mortifier [ mɔrtifje ] v. tr. <conjug. : 7>
• 1120; lat. ecclés. mortificare
1 ♦ Soumettre (son corps, ses sens) à la mortification (1o). ⇒ châtier, macérer, 1. mater. Mortifier sa chair. — Pronom. « Elle se mortifiait, restait des heures à genoux » (Aragon).
2 ♦ (XVIIe) Faire cruellement souffrir (qqn) dans son amour-propre. ⇒ blesser, froisser, humilier, vexer. « La déclaration de Bernard l'humiliait, le mortifiait » (A. Gide).
♢ Cuis. Faisander légèrement. Lièvre mortifié. — Attendrir (la viande).
⊗ CONTR. Enorgueillir, flatter.
● mortifier verbe transitif (latin mortificare, de mors, mortis, mort) Affliger son corps par des privations volontaires, des jeûnes par esprit de pénitence. Froisser quelqu'un, l'humilier dans son amour-propre : Cette préférence injustifiée la mortifiait. Soumettre à une mortification une viande, un gibier, un tissu, un organe. ● mortifier (citations) verbe transitif (latin mortificare, de mors, mortis, mort) Charles Nodier Besançon 1780-Paris 1844 Académie française, 1833 Ce qu'il y a de plus bas au monde, c'est de mortifier la pauvreté. La Fée aux miettes ● mortifier (difficultés) verbe transitif (latin mortificare, de mors, mortis, mort) Conjugaison Attention au redoublement du i aux première et deuxième personnes du pluriel, à l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous mortifiions, (que) vous mortifiiez. ● mortifier (synonymes) verbe transitif (latin mortificare, de mors, mortis, mort) Froisser quelqu'un, l'humilier dans son amour-propre
Synonymes :
- blesser
- brimer
- froisser
- humilier
- offenser
- outrager
- vexer
Soumettre à une mortification une viande, un gibier, un tissu...
Synonymes :
- nécroser
mortifier
v. tr.
d1./d RELIG Soumettre à quelque mortification spirituelle ou corporelle. Mortifier sa chair, ses passions.
|| v. Pron. Se mortifier en secret.
d2./d Fig. Blesser moralement, humilier. Ce refus l'a mortifié.
⇒MORTIFIER, verbe trans.
A. — 1. MÉD., PATHOL. Altérer, provoquer la décomposition (d'un tissu). Les cautérisations ignées, en mortifiant les tissus, sont plus nuisibles qu'utiles (G.-H. ROGER ds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p.500).
— Emploi pronom. La gangrène est cet état dans lequel une partie commençant à se mortifier, sa sensibilité diminue et s'éteint, et sa couleur extérieure change (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p.320).
— Au part. passé. Chair mortifiée. En cas d'atteinte isolée de l'émail, la thérapeutique consiste à obturer l'orifice de la carie après excision du tissu mortifié (QUILLET Méd. 1965, p.178).
2. ART CULIN. Attendrir une viande en la battant, en la faisant rassir; faisander un gibier. Mettre de la viande à l'air, la battre pour la mortifier (Ac. 1835, 1935). Ce faisan n'est pas encore assez mortifié (Ac. 1835, 1935). Le lapin de garenne (...) n'est pas très-bon fraîchement tué; il le faut un peu mortifier et aromatiser sa cuisson (VIARD, Cuisin. roy., 1831, p.204).
— P. plaisant. M. de Vergnes (...) répondit (...) que quant aux soupirants, une année de plus les mortifierait et qu'ils en seraient plus tendres (FEUILLET, Sybille, 1863, p.153).
3. Meurtrir, mettre à mal. Bientôt, mortifié des durs bâtons de sa chaise, il se leva et dut se choisir une occupation, un lieu où il eût sa raison d'être ce soir dans cet océan mesquin de Paris (BARRÈS, Barbares, 1888, p.252). La Pologne, elle, ne s'est pas laissée mortifier, elle ne s'est pas laissée écraser (JAURÈS, Eur. incert., 1914, p.238).
B. — 1. Dans le vocab. de la relig. et de la mor. Infliger une souffrance (au corps ou à l'âme) dans un esprit de pénitence ou dans un souci d'élévation spirituelle (v. macérer II). Mortifier sa chair, ses sens; mortifier ses passions, son orgueil. L'emploi de la souffrance volontaire, comme moyen de réprimer, ou, pour parler le langage ascétique, de mortifier, d'anéantir, les appétits déréglés (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p.149):
• 1. ... ce sont des familles déjà constituées qui se défont et dont les membres, rendus à eux-mêmes, n'usent de leur liberté que pour mortifier leurs corps, amortir leurs sens, refréner jusqu'à l'exercice même de cette raison par laquelle ils sont hommes.
GILSON, Espr. philos. médiév., 1931, p.111.
— Emploi pronom. réfl. Tu jeûnes, tu t'agenouilles, tu te mortifies, mais y a-t-il de la pureté dans le jeûne? Pourquoi la prosternation serait-elle sainte? (FLAUB., Tentation, 1849, p.240). Jacques II (...) était un prince imbu de vraie religion, il se mortifiait par la laideur de ses maîtresses (HUGO, Homme qui rit, t. 1, 1869, p.184):
• 2. Je serai moi-même dussé-je en mourir. Je ne renoncerai rien; je n'étoufferai aucun de mes désirs, mais je les satisferai tous aussi souvent que je pourrai (...). Je ne me mortifierai pas, mais je vivrai en sensualité.
RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p.150.
2. Mortifier qqn, mortifier l'orgueil de qqn. Faire souffrir quelqu'un dans son amour-propre; blesser, humilier, vexer. Sténio voulait à tout prix mortifier l'orgueil de Lélia. Ne pouvant le briser, il voulait au moins le tourmenter (SAND, Lélia, 1839, p.517). Il fallait l'autorisation de Robert. Il me l'a refusé brutalement, avec des paroles très dures, disant que je ne faisais cela que pour le mortifier, lui faire la leçon, lui faire honte (GIDE, École femmes, 1929, p.1308).
Prononc. et Orth.:[], (il) mortifie []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1re moitié XIIe s. «faire mourir, tuer» (Psautier Oxford, éd. F. Michel, 36, 34 [lat. occidere]); 2. fin XIIe s. sens réfl. terme de spiritualité «mourir à soi-même, en union avec la croix du Christ» (Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p.161, 18); XIIIe s. mortefiier sa char (Vie de Ste Elisabeth de Hongrie, ds Œuvres de Rutebeuf, éd. A. Jubinal, 1839, t. 2, p.380); 3. 1636 «humilier quelqu'un» (MONET, p.574 a); id. part. passé adj. (ibid.: Mertifié, hontoié avec aigreur). B. 1. Fin XVe-XVIe s. alchim. «modifier la forme extérieure d'un mixte» (Traicté d'alchymie, 256 ds Roman de la Rose, éd. Méon, t. 4, p.215); 2. 1552 réfl. «[en parlant d'un tissu animal] se décomposer, se gangréner» (PARÉ, éd. J. Malgaigne, X, 14, t. 2, p.213 b, note 1); 3. 1588 [viandes] mortifiées (MONTAIGNE, Essais, III, XIII, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p.1081). Empr. au lat. mortificare, dans la langue chrét. «tuer, mettre à mort» [spirituellement, par opposition à vivificare, «faire mourir»; à l'emploi passif «être mort à, délivré de (lege, vitiis...)»]; spéc. «mortifier, réprimer [opera carnis, voluntatem]», se mortificare; à l'époque médiév. [mordificare] méd. «déterminer la gangrène» (1150) et alchim. (XIIIe s. ds LATHAM). Fréq. abs. littér.:246. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 333, b) 396; XXe s.: a)325, b) 352.
mortifier [mɔʀtifje] v. tr.
ÉTYM. V. 1120; du lat. ecclés. mortificare, de mors, mortis (→ 1. Mort) et facere « faire ».
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1 Rendre (qqn) comme mort au péché, insensible aux tentations, par la mortification de la chair, des sens, des passions terrestres. ⇒ Affliger, châtier (la chair), crucifier, macérer, mater (sa chair). — Mortifier sa chair, ses sens, ses passions. || Mortifier la chair et abaisser, humilier l'esprit. — Pron. (V. 1190). || Se mortifier : s'infliger des mortifications.
1 Ils n'imaginent pas que, pour honorer les dieux, il faille se mortifier, jeûner, prier avec tremblement, se prosterner en déplorant ses fautes (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 122.
2 Esther se mortifiait, restait des heures à genoux sur les dalles de l'église, elle s'infligeait toutes sortes de pénitences.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, VIII.
♦ Au p. p. || Une vie mortifiée (→ Chrétien, cit. 3).
2 (1636). Fig. Affliger (qqn) en froissant, en humiliant son amour-propre. ⇒ Blesser, froisser, humilier (cit. 21), vexer. || On l'a durement mortifié. (Au passif). || Il a été mortifié par son patron, par son échec. — (Au p. p.). Plus cour. || Être mortifié, tout mortifié de qqch. ⇒ Contrit. || S'en aller tout mortifié (→ L'oreille basse).
3 (…) une mutuelle bonté, qui avec l'avantage de n'être jamais mortifiés, nous procurerait un aussi grand bien que celui de ne mortifier personne
La Bruyère, les Caractères, XI, 131.
4 C'était pour la première fois de sa vie que ce monarque avait osé penser autrement que son favori, qui, regardant cette nouveauté comme un sanglant affront, en fut très mortifié.
A. R. Lesage, Gil Blas, XII, VIII.
5 (…) le confident nécessaire était Barnave; du moins, il l'avait cru ainsi. Donc, il était singulièrement mortifié, comme homme politique et comme homme, de cet enlèvement de Varennes; il lui semblait qu'on lui volât ce que, dans son excessive présomption, il croyait déjà à lui.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, II.
6 Germain fut mortifié qu'on le supposât déjà épris, et l'air maniéré de la veuve, qui baissa les yeux en souriant, comme une personne sûre de son fait, lui donna envie de protester contre sa prétendue défaite (…)
G. Sand, la Mare au diable, XII.
♦ Par ext. ⇒ Chagriner, fâcher. || Abattement intérieur qui mortifie l'âme (→ Inutilité, cit. 3). — Au p. p. || Être tout mortifié. ⇒ Chagrin.
7 — (…) vous jugez assez ce qui le peut inquiéter. — Notre départ sans doute ? — Le bonhomme en est tout mortifié (…)
Molière, Dom Juan, I, 2.
3 (XIVe, en alchimie, par oppos. à vivifier; sens actuel au XVIe, Paré). Vx. Faire mourir (un tissu) en le décomposant. || La gangrène mortifie les chairs. ⇒ Gangrener, nécroser.
♦ Mod. || Mortifier une dent, la dévitaliser. — Adj. || Dent mortifiée : dent qu'on a dû dévitaliser, ou qui s'est dévitalisée d'elle-même après infection. || Dent mortifiée par un kyste à la racine.
4 (XIXe). Spécialt. Cuis. Soumettre (une viande) à un début de décomposition. || Mortifier du gibier. ⇒ Faisander, vener. — (1588). Rendre (la viande) plus tendre. || Mortifier la viande en la battant, en la faisant mariner. — Au participe passé :
8 En toutes celles (viandes) qui le peuvent souffrir, je les aime (…) fort mortifiées, et jusques à l'altération de la senteur (…)
Montaigne, Essais, III, XIII.
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mortifié, ée p. p. adj.
♦ Voir à l'article.
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CONTR. Endurcir, enorgueillir. — Consoler, flatter. — Durcir.
DÉR. Mortifiant.
Encyclopédie Universelle. 2012.