Ah! Ah! petit... tu fais déjà tes farces, libertin! (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 332) :
• 5. — Oui, la maman s'est saignée, dit Vautrin. Vous pourrez maintenant faire vos farces, aller dans le monde, y pêcher des dots, et danser avec des comtesses qui ont des fleurs de pêcher sur la tête.
BALZAC, Goriot, 1835, p. 113.
— P. euphém. Faire des infidélités à son conjoint. — Cela veut dire que votre femme fait ses farces tout comme les autres (KOCK, Cocu, 1831, p. 214).
2. Emploi adj., fam. vieilli
a) Emploi apposé. Qui a le goût de la farce; qui exprime ou contient de la drôlerie, du comique. Synon. drôle, cocasse, farceur. Ouvrage profondément farce (FLAUB., Corresp., 1853, p. 259). Mère Plutarque! (...) autre nom farce (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 115). Auteur farce et rigolo de syntaxe et de dictionnaire (L. DAUDET, Temps Judas, 1920, p. 150).
Rem. Peut parfois rester inv. après un nom au plur., lorsque le subst. empl. adj. est encore senti comme expr. ell. Confusément disait l'Elster, l'Estramadoure, (...) Devant quatre ou cinq gars attentifs et narquois S'exclamant et riant très fort aux endroits farce (VERLAINE, Œuvres compl., t. 1, Jadis, 1884, p. 339).
b) Emploi attribut. Letondu apparaissait prodigieusement farce et cocasse (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 3e tabl., II, p. 106) :
• 6. C'était un grand gaillard, à cou énorme. Il riait, il jouissait des morceaux de peau que les deux femmes montraient. La petite blonde était grasse comme une caille. Ça serait farce, si sa chemise se fendait.
ZOLA, Assommoir, 1877, p. 399.
♦ C'est rien farce. Je t'avoue que si je ne t'avais pas connu je serais peut-être encore en train de traîner sur les routes, « marcher la route » comme ils disent, nos gens, non, c'est rien farce, tu me vois, caporal, marchant derrière une roulotte, avec les femmes, les mômes, les chevaux maquignonnés (CENDRARS, Homme foudr., 1945, p. 367).
Rem. 1. On rencontre ds la docum. un emploi adj. substantivé. — Hein! les sacrés pochards! ils sont d'un farce! (ID., ibid., p. 506). 2. RHEIMS 1969 atteste avec un ex. de Renée Massip l'adj. farcesque. Qui tient de la farce : Le rire prohibé que suscitait l'esprit farcesque (La Main paternelle, Paris, Gallimard, 1961, p. 84). Flaubert (Corresp., 1878, p. 112) reprend à son compte la célèbre phrase de Montaigne : Nos vacations sont farcesques.
Prononc. et Orth. Cf. farce1. Étymol. et Hist. 1. [XIIIe s. lat. médiév. farsa « paraphrase, commentaire ou représentation en langue vulgaire illustrant les écritures au cours des cérémonies religieuses » (Reg. visitat. Ordon. archiep. Rotomag. ab. ann. 1248 ad 1269 ex Cod. reg. 1245 fol. 216 v° ds DU CANGE, s.v.)]; ca 1370 « conte plaisant, petite histoire illustrant un propos » (J. LEFÈVRE, Lamentations Matheolus, éd. Van Hamel, II, 574); 1448 « petite pièce de théâtre comique » (Archives du Nord, B 19445, fol. 80 ds IGLF); 2. 1330 « mauvais tour, plaisanterie » (St Alexis, ms. B. N. fr. 244, éd. Ch. E. Stebbins, vers 634); 3. 1801 adj. (A. PRÉVOST, Cadet Roussel d'apr. Dagneaud ds QUEM. DDL t. 3). Emploi partic. de farce1 pour désigner les intermèdes introduits dans la liturgie comme de la farce dans un mets, dans une viande, et qui, émancipés de la liturgie, seront à l'origine du théâtre médiéval; puis le terme aurait désigné un intermède comique dans un spectacle, notamment au cours des mystères (DAUZAT 1973; BL.-W.5; FEW t. 3, p. 415b; cf. aussi farcir étymol. 2). Pour le sens 2, cf. aussi l'a. fr. farser « plaisanter, se moquer (de) » attesté dès le XIIIe s. (Chevalier aux deux épées, 11190 ds T.-L.).
STAT. — Farce1 et 2. Fréq. abs. littér. :995. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 777, b) 2 302; XXe s. : a) 2 339, b) 927.
BBG. — CANNINGS (B.). Towards a definition of farce as a literary « genre ». Mod. Lang. R. 1961, t. 56, pp. 558-560. — QUEM. DDL t. 3, 5.
1. farce [faʀs] n. f.
ÉTYM. XIIe; du lat. pop. farsa, de farsus, p. p. de farcire. → Farcir.
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♦ Hachis garnissant l'intérieur de certaines préparations culinaires (certains légumes, viandes, volailles, etc.). || Farce au gras, comprenant des matières animales, de la viande. || Farce au maigre, faite de végétaux (herbes, champignons, etc.). || Farce de viande, de chair à saucisse. || Garnir de farce des poivrons, des tomates. ⇒ Farcir.
0 L'oiseau (le faisan) ainsi préparé, il s'agit de l'étoffer (…) Ayez deux bécasses, désossez-les et videz-les de manière à en faire deux lots : le premier de la chair, le second des entrailles et des foies. Vous prenez la chair, et vous en faites une farce en la hachant avec de la moelle de bœuf cuite à la vapeur, un peu de lard râpé, poivre, sel, fines herbes, et la quantité de bonnes truffes suffisante pour remplir la capacité intérieure du faisan.
A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, t. II, p. 195.
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DÉR. 2. Farce.
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2. farce [faʀs] n. f. et adj.
ÉTYM. 1476; de 1. farce, fig. « petit intermède comique introduit dans une pièce sérieuse ».
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I N. f.
1 Petite pièce comique populaire à intrigue simple et de ton familier ou burlesque, où dominent les jeux de scène. || Farces de l'antiquité. ⇒ Atellanes. || La Farce du Cuvier; la Farce de maître Pathelin, farces célèbres du Moyen Âge. || Les premières comédies de Molière sont des farces. — Le genre littéraire comique que représentent ces pièces. || Le burlesque, le grotesque, les calembours, les équivoques, le gros comique propres à la farce. || Donner dans la farce. || Aimer la grosse farce (→ Assemblée, cit. 6). — ☑ Loc. Jouer une pièce en farce, dans le style de la farce.
1 De grâce, n'allez pas divulguer un tel conte :
On en ferait jouer quelque farce à ma honte.
Molière, l'Étourdi, II, 4.
2 Le récit en farce en fut fait,
On l'appela le Pot au lait.
La Fontaine, Fables, VII, 10.
3 Il semble que la farce délie Molière. Ses cris les plus hardis, c'est là qu'il les jette; ses conseils les plus profonds, c'est là peut-être qu'il les donne.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, Promontorium somnii, I.
4 M. Jacques Copeau a monté la Jalousie du Barbouillé de la façon la plus amusante, la plus colorée. Il l'a fait jouer dans un ton de farce, même un ton de guignol dont je n'oserais pas assurer qu'il est dans la tradition, mais qui a eu un vrai succès.
Paul Léautaud, le Théâtre de M. Boissard, p. 239.
♦ ☑ Loc. Le dindon de la farce.
♦ Spécialt. || Farce italienne : petit opéra bouffe en un acte.
2 (XVIe). Action qui se déroule comme une farce, a quelque chose de bouffon. ⇒ Comédie. || L'affaire commence à tourner à la farce.
5 La vie est la farce à mener par tous.
Rimbaud, Une saison en enfer, « Mauvais sang ».
6 Il touchait du doigt les masques; il perçait à jour, enfin, la sinistre farce qu'on lui jouait depuis des mois.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 141.
♦ ☑ Loc. métaphorique. Tirez le rideau, la farce est jouée : c'est fini, tout est fini (cf. Acta est fabula, mots attribués à l'empereur Auguste sur le point de mourir; cf. aussi la loc. ital. È finita la commedia).
3 (1330; repris au XIXe). Par ext. Chose bouffonne qu'on dit. ⇒ Blague, canular, galéjade. || Sa conversation n'est faite que de farces et de bonnes histoires. || Quelle farce nous contez-vous là ?
♦ Acte destiné à se moquer, à faire rire aux dépens de qqn. || Faire des farces. ⇒ Canular, facétie, malice, mystification, niche, pantalonnade, plaisanterie, tromperie, tour. || Farces de clown. || Il aime à faire des farces. ⇒ Farceur. || Une bonne farce, drôle, qui réussit. || Une mauvaise farce, qui nuit ou déplaît à la personne à qui on la fait.
7 Je n'ai jamais connu personne qui eût plus d'entrain et qui fût plus porté à la facétie que ce brave roi. Il ne vivait que pour les farces (…) C'est pourquoi ses sept ministres étaient tous gens distingués par leurs talents de farceurs.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « Hop-Frog ».
8 Dans un monde où toute illumination de la foi est éteinte, le mal et la douleur perdent jusqu'à leur signification et n'apparaissent plus que comme des plaisanteries odieuses et des farces sinistres.
France, le Jardin d'Épicure, p. 52.
9 (…) adroit à imiter ses camarades, et qui les amusait par son verbiage et par ses farces.
Paul Léautaud, le Théâtre de M. Boissard, p. 165.
♦ La farce : goût pour les farces. || Aimer la farce. || Esprit de farce. ⇒ Farceur.
♦ Objet vendu dans le commerce et servant à faire une farce. || Farces et attrapes [faʀseatʀap], farces-attrapes [faʀsatʀap]. ⇒ Attrape (2.).
10 (…) ce malaise, ce porte-à-faux que donnent par exemple les farces-attrapes, quand la cuiller fond brusquement dans la tasse à thé, quand le sucre (…) remonte à la surface et flotte.
Sartre, Situations II, p. 216.
♦ ☑ Vx. Faire ses farces : s'amuser, se conduire légèrement (spécialt, tromper son conjoint).
11 Ennuyés au logis, ces jeunes gens ne trouvèrent aucun élément de distraction en ville; et comme, suivant un mot du pays, il faut que jeunesse jette sa gourme, ils firent leurs farces aux dépens de la ville même.
Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 942.
♦ ☑ Loc. fam. En voir la farce : obtenir aisément ce qu'on veut, arriver au bout de qqch.
11.1 Il portait à bout de bras un cadre fait de quatre vieilles solives si mal jointes qu'au moindre effort, ce carré devenait losange. Sur l'un de ces bois, on avait fixé, avec des clous de tapissier, un rectangle de toile de jute, aux bords effilochés, qui pendait comme le drapeau de la misère. À la vérité, dit-il, il manque un second cadre tout pareil pour former un X avec celui-ci. Avec quatre bouts de bois, vous en verrez la farce, et le petit dormira comme un pacha !
M. Pagnol, la Gloire de mon père, t. I, p. 91.
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II Adj. (1801; à la mode jusque vers la fin du XIXe). Vieilli et fam. Qui provoque l'hilarité. ⇒ Amusant, burlesque, comique, drôle. || Des gestes, des paroles farces. || Cela est farce (→ Casse, cit. 3; cocasse, cit. 2). || C'est rien farce !
12 À Marseille j'irai voir Mme Foucaud, ce sera singulièrement amer et farce, surtout si je la trouve enlaidie comme je m'y attends.
Flaubert, Correspondance, À Le Poittevin, 2 avr. 1845, t. I, p. 163.
13 Vieux turlupin, je n'aime pas cela;
Tais ces chants et cesse ces danses.
Il me répond avec la voix qu'il a :
C'est moins farce que tu ne penses (…)
Verlaine, Jadis et Naguère, « Un pouacre ».
14 Eh tu l'entends le minus les pinces à vélo de sa grand-mère il est farce hein on croirait pas à le voir.
Tony Duvert, Paysage de fantaisie, p. 35.
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DÉR. Farcer. — V. Farceur.
Encyclopédie Universelle. 2012.