moire [ mwar ] n. f.
• 1690; mouaire 1650; angl. mohair → mohair
1 ♦ Anciennt Étoffe en poils de chèvre. ⇒ mohair.
2 ♦ (fin XVIIe) Mod. Apprêt que reçoivent certains tissus par écrasement irrégulier de leur grain (à la calandre, au cylindre). Moire à petites, à grandes ondes.
♢ Par ext. Tissu d'armure toile qui présente des parties mates et des parties brillantes par suite de cet apprêt. ⇒ moiré. Moire de soie, de rayonne. Ruban, robe de moire. Moire antique, à grandes ondes.
3 ♦ (XIXe) Littér. Aspect ondé, changeant, chatoyant d'une surface. « des moires de vieil or couraient le long des blés » (Zola).
● moire nom féminin (anglais mohair) Étoffe à reflet changeant et souvent ondé, obtenue en écrasant le grain des étoffes avec une calandre spéciale. Littéraire. Reflets changeants et chatoyants d'une surface, d'un objet. ● moire (expressions) nom féminin (anglais mohair) Moire métallique, reflet changeant produit par traitement superficiel de certains métaux (zinc, étain).
Moire
dans la myth. gr., chacune des trois divinités qui présidaient à la destinée (Clotho, Lachésis et Atropos).
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Moire
n. f.
d1./d étoffe de soie à reflets chatoyants.
d2./d Litt. Reflet des étoffes moirées.
— Effet lumineux évoquant une étoffe moirée.
I.
⇒MOIRE1, subst. fém.
A. — 1. Apprêt donné à certaines étoffes par écrasement irrégulier de leur grain avec une calandre. Cette popeline a bien pris la moire (Ac. 1835-1935).
2. P. méton.
a) Rare. Aspect de l'étoffe qui a reçu cet apprêt. La moire des étoffes était, comme la splendeur de sa peau, quelque chose de spécial et n'appartenant qu'à elle (FLAUB., Salammbô, t.2, 1863, p.39).
b) Étoffe qui a reçu cet apprêt et qui présente une alternance d'ondulations, de zébrures mates et brillantes. Deux courtines de moire verte à grands dessins brillants (BALZAC, Enf. maudit, 1831, p.336). Le magnifique étalage de la moire lustrée dont les cassures resplendissent, de la soie opulente (TAINE, Notes Paris, 1867, p.125). De miroitantes robes de moire paille ou rose thé (LORRAIN, Phocas, 1901, p.42). V. ensorceler B 1 ex. de Barbey d'Aurevilly.
♦Moire antique, française. D'après leurs dessins, on classe les moires en deux catégories: — la moire antique (à grandes ondes); — la moire française (à dessins plus petits) (J. COULON, Technol. gén. modiste, 1951, p.37).
B. — P. anal.
1. Aspect chatoyant. L'onde calmée où ce rayon s'argente Couvre son dos uni d'une moire changeante (BANVILLE, Cariat., 1842, p.19). Le paysage, ineffablement assoupi, avait cette moire magnifique que font sur les prairies et sur les rivières les déplacements de l'ombre et de la clarté (HUGO, Quatre-vingt-treize, 1874, p.119). La moire satinée des épaules (ZOLA, E. Rougon, 1876, p.160).
2. Gén. au plur. Reflet ondoyant. Synon. moirure (v. ce mot B). La robe du cheval fabuleux frissonnait de reflets et de moires vivantes (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p.134). Le soleil, réverbéré sur les eaux, faisait courir le long des murs des moires chatoyantes (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p.237). Dans les beaux yeux tristes de son compagnon passaient des éclairs de lumière, des moires de cette gaieté ironique et mouillée (ARNOUX, Paris, 1939, p.206). V. cerne ex. 1.
C. — P. métaph. Formules portées à la surface de la voix grasse, bénéficiant chemin faisant de toutes ses intentions et de toutes ses moires (MALÈGUE, Augustin, t.2, 1933, p.34). Notre plus grand écrivain en prose, au contact de l'esprit et de la suavité de la femme, eût acquis des chatoiements, des irisations, comme dit Maurras, des «moires» (L. DAUDET, Idées esthét., 1939, p.181).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1639 moire (Testament politique de Richelieu, éd. 1688, ch. IX, p.128 ds BONN., p.95) cf. en 1646 moire désignant des étoffes chatoyantes de différentes matières (Document ds L. BOSSEBOEUF, La Fabrique des soieries de Tours, Bulletin et Mémoires de la Sté Archéologique de Touraine, t.41, p.261 d'apr. M. HÖFLER ds Cah. Lexicol. n°6, 1965, p.91: Les moires plaines d'argent [...] Les moires de soye [...] Les moires de fleuret et de poil de chameau [...] Les moires de laine); 1650 (MÉN.: Mouaire. Espece de camelot. Nous avons eu ce mot avec la chose des Anglois qui prononcent moër. Je croy que les Anglois l'ont eu des Levantins qui appellent moiacar une espece de camelot); on distinguait les moires lisses et les moires tabisées qui étaient soumises au passage à la calandre qui leur donnait des reflets ondoyants (cf. HAVARD) puis l'usage du terme a été réservé uniquement aux tissus ayant reçu ce traitement (cf. Encyclop. t.10 1765, p.608: la moëre n'est qu'un gros-de-tours auquel on donne le nom de moëre lorsqu'il a passé sous la calendre); b) 1765 «aspect ondoyant pris par une étoffe passée à la calandre» (Encyclop. t.10, p.610 col. a: le satin ne prenant pas la moëre); 2. 1784 «ce qui présente des reflets ondoyants comme ceux de la moire» ruisseaux de moire (sur une tapisserie) (BERN. DE ST-P., Ét. nature, t.3, p.464). Empr. à l'angl. mohair (transcrit moire en fr. selon la prononc. de l'époque), forme att. dep. 1619 et qui représente une altération, peut-être par attraction avec hair «poil», du terme angl. att. dès 1570 sous la forme mocayares et désignant à l'origine un tissu en poil de chèvre angora (cf. NED), l'angl. ayant ensuite réemprunté la forme moire au fr. pour désigner ce tissu, puis d'autres sortes d'étoffes, lorsqu'ils avaient été passés à la calandre pour leur donner des reflets ondoyants. Le terme angl. a été empr. à l'ar. «étoffe de poil de chèvre», peut-être par l'intermédiaire de l'ital. mocaiardo, même sens (mocajari, 1542 ds PELLEGR. Arab., p.127; mocaiaro, mocaiardo, mucaiarro, mucaiardo, 2e moitié du XVIe s. ds BATT.). De l'ar. par l'intermédiaire de l'ital. a également été empr. le fr. moucayar (1553, BELON, Singularités, f° 203 r°), moucayard (1565, R. des Sociétés sav. t.X, 1869, p.525), mocaiar, mocayar (1568, NICOLAY ds NASSER Thèse compl., p.151), moncaiar (1575, THÉVET ds HUG.) v. FEW t.19, p.130a. Bbg. CHEVALLIER (G.). À propos du mot moire. Fr. mod. 1957, t.25, pp.186-195, 284-304. — TOBLER (A.). Etymologisches. Z. rom. Philol. 1886, t.10, pp.574-576.
II.
⇒MOIRE2, subst. fém.
Littér. [P. réf. aux Moires de la myth. gr. ou Parques] Synon. de destin, destinée, fatalité. Le colonel Picquart avait une grande situation dans l'armée, mais sa Moire l'a conduit du côté qui n'était pas le sien. L'épée des nationalistes tranchera son corps délicat (PROUST, Guermantes 1, 1920, p.234). Sa mort était écrite, rien ne pouvait la tirer des mains de la Moire (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.544).
Prononc.:[], [-a:-]. Étymol. et Hist. 1865 (TAINE, Philos. art, t.2, p.110). Empr. au gr. sing. «déesse du destin», plur. «les trois Parques», de «part, portion; part assignée à chacun, lot, sort, destinée».
STAT. — Moire1 et 2. Fréq. abs. littér.:214. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 239, b) 595; XXe s.: a) 445, b) 119.
moire [mwaʀ] n. f.
ÉTYM. 1639; aussi mouaire, 1650; adapt. de l'angl. mohair. → Mohair.
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1 Vx. Étoffe en poils de chèvre, fabriquée en Asie Mineure (⇒ Mohair).
1 Tabis (…) c'est ce qu'on appelle improprement moire (…) La véritable moire n'admet pas un seul fil de soie.
Voltaire, Dict. philosophique, Tabis.
2 (1650). Mod. Apprêt que reçoivent certains tissus par écrasement irrégulier de leur grain (à la calandre, au cylindre…) et qui leur donne un éclat changeant, une apparence ondée et chatoyante. ⇒ Moirage. || Cette popeline a bien pris la moire (Académie). || Moire à petites, à grandes ondes. — Aspect du tissu qui a subi cet apprêt. ⇒ Moiré.
♦ Par ext. Tissu d'armure toile qui présente des parties mates et des parties brillantes par suite de l'apprêt dit « moire ». || Moire de soie, de rayonne. || Ruban de moire (→ Fichu, cit.). || Velours doublé de moire blanche (→ Franger, cit. 2). || Moire tabisée (⇒ Tabis). || Moire antique, à grandes ondes.
➪ tableau Noms et types de tissus.
3 (XIXe). Littér. Aspect ondé, changeant, chatoyant d'une surface comparée à de la moire. ⇒ Moiré. || Des moires qui jouaient sur la mer (→ Cerne, cit. 2). || La moire de l'eau (→ Dent, cit. 3).
2 Le paysage, ineffablement assoupi, avait cette moire magnifique que font sur les prairies et sur les rivières les déplacements de l'ombre et de la clarté (…)
Hugo, Quatre-vingt-treize, I, IV, VII.
3 Un vacillement pâlissait les teintes, des moires de vieil or couraient le long des blés, les avoines bleuissaient, tandis que les seigles frémissants avaient des reflets violâtres. Continuellement, une ondulation succédait à une autre, l'éternel flux sous le vent du large.
Zola, la Terre, III, I.
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DÉR. Moiré, moirer.
Encyclopédie Universelle. 2012.