rejeter [ r(ə)ʒəte; rəʒ(ə)te ] v. tr. <conjug. : 4>
• v. 1200; lat. rejectare → jeter
I ♦ Jeter en sens inverse (ce qu'on a reçu, ce qu'on a pris).
1 ♦ (En lançant). ⇒ relancer, renvoyer. Rejeter un poisson à l'eau.
♢ (1538) Fig. Faire retomber sur un autre. Rejeter un tort, une faute, une responsabilité sur qqn. ⇒ accuser (cf. Mettre sur le dos). — « L'individu toisant la société et rejetant sur elle sa bassesse » (Morand).
2 ♦ (En poussant loin de soi ou hors de soi). ⇒ éjecter. Épave rejetée par la mer. « Matières rejetées par l'explosion des volcans » (Buffon).
♢ Spécialt Cracher, évacuer, expulser. Rejeter un caillot de sang. Son estomac rejette toute nourriture. ⇒ rendre, vomir.
II ♦ Jeter, porter ou mettre ailleurs.
1 ♦ (En ôtant d'un lieu). Terre rejetée sur les bords d'une excavation. — Gramm. Renvoyer (un mot) en fin de phrase.
2 ♦ (En changeant la position). « Elle se campa [...] de profil, rejeta la tête en arrière » (A. Gide). — Pronom. Se rejeter en arrière. — « Le buste rejeté » (F. Mauriac).
3 ♦ Ne plus vouloir de. ⇒ abandonner, jeter. « Cribler le froment et rejeter l'ivraie » (Voltaire). « Ceux qui ont à jamais choisi une part de leur destin, et rejeté l'autre » (Colette). ⇒ refuser.
III ♦ (1530) Ne pas admettre.
1 ♦ Refuser, écarter (qqch.). Rejeter une offre, une proposition. ⇒ décliner. « L'Asie rejette aujourd'hui la domination de l'Europe » (Malraux). Pourvoi rejeté par la Cour suprême. L'Assemblée a rejeté ce projet de loi. ⇒ 1. repousser. Rejeter une accusation. ⇒ nier.
♢ Rejeter qqch. de... : ne pas admettre dans. ⇒ bannir, chasser, 1. écarter , éliminer, exclure. « Rejetant sans pitié de l'art tout ce qui [...] ne se rapportait pas à un certain type du beau » (Hugo).
2 ♦ Écarter (qqn) en repoussant. ⇒ proscrire, reléguer, répudier. « Rejeté par une société tout entière » (Maurois). « La vie rejette ceux qui ne s'adaptent pas » (F. Mauriac).
3 ♦ (D'un organisme) Ne pas assimiler (un greffon). « Le receveur des greffons accepte la peau qui provient de son propre corps et rejette celle qui n'en provient pas » (J. Hamburger) .
⊗ CONTR. Garder, conserver; prendre. Admettre, adopter, agréer, approuver.
● rejeter verbe transitif (latin rejectare) Renvoyer quelque chose, un animal quelque part, le relancer vers son point de départ, à l'endroit d'où il vient : Rejeter à la mer les poissons trop petits. Envoyer quelque chose à une certaine distance : La lave que rejettent les volcans. Ne pas ou ne plus admettre quelqu'un, ne pas en vouloir, l'éliminer de son groupe : La société rejette ces individus. Faire sortir quelque chose, l'expulser de son corps : Malade qui rejette les aliments qu'il absorbe. Renvoyer ailleurs ce qu'on enlève d'un endroit, ce qui est inutile : Rejeter des déblais sur le bord d'une tranchée. Déplacer quelque chose vers quelque chose qui suit : Rejeter un adverbe en fin de phrase. Repousser quelqu'un avec force hors d'un lieu ou en un lieu : Rejeter les envahisseurs hors des frontières. Porter brusquement une partie du corps dans une direction : Rejeter ses cheveux en arrière. Repousser, écarter ce qu'on ne veut pas admettre ou approuver : Rejeter une offre, une idée. Faire retomber quelque chose sur quelqu'un, lui en attribuer la responsabilité : Rejeter les torts sur son adversaire. ● rejeter (synonymes) verbe transitif (latin rejectare) Renvoyer quelque chose, un animal quelque part, le relancer vers son point...
Synonymes :
- relancer
- renvoyer
Envoyer quelque chose à une certaine distance
Synonymes :
- éjecter
- évacuer
Ne pas ou ne plus admettre quelqu'un, ne pas en...
Synonymes :
- éjecter
- évacuer
- expulser
- refouler
Contraires :
- accepter
- admettre
- adopter
Faire sortir quelque chose, l'expulser de son corps
Synonymes :
- rendre
Contraires :
- absorber
- digérer
- garder
Repousser quelqu'un avec force hors d'un lieu ou en un...
Synonymes :
- chasser
- expulser
- refouler
Repousser, écarter ce qu'on ne veut pas admettre ou approuver
Synonymes :
- décliner
- dédaigner
- nier
- récuser
- répudier
Contraires :
- accepter
- admettre
- adopter
- agréer
- recevoir
Faire retomber quelque chose sur quelqu'un, lui en attribuer la responsabilité
Synonymes :
- reporter
Contraires :
- assumer
- endosser
● rejeter
verbe intransitif
Donner des rejets.
rejeter
v. tr.
rI./r
d1./d Jeter en retour; jeter dans le sens opposé. Rejeter une balle.
d2./d Jeter (qqch) là où on l'a pris, à l'endroit d'où on l'a tiré. Rejeter un poisson à la mer.
d3./d Fig. Faire supporter par qqn d'autre (la responsabilité d'une faute, les torts, etc.). Il rejette la faute sur son associé.
d4./d Restituer en jetant hors de soi. La mer a rejeté les débris du naufrage.
|| (Personnes) Vomir. Il a rejeté tout son repas.
rII./r
d1./d Mettre dans un autre endroit; repousser. Rejeter un paragraphe à la fin d'un chapitre.
|| v. Pron. Se rejeter en arrière: reculer brusquement.
d2./d Refuser; ne pas agréer; ne pas admettre. Rejeter des offres, une candidature, un dogme.
|| éliminer. Rejeter des pièces défectueuses.
d3./d écarter, chasser, exclure (qqn). On l'avait rejeté de partout.
⇒REJETER, verbe
I. — Empl. trans.
A. — Jeter de nouveau. Synon. relancer, renvoyer. Vous n'avez pu prendre la balle quand je vous l'ai jetée; renvoyez-la moi, je vous la rejetterai (Ac.).
B. — 1. Repousser, renvoyer en lançant à quelque distance ou à son lieu d'origine. Rejeter un poisson dans l'eau. Il a feuilleté la Revue des deux mondes, puis a rejeté le numéro sur la table, en disant: « Rien d'intéressant » (GIDE, Journal, 1906, p. 213). [Les lamproies] s'enroulent autour des jambes nues. Leur bouche froide s'y applique et aspire (...). L'homme qui est libre les arrache et les rejette au fond du bac (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 154).
— Au fig. Rejeter qqc. sur qqn. Faire retomber sur. C'est par un sentiment juste que chacun rejette la faute sur le voisin (ALAIN, Propos, 1921, p. 236). Je ne contribuerai pas à ces divisions, en rejetant la responsabilité du désastre sur ceux des miens qui pensent autrement que moi (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 367).
♦ Empl. pronom. réciproque. Se rejeter la balle. V. balle1.
— HIST. DE LA FISC. ,,Rejeter une imposition, une taxe sur une ville, sur les habitants.`` (Ac. 1835, 1878 ,,Faire une réimposition pour achever le payement d'une taxe qui n'a pu être payée entièrement par ceux sur qui elle avait été imposée`` (Ac. 1835, 1878).
2. Faire sortir par la bouche. Synon. expulser. Rejeter un caillot de sang. Il aperçoit le noyé (...). Il soulève le jeune homme sans dégoût, et lui fait rejeter l'eau avec abondance (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 212). Sam Latour, fumait un cigare, rejetant la fumée en cercles (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 178). En partic. Vomir (un aliment). Un mouvement nerveux m'a fait rejeter mon déjeuner (BALZAC, Lettres Étr., t. 2, 1842, p. 1).
— P. anal. Le volcan, n'a cessé de rejeter des laves basaltiques (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p. 392). Dans l'obscurité brillaient çà et là des débris de pourriture rejetés par l'océan, des poissons morts (...) la carcasse d'un requin (GREEN, Journal, 1937, p. 98).
C. — 1. Repousser avec plus ou moins de force.
a) [L'obj. désigne un inanimé concr.] Un bruit de volets rejetés contre le mur nous fit tourner la tête (G. LEROUX, Myst. ch. jaune, 1907, p. 98). Philippe rejette l'édredon et les couvertures (RENARD, Journal, 1908, p. 1193).
— En partic. [L'obj. désigne un vêtement, une pièce d'habillement, la chevelure] Envoyer vers l'arrière d'un mouvement brusque. Rejeter son écharpe. Le fier jeune homme, rejetant son manteau en arrière, avait (...) saisi la garde de son sabre (HUGO, Han d'Isl., 1823, p. 60).
b) [L'obj. désigne une pers.] Rejeter quelqu'un de côté. Je courus chez le gouverneur. Trébassof me fit rejeter à sa porte à coups de crosse par ses cosaques (G. LEROUX, Roul. tsar, 1912, p. 78):
• Des cavaliers apparaissent, menaçants, le sabre au poing, faisant cabrer leurs chevaux, dont les ruades rejettent les promeneurs de la chaussée sur les trottoirs.
GONCOURT, Journal, 1871, p. 818.
— Empl. pronom. réfl. Se rejeter + compl. de lieu. Se reculer d'un mouvement brusque. Se rejeter en arrière. Il ne fit qu'un bond jusqu'à la portière. Rinette, déjà, l'avait ouverte. Il remarqua qu'elle s'était rejetée au fond de la banquette (MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p. 859).
— En partic. Faire reculer, repousser (un ennemi). À la suite d'une violente préparation d'artillerie, la brigade de gauche (...) fut rejetée sur la rive gauche de l'Aisne par les ponts de Vailly et de Chavonne... (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 458).
2. a) Jeter, mettre dans un autre endroit. Il faut rejeter l'eau de ce bassin dans cette cuve, la terre de ce fossé sur cette couche. Rejeter les notes à la fin du volume (Ac. 1835-1935).
— STYL. Déplacer en fin de phrase, à des fins d'expressivité. On peut mettre l'adverbe en relief en le rejetant à la fin de la phrase (...): « Il vit un œil tout grand ouvert... Et qui le regardait dans l'ombre fixement » (HUGO, Lég., La Conscience ds LE BIDOIS 1967, § 977).
b) Diriger vers l'arrière ou sur le côté (une partie du corps). Rejeter les bras, les épaules en arrière. Alban (...) rejette le buste en arrière dans le même moment où le taureau dresse le poitrail (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 559). Elle rejette la tête en arrière, dilate les narines et parle d'une voix de théâtre (SARTRE, Nausée, 1938, p. 180).
c) Jeter, écarter (quelque chose d'inutile ou d'encombrant). Synon. fam. balancer, ficher en l'air. Tout en soufflant sa fumée, il se mit à feuilleter les esquisses (...), puis, vite dégoûté de ces vaines recherches (...), il rejeta sa cigarette (MAUPASS., Fort comme la mort, Paris, L. Conard, 1929 [1889], p. 5).
3. Au fig. Synon. de replonger, renvoyer. Ce drame rejette Tourguéneff dans les souvenirs de son enfance (GONCOURT, Journal, 1873, p. 931).
D. — Au fig.
1. [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Ne pas accepter, refuser. Synon. repousser. Rejeter un conseil, un sentiment, une idée, une hypothèse, une méthode, une offre, une théorie. Ce qui n'est pas généreux, c'est de rejeter mon amour, après m'avoir laissé croire que vous m'aimiez (THEURIET, Mais. deux barbeaux, 1879, p. 117). Kant (...) rejette les preuves classiques de l'existence de Dieu par voie de causalité (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 885).
— DR., POL. Synon. récuser. Rejeter une loi, une motion, une requête, un recours en grâce. Le débat sur la fixation de date a souvent un caractère politique. En effet le gouvernement peut désirer voir rejeter l'interpellation à une date lointaine (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 457).
2. [L'obj. désigne une pers.] Être rejeté par sa famille, par son milieu. Autant Taine philosophe rejette et déclasse Cousin, autant il se déclare admirateur et disciple de Guizot (THIBAUDET, Hist. litt., 1936, p. 306).
— [Dans un cont. bibl. ou relig.] Le Paradis est pour ceux qui y croient. Nous autres, nous restons dans ce que vous appelez les ténèbres extérieures. Nous sommes rejetés. Le mot est dur, mais il est dans l'Évangile (GREEN, Chaque homme dans sa nuit, 1960, p. 302).
— PSYCHOL. Avoir une attitude de rejet envers un enfant. Vous avez perdu votre mari et j'ai perdu ma mère. Nous sommes quittes. Mais vous ne l'avez perdu qu'une fois, après en avoir joui pendant des années et sans qu'il vous ait rejetée. Moi, ma mère m'a rejetée. Maintenant elle est morte et je l'ai perdue deux fois (CAMUS, Malentendu, 1944, III, 3, p. 176).
E. — ARBORIC. Pousser, produire à nouveau, le plus souvent après un recépage. Depuis qu'on a étêté cet arbre, il a rejeté beaucoup de branches (Ac. 1835-1935).
— Absol. On imposait autrefois la même règle pour l'abattage des arbres au-dessous d'un certain diamètre correspondant à l'âge limite à partir duquel la souche perd sa faculté de rejeter (COCHET, Bois, 1963, p. 131).
II. — Empl. pronom., au fig.
A. — Se consacrer à nouveau à, s'engager à nouveau dans. Christophe s'était rejeté dans la création, avec un entrain décuplé (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1072).
B. — Se reporter sur quelqu'un ou quelque chose d'autre, pour compenser un manque, une absence. Synon. fam. se rabattre sur. Mouret, après les refus de Denise, s'était rejeté sur cette grande rousse à tête de cheval, sans doute par calcul (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 679). Rentré, dis-je, à Paris où la bière est affreuse, ce fut sur l'absinthe que je me rejetai (VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 107).
C. — Se réfugier dans un lieu, après avoir été repoussé d'un autre. Sa retraite coupée, l'armée royale se rejeta en Brie (A. FRANCE, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 10).
Prononc. et Orth.:[], (il) rejette [-]. Ac. 1694, 1718: rejetter; dep. 1740: rejeter. Conjug. v. jeter. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. 1176-81 regieter « jeter, abandonner » (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 4842); 2. ca 1190 « renvoyer loin de soi » (quelque chose) (Renart, éd. M. Roques, Br. XI, 11794); 3. XIIIe s. « régurgiter, vomir » (ALDEBRANDIN DE SIENNE, Régime du corps, 77, 32 ds T.-L.); 4. XVe s. regetter « jeter de nouveau, renvoyer » (Sept Sages de Rome, éd. G. Paris, version dérimée, p. 41); 5. 1464 rejetter « annuler » (lettre du duc François II, 5 août ds Dom H. MORICE, Mém. pour servir à l'Hist. eccl. et civile de Bretagne, t. 3, p. 71); 6. ca 1480 rejetter « repousser » (quelqu'un) (Mist. Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 1750, t. 1, p. 69); 7. 1539 rejecter « refuser » (une opinion, un présent, etc.) (EST.); 8. id. rejecter sur ung autre le souspecon qu'on avoit sur aucung (ibid.); 9. 1810 rejeter en arrière (un vêtement, une partie du corps) (CHATEAUBR., Martyrs, t. 3, p. 10). B. Intrans. 1. ca 1200 regeter « ruer » (du cheval) (Chevalier au cygne, 166 ds T.-L.), seulement a. et m. fr.; 2. ca 1393 « donner des rejetons » (d'une plante) (Ménagier de Paris, éd. G. Brereton et J. M. Ferrier, p. 118). C. Pronom. réfl. 1. 1567 « se jeter de nouveau, se réfugier » (AMYOT, Vies des hommes illustres, Pyrrhus, t. III, p. 1488: Voyant qu'il ne la [la Sicile] pouvoit tenir non plus qu'une navire agitee de la tourmente, il cherchoit quelque couleur honeste pour en sortir, et fut la cause veritable pour laquelle il se rejetta en Italie); 2. 1805 se rejeter en arrière (COTTIN, Mathilde, t. 1, p. 103). Du lat. rejectare « renvoyer, répercuter » (le son) qui prit en lat. d'époque impériale les sens de « rejeter, repousser, vomir », dér. de jactare (jeter). Fréq. abs. littér.:3 961. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 5 057, b) 4 658; XXe s.: a) 5 525, b) 6 712.
DÉR. Rejetable, adj. Que l'on doit rejeter, refuser. Proposition rejetable; pièce de monnaie rejetable. (Dict. XIXe et XXe s.). Si l'ennui et le mépris peuvent être considérés comme des passions, pour eux aussi [les vrais artistes] le mépris et l'ennui ont été les passions les plus difficilement rejetables (BAUDEL., Curios. esthét., 1859, p. 285). — []. Att. ds Ac. dep. 1762. — 1re attest. 1552 rejetable (EST., p. 1138, s.v. rejectactaneus); de rejeter, suff. -able.
BBG. — QUEM. DDL t. 27.
rejeter [ʀəʒte] v. tr. [CONJUG. jeter.]
ÉTYM. V. 1200 aux sens I., 1. et 3.; lat. rejectare. → Jeter.
❖
———
I V. tr.
A Jeter en sens inverse (ce qu'on a reçu, ce qu'on a pris).
1 (En lançant). ⇒ Relancer, renvoyer. || Rejeter un poisson dans l'eau. || Rejeter des déchets à la mer (→ aussi Entrailles, cit. 2).
1 (…) des sagettes si longues qu'à les reprendre à la main on les pouvait rejetter (sic) à la mode d'un dard (…)
Montaigne, Essais, I, XLVIII.
2 (1538). Fig. Faire retomber sur un autre, faire éprouver ou supporter à un autre ce qu'on éprouvait. || Rejeter un tort, une faute, une responsabilité sur qqn (→ Désolidariser, cit. 1). ⇒ Accuser, dos (mettre sur le). — L'individu rejetant sa bassesse sur la société (→ Humiliation, cit. 14). ⇒ Attribuer.
2 Elle n'essayait pas de rejeter sur Sammécaud le ridicule de l'aventure.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, I, p. 7.
3 (En poussant loin de soi ou hors de soi). ⇒ Éjecter, repousser. || La mer rejette une épave (→ Cabrer, cit. 6; et aussi écume, cit. 10). — Spécialt. ⇒ Cracher, évacuer, expulser. || Rejeter un caillot (cit. 1) de sang. || Son estomac rejette toute nourriture. ⇒ Rendre, vomir. — Par métaphore. || « L'esprit rassasié le rejette à l'instant » (→ Fade, cit. 12, Boileau).
3 Les bras tendus au ciel, il sauta dans la mer
Qui ne rejeta point ses os sur le rivage.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Jugement de Komor ».
♦ (Compl. n. de personne). || Rejeter l'ennemi sur ses positions. || La poussée (cit. 3) des arrivants les avait rejetés à mi-pente.
1 (En ôtant d'un lieu). || Rejeter de la terre, des pierres. Par métaphore (→ Irrésolu, cit. 1, Descartes). — Fig. || Rejeter les notes à la fin du volume, un terme parmi les archaïsmes (cit.). — Gramm. ⇒ Rejet.
3.1 (…) on peut mettre l'adverbe en relief en le rejetant à la fin de la phrase… : « Une femme, près de sa fenêtre, ravaudait des nippes, interminablement » Duhamel, Not. du Havre, VIII (…) « Il dogmatisa sur Phidias et Winckelmann, éloquemment » Flaubert, Éduc. sent., I, IV, p. 55 (…)
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §977.
2 (En changeant la position). || Rejeter la tête, le buste en arrière (→ Infléchir, cit. 5). ⇒ Reculer. || Rejeter en arrière les pans de sa pèlerine (→ Protubérance, cit. 3). || Le mouvement du fiacre les rejetait l'un vers l'autre (→ Nouer, cit. 12).
4 Elle (Mme Cazenave) avançait, le buste rejeté, les mains sur le ventre (…)
F. Mauriac, Génitrix, VII.
3 (Pour se débarrasser d'une chose inutile ou encombrante). ⇒ Abandonner, défaire (se), écart (à l'écart), jeter, rebuter (vx). Cf. fam. Ficher en l'air, balancer. || Rejeter sa cigarette (→ 3. Air, cit. 3; 3. mort, cit. 18). || Tout ce que perd (cit. 31), rejette, élimine, oublie l'homme le plus pratique. || Cribler (cit. 1) le froment et rejeter l'ivraie.
5 La quiétude (…) C'est le bien de ceux qui ont à jamais choisi une part de leur destin, et rejeté l'autre.
Colette, la Paix chez les bêtes, « Jardin zoologique ».
1 (Compl. n. de chose). || Rejeter une offre (cit. 3), une proposition (cit. 1). ⇒ Décliner. || Rejeter un conseil, un ordre, une obligation… (→ Brèche, cit. 5; humeur, cit. 20; humiliant, cit. 7). || Rejeter une idée, une méthode, une morale, une loi, un principe, une tradition… ⇒ Répudier; nier (→ Coutume, cit. 5; doute, cit. 11; personnel, cit. 9). || Rejeter certains faits (→ Admettre, cit. 12; évidence, cit. 12). ⇒ Balayer. || Rejeter certains mots, certaines expressions (→ 2. Cru, cit. 8; engoulevent, cit.; liaison, cit. 5). || Rejeter la domination (cit. 3) de qqn. ⇒ Affranchir (s'). || Un bonheur qu'il rejetait (contr. : envier; rechercher). — Rejeter un pourvoi. || Rejeter un recours en grâce (→ Guillotine, cit. 3), une opposition (→ Opposant, cit. 1). ⇒ Débouter. || Rejeter un témoignage ⇒ Récuser. — L'Assemblée a rejeté ce projet de loi. ⇒ Repousser.
6 Telle est la loi des Dieux à mon père dictée.
En vain, sourd à Calchas, il l'avait rejetée (…)
Racine, Iphigénie, V, 2.
7 On se défend difficilement de croire ce qu'on désire avec tant d'ardeur, et qui peut douter que l'intérêt d'admettre ou de rejeter les jugements de l'autre vie ne détermine la foi de la plupart des hommes sur leur espérance ou leur crainte ?
Rousseau, Rêveries…, IIIe promenade.
8 Et longtemps il médita, immobile sur les coussins, imaginant et rejetant des combinaisons sans trouver rien qui pût le satisfaire.
Maupassant, Pierre et Jean, VIII.
♦ Rejeter qqch. de… : ne pas admettre dans… ⇒ Bannir, chasser, écarter, éliminer, exclure. || Rejeter de l'art tout ce qui ne se rapporte pas à un certain type du beau (→ Face, cit. 41; et aussi grotesque, cit. 14).
9 Pourquoi cette idée, qu'il rejetait de lui lorsqu'il se trouvait seul, qu'il repoussait par crainte du trouble apporté dans son âme, lui vint-elle aux lèvres en cet instant… ?
Maupassant, Pierre et Jean, III.
2 (Compl. n. de personne). ⇒ Condamner, éloigner, épurer, excommunier, exécrer, prescrire, reléguer, réprouver.
10 Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus (…) lui fassent rejeter un amant qui vous agrée ?
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, I, 1.
11 Les évêques (…) lui déclarèrent que, s'il était pour la nation, il était contre l'Église, — hors de l'unité catholique, hors de la communion des évêques et du Saint-Siège, membre pourri, rejeté, renégat et apostat.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., III, IX.
12 La vie rejette ceux qui ne s'adaptent pas.
F. Mauriac, le Jeune Homme, IX.
———
II V. intr. et tr. (Fin XIVe). Rare. Pousser, produire à nouveau. || Les taillis ont bien rejeté. — Trans. || Cet arbre a rejeté beaucoup de branches (Littré). ⇒ Rejet, rejeton.
——————
se rejeter v. pron.
ÉTYM. (1559).
♦ Se jeter de nouveau. || Se rejeter à l'eau. — (Au sens B., 2.). || Se rejeter en arrière (→ 2. Mangouste, cit.).
——————
rejeté, ée p. p. adj.
1 Poissons rejetés à l'eau. — Matières rejetées par l'explosion des volcans (→ Dénaturer, cit. 1).
2 Terres rejetées sur le bord d'une excavation (cit.). — Tête rejetée. || Buste rejeté (→ ci-dessus, cit. 4).
3 Offre rejetée. — Pourvoi (cit.) rejeté par la Cour suprême.
4 Femmes rejetées par leur milieu (→ Abreuver, cit. 9). || Solidaire de tous et rejeté par chacun (→ Indulgent, cit. 9). || Rejeté par une société tout entière (→ Ostracisme, cit. 5; et aussi ci-dessus, cit. 11).
❖
CONTR. Accepter, assumer. — Absorber, assimiler, boire, digérer. — Maintenir. — Choisir, élire, garder, prendre. — Accéder (à), accepter, accorder, adhérer (à), admettre, adopter, agréer, approuver, appuyer, concéder, entériner. — Accueillir.
DÉR. Rejet, rejetable, rejeton.
Encyclopédie Universelle. 2012.