réfléchir [ refleʃir ] v. <conjug. : 2>
• v. 1300; lat. reflectere; d'apr. fléchir
I ♦ V. tr. dir. Renvoyer par réflexion dans une direction différente ou dans la direction d'origine. La lune réfléchit une partie de la lumière qu'elle reçoit du soleil. « l'eau réfléchit fidèlement le ciel » (Michelet). Glace, miroir qui réfléchit une image. ⇒ refléter.
♢ Pronom. Se réfléchir : être renvoyé. L'Olympe « se réfléchissait dans une mer unie comme une glace » (Loti).
II ♦ V. intr. (1672; se réfléchir sur soi « se recueillir » XVIe) Faire usage de la réflexion (II). ⇒ 1. penser; chercher, cogiter, se concentrer, délibérer, fam. gamberger, méditer. « Vous rêvez au lieu de réfléchir » (Loti). Réfléchissez avant de parler, avant d'agir. Laissez-moi le temps de réfléchir. Chose qui donne à réfléchir, qui suscite des réflexions propres à inciter à la prudence. Je réfléchirai, je demande à réfléchir, se dit quand on ne veut pas prendre une décision sur-le-champ.
♢ V. tr. ind. RÉFLÉCHIR SUR QQCH. ⇒ étudier, examiner. Réfléchir sur un sujet, une question. — (1701) RÉFLÉCHIR À QQCH. ⇒ 1. penser, songer. « Réfléchissez à ce que vous faites » (Musset). J'y réfléchirai.
♢ RÉFLÉCHIR QUE... : s'aviser, juger que..., après réflexion. Réfléchissez que c'est peut-être votre seule chance. ⇒ considérer.
● réfléchir verbe transitif (latin reflectere, faire tourner, avec l'influence de fléchir) Renvoyer dans le milieu dont elles proviennent des ondes, des particules ou des vibrations : Les miroirs réfléchissent les rayons lumineux. Faire apparaître quelque chose sous forme d'image après réflexion : Les eaux du lac réfléchissaient les arbres. ● réfléchir (synonymes) verbe transitif (latin reflectere, faire tourner, avec l'influence de fléchir) Faire apparaître quelque chose sous forme d'image après réflexion
Synonymes :
- refléter
- répercuter
- réverbérer
● réfléchir
verbe transitif indirect
(de réfléchir)
Concentrer son attention sur une idée, une question : Réfléchissez bien à ma proposition.
Penser longuement, en examinant, en pesant : Parler sans réfléchir.
Prendre conscience (du fait) que, s'en rendre compte : As-tu réfléchi que tu n'étais pas libre demain ?
● réfléchir (citations)
verbe transitif indirect
(de réfléchir)
Émile Chartier, dit Alain
Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951
Réfléchir, c'est nier ce que l'on croit.
Propos sur la religion
P.U.F.
Paul, dit Tristan Bernard
Besançon 1866-Paris 1947
Il vaut mieux ne pas réfléchir du tout que de ne pas réfléchir assez.
Triplepatte
Librairie théâtrale
Jean Cocteau
Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963
Académie française, 1955
Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu avant de renvoyer les images.
Essai de critique indirecte
Grasset
André Isaac, dit Pierre Dac
Châlons-sur-Marne 1893-Paris 1975
Rien ne sert de penser, faut réfléchir avant.
L'Os à moelle
Julliard
Henri Poincaré
Nancy 1854-Paris 1912
Académie française, 1908
Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir.
La Science et l'hypothèse
Flammarion
Ernest Renan
Tréguier 1823-Paris 1892
On n'est héroïque que par le fait de ne pas réfléchir. Il faut donc entretenir une masse de sots.
Caliban, Orlando
Lévy
Jean Rostand
Paris 1894-Ville-d'Avray 1977
Académie française, 1959
Réfléchir, c'est déranger ses pensées.
Pensées d'un biologiste
Stock
Isocrate
Athènes 436-Athènes 338 avant J.-C.
Réfléchis avec lenteur, mais exécute rapidement tes décisions.
À Démonicos, 34 (traduction Mathieu et Brémond)
Confucius, en chinois Kongzi ou Kongfuzi [maître Kong]
551-479 avant J.-C.
Entendre ou lire sans réfléchir est une occupation vaine ; réfléchir sans livre ni maître est dangereux.
Entretiens, I, 2 (traduction S. Couvreur)
Confucius, en chinois Kongzi ou Kongfuzi [maître Kong]
551-479 avant J.-C.
Ki houen Sseu réfléchissait à plusieurs reprises avant de faire une chose. Le Maître, l'ayant appris, dit : « Il suffit de réfléchir deux fois. »
Entretiens, III, 5 (traduction S. Couvreur)
● réfléchir (difficultés)
verbe transitif indirect
(de réfléchir)
Construction
Réfléchir à, sur, que. Au sens général de « penser », réfléchir peut se construire avec à, sur ou que : réfléchir aux conséquences ; réfléchir sur une énigme ; je n'avais pas réfléchi qu'il fait nuit à cette heure-là.
● réfléchir (expressions)
verbe transitif indirect
(de réfléchir)
Donner à réfléchir, pousser à se montrer prudent, à réviser ses projets.
● réfléchir (synonymes)
verbe transitif indirect
(de réfléchir)
Concentrer son attention sur une idée, une question
Synonymes :
- carburer (populaire)
- considérer
- étudier
- examiner
- penser
- peser
- songer
Penser longuement, en examinant, en pesant
Synonymes :
- calculer
- cogiter (vieux ou ironique)
- méditer
- penser
- ruminer (familier)
- songer
Prendre conscience (du fait) que, s'en rendre compte
Synonymes :
- calculer
- cogiter (vieux ou ironique)
- considérer
- penser
- ruminer (familier)
- songer
réfléchir
v.
d1./d v. tr. Renvoyer par réflexion dans une nouvelle direction. Miroir qui réfléchit une image.
|| v. Pron. être renvoyé. Son image se réfléchissait sur l'eau.
d2./d v. intr. User de réflexion, penser mûrement. Réfléchir avant de parler.
|| v. tr. indir. Réfléchir à un problème.
— Réfléchir que: s'aviser, à la réflexion, que.
⇒RÉFLÉCHIR, verbe
I. — Qqc.1 réfléchit qqc.2
A. — [Qqc.1 désigne une surface réfléchissante, qqc.2 la lumière, un objet ou l'image d'un objet] Renvoyer par réflexion dans la direction d'origine ou dans une autre direction. Les nuages et les vapeurs de l'atmosphère peuvent fort bien réfléchir les formes et les couleurs des objets terrestres, puisqu'ils réfléchissent, dans les parélies, l'image du soleil (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 81). Un petit lac réfléchit l'image des centaines de stalactites qui pendent de la voûte, et l'on croit voir au fond de ce lac les ruines d'une grande ville aperçue d'une hauteur considérable, car la surface du lac remet à l'endroit ce qui était à l'envers (GREEN, Journal, 1944, p. 117).
Empl. pronom. Qqc.2 se réfléchit dans, sur qqc.1 [Qqc.2 désigne un objet] Un vieux pont dont l'arche unique se réfléchit harmonieusement dans l'eau tranquille (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 250).
♦ Poét. ou littér. Je retrouvai sans cesse l'image de la jeune fille. Ses mains blanches sur les seaux, son beau regard réfléchissant l'éclat des flammes (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 290). C'était une fille (...) aux grands yeux d'un bleu sombre, qui semblaient réfléchir l'azur d'un ciel d'Orient (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 65).
Rem. On relève la constr. qqc.2 réfléchit qqc.3 dans qqc.1 [qqc.2 désigne un objet et qqc.3 son image], où réfléchir a le sens de « mirer »: J'ai vu des monts voilés de citrons et d'olives Réfléchir dans les eaux leurs ombres fugitives (LAMART., Harm., 1830, p. 392).
— P. anal. [Qqc.2 désigne un son] Ici et là sous l'ombre des sycomores la vibration du bronze au fond d'une pagode réfléchit l'écho du monstre qui s'est tu (CLAUDEL, Connaiss. Est, 1907, p. 70). Au part. passé ou au passif. Les sons amortis semblaient être réfléchis par un écho lointain (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 344).
B. — Au fig. ou p. métaph. Refléter, manifester. Dans ce développement [de l'intelligence] survient le langage qui réfléchit l'entendement, et le met, pour ainsi dire, en dehors de lui-même (COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., 1829, p. 382):
• 1. Comment un tel homme [Baudelaire], fait comme pas un autre pour réfléchir le doute, la haine, le mépris, le dégoût, la tristesse, pouvait-il manifester si hautement ses passions et vider le monde de son contenu pour en accuser les beautés défaites, les vérités souillées, mais si soumises, si commodes?
ÉLUARD, Donner, 1939, p. 107.
— Empl. pronom. La crainte de lui avoir dit indirectement une chose désagréable succéda à sa répugnance pour le mauvais propos. Ce malheur se réfléchit vivement dans ses traits si purs et si naïfs (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 94). Je commence à croire que l'ami vraiment, c'est la page blanche où se réfléchit votre âme (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1891, p. 101).
Rem. On relève a) Dans le sens fig. ou métaph., la constr. qqc.2 réfléchit qqc.3 dans, sur qqc.1 [qqc.2 désigne un objet, qqc.3 son image] Le moi n'a pas encore réfléchi son image sur le miroir de Narcisse (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 98). b) Un empl. abusif avec un compl. désignant la chaleur. Synon. réverbérer. Il s'endormit sur la paille tiède, dans la chaleur de cette canicule que la Loire réfléchissait sur Nantes (MORAND, P. de Saligny, 1947, p. 192). c) Un empl. pronom. réfl. au sens de « se replier sur soi-même, revenir sur soi-même ». Le péritoine se réfléchit sur les parois du petit bassin (Lar. Lang. fr.).
II. A. — Qqn réfléchit. Faire usage de sa réflexion, exercer sa réflexion. Agir sans réfléchir; réfléchir avant de parler; prendre le temps de réfléchir; réfléchir longuement, mûrement, un moment, un peu. Réfléchissez donc un peu. Moi, j'ai beaucoup réfléchi; je pense toujours à nous (BALZAC, Langeais, 1834, p. 276):
• 2. Ces réflexions, je suis en train de me les faire, après coup, pour légitimer ma décision. En réalité, je ne les ai point faites ou du moins je ne les ai point formulées. S'il fallait réfléchir ainsi, peser toutes les conséquences de ses actes, avant de sentir leur nécessité, je ne serais plus moi-même, je ne pourrais plus vivre.
H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 202.
— Locutions
♦ Chose qui fait réfléchir, qui donne à réfléchir. Chose qui incite à la réflexion; qui fait modifier un jugement, une décision; qui incite à la prudence. Lagache avait conservé, comme preuve de sa victoire, une des dents du crocodile (...). Cela fit réfléchir Robert, qui (...) était souvent la victime de ses amis (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1853, p. 125). La première chose maintenant c'était d'avoir des généraux patriotes, et rien que cette idée vous donnait à réfléchir: car nous pouvions en avoir d'autres, puisque le roi les choisissait (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 456).
♦ Je demande à réfléchir, je réfléchirai, laissez-moi réfléchir. [Indique que le locuteur ne veut pas prendre de décision immédiate] Costals reconnut dans cette suggestion le génie même de la haute bourgeoisie. Il demanda à réfléchir encore un peu (MONTHERL., Démon bien, 1937, p. 1270).
B. — Qqn réfléchit à, sur qqc. Concentrer sa pensée, son attention sur un objet afin d'en avoir une connaissance approfondie, ou afin d'agir avec circonspection. Réfléchir à bien des choses, à ses paroles, à sa situation; réfléchir à ce qu'on va dire; réfléchir sur son avenir, sur le sens de la vie. Je vois bien que vous aimez Lucien, reprit-il d'un air tendrement résigné, car il faut bien aimer un homme pour ne réfléchir à rien, pour oublier toutes les convenances (BALZAC, Illus. perdues, 1839, p. 163). En ce temps-là, les critiques musicaux français s'étaient décidés à apprendre la musique. Il y en avait même quelques-uns qui la savaient: c'étaient des originaux; ils s'étaient donné la peine de réfléchir sur leur art et de penser par eux-mêmes (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 684).
C. — Qqn réfléchit qqc.
1. Examiner longuement. Attends!... T'as pas tout réfléchi?... Reste là! T'as encore cinq minutes! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 694).
Rem. On ne relève que qq. ex. att. de cet empl. trans. dir. noté comme incorrect par la plupart des grammaires et des dict.
— Loc. Tout bien réfléchi; c'est tout réfléchi. Après avoir tout bien examiné. C'est tout réfléchi, je ne me marie pas, ça n'est pas mon idée (LOTI, Pêch. Isl., 1886, p. 103):
• 3. — Vous allez, une fois encore, m'offrir votre démission. Et vous croyez que cela suffit? Non, Monsieur Salavin. Non! Tout bien réfléchi, je vous garde. Vous m'entendez? Vous me comprenez? Je vous garde. Autrement dit, je ne vous lâche pas. Vous êtes un homme dangereux.
DUHAMEL, Journal Salav., 1927, p. 129.
2. Qqn réfléchit que
a) S'apercevoir au cours de ses réflexions du fait que. Je t'avais écrit toutes mes peines sans réfléchir que je t'écrivais des choses qui ne peuvent qu'être dites, et dites à toi seule (HUGO, Lettres fiancée, 1821, p. 48). Son chocolat lui avait donné soif. Il réfléchit qu'il n'avait pas déjeuné et qu'il avait une alimentation absurde. Puis, brusquement, une idée saugrenue lui passa par la tête: « Ai-je seulement éteint ma lampe à alcool? » (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 26).
b) Juger, estimer après réflexion que. Il réfléchit que dans un corps à corps il aurait sûrement le dessous (GIDE, Caves, 1914, p. 857). Il avait réfléchi que les engagements qu'il avait pris lui interdisaient de publier ses Confessions, mais non pas de les lire (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 283). V. allumoir ex. de Romains.
Rem. On relève la constr. réfléchir si. Il s'arrêta, réfléchit si toutes les précautions étaient prises (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 272).
Prononc. et Orth.:[], (il) réfléchit [-]. Ac. 1694, 1718: refleschir; dep. 1740: réfléchir. Étymol. et Hist. 1. 1269-78 reflechir « renvoyer par réflexion » (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 18220); 2. 1314 se reflecir « se courber, se replier en revenant sur soi » (Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. Bos, n ° 337, p. 96); 3. 1609 se reflechir « revenir sur sa pensée pour l'approfondir » (J.D.S.F., Prop. d'Epict., p. 647 ds GDF. Compl.); 1672 réfléchir « penser mûrement » (BOSSUET, Traité de la connoissance de Dieu et de soi-même ds LIVET Molière t. 3, p. 480); 1701 part. passé adj. (FUR., s.v. Refleschi:les Grammairiens appellent verbes reflechis, ceux qui signifient une action qui retourne sur l'agent qui la produit); 1845-46 subst. (BESCH.). Adapt. d'apr. fléchir du lat. reflectere « courber en arrière, recourber; ramener », en lat. médiév. « réverbérer (d'un miroir) » ca 1240 ds LATHAM, dér. de flectere « fléchir, ployer », préf. re- marquant le mouvement en arrière. Fréq. abs. littér.:4 158. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 5 177, b) 4 977; XXe s.: a) 5 527, b) 7 274.
DÉR. 1. Réfléchissement, subst. masc. Action de réfléchir. a) [Corresp. à supra I A] Réfléchissement de la lumière. Trônant au comptoir de bar parmi les bouteilles dont le réfléchissement de la glace doublait le nombre, l'hôtelier, avec la dignité d'un roi jaloux de ses faveurs, refusa net, sans cesser de rincer ses petits verres (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 229). b) [Corresp. à supra I B] De là, j'imagine, le rôle des tarots, du marc de café ou de la baguette du sourcier (...) qui permettent ce phénomène de réfléchissement, de perception indirecte (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 380). — []. Ac. 1694, 1718: refleschissement; 1740-1878: réfléchissement. — 1re attest. ca 1380 (JEAN LEFÈVRE, Vieille, éd. Cocheris, p. 245); dér. de la forme du part. prés. de réfléchir, suff. -ment1. 2. Réfléchisseur, -euse, adj. Qui réfléchit (supra I A). Le phénomène acoustique (...) ricochet des ondes sonores sur des surfaces réfléchissantes (...) n'est plus d'ordre statique, mais plutôt d'ordre biologique — bouche ou oreille, émetteur, transmetteur, réfléchisseur (Gds cour. pensée math., 1948, p. 487). Empl. subst. Personne qui réfléchit (supra II). Comme tous les réfléchisseurs éminents, vous avez deux grands côtés: par un de ces côtés, vous êtes philosophe; par l'autre, vous êtes poëte (HUGO, Corresp., 1840, p. 569). — [], fém. [-ø:z]. — 1res attest. av. 1686 adj. (CHAPELLE, Epitaphe d'un chien ds LITTRÉ), puis 1870 (LITTRÉ), 1731 subst. (DU PLESSIS, Hist. de l'Église de Meaux, t. 1, p. 525); dér. de la forme du part. prés. de réfléchir, suff. -eur2.
BBG. — GOHIN 1903, p. 304, 339, 359. — IEREMIA (E.). Essai d'analyse sémique. B. de la Société roum. de ling. rom. 1974, t. 10, pp. 23-35.
réfléchir [ʀefleʃiʀ] v.
ÉTYM. V. 1300, tr. et pron. au sens phys.; du lat. reflectere, sur le modèle de fléchir. → Fléchir.
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1 V. tr. Renvoyer par réflexion dans une direction différente ou dans la direction d'origine. || La Lune (cit. 1) réfléchit une partie de la lumière qu'elle reçoit du Soleil. || Glace (cit. 27), miroir qui réfléchit une image. ⇒ Refléter, répéter (→ par métaphore, Poésie, cit. 3). — Mer, nappe (cit. 3) d'eau qui réfléchit les objets, le paysage (→ Abri, cit. 7). || Son poignard nu (1. Nu, cit. 11) réfléchissait les rayons. ⇒ Briller, luire, lumineux, miroiter. — Poét. || Des yeux qui réfléchissent l'azur, la pâleur du ciel (cit. 31; et → Gris, cit. 3). Par métaphore (en parlant de l'âme). → Infini, cit. 26; limpide, cit. 2.
1 Les lueurs du couchant diversement réfléchies par les masses de différents verts produisaient un magnifique mélange de tons pleins de mélancolie.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 595.
2 Si vous regardez du bord, l'autre rive semble suspendue en l'air, tant l'eau réfléchit fidèlement le ciel (…)
Michelet, Hist. de France, III.
♦ Par anal. (vieilli). || Réfléchir le son, la voix. ⇒ Répercuter. — (Improprement). || Réfléchir la chaleur. ⇒ Réverbérer.
2 (1637). Pron. (passif). || Se réfléchir : être réfléchi, envoyé. || L'optique (cit. 1) enseigne comment la lumière se réfléchit. — Les étoiles se réfléchissaient au sein de la mer. ⇒ Mirer (se). → Image, cit. 3. || Des yeux où se réfléchit le ciel (→ Éclat, cit. 26). — Par métaphore (→ Donner, cit. 73).
3 Cette petite scène, fort bien racontée par madame de Maintenon (…) va frapper à son tour l'imagination émue de madame des Ursins et s'y réfléchir avec une réverbération qui la rendra plus vive : vu dans ce miroir, l'objet prendra plus de mouvement et de relief que dans la réalité même.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 23 févr. 1852.
4 L'Olympe avait des teintes de braise ou de métal en fusion, et se réfléchissait dans une mer unie comme une glace.
Loti, Aziyadé, I, XVI.
5 (…) il leur semble (aux Girondins) que la richesse générale de la Nation se réfléchira d'elle-même sur les ouvriers comme une lumière abondante éclaire tout, et, par ses reflets, pénètre là où ne frappait pas son rayon direct.
Jaurès, Hist. socialiste…, t. I, p. 1011.
♦ (1701). Gramm. (⇒ Réfléchi, I., 2., ci-dessous).
6 Si, au lieu de porter sur un être, une chose, une idée extérieure à lui, l'action faite par un sujet se retourne sur lui-même, on dit qu'elle se réfléchit. Cette réflexion peut se produire quand l'action est dans un nom : l'amour de soi, quand elle est dans un adjectif : sûr de soi, quand elle est dans un verbe : madame s'habille… L'acte d'habiller est fait par elle. La personne habillée est elle-même. Il y a identité entre le sujet et l'objet.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 327.
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II V. intr. (1672; fig. de I., 1.; proprt « par un retour de la pensée sur elle-même »; se réfléchir sur soi « se recueillir », XVIe). Faire usage de la réflexion. ⇒ Penser; calculer, chercher, cogiter, concentrer (se), consulter (vx), délibérer, méditer, observer, recueillir (se), rentrer (en soi-même), replier (se), rêver (vx), ruminer, songer. || Vous rêvez au lieu de réfléchir (→ Boutade, cit. 5). || Allons, soyez sérieux, réfléchissez (→ Événement, cit. 12). || Prendre la peine de réfléchir un moment (→ Imagination, cit. 32; imprudence, cit. 3). || Observer et réfléchir (→ Dévier, cit. 1; inaction, cit. 3). || Laisser (cit. 29) le temps de réfléchir. || Les gars éveillés qui comparent et réfléchissent (→ Meneur, cit. 4). || Réfléchir longuement (→ 2. Patron, cit. 2) avant d'agir. || Réfléchir avant de parler (→ Tourner sept fois sa langue dans sa bouche). || Réfléchir avant d'agir, ou, absolt, réfléchir. ⇒ Regarder (y regarder à deux fois). ☑ Chose qui fait réfléchir, donne à réfléchir (→ Négociation, cit. 1; discrédit, cit. 1), qui suscite des réflexions propres à inciter à la prudence, à la sagesse. || Laissez-moi réfléchir, je réfléchirai, je demande à réfléchir, se dit quand on ne veut pas prendre une décision sur-le-champ.
7 D'ailleurs, comment une femme qui n'a nulle habitude de réfléchir élèvera-t-elle ses enfants ? Comment discernera-t-elle ce qui leur convient ?
Rousseau, Émile, V.
8 Dès que l'homme réfléchit, dès qu'il n'est plus entraîné par le premier désir et par les lois inaperçues de l'instinct, toute équité, toute moralité devient en un sens une affaire de calcul, et sa prudence est dans l'estimation du plus ou du moins.
É. de Senancour, Oberman, I.
9 Il est vrai que, jusqu'à présent, je n'ai pas beaucoup réfléchi. Il faut, pour réfléchir, s'arrêter. En ce temps, j'étais pressé d'agir (…)
Gide, Œdipe, II.
10 Nous reparlerons de cette affaire dans quelques jours. Laissez-moi souffler un peu, voulez-vous ? Je réfléchirai.
G. Duhamel, la Défense des lettres, II, VII.
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III V. tr. indir. (1675). || Réfléchir sur. || Réfléchir sur un sujet, une question. ⇒ Arrêter (s'), demander (se). → Honneur, cit. 19; interruption, cit. 1; incomparable, cit. 1; folie, cit. 3. || Réfléchir sur soi-même (→ Corps, cit. 16), sur qqch. (⇒ Contempler).
11 Quand on est ennuyé, il faut éviter de réfléchir sur soi.
Stendhal, Lettres, in Souvenirs d'égotisme (éd. Charpentier).
♦ (1701). || Réfléchir à qqch. ⇒ Considérer, envisager, étudier, examiner, mûrir, pénétrer, penser, peser, ruminer, songer (→ Étourdir, cit. 14, Dancourt [1701]; et aussi après, cit. 80, Rousseau; art, cit. 25; éviter, cit. 46; extrémité, cit. 16).
♦ Réfléchir que (suivi d'une complétive). — REM. Cette construction s'emploie en deux sens légèrement différents :
a S'aviser, au cours de ses réflexions, du fait que (→ 1. Point, cit. 63; et ci-dessous, cit. Mérimée, Romains);
b Juger, après réflexion, que… (→ Poursuite, cit. 3; et ci-dessous, cit. 13, France).
12 Ledoux réfléchit que les enfants ne payent et n'occupent que demi-place dans les voitures publiques. Il prit donc trois enfants (…)
Mérimée, Mosaïque, IV.
13 Madame Cornouiller, qui, prévenue contre lui, l'avait tout de suite soupçonné d'être un fainéant (…) réfléchit que puisque sa mère l'employait, elle qui n'était pas riche, c'était qu'il se contentait de peu, et elle se demanda si elle n'aurait pas avantage à le faire travailler préférablement à son jardinier (…)
France, Putois, II.
14 Mais Haverkamp réfléchit qu'un adolescent a moins de chance d'être tenté par l'argent qu'un adulte, se laisse plus naïvement prendre par l'amour-propre (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVII, p. 279.
REM. On a employé parfois transitivement réfléchir au XVIIIe s. De cette construction, aujourd'hui incorrecte, il reste quelques expressions (→ Réfléchi, II., 2.).
15 On agit dans mille occasions en conséquence d'idées confuses qui viennent je ne sais comment, qui vous mènent et qu'on ne réfléchit point.
Marivaux, le Paysan parvenu, III, (cité in Brunot, d'après l'éd. des Œ. compl. de 1781; corrigé, dans les éd. modernes, par « sur lesquelles on ne réfléchit point »).
——————
réfléchi, ie p. p. adj.
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1 (1812). Renvoyé. || Lumière réfléchie (→ Émaner, cit. 1). — Phys. || Radiations réfléchies, ondes réfléchies, provenant d'une réflexion (⇒ Réflecteur).
2 (1701). || Verbe pronominal réfléchi, exprimant que l'action émanant du sujet fait retour à lui-même (je me lave). — REM. On appelle parfois, abusivement, verbes réfléchis des verbes qui se construisent nécessairement avec un pronom secondaire (ni objet direct ni objet indirect), par ex. : se souvenir, s'enfuir, s'écrier… ⇒ Pronominal (cit. 2). — (1771). || Pronom réfléchi : pronom personnel représentant en fonction de complément (direct ou indirect) la personne qui est sujet du verbe (je me suis trouvé un appartement; il ne pense qu'à lui). ⇒ Me (I., 4.); nous (I., A., 5.); se, soi. — (Dans certaines langues, par ex. en latin). || Adjectif possessif réfléchi, déterminant un substantitf qui désigne une chose qui appartient au sujet du verbe. — N. m. || Un réfléchi : un verbe réfléchi, un pronom réfléchi.
———
II
1 (1734). Qui porte la marque de la réflexion. || Suppression de l'action réfléchie (→ Aboulie, cit. 1). || Liaison logique et réfléchie entre deux idées (→ Association, cit. 18). || Élaboration (cit. 5) réfléchie. || Indications (cit. 6) toujours justes et réfléchies. || D'une manière réfléchie (→ Désir, cit. 1; posément, cit. 2). || Une étude bien réfléchie (→ Art, cit. 19). ⇒ Calculé, délibéré. || Haine (cit. 15) réfléchie. ⇒ Raisonné. || La dissimulation est une imposture (cit. 1) réfléchie. || Pessimisme réfléchi (→ Mélange, cit. 14). — N. m. || Le spontané et le réfléchi (→ Engagement, cit. 12).
16 Les talents militaires du duc sont universellement estimés, et sa conversation piquante et réfléchie rappelle sans cesse qu'il a été formé par le grand Frédéric (…)
Mme de Staël, De l'Allemagne, I, XV.
2 (Personnes). Qui a l'habitude de la réflexion. || Homme, esprit, caractère réfléchi (→ Complexion, cit. 2; laconique, cit. 2). ⇒ Avisé, calme, circonspect, concentré, grave, mûr, pondéré, posé, prudent, raisonnable, rassis, sage, sérieux. Par ext. || Air réfléchi (→ Figurer, cit. 3), ton réfléchi (→ Hésitation, cit. 12).
17 (…) cet intérêt merveilleux que représente, pour l'amateur d'humanité pensante et réfléchie, l'expérience intellectuelle de l'homme supérieur.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 262.
♦ Philos. || Conscience réflexive et conscience réfléchie. — Qui est capable de réflexion :
18 « L'homme un animal raisonnable », disait Aristote. « L'Homme un animal réfléchi », précisons-nous aujourd'hui (…) L'Homme non plus seulement « un être qui sait » mais un être « qui sait qu'il sait ».
Teilhard de Chardin, l'Apparition de l'homme, p. 313.
3 (XXe). Qui a été l'objet de réflexion (seulement dans des expr.). (→ ci-dessus II., 2., rem.). ☑ Tout bien réfléchi. ⇒ Pesé (Tout bien pesé). ☑ C'est tout réfléchi.
19 — Écoute, réfléchis au moins, avant de te décider. — C'est tout réfléchi.
Robert Merle, Week-end à Zuydcoote, p. 187.
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CONTR. (De réfléchi) Automatique, direct, inconsidéré, indélibéré, instinctif, irréfléchi, machinal. — Aventureux, dissipé, distrait, étourdi, évaporé, fou, frivole, impertinent, impulsif, inconséquent, naïf, primesautier.
DÉR. Réfléchissant. — V. aussi Réflecteur, reflet, réflexe, réflexion, réflexible.
Encyclopédie Universelle. 2012.