DICTIONNAIRE
Pour l’usager, le dictionnaire de langue se présente comme une suite discontinue d’informations ou d’explications susceptible de fournir des réponses à toutes les questions qu’il se pose sur les mots.
Pour le lexicographe-dictionnariste, c’est un répertoire normé à visées didactiques où sont ordonnées, décrites ou définies des attestations de mots, de sens et d’emplois, selon des modalités et des formules héritées de la longue histoire de ce type d’ouvrages.
Plus socialisé que tout autre recueil de données, le dictionnaire représente, pour le public, un guide ou un maître détenteur du code de l’usage légitime, à la fois image et mémoire de la langue, tous domaines d’expérience et toutes époques confondus. Le spécialiste, lui, le tient pour très contingent des idéologies, des réalités socioculturelles, techniques et économiques de son temps et de théories linguistiques plus ou moins durables. Nul ouvrage n’est exempt de choix arbitraires.
Tous s’accorderont pourtant à considérer le dictionnaire comme l’une des conquêtes de l’esprit moderne, comme une expression des états de civilisation avancés, à la fois témoin et agent de la démocratisation des connaissances.
1. Typologie générale
Les premiers essais d’inventaire des dictionnaires français (Durey de Noirville, Table alphabétique des dictionnaires , 1758) et de classification (D’Alembert, Encyclopédie , article «dictionnaire») ont été établis au XVIIIe siècle. Mais il faut attendre le milieu du XXe siècle pour disposer des premières typologies et des études systématiques sur les caractéristiques internes et externes des répertoires depuis leur apparition au XVIe siècle.
Certains critères fondamentaux permettent de distinguer six ouvrages types et leurs variétés: le nombre et la nature des langues traitées et des langues de traitement (dictionnaires monolingues ou plurilingues ); la nature des informations fournies, l’entrée étant considérée soit comme un signe (mot), soit comme un accès au référent (concept ou chose, les dictionnaires de langue ou encyclopédiques ); les options retenues pour déterminer l’étendue et la composition de la nomenclature (dictionnaires extensifs ou sélectifs ).
Dictionnaires monolingues et dictionnaires plurilingues
Le dictionnaire met en rapport deux ensembles d’unités lexicales ou d’éléments de discours, l’un servant à informer sur l’autre et à l’expliciter. Lorsque ces ensembles appartiennent à des langues différentes, ils peuvent assumer ces fonctions à tour de rôle dans des versions réciproques.
Le premier ensemble est constitué par tous les items de la nomenclature (lemmes et entrées dictionnairiques). Le second est représenté par les mots ou énoncés explicitants (métalangage). Nature, sens et emploi de chaque entrée sont ainsi consignés et complétés par des définitions ou des équivalences, avec ou sans exemples, citations ou commentaires. Pour assurer sa fonction métalinguistique, l’ensemble du vocabulaire explicitant est plus restreint et mieux structuré que le vocabulaire explicité.
Lorsque la nomenclature, le métalangage, la langue des exemples, des citations ou des parties explicatives relèvent du même système linguistique, le dictionnaire est monolingue (ou unilingue). Dans le cas contraire, il est plurilingue (bilingue ou multilingue) selon le nombre de langues en présence. Catégorie intermédiaire, les dictionnaires homoglosses mettent en relation des usages variants issus d’une souche commune (dictionnaires dialectaux, par exemple), des niveaux sociolinguistiques différents (dictionnaire d’argot), ou des états plus anciens de la langue (dictionnaire de l’ancien ou du moyen français, par exemple). L’usage standard moderne sert alors à traduire ou à expliciter la nomenclature suivant les méthodes des répertoires bilingues.
Dictionnaires de langue et dictionnaires encyclopédiques
Selon qu’elles portent sur le signe linguistique (le mot) ou sur le référent (chose, concept ou réalité du monde auquel le signe renvoie), les informations fournies relèvent de domaines différents. Cette distinction, pour fondamentale qu’elle soit, entraînera dans la majorité des cas des caractères dominants plutôt qu’exclusifs.
Le dictionnaire de langue (dénommé aussi «dictionnaire de mots» de D’Alembert à P. Larousse) prolonge et amplifie la catégorie de répertoires ouverte par les premiers glossaires latins du Moyen Âge, établis pour faciliter la lecture des textes anciens. Sa finalité est de donner des informations de type linguistique: nature grammaticale, genre, forme graphique et sonore du mot, significations, valeurs d’emploi et spécialisations dans les divers niveaux de langue, relations structurales ou fonctionnelles avec les autres éléments du lexique, origine, histoire, etc.
Appartiennent à cette catégorie:
– les dictionnaires de langue généraux dont la nomenclature compose un ensemble pondéré représentatif de l’usage ou de la norme collective de référence; les glossaires, lexiques et vocabulaires thématiques dont les entrées sont délimitées à partir de critères descriptifs ou fonctionnels;
– les dictionnaires de langue spéciaux qui sélectionnent les unités à traiter selon un caractère commun pouvant être morphologique (dictionnaire de racines, dérivés, familles de mots); grammatical (dictionnaires de particules, verbes, épithètes, genres); formel (dictionnaires d’orthographe, sigles, prononciation, rimes, inverses, homonymes, paronymes); sémantique (dictionnaires de synonymes, antonymes, ou idéologiques, analogiques); phraséologique (dictionnaires de locutions, proverbes), etc.
Le dictionnaire encyclopédique (dictionnaire de choses, en parallèle aux dictionnaires de mots) informe sur les choses désignées par les mots et non, comme le précédent, sur les mots en tant que signes. Si les entrées principales d’un dictionnaire de langue y sont souvent reprises, leur traitement extralinguistique (description et commentaires des réalités auxquelles elles renvoient) peut atteindre le développement de petites monographies. Seuls les mots grammaticaux y demeurent, par obligation, décrits comme des signes linguistiques fonctionnels. Les termes des arts et des sciences y sont largement représentés, alors que le dictionnaire de langue les évite en raison du discours trop technique requis pour leur définition. À l’inverse, ce dernier ignore les noms propres qui ne relèvent pas du système lexical de la langue, ainsi que les développements géographiques, biographiques, historiques, etc., qui leur sont associés pour ne pas marquer le répertoire de caractères encyclopédiques.
Le dictionnaire encyclopédique ne doit pas être confondu avec l’encyclopédie alphabétique. L’emploi d’adresses-vedettes, la composition par articles et l’ordre alphabétique, généralisés dès la fin du XVIIe siècle, ont souvent entraîné une confusion entre les deux types d’ouvrages. L’encyclopédie moderne est l’héritière des sommes médiévales qui avaient pour objet de réunir et d’expliquer l’ensemble des idées et des savoirs du temps sur les choses et le monde. Organisation raisonnée des connaissances, elle présente bien un discours fragmenté mais les unités de sa nomenclature relèvent d’une structure méthodique et hiérarchisée de notions. C’est pourquoi les vedettes ne représentent pas des mots du lexique, comme dans le dictionnaire, mais plutôt des «étiquettes», proches des descripteurs des classifications documentaires. Il s’agit de noms de notions, de réalités, de domaines, de disciplines, de techniques, etc., donnant accès aux discours sur les objets de savoir que sont les articles correspondants.
Aux XIXe siècle, le comte de Saint-Simon notait avec pertinence (Esquisse d’une nouvelle encyclopédie , jamais publiée): «Encyclopédie, ce mot [...] signifie enchaînement des connaissances; il ne devrait jamais servir de titre aux dictionnaires généraux. Un dictionnaire général est un magasin de matériaux propres à construire une encyclopédie.» Mais, si l’encyclopédie se démarque sans ambiguïté du dictionnaire, la distribution des deux types de discours (sur les mots; sur les choses) dans deux catégories correspondantes de dictionnaires est moins simple. Pour plusieurs raisons convergentes, dont la principale est que les corrélations entre signe et objet sont très fortes. L’un se trouvant évoqué chaque fois que l’on traite de l’autre, le discours sur le mot tend naturellement à s’enrichir de données sur la chose. C’est pourquoi peu de lexicographes de langue ont su, pu, ou voulu limiter leurs définitions au minimum requis pour la compréhension du sens, c’est-à-dire éliminer toutes formes de données encyclopédiques. Cette distinction fondamentale est pourtant aussi ancienne que les premiers répertoires monolingues français. L’argumentation de Furetière pour justifier son Dictionnaire de 1690 en est un premier et magistral exemple, même s’il n’a pas convaincu l’Académie. Il aurait fallu parler en termes de complémentarité et non de concurrence, ce qui sera chose faite au siècle suivant. Diderot disait du dictionnaire de langue qu’il est «le recueil des titres que doit remplir le dictionnaire encyclopédique». La formule de Laveaux (1820) «où le premier finit, le second commence» est bien, aujourd’hui encore, celle des dictionnaires encyclopédiques qui proposent, dans chaque article mot-notion, une information linguistique puis un développement référentiel, ou celle des dictionnaires de langue complétés par un répertoire de noms propres.
Il est d’autres raisons historiques et commerciales. Le dictionnaire de langue est devenu, au XIXe siècle, le témoin des progrès de la connaissance et l’outil de sa vulgarisation. Le Pan-Lexique de Boiste (1834) prétendait offrir les services de tous les dictionnaires, même de morale et d’instruction civique. Quant au Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse (1865), il fera effectivement office de résumé de tous les savoirs dans de nombreux foyers du temps. On peut admettre que, depuis lors, tout dictionnaire développé propose (inégalement) les deux sortes d’informations, la prééminence de l’une ou de l’autre permettant d’induire son appartenance. Cette tendance confirmée est révélée par le sous-titre «dictionnaire des mots et des choses» souvent repris à la suite du Richelet (1680), par le succès grandissant de l’intitulé «universel» aux XVIIe et XIXe siècles, ou par la démultiplication des termes scientifiques et techniques dans les dictionnaires contemporains. Le recours au dictionnaire en tant qu’auxiliaire didactique accuse encore sa fonction de décodage pour la compréhension d’un nombre croissant d’énoncés spécialisés.
Dictionnaires extensifs et sélectifs
Pour composer et délimiter une nomenclature de dictionnaire, il faut choisir entre l’option extensive ou sélective , d’une part, et lui associer une option synchronique ou diachronique , d’autre part.
Dictionnaires extensifs
La visée extrême de ce type d’ouvrages est l’utopique recueil de «tous» les mots de la langue dans «tous» leurs emplois. Prétention que n’affichent pas les plus sérieux des auteurs de dictionnaires généraux, de trésors culturels ou de dictionnaires universels, principaux modèles de cette catégorie. À partir d’une représentation théorique de la langue de référence, chacun fixe les limites arbitraires de son propre relevé lexical. Moins marqués par les préjugés normatifs, esthétiques et sociaux, ces répertoires se veulent descriptifs. Leur objectivité de principe ne va pas, toutefois, jusqu’à lever les interdits qui pèsent sur les usages hors convention dictionnairique. C’est pourquoi tout francophone cultivé est à même de proposer de nombreux ajouts aux trois cent mille entrées (pour 90 000 vedettes environ) retenues par les dictionnaires les plus étendus.
Aucun dictionnaire imprimé de langue vivante, pour des raisons théoriques autant que techniques et économiques, ne peut être ni complet ni à jour. Seul le thésaurus d’une langue morte pourrait être exhaustif s’il se fondait sur le relevé complet du lexique de tous les textes et documents connus.
Dictionnaires sélectifs
À l’inverse des précédents, les dictionnaires sélectifs se limitent à traiter une fraction du lexique, aussi peuvent-ils envisager de le faire plus complètement. La fréquence des emplois est le principal critère de choix pour les dictionnaires de la langue usuelle ou de mots rares. Pour d’autres, la spécialisation dans certains types d’usage est déterminante, par exemple dans l’usage général: niveau ou genre de discours (répertoires de la langue écrite, littéraire, familière, parlée, etc.), dans des usages particuliers: groupes socio-culturels déterminés par l’âge (dictionnaires pour enfants ou scolaires) ou le sexe (dictionnaires «des dames ou des demoiselles»), la classe ou le groupe socioculturel (dictionnaires d’usages aristocratiques, populaires, du bas-langage, d’argot des sociétés secrètes ou des malfaiteurs, etc.). Les répertoires consacrés au vocabulaire propre à une activité humaine ou à une profession représentent, avec les terminologies ou les dictionnaires de termes scientifiques, techniques, d’art ou d’argots de métiers, une sous-catégorie en grande expansion (dictionnaires terminologiques).
Dictionnaires synchroniques
Le modèle synchronique ajoute une autre délimitation. L’état de langue décrit étant présumé homogène, le vocabulaire peut y être explicité par référence à un jeu défini de relations structurales et fonctionnelles. Les approches normatives et prescriptives s’appliquent pleinement à ce modèle, en particulier aux dictionnaires destinés à l’enseignement de la langue. Les dictionnaires d’apprentissage privilégient, en effet, l’acquisition de l’expression (fonction d’encodage). Certains répertoires sélectifs, qui décrivent un ensemble lexical homogène et normé (terminologies scientifiques et techniques, par exemple), sont aussi contraints à l’option synchronique.
Dictionnaires diachroniques ou panchroniques
Sont dans la logique du modèle diachronique les ouvrages dont la nomenclature regroupe un vocabulaire séculaire ou pluriséculaire. À l’inverse des précédents, ils mêlent des usages de différents états de langue, ce qui limite ou condamne l’emploi de méthodes structurales. Il est de pratique courante d’inclure, dans la nomenclature des dictionnaires culturels, des mots ou des usages littéraires anciens dont il faut faciliter la compréhension (fonction de décodage), ce qui impose à tous ces grands répertoires extensifs une option panchronique plus ou moins marquée.
Il existe deux groupes de dictionnaires historiques. Le premier est composé des répertoires réellement diachroniques qui s’appliquent à présenter, pour chaque mot de la langue, l’ensemble complet de ses formes, sens et emplois, des premiers textes à nos jours, toutes attestations significatives à l’appui. Le célèbre English Oxford Dictionary de Murray (1879-1928), pour l’anglais, ou le répertoire des frères Grimm (1854-1961), pour l’allemand, en sont les meilleures illustrations. Le second groupe, plus récent, rend compte aussi de la vie des mots d’une langue sous forme de dictionnaires d’époque, tel le Trésor de la langue française des XIXe et XXe siècles qui sera suivi par d’autres tranches chronologiques. Cette limitation des usages recensés permet de recourir à des méthodes semi-synchroniques pour établir et traiter les éléments d’une nomenclature qui tend à être représentative de chacune des étapes décrites.
2. Historique
En France, les débuts de la lexicographie ont devancé de plusieurs siècles la réalisation des premiers dictionnaires monolingues français. En Europe occidentale, ce long parcours est jalonné d’échanges constants entre les premiers répertoires de langues anciennes, en particulier de latin. Ainsi s’est constitué un important patrimoine commun, qui a permis aux dictionnaires de devenir, avant le XVIIe siècle, un champ privilégié d’expériences internationales.
Dès les VIe et VIIe siècles se développent les gloses, marginales ou interlinéaires, portées sur les manuscrits pour expliciter, en latin plus simple ou en langue vernaculaire, les mots latins difficiles ou rares. Elles seront réunies ensuite en listes grossièrement alphabétisées, à la suite ou indépendamment du texte source, pour constituer des glossaires (celui de Reichenau du Xe siècle, par exemple groupe environ 5 000 items tirés de la Bible).
À partir du XIIe siècle, les productions lexicographiques s’orientent vers deux types de regroupements:
– les vocabulaires thématiques , où sont réunis, par centres d’intérêt, les mots latins et leur explicitation en une autre langue. Ces nominalia ou nomenclatures sont conçues pour l’enseignement, et certains modèles, associés à des méthodes de langues vivantes ou à des manuels de conversation, prolongeront leur existence jusqu’au XVIIIe siècle;
– les lexiques , constitués par compilation de gloses textuelles puis de glossaires. Ils atteindront le volume des premiers dictionnaires en empruntant beaucoup à la tradition des répertoires monolingues latins développés dans toute l’Europe au cours du Moyen Âge.
L’ensemble de ces ouvrages, en particulier l’Elementarium de Papias, les Derivationes d’Hugutio de Pise et surtout le Catholicon alphabétique de Johannes Balbi de Gênes (1290, imprimé en 1460), a beaucoup aidé les réalisations ultérieures. Les plus importantes productions glossographiques de l’Europe médiévale comportant des mentions françaises, les Abavus et Aalma (glossaires des XIIIe et XIVe siècles désignés par leur lemme initial), ont mis à profit les données linguistiques et le discours grammatical, lexicographique ou encyclopédique déjà élaboré.
La lexicographie moderne prend son essor au XVIe siècle avec la multiplication des répertoires plurilingues et l’apparition des grands dictionnaires philologiques des langues classiques. Les multilingues, destinés, selon leur format et leur contenu, soit aux savants, soit aux voyageurs et aux commerçants, introduisent le français à l’occasion d’une réédition. Ils proposent en effet un nombre croissant de langues vivantes (flamand, italien, espagnol, anglais, allemand et français pour l’essentiel), la multiplication des langues allant de pair avec la réduction du contenu des articles. Le Dictionarium d’Ambrogio Calepino (2 langues en 1502, 11 en 1588) en est le plus bel exemple. Les dictionnaires philologiques sont le fait de célèbres érudits. Avec eux s’affirme le concept de dictionnaire général d’une langue. Le perfectionnement des méthodes appliquées au traitement des langues littéraires anciennes, et d’abord au latin, a ouvert la voie aux premiers grands ouvrages monolingues des principales langues européennes.
Pour le français, l’artisan en fut sans conteste Robert Estienne, auteur d’un The saurus linguae latinae (1532) de réputation internationale (encore revu et réédité en Italie en 1771 par Forcellini). Sa version bilingue à l’usage des étudiants, le Dictionaire françoys-latin , de 1539 est le premier relevé important d’entrées françaises, dix mille items environ par ordre alphabétique. Il présente, à côté des équivalents latins, de nombreux développements en français. Quant aux mots modernes ajoutés lors des rééditions, ils seront décrits ou définis en français lorsque manquent les correspondants latins. Sous le titre Thresor de la langue françoyse tant ancienne que moderne (1606), le remaniement dû à Jean Nicot amenuise encore le bilinguisme au profit des éléments français, montrant ainsi l’intérêt que portait un plus large public aux commentaires étymologiques et encyclopédiques en langue vulgaire.
Les premiers répertoires européens monolingues de langues nationales sont, pour l’Espagne, le Tesoro de Covarrubias (1611) et, pour l’Italie, le Vocabolario de l’Accademia della Crusca (1612). Inspirée par ces modèles, la lexicographie monolingue du français fait ses débuts officiels à la fin du XVIIe siècle sous le double aspect qui est encore le sien: dictionnaires de langue et dictionnaires encyclopédiques. Dès 1636, la toute jeune Académie française avait mis en projet un dictionnaire de la langue illustré par les meilleurs auteurs. Mais, à une époque où le français littéraire subissait encore des changements profonds et répétés, il s’avéra aussi difficile de choisir des modèles confirmés que d’adopter une méthodologie satisfaisante alors que s’affrontaient des conceptions grammaticales divergentes. C’est un ouvrage différent qui fut publié en 1694: un dictionnaire normatif, fondé sur la langue générale des «honnêtes gens» et non sur celle des «meilleurs écrivains». Il offrait à l’homme cultivé du temps une image sélective d’un «bon usage» que certains qualifieront d’aristocratique. Il proposait des définitions générales souvent abstraites, des exemples d’emplois et non des citations (mais les académiciens n’étaient-ils pas des autorités reconnues?) et une nomenclature de quinze mille vedettes environ. Par ces options, il déterminait les caractères distinctifs des dictionnaires de langue prescriptifs synchroniques. Les huit éditions de 1694 à 1932 resteront fidèles à ce modèle, comme les très nombreux répertoires à visées scolaires qui s’en inspireront, explicitement ou non, aux XVIIIe et XIXe siècles.
Pendant la seconde moitié du XVIIe siècle, la lenteur du travail académique a laissé place à des projets différents et concurrents. Le Dictionnaire des mots et des choses de Pierre Richelet (1680) peut être tenu pour le prototype du dictionnaire général. Premier dictionnaire intégralement monolingue, il est donc le premier à élaborer l’ensemble des définitions présentées. Dictionnaire descriptif, il s’ouvre aux réalités de la société contemporaine et fait place à des mots populaires ou «bas», à des usages marginaux et à de nombreux mots des arts et des sciences qu’il traite à la manière encyclopédique. Il propose aussi des citations d’auteurs alors célèbres. Il deviendra la référence obligée des répertoires postérieurs du même type.
Dans son Dictionnaire universel (1690), Antoine Furetière, académicien lui-même, sera plus ambitieux encore puisqu’il entend réaliser l’«encyclopédie de la langue». Il réduit la part faite à la langue commune et se démarque ainsi de l’Académie. En revanche, il accorde toute son attention aux langues de spécialités, aux termes techniques, aux mots rares même anciens, qu’il traite en «philosophe» érudit. Son ouvrage représente le prototype du dictionnaire encyclopédique extensif, annonciateur de modernité.
Avec une nomenclature double (Richelet) ou triple (Furetière) de celle de l’Académie, des définitions développées enrichies de compléments explicatifs, critiques, voire anecdotiques, les deux ouvrages, chacun à leur manière, proposent un large tableau des connaissances de l’époque. À l’aube du siècle des Lumières, on comprend que ces répertoires aient acquis la faveur du public. Souvent remaniés et augmentés, ils serviront de base aux compilations mi-lexicographiques, mi-encyclopédiques du XVIIIe et d’une grande partie du XIXe siècle. Parmi celles-ci, il faut faire une place particulière au Dictionnaire universel françois et latin dit de Trévoux (3 tomes en 1704, 8 en 1771), remaniement anti-janséniste du Furetière par les jésuites de Trévoux, exemple de l’utilisation du dictionnaire comme instrument délibéré de propagande idéologique.
À côté des volumineuses compilations, l’activité dictionnairique du XVIIIe siècle présente deux aspects nouveaux: pour le contenu, des relevés terminologiques des arts et des sciences, pour le format, des répertoires plus modestes. Les deux seront souvent associés.
Toutes les sciences et techniques du temps vont recevoir leur dictionnaire, lexique ou vocabulaire, par exemple le Dictionnaire général des termes propres à l’agriculture de Liger (1703), le Dictionnaire de commerce de Savary Des Bruslons (1723) ou le Dictionnaire universel de la géographie commerçante de Peuchet (1798). Les répertoires universels ultérieurs ne manqueront pas de mettre à profit ces très importantes mines de données, y compris l’Encyclopédie de Diderot (en particulier certains vocabulaires de la série «Descriptions des arts et métiers», commanditée par l’Académie des sciences).
En réaction contre une inflation des nomenclatures, des titres, des formats et des coûts, vont se multiplier, à l’approche de la Révolution, les dictionnaires abrégés, manuels, de poche ou portatifs, et les vocabulaires dont la vogue persistera pendant la première moitié du XIXe siècle. C’est sous cette forme réduite que le Dictionnaire de l’Académie connaîtra un rayonnement et un succès incontestés, auprès du public scolaire en particulier.
La tendance au gigantisme réapparaît au cours du XIXe siècle. Les célèbres Gattel (de 1813 à 1857) ou Boiste (de 1800 à 1857, Pan-Lexique de 1834) étaient nés portatifs pour s’enfler ensuite jusqu’à quadrupler au moins leur volume initial. Pour satisfaire la lexicomanie dominante, certains auteurs se vanteront d’offrir cent cinquante mille entrées (monstres et inutilités compris), excès qui finiront par être justement critiqués chez Landais (1834) ou Bescherelle (1843), par exemple. Avec le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (1865), Pierre Larousse imposera à ce type de lexicographie les exigences de qualité qui sont de mise aujourd’hui. À sa suite, les nombreux remaniements ou éditions condensées ne s’en départiront plus.
Délaissés à l’avantage des dictionnaires de choses, les dictionnaires de mots prirent, à la veille de la Révolution, un essor qui s’accentuera davantage encore au XIXe siècle. Ils cesseront d’être ce «squelette» évoqué par Voltaire lorsque les citations, puisées aux sources les plus riches de la langue littéraire, viendront peu à peu nourrir leurs colonnes et remplacer, ou compléter, les exemples succints et anonymes. En Angleterre, faute de pouvoir faire appel à l’autorité d’une académie, comme en France, Samuel Johnson (1755) avait dû emprunter aux grands écrivains de nombreuses citations. En démontrant qu’un ouvrage non encyclopédique pouvait être d’une lecture enrichissante, voire passionnante, il fera école. Les bouleversements politiques ne permettront pas, en France, la réalisation de larges inventaires faisant appel aux richesses de la langue des auteurs anciens et modernes. Ils resteront à l’état de projets (Pougens, 1794).
C’est au cours de la seconde moitié du XIXe siècle que les dictionnaires de langue commencent à tirer avantage des toutes jeunes sciences du langage. Les répertoires spéciaux (dictionnaires de prononciation, de synonymes, étymologiques, analogiques ou idéologiques) en seront les premiers bénéficiaires. Les dictionnaires généraux suivront. Celui d’Émile Littré (1863-1877), le plus célèbre, est surtout le plus représentatif du renouveau «méthodologique» sinon «scientifique» de la lexicographie. L’auteur applique à la description de la plus riche masse documentaire assemblée jusqu’alors une méthode naturaliste d’inspiration positiviste, et il fait preuve d’un talent rare pour analyser les sens et les définir clairement. Les principaux documents relatifs à l’histoire, à la signification et à l’emploi des mots y sont réunis. Mais cela, pour un français «contemporain» arbitrairement limité à la période 1600-1800 environ. Dans leur Dictionnaire général , Hatzfeld, Darmesteter et Thomas amplifieront l’œuvre de Littré en ajoutant un siècle d’usages (le terme final correspond à la date de rédaction, 1890) et en appliquant une philologie plus exigeante encore. Il est vrai qu’ils pouvaient alors mettre à profit les progrès décisifs réalisés après 1870 par la phonétique, la morphologie et la sémantique historiques. Le public appréciera beaucoup ces deux ouvrages pendant plus d’un demi-siècle.
En 1950 paraît le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française , projet de «nouveau Littré» dû à Paul Robert. L’ouvrage modernise les modèles précédents en associant à chaque entrée alphabétique des corrélations linguistiques (dérivés, composés) et conceptuelles (mots analogues, synonymes, antonymes). Le Grand Larousse de la langue française (1971-1978) emprunte bon nombre de ses données à la partie linguistique du Grand Larousse encyclopédique (1960-1975). Rendu ainsi plus proche de la civilisation technico-scientifique contemporaine, il est aussi moins marqué par la culture littéraire que le Robert . Ces grands répertoires dominent une importante production de dictionnaires usuels de format réduit, ayant eux-mêmes donné naissance à des «petits» auxquels ils transmettent l’essentiel de leurs qualités.
La publication du Littré, consacré au français classique, puis celle du Dictionnaire de l’ancienne langue française de Frédéric Godefroy (1880) ont sans doute contrarié la poursuite du projet de Dictionnaire historique mis en chantier à partir de 1836 par l’Académie française (il s’est arrêté à la lettre A, en 1894). C’est à l’étranger que des entreprises similaires seront conduites à leur terme, pour l’allemand par les frères Grimm (1854-1961) et pour l’anglais par James Murray (1884-1928). En France, sous la direction de Paul Imbs et de Bernard Quemada, le Trésor de la langue française des XIXe-XXe siècles (1971-1994) met en œuvre une conception et une méthodologie nouvelle. Premier ouvrage de lexicographie historique à être assisté par ordinateur, il a pu maîtriser une richesse documentaire encore sans exemple et affiner notablement les analyses et la distribution des sens et des emplois.
À date récente, deux catégories de répertoires ont pris un essor particulier. Des dispositions officielles ayant fait pénétrer le dictionnaire dans les classes de français, une importante production de dictionnaires d’apprentissage est venue alimenter ce nouveau marché. Les caractéristiques et les modalités d’utilisation de ces répertoires en tant que manuels pédagogiques sont étudiées par des didacticiens de la langue. Par ailleurs, l’ampleur des besoins en matière de terminologie, en écho au mouvement des sciences et des techniques, entraîne le renouveau et la multiplication des répertoires spécialisés. Très productive aujourd’hui, la terminographie doit, en parallèle, définir la spécificité des unités de dénomination à expliciter et la méthodologie propre à leur traitement dictionnairique.
3. Dictionnaire et société
Toutes les langues n’ont pas été «dictionnarisées», toutes les communautés n’ont pas réalisé leur dictionnaire particulier, mais il est incontestable que plus une société se développe et se complexifie, plus ses connaissances s’étendent et se diversifient, plus le dictionnaire y joue un rôle important.
Le caractère social du dictionnaire tient au fait qu’il est perçu comme la somme des connaissances nécessaires à une communauté. Personne ne saurait en avoir la maîtrise entière, c’est le privilège du dictionnaire. La représentation du monde donnée à travers le traitement lexicographique (choix de la nomenclature et des citations, élaboration des définitions et des exemples) est bien celle que la communauté concernée se fait d’elle-même, de ses goûts et de ses valeurs. L’autorité de cette référence tient à un accord consensuel très profondément partagé: ce que dit le dictionnaire est légitime et vrai. Il exerce de ce fait une forte action normative, en dehors de toute visée prescriptive propre. Pour ce qui regarde le langagier, il représente une institution sociale comparable au Code civil. C’est aussi une institution culturelle, un «lieu de mémoire collective» (P. Nora) à l’instar des bibliothèques et des musées, puisque l’une de ses finalités, directe ou indirecte, est de conserver et de transmettre, à travers les mots et les discours cités, tous les éléments d’une culture.
Les dictionnaires-trésors, prototypes des dictionnaires culturels, assurent plus particulièrement cette fonction, mais tout dictionnaire porte l’empreinte des images et des stéréotypes collectifs de son temps. De plus, il peut révéler les attitudes esthétiques, morales, philosophiques, politiques ou religieuses de son auteur (le Furetière est marqué par le jansénisme, le Trévoux par la pensée jésuite, le Littré par le positivisme, le Larousse par le rationalisme anticlérical).
Par leur nombre et leur diversité, les dictionnaires existants (30 000 environ recensés pour le français) reflètent la variété des besoins auxquels ils répondent. Ils témoignent aussi de l’influence exercée par la société qui les produit et à laquelle ils sont destinés. Chacun rend compte d’un état de civilisation donné et des idélologies alors dominantes, ce qui en fait des outils irremplaçables pour la connaissance du passé.
La sociologie des dictionnaires montre la pérennité d’un de leurs traits fondamentaux: devoir satisfaire les besoins particuliers d’un groupe social et d’un type d’usagers. Il n’existe donc pas encore de «dictionnaire à tout faire», quoi qu’en disent les publicitaires.
Les premiers glossaires, destinés à des publics très limités, s’attachaient aux formes rares ou obscures, caractère qui restera prédominant dans les répertoires réservés aux érudits. Les petits vocabulaires bilingues, consacrés aux mots et aux tours usuels des langues modernes, ont très vite marqué leur intérêt pour les emplois familiers, vulgaires et néologiques, non attestés par ailleurs. Les dictionnaires bilingues restent toujours plus riches, pour ces types d’usages, que les monolingues, même plus développés.
Les progrès de l’instruction, associés au mouvement des idées et des connaissances, mettent les dictionnaires face à des lecteurs plus nombreux et aux besoins plus diversifiés. C’est, aux XVIIe et XIXe siècles, l’une des raisons du succès de la formule universelle qui prétend fournir réponse à tout, sans cesser d’être un guide linguistique et esthétique. Il n’est pas d’événement d’une certaine ampleur, progrès scientifique, invention, mode, guerre, conquête coloniale, lutte politique, etc., qui n’ait inspiré ou orienté un ou plusieurs répertoires. Les dictionnaires correctifs (ne dites pas..., dites...), par exemple, apparaissent vers 1750 pour les besoins de la bourgeoisie provinciale en voie de francisation; les versions populaires qui vont se multiplier, après l’Empire, seront à l’usage du nouveau public issu du brassage des classes sociales entraîné par la Révolution.
Les mises à jour successives des neuf éditions de l’Académie témoignent de ces interactions. Les rééditions de 1743, 1762 et 1835, en particulier, modifient notablement la nomenclature et les définitions, et la neuvième édition (en cours de parution) sera elle-même actualisée de façon importante pour être plus proche des réalités d’aujourd’hui.
L’influence des facteurs socio-économiques n’est pas moins perceptible. Le dictionnaire, produit éditorial, est soumis aux lois du marché du livre dans lequel les préoccupations financières priment souvent sur les considérations méthodologiques.
Le coût élevé des imposants volumes imprimés à la fin du XVIIe siècle les destinait à une clientèle fortunée. Le courant réducteur qui, au milieu du siècle suivant, fera se multiplier les dictionnaires manuels portatifs, répondait d’abord aux impératifs du marché. Il rejoindra une tendance perceptible à l’approche de la Révolution et qui sera irréversible, celle-là: faire du dictionnaire un instrument d’éducation populaire privilégié. À une amélioration de la situation économique générale correspondra sans tarder l’enrichissement des répertoires (17 volumes in-folio pour le Grand Dictionnaire universel de P. Larousse, 1867). Aujourd’hui, grands et petits sont également florissants, grâce à l’appétence dictionnairique de notre temps.
Les facteurs techniques, qui conditionnent la réalisation matérielle du dictionnaire, ont aussi des répercussions déterminantes sur les méthodes lexicographiques. L’apparition des premiers dictionnaires, au XVIe siècle, est liée au recours à l’imprimerie. Il a permis de renouveler et de développer ce type d’ouvrages en lui donnant le destin commercial des nouveaux livres. Que les philologues, auteurs des premiers dictionnaires imprimés, aient cumulé les fonctions de libraires-imprimeurs n’est pas le fait du hasard, les premières grandes entreprises lexicographiques en ont été facilitées. Il en va de même pour des initiatives plus récentes.
Par la relation directe qui unit les procédés de composition, les modalités de présentation et de mise en page (choix typographiques, illustrations, couleur) aux solutions rédactionnelles, la mise en forme typographique agit, elle aussi, sur la construction et le contenu de l’article.
Le recours à l’informatique et aux applications du traitement automatique du langage (industries de la langue) marque très profondément les procédures lexicographiques et les produits dictionnairiques contemporains. Il représente un facteur de progrès aussi radical que l’imprimerie en son temps. Les bases de données textuelles et lexicales donnent accès à une documentation en principe illimitée. Une assistance multiforme est, et sera plus encore, apportée aux rédacteurs pour composer la nomenclature, analyser les constructions, homogénéiser les définitions, gérer les exemples et normaliser le métalangage. Les révisions et les mises à jour sont déjà accélérées avant une publication plus rapide et mieux modulée. Nouveaux supports de diffusion numérisée, les disques compacts ont permis de commercialiser des «dictionnaires électroniques», versions informatisées des dictionnaires classiques. Véritables bases de données dictionnairiques, ils offrent une lecture séquentielle, article par article, ou relationnelle, par association de plusieurs types d’informations proposés dans le corps des articles. C’est la première réalisation à pouvoir se prévaloir d’être un réel pluridictionnaire. Les contraintes qui ont toujours pesé sur les dictionnaires imprimés s’atténuent ou disparaissent, ainsi la limitation de l’espace typographique qui condamnait tous les dictionnaires à être incomplets. Les techniques multimédias laissent espérer la mise sur le marché de dictionnaires illustrés, animés et sonorisés.
4. Dictionnaire et sciences du langage
Les méthodes lexicographiques ont conservé jusqu’en 1960 un caractère essentiellement empirique. Avant cette date, aucune étude théorique et aucun manuel pratique n’avait abordé ce sujet. À l’exception de quelques philosophes du XVIIIe siècle, qui avaient tenté, mais sans effet, de systématiser certains procédés.
L’indifférence vis-à-vis de toute théorique est manifeste au cours des premiers siècles de réalisations lexicographiques. Les praticiens se proposaient d’enregistrer et d’expliquer «toute» la langue, sans chercher à établir des principes à la mesure de ces hautes ambitions. En contrepartie, ils possédaient une remarquable intelligence pragmatique de problèmes linguistiques que les linguistes ne sauront concevoir et formuler que très tardivement.
Sous son double aspect, pratique et théorique, la lexicographie est aujourd’hui une discipline à part entière.
dictionnaire [ diksjɔnɛr ] n. m.
• v. 1501 « dictionnaire bilingue »; lat. médiév. dictionarium, de dictio « action de dire »
1 ♦ Recueil d'unités signifiantes de la langue (mots, termes, éléments...) rangées dans un ordre convenu, qui donne des définitions, des informations sur les signes. abrév. fam. (1885) DICO [ diko ]. Des dicos. Dictionnaire alphabétique; dictionnaire conceptuel, dictionnaire de caractères chinois par clés. « il faut se figurer les usages nombreux et ordinaires du dictionnaire. On y cherche le sens des mots, la génération des mots, l'étymologie des mots » (Baudelaire). Consulter un dictionnaire. Chercher un mot dans le dictionnaire. Ce n'est pas dans le dictionnaire. Entrer dans le dictionnaire. — Liste des mots d'un dictionnaire. ⇒ nomenclature. Dictionnaire ne donnant que les mots principaux (⇒ lexique, vocabulaire) , les mots difficiles ou peu connus (⇒ glossaire) . Entrée, article d'un dictionnaire.
♢ Dictionnaire général. Dictionnaire de langue, donnant des renseignements sur les mots de la langue commune et leurs emplois. Technique de la confection des dictionnaires. ⇒ lexicographie. Les séances du dictionnaire à l'Académie française. Rédaction, mise à jour, révision d'un dictionnaire. « L'usage contemporain est le premier et principal objet d'un dictionnaire » (Littré). Définitions, exemples, citations, renvois d'un dictionnaire. Dictionnaire illustré. — Dictionnaire encyclopédique, contenant des renseignements sur les choses, les idées désignées par les mots, et traitant les noms propres. ⇒ encyclopédie.
♢ Dictionnaire bilingue, qui donne la traduction d'un mot d'une langue dans une autre en tenant compte des sens, des emplois. Dictionnaire français-anglais, latin-français. Traduire à coups de dictionnaire.
♢ Dictionnaires spéciaux. Dictionnaires thématiques. — Dictionnaire des synonymes, antonymes, homonymes; dictionnaire analogique, étymologique, orthographique. Dictionnaire de locutions, de proverbes. Dictionnaire de rimes, de prononciation. Dictionnaire de mots croisés. — (Langues spéciales) Dictionnaire de la philosophie, de la médecine. ⇒ terminologie, vocabulaire. Dictionnaire de l'argot, d'argot. « Dictionnaire de la musique », de J.-J. Rousseau. Dictionnaire des conventions, des signaux. ⇒ code, répertoire. — Dictionnaire d'un auteur. ⇒ lexique. Dictionnaire des mots employés dans la Bible. ⇒ concordance. — Recueil de noms propres, de faits, de jugements non systématique, présenté comme un dictionnaire. « Le Dictionnaire des idées reçues », de Flaubert.
♢ Dictionnaire informatisé, électronique. Dictionnaire sur CD-ROM.
♢ Série des unités lexicales codifiées (mots, locutions) mise en mémoire dans une machine à traduire.
2 ♦ Le dictionnaire d'une époque, d'une personne, la somme des mots qu'elle emploie. ⇒ vocabulaire.
3 ♦ Fig. Personne qui sait tout. C'est un vrai dictionnaire, un dictionnaire vivant ! ⇒ bibliothèque, encyclopédie.
● dictionnaire nom masculin (latin médiéval dictionarium, de dictio, -onis, discours) Ouvrage didactique constitué par un ensemble d'articles dont l'entrée constitue un mot, indépendants les uns des autres et rangés dans un ordre déterminé, le plus souvent alphabétique. (Abréviation familière : dico.) Partie d'un programme d'assemblage qui donne, sous forme imprimée, la liste des adresses symboliques et leurs adresses absolues ou translatables. ● dictionnaire (citations) nom masculin (latin médiéval dictionarium, de dictio, -onis, discours) Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 Un dictionnaire commencerait à partir du moment où il ne donnerait plus le sens mais les besognes des mots. Documents Mercure de France Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 Le plus grand chef-d'œuvre de la littérature n'est jamais qu'un dictionnaire en désordre. Le Potomak Stock Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Tout amuse quand on y met de la persévérance : l'homme qui apprendrait par cœur un dictionnaire finirait par y trouver du plaisir. Correspondance, à Mlle Leroyer de Chantepie, 1858 Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. Les Contemplations, Réponse à un acte d'accusation, I, 7 Paul Léautaud Paris 1872-Robinson 1956 La seule foi qui me reste, et encore ! c'est la foi dans les Dictionnaires. Journal littéraire Mercure de France Ponce Denis Écouchard Lebrun Paris 1729-Paris 1807 Académie française, 1803 On fait, défait, refait ce beau Dictionnaire Qui, toujours très bien fait, sera toujours à faire. Épigrammes le Dictionnaire de l'Académie ● dictionnaire (synonymes) nom masculin (latin médiéval dictionarium, de dictio, -onis, discours) Ouvrage didactique constitué par un ensemble d'articles dont l'entrée constitue...
Synonymes :
- lexique
dictionnaire
n. m. Ouvrage qui recense et décrit, dans un certain ordre, un ensemble particulier d'éléments du lexique (sens 4). Dictionnaire médical, étymologique.
— Dictionnaire de la langue ou dictionnaire de langue, qui décrit le sens, les valeurs, les emplois, etc. des mots d'une langue. Le dictionnaire de l'Académie française.
— Dictionnaire bilingue, qui donne les équivalents des mots et expressions d'une langue dans une autre langue. Un dictionnaire français-vietnamien.
— Dictionnaire encyclopédique, qui, outre les descriptions de mots, fournit des développements encyclopédiques consacrés aux objets désignés par les mots. Syn. Fam. dico.
⇒DICTIONNAIRE, subst. masc.
I.— Recueil des mots d'une langue ou d'un domaine de l'activité humaine, réunis selon une nomenclature d'importance variable et présentés généralement par ordre alphabétique, fournissant sur chaque mot un certain nombre d'informations relatives à son sens et à son emploi et destiné à un public défini. Articles de dictionnaire; à l'aide du, à coups de dictionnaire; chercher dans, consulter le dictionnaire. Un bon dictionnaire est une affaire de raison et de discussion et non d'enthousiasme (STENDHAL, Racine et Shakspeare, Paris, Champion, t. 2, 1842, p. 80). Rien n'importe au progrès de l'esprit humain autant qu'un bon dictionnaire qui explique tout (FRANCE, Le Génie latin, 1909, p. 66) :
• 1. Il est plus important qu'on ne pense de maintenir la domination de la langue française, et pour cela il seroit temps de faire, dans un dictionnaire, l'inventaire raisonné de ses richesses, dont nous n'avons encore que des nomenclatures.
BONALD, Législ. primitive, t. 1, 1802, p. 346.
A.— [L'information est présentée comme ayant un caractère général et supra-individuel]
1. [L'ouvrage est de type gén.]
a) [En réf. à une lang. commune] Dictionnaire anglais. J'ai quelque dédain pour le dictionnaire de l'Académie (HUGO, Corresp., 1856, p. 235). Le dictionnaire de Littré bien accessible (...) car on l'ouvrait à chaque instant (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p. 196). Ces séances du dictionnaire qui réunissent toujours, chaque jeudi, les membres de l'Académie française présents dans la capitale (MAURIAC, Journal occup., 1944, p. 331) :
• 2. ... le dictionnaire Larousse, tu penses peut-être qu'il est fait pour les mouches. Mon cher, avec le dictionnaire Larousse en sept volumes, celui qui a des images, tu as connu Stanley, Timour, Gustave Adolphe et pas mal d'autres. Tous les gens qui font ces romans extraordinaires que tu lis (...), tous ces gens ont pioché le dictionnaire Larousse.
DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Cécile parmi nous, 1938, p. 100.
b) [En réf. à la lang. d'un milieu] Dictionnaire d'argot. Si vous feuilletez le dictionnaire de la langue verte (FRANCE, Crainquebille, 1904, p. 28).
c) [En réf. à plusieurs lang.] Dictionnaire espagnol/ grec/latin-français; dictionnaire bilingue.
d) [En réf. à une lang. et à la description des réalités que son vocab. désigne] Dictionnaire des antiquités grecques et latines :
• 3. Et quel bonheur j'eus en ouvrant pour la première fois un des grands volumes d'en bas : le « Dictionnaire encyclopédique » de MM. D'Alembert et Diderot, et de comprendre ce bel ordre alphabétique, où chacun trouve ce qu'il lui plaît de chercher, selon ses besoins ou son état!
ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, t. 1, 1870, p. 208.
2. [L'information est de type spécialisé]
a) [En réf. à certains aspects d'une lang. commune]
— [La perspective est diachronique] Un « dictionnaire étymologique de la langue française » [accompagné] « d'une grammaire et d'un dictionnaire du XVIe siècle » (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 828).
— [La perspective est synchronique] Dictionnaire des homonymes, des synonymes. Il avait composé en l'honneur des cerbères de l'Institut un petit dictionnaire d'injures (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 179). Voir aussi analogique ex. 12.
b) [En réf. à des domaines partic. des arts, des sc. ou des techn.] Les dictionnaires botaniques manquent même de termes propres qui puissent exprimer les odeurs primitives (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 96). Rien ne dégoûte de la vie comme de feuilleter un dictionnaire de médecine (RENARD, Journal, 1901, p. 643) :
• 4. Ignorant comme une carpe, il [Astolphe] n'en avait pas moins écrit les articles sucre et eau-de-vie dans un dictionnaire d'agriculture, deux œuvres pillées en détail dans tous les articles des journaux et dans les anciens ouvrages où il était question de ces deux produits.
BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 87.
Rem. Dans ce sens A, dictionnaire est abrégé en dico dans le lang. des écoles. Cf. ESN. 1948 et ARAGON cité par ROB. Suppl. 1970.
B.— P. ext. [L'information concerne l'usage d'une pers. ou d'un groupe de pers.]
1. Somme des mots employés par une personne, une époque, un mouvement. Synon. usuel vocabulaire. Haine, envie, vengeance, et tous ces mots qui composent le vrai dictionnaire des révolutions (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 3). Exciter son cheval par tous les jurements de son riche dictionnaire (SAND, Le Meunier d'Angibault, 1845, p. 30). Un mot qui n'est plus honoré que par nous seuls, dans notre dictionnaire assez réservé (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 165).
2. Ensemble d'opinions personnelles classées sous une suite alphabétique de mots vedettes. Dans le « Dictionnaire des idées reçues » Flaubert ne donne-t-il pas cette définition de la giberne : étui pour bâton de maréchal de France (THIBAUDET, Réflex. litt., 1936, p. 106) :
• 5. Quant à son « Dictionnaire philosophique » [à Voltaire] si fastueusement intitulé la « Raison par alpha. bet », c'est un livre d'une très mince portée en philosophie.
CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1822, p. 114.
II.— P. anal. Répertoire ordonné de signes.
A.— [L'information vise à expliciter ou à regrouper certains aspects d'une langue commune ou symbolique] Dictionnaire d'abréviations, de morse, de mots croisés. Un libraire qui, donnant un dictionnaire de rimes à un poète, lui dit :« celui-là est bon. » (RENARD, Journal, 1900, p. 611).
B.— [L'information vise à expliciter certaines réalités d'un secteur de l'activité humaine] Je lus le dictionnaire des médailles de l'encyclopédie méthodique (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 227).
III.— P. méton. Personne qui possède des connaissances étendues et qui les communique facilement. C'est un dictionnaire vivant (Ac. 1798-1932). Bien entendu, j'ai des conceptions sur toutes choses, mais je ne suis pas non plus un dictionnaire (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 256).
— P. métaph. La cathédrale est lisible (...) Elle est un immense dictionnaire de la science du moyen-âge, sur Dieu, sur la Vierge et les élus (HUYSMANS, La Cathédrale, 1898, p. 236).
Rem. Dictionnaire, glossaire, lexique, vocabulaire : de ces quatre termes désignant chacun un recueil de mots à but didactique, dictionnaire est celui qui offre le champ sémantique le plus large, car il peut désigner un recueil de mots ou de choses; vocabulaire désigne un recueil ou une étude de mots (portant notamment sur un auteur ou sur un secteur d'activité); lexique désigne un abrégé d'un dictionnaire de mots ou, plus souvent, le recueil des mots employés par un écrivain; glossaire ,,qui désigne surtout un travail d'érudition, s'emploie parfois pour désigner le petit lexique des termes difficiles placé à la fin d'un livre`` (DUPRÉ 1972).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. FÉR. Crit. t. 1 1787 écrit dictionnaire. Étymol. et Hist. I. Ca 1501 (A. VÉRARD, Le Jardin de Plaisance, f°[a V v°] ds QUEM. Fichier); II. 1885 dico (arg. des lycéens, Brest ds ESN.). I empr. au lat. médiév. dictionarium (ca 1220 Dictionarius de J. de Garlande) dér. du rad. de dictio, onis « action de dire, propos, mode d'expression »; suff. -arium. II dér. de I, par réduction à la 1re syllabe avec suff. arg. -o. Fréq. abs. littér. :685. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 727, b) 1 309; XXe s. : a) 1 130, b) 910. Bbg. RÉTIF (A.). Baudelaire et le dictionnaire. Vie Lang. 1971, pp. 122-131. — REY (A.). À propos des dictionnaires fr. Fr. Monde, 1968, n° 58, pp. 13-16.
dictionnaire [diksjɔnɛʀ] n. m.
ÉTYM. V. 1501, « dictionnaire bilingue »; on disait thésaurus pour les dictionnaires en une seule langue; lat. médiéval dictionarium, de dictio « action de dire; mot, expression ».
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1 Ouvrage didactique contenant un certain nombre d'éléments signifiants d'une ou de plusieurs langues, disposés selon un ordre convenu et donnant des informations sur eux. ⇒ fam. Dico. || Du dictionnaire. ⇒ Lexicographique. || Dictionnaires à ordre formel (alphabétiques; par clés : dictionnaires chinois…). || Dictionnaires à ordre sémantique (ex. : dictionnaire conceptuel, mots rangés par idées qu'ils expriment). || Chercher un mot dans un dictionnaire. || Consulter un dictionnaire. || Liste des mots d'un dictionnaire. ⇒ Nomenclature. || Organisation structurale d'un dictionnaire (⇒ Macrostructure, microstructure). || Dictionnaire ne donnant que certains mots (⇒ Lexique, vocabulaire), donnant des mots difficiles ou peu connus (⇒ Glossaire). || Entrées, adresses, mots-vedettes, articles d'un dictionnaire. || Lettres placées en haut de chaque colonne dans un dictionnaire alphabétique. ⇒ Lettrine. || Dictionnaire illustré. || Dictionnaire de poche. || Gros dictionnaire en plusieurs volumes.
1 Lisez-vous les dictionnaires ? Baudelaire répondit qu'il en lisait volontiers. Bien lui en prit, car Gautier, qui avait dévoré les vocabulaires sans nombre des arts et des métiers, estimait indigne de vivre tout poète ou prosateur qui ne prend pas plaisir à lire les lexiques et les glossaires. Il aimait les mots et il en savait beaucoup.
France, la Vie littéraire, Lexique, p. 583.
2 À bien prendre les choses, le dictionnaire est le livre par excellence. Tous les autres livres sont dedans : il ne s'agit plus que de les en tirer. Aussi, quelle fut la première occupation d'Adam quand il sortit des mains de Dieu ? La Genèse nous dit qu'il nomma d'abord les animaux par leur nom. Avant tout, il fit un dictionnaire d'histoire naturelle.
France, la Vie littéraire, Lexique, p. 583.
2.1 (…) mais lui, l'étudiant, ne l'écoutant pas, pouvant voir ou plutôt pouvant lire, lui semblait-il, comme s'il l'avait sous les yeux (le lourd dictionnaire à couverture verte ouvert sur ses genoux), les colonnes de minuscules caractères entrecoupées de figurines (poissons, planches de botanique, machines, portraits de grands hommes, serpents, couples de paysans en costumes nationaux), l'interchangeable notice : « Ville maritime de la province du même nom. Tout autour un cirque de montagnes arides entoure la cité où la chaleur est très forte ».
Claude Simon, le Palace, p. 72.
♦ Dictionnaires de langue. || Dictionnaire de la langue, décrivant le lexique d'une langue naturelle et analysant les emplois, les valeurs, les sens des unités (mots, syntagmes, morphèmes). || Technique de la confection des dictionnaires. ⇒ Lexicographie. || Analyse critique des dictionnaires. || Indications, illustrations diverses des mots dans certains dictionnaires (étymologie, citations, antonymes, etc.). || L'Onomasticon, de Julius Pollux, le plus ancien dictionnaire connu (IIe siècle après J.-C.), donne les principaux mots grecs par ordre de matière. || Dictionnaires du français : « Thresor » de Nicot (⇒ Trésor), premier dictionnaire de l'Académie (1694), dictionnaires de Richelet (1680), de Furetière (1690), dictionnaires des jésuites de Trévoux (1704, puis 1771); dictionnaire de Littré (1863-1872), de P. Larousse (1866-1876). || Dictionnaire général de Hatzfeld, Darmesteter et Thomas (1890-1900). || Dictionnaire de l'ancienne langue française de Godefroy. || Le dictionnaire anglais d'Oxford (New English dictionary on historical principles); le dictionnaire allemand de Grimm.
3 On réduisait le dictionnaire (de l'Académie) aux termes de la conversation, et la plupart des arts étaient négligés. Il me semble aussi qu'on s'était fait une loi de ne point citer; mais un dictionnaire sans citation est un squelette.
Voltaire, Correspondance, 1768, 11 août 1760.
4 J'aurais voulu rapporter l'étymologie naturelle et incontestable de chaque mot, comparer l'emploi, les diverses significations, l'énergie de ce mot avec l'emploi, les acceptions diverses, la force ou la faiblesse du terme qui répond à ce mot dans les langues étrangères; enfin citer les meilleurs auteurs qui ont fait usage de ce mot, faire voir le plus ou moins d'étendue qu'ils lui ont donné, remarquer s'il est plus propre à la poésie qu'à la prose.
Voltaire, Extrait des réflexions d'un académicien sur le Dict. de l'Académie.
5 Dans le dictionnaire de l'Académie, on ne trouve pas ce qu'on ne sait point; mais on n'y trouve pas ce qu'on sait.
Rivarol, Littérature, Fragments et pensées littéraires, notes.
6 (…) je dirai, définissant ce dictionnaire (le dictionnaire de la langue française de Littré), qu'il embrasse et combine l'usage présent de la langue et son usage passé, afin de donner à l'usage présent toute la plénitude et la sûreté qu'il comporte (…)
L'usage contemporain est le premier et principal objet d'un dictionnaire. C'est en effet pour apprendre comment aujourd'hui l'on parle et l'on écrit, qu'un dictionnaire est consulté par chacun.
Littré, Dict., Préface, II et III.
7 L'honneur d'avoir introduit l'historique dans un dictionnaire français restera toujours à Littré, comme l'honneur d'avoir fondu cet historique avec le lexique moderne restera aux auteurs du Dictionnaire général (Hatzfeld et Darmesteter).
Gaston Paris, Journal des Savants, oct.-nov. 1890.
8 L'Académie est restée fidèle à son principe qui est de faire, non pas un dictionnaire étymologique et historique de la langue, mais un dictionnaire de l'usage (…) L'objet précis du Dictionnaire (de l'Académie) est de présenter l'état actuel de la meilleure langue française et de fixer un moment de son histoire.
Dict. de l'Acad. (1932), Préface, IV.
9 1694. — Dictionnaire de l'Académie française (…) Les mots y sont classés par famille (…) En 1718, paraîtra une nouvelle édition (…) en ordre alphabétique.
F. Brunot et Ch. Bruneau, Précis de grammaire hist. de la langue franç., p. 23.
10 (…) fondement de tout savoir à venir, pierre d'angle de tous les monuments futurs, le dictionnaire de Littré.
G. Duhamel, Biographie de mes fantômes, VIII, p. 145.
11 Le plus beau présent que l'on puisse faire à un enfant quand il sait lire, c'est de lui offrir un dictionnaire. Si vous voulez devenir des hommes raisonnables, ouvrez cent fois dans la journée les dictionnaires qui sont à votre disposition, et faites un effort non seulement pour comprendre ce que l'on vous dit ou ce que vous lisez, mais encore et surtout pour bien comprendre ce que vous dites vous-mêmes, pour bien employer les mots qui doivent traduire votre pensée.
G. Duhamel, le Voyage de l'espérance, p. 10.
♦ Dictionnaire encyclopédique, contenant des renseignements sur les notions et les choses (et non sur la langue), et traitant les noms propres. ⇒ Encyclopédie (alphabétique). || Dictionnaire terminologique (unilingue; plurilingue).
♦ Dictionnaire en plusieurs langues. || Dictionnaire bilingue, qui donne la traduction d'un mot d'une langue dans une autre en tenant compte des sens, des emplois. || Dictionnaire français-latin de Robert Estienne (1538). || Dictionnaire français-anglais, anglais-français. || Dictionnaire chinois-japonais, russe-allemand, arabe-anglais. || Faire un thème, une version à l'aide d'un dictionnaire. || Traduire un texte à coups de dictionnaire. || Épreuve de langues passée sans dictionnaire. — Dictionnaire multilingue, polyglotte. || Les dictionnaires multilingues de Calepino (⇒ Calepin, étym.).
♦ Dictionnaires spéciaux, spécialisés. — (Aspects de la langue commune). || Dictionnaire de synonymes, d'antonymes; dictionnaire analogique. || Dictionnaire étymologique, orthographique. || Dictionnaire de locutions, de proverbes. || Dictionnaire des rimes. || Dictionnaire inverse.
12 L'objet principal du nouveau dictionnaire est de (…) fournir, pour la première fois, un moyen commode de trouver les mots quand on a seulement l'idée des choses.
Boissière, Dictionnaire analogique de la langue franç., Préface, II.
♦ (Langues spéciales). || Dictionnaire de la philosophie, de la médecine, du droit, de la marine, de la radio. ⇒ Vocabulaire. || Le Dictionnaire de musique, de J.-J. Rousseau. || Dictionnaire des conventions, des signaux. ⇒ Code, répertoire. — Dictionnaire d'un auteur. ⇒ Lexique. || Dictionnaire des mots employés dans la Bible. ⇒ Concordance. — (Recueils de noms propres, de faits). || Dictionnaire historique, géographique. || Le dictionnaire critique de Bayle. || Le dictionnaire philosophique de Voltaire. || Dictionnaire des auteurs, des œuvres. — Le Dictionnaire des idées reçues (suivi du « Catalogue des idées chic ») de Flaubert.
13 Qui ne se voit humilié, parcourant le Dictionnaire des idées reçues ou tout autre recueil de clichés, d'y retrouver telle « pensée » (et le mot déjà en dit long) qu'il croyait avoir inventée; telle phrase qu'il disait jusque-là fort innocemment ?
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 93.
♦ Dictionnaire électronique (édité sur CD-Rom ou sur DVD), comprenant des fonctions hypertextes destinées à faciliter la navigation et la recherche. — Dictionnaire en ligne.
♦ Inform. Ensemble de fichiers qui, associés à un programme de traitement de texte, permettent la recherche de synonymes, la vérification de l'orthographe ou de la grammaire, l'aide à la traduction, etc. || Charger un dictionnaire de synonymes sur son ordinateur. ☑ Loc. fam. Passer le dictionnaire (sur un document), lancer le vérificateur d'orthographe.
♦ Par métaphore. Répertoire systématique.
13.1 (…) ce misérable dictionnaire de mélancolie et de crime (…)
Baudelaire, Première version de la dédicace des Fleurs du mal, Œ., Pl., p. 187.
13.2 (…) les rues, les magasins, les bars, les cinémas, les trains déplient l'immense dictionnaire des visages et des silhouettes, où chaque corps (chaque mot) ne veut dire que lui-même, et renvoie cependant à une classe.
R. Barthes, l'Empire des signes, p. 130.
2 Ensemble des mots employés (par qqn, par un groupe). || Le dictionnaire d'une personne, d'une époque. ⇒ Vocabulaire.
14 Je crois qu'une des raisons pourquoi les paysans ont généralement l'esprit plus juste que les gens de la ville, est que leur dictionnaire est moins étendu. Ils ont peu d'idées, mais ils les comparent très bien.
Rousseau, Émile, I, p. 58.
15 Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Hugo, les Contemplations, I, VII.
16 Je vois dans la Bible un prophète à qui Dieu ordonne de manger un livre. J'ignore dans quel monde Victor Hugo a mangé préalablement le dictionnaire de la langue qu'il était appelé à parler; mais je vois que le lexique français, en sortant de sa bouche, est devenu un monde, un univers coloré, mélodieux et mouvant.
Baudelaire, l'Art romantique, XXII, Victor Hugo, II.
3 ☑ (1762). Fig. (D'une personne qui sait tout). C'est un vrai dictionnaire, un dictionnaire vivant ! ⇒ Bibliothèque, encyclopédie.
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DÉR. Dictionnairique, dictionnariste.
Encyclopédie Universelle. 2012.