merde [ mɛrd ] n. f. et interj.
• fin XIIe; lat. merda
I ♦ N. f. Vulg.
1 ♦ Matière fécale (de l'homme et de certains animaux). ⇒ crotte, excrément; caca. Une merde de chien. ⇒ étron. On dit que marcher dans la merde du pied gauche porte bonheur. Mouche à merde. ⇒ lucilie. Loc. Avoir de la merde dans les yeux : ne pas voir une chose évidente. Allus. hist. « Vous êtes de la m... dans un bas de soie », mot de Napoléon Ier à Talleyrand.
2 ♦ Fig. Être ou chose méprisable, sans valeur. Ce film, cette voiture est une vraie merde. « Zazie, goûtant au mets, déclara tout net que c'était de la merde » (Queneau). ⇒ cochonnerie, saloperie. Loc. Il ne se prend pas pour de la merde, pour une merde : il se considère comme un personnage important (⇒ merdeux) . Loc. adj. De merde : mauvais. ⇒ merdique. Un temps de merde. ⇒ dégueulasse, pourri.
3 ♦ Situation fâcheuse, inextricable. Être dans la merde jusqu'au cou. « ils se sont tous taillés et ils nous ont laissés dans la merde » (Sartre). ⇒ mélasse, merdier. Il nous met dans la merde avec son désistement. Il ne m'arrive que des merdes. ⇒ emmerdement.
♢ Désordre, pagaille. ⇒ bordel. Foutre, semer la merde.
II ♦ Interj. Fam.
1 ♦ Exclamation de colère, d'impatience, de mépris, de refus. ⇒ crotte, mince, zut; euphém. mercredi, miel (cf. Les cinq lettres, le mot de Cambronne). « Braves Français, rendez-vous ! Cambronne répondit : Merde ! » (Hugo). — « Merde pour l'imprimeur » (Marot). « Et merde pour le roi d'Angleterre, qui nous a déclaré la guerre » (chans.). Merde pour celui qui le lira (graffiti). On y va, oui ou merde ? oui ou non.
♢ Le mot merde. Je vous dis merde. ⇒ emmerder. « Il se peut que tu aimes la marine française... Mais la marine française te dit merde » (Pagnol, « Marius », film). Dire merde à qqn pour lui porter chance. Avoir un œil qui dit merde à l'autre.
2 ♦ Exclamation d'étonnement, d'admiration. « Je restais là, la gueule ouverte. Merde alors » (É. Ajar).
● merde nom féminin (latin merda) Populaire Gros excrément de l'homme et de quelques animaux. Ennui, difficulté : Je n'ai que des merdes en ce moment. Être ou chose sans valeur : Il n'achète que des merdes. Produit toxique : Usine chimique qui rejette sa merde dans la rivière. ● merde (citations) nom féminin (latin merda) Populaire Antonin Artaud Marseille 1896-Ivry-sur-Seine 1948 Là où ça sent la merde ça sent l'être. Pour en finir avec le jugement de Dieu Gallimard Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 J'ai toujours tâché de vivre dans une tour d'ivoire ; mais une marée de merde en bat les murs, à la faire crouler… Correspondance, à Tourgueniev, 1872 Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 De la merde dans un bas de soie. Commentaire Cette définition de Talleyrand a été attribuée à toutes sortes de personnalités, et en particulier à Napoléon s'adressant à l'intéressé lui-même. ● merde (expressions) nom féminin (latin merda) Populaire De merde, se dit de quelque chose de mauvais, de détestable, de gênant, etc. : Cette route de merde ! Dire merde à quelqu'un, par antiphrase, lui souhaiter bonne chance. Être dans la merde (jusqu'au cou), se trouver dans une situation difficile, inextricable. Mettre, foutre, semer la merde, créer le désordre, le désaccord, la confusion. Ne pas se prendre pour de la merde, être vaniteux, se croire important. ● merde interjection Populaire Exclamation de colère, de mépris, d'indignation, de surprise, etc. (Pour éviter le mot, on dit parfois « les cinq lettres » ; « le mot de Cambronne ».) ● merde adjectif invariable Vieux. Merde d'oie, d'une couleur entre jaune et vert ; caca d'oie. ● merde (expressions) interjection Populaire Ou merde ?, ou non ? : Alors tu viens, oui ou merde ? ● merde (expressions) adjectif invariable Vieux. Merde d'oie, d'une couleur entre jaune et vert ; caca d'oie.
merde
n. f. et Interj.
rI./r n. f. Grossier
d1./d Excrément, matière fécale.
d2./d Fig. Personne ou chose basse, méprisable, sans valeur.
d3./d Situation difficile, inextricable. être dans la merde.
rII./r Interj. Fam. Exclamation de colère, d'agacement, de dégoût. Merde, à la fin!
⇒MERDE, subst. fém. et interj.
I. — Subst. fém., trivial
A. — Excrément de l'homme et de certains animaux. Merde de chien, de poule; marcher dans la merde. Les inscriptions et les merdes d'oiseaux, voilà les deux seules choses sur les ruines d'Égypte qui indiquent la vie (...). Les inscriptions des voyageurs et les fientes des oiseaux de proie sont les deux seuls ornements de la ruine (FLAUB., Corresp., 1850, p.204). On avait si hâte d'arriver que je faisais dans ma culotte... D'ailleurs j'ai eu de la merde au cul jusqu'au régiment, tellement j'ai été pressé tout le long de ma jeunesse (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.51):
• 1. Dieu, dans sa bonté, aurait bien dû accorder à la femme des excréments ressemblant à du crottin ou à de la bouse de vache ou même, s'il avait été, lors de la création de la femme, dans ses bons jours, des excréments semblables aux crottes musquées de la gazelle, et non du caca d'homme. J'avoue que la pensée de trouver une faiseuse de merde chez la créature-ange a toujours refroidi mes exaltations sentimentalo-amoureuses.
GONCOURT, Journal, 1894, p.637.
♦[En fonction de déterm.]
Subst. + à merde. Mouche, pompe à merde. Quand je flirte en tout bien et tout honneur avec une jeune femme, il arrive parfois à ma pensée de la déshabiller de sa chair rose, de tout ce qui la fait si joliment femme, et je ne vois en elle qu'un alambic à merde et à urine (GONCOURT, Journal, 1885, p.466).
Verbe + comme une merde. Être, rester planté comme une merde; laisser tomber, choir (qqn) comme une merde. Kenel, le plus fort des deux, réussit à acculer Prosper dans un coin et là, un genou posé sur la poitrine de son adversaire, les poings serrés, il hurle: — Je t'écraserai comme une merde! (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p.123).
♦Loc. adj. Merde d'oie (ou merdoie, v. ce mot). Qui a la couleur jaune verdâtre de l'excrément de l'oie. Synon. caca d'oie. M. Chabert était un bourgeois assez bien mis mais qui avait toujours l'air endimanché et dans les transes de gâter son habit ou son gilet ou sa jolie culotte de casimir merde d'oie (STENDHAL, H. Brulard, t.1, 1836, p.283).
— P. ext. Agrégat de matières fécales, de matières boueuses ou puantes, d'ordures. En avant dans la merde! crie le premier de la bande. On s'y lance, étreints par le dégoût. La puanteur y devient intolérable. On marche dans l'ordure dont on sent, parmi la bourbe terreuse, les fléchissements mous (BARBUSSE, Feu, 1916, p.340).
— Loc. et expr., au fig.
♦Avoir de la merde dans les yeux.
♦Couvrir qqn de merde; traîner qqn dans la merde. Insulter, rabaisser. Si ça vous plaît qu'on vous couvre de merde, tant mieux pour vous, dit Nadine avec colère; moi ça ne me plaît pas (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.556). J'espère que tu vas aller casser la figure à Lambert, ajouta-t-elle sèchement. — Ah! c'est commencé? Lambert me traîne dans la merde? dit Henri avec un sourire (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.551).
♦Faire sa merde. Faire des embarras, des manières. Vacquerie racontait (...) que Charles Hugo, tout jeune, était très timide et qu'une des premières fois qu'il alla dans le salon de Bertin, il se tenait sur le pas de la porte, tourmentant son chapeau. «Avance donc, Charlot», lui dit Bertin et comme il ne bougeait pas, le maître des débats lui jeta: «Voyons, ne fais pas plus longtemps ta merde!» (GONCOURT, Journal, 1876, p.1145).
♦Mettre à qqn le nez dans sa merde.
♦Proverbe. Plus on remue la merde, plus elle pue. ,,Plus on examine une affaire louche ou mauvaise, plus on découvre des dessous ignobles ou répugnants`` (Ac.).
B. — P. anal. ou au fig.
1. [Désigne péjorativement une chose, une pers. ou une situation]
♦Chose considérée comme sans valeur, sans importance, de très mauvaise qualité; personne négligeable, méprisable. Huysmans (...) n'a pas d'intelligence, mais j'avoue qu'il a bien rendu ses indigestions. Barrès aussi: c'est l'élève de Huysmans. Seulement, il a transposé ses indigestions et a raconté les petites merdes de son âme (RENARD, Journal, 1892, p.127). Le gros épicier (...) se mit à me vendre consciencieusement de la merde, le jour où il apprit que j'étais un pauvre (BLOY, Journal, 1905, p.260). Mme Henningsen retira sa cigarette de ses lèvres et se prit à me flatter la joue du revers de ses doigts. — Pff! pff! petite merde! murmura-t-elle avec un souriant mépris, mais d'une voix caressante (DUHAMEL, Jard. bêtes sauv., 1934, p.84):
• 2. En somme, tant qu'on est à la guerre, on dit que ce sera mieux dans la paix et puis on bouffe cet espoir-là comme si c'était du bonbon et puis c'est rien quand même que de la merde. On n'ose pas le dire d'abord pour dégoûter personne. On est gentil somme toute. Et puis un beau jour on finit quand même par casser le morceau devant tout le monde.
CÉLINE, Voyage, 1932, p.292.
Ne pas se prendre pour une merde; ne pas se croire de la merde. Se prendre pour un personnage important. (Dict. XXe s.).
♦Désordre, confusion. Synon. bordel. Foutre, mettre, semer la merde (quelque part). Après il y a eu des manifestations, ils ont commencé à foutre la merde, à casser les vitrines (Libération, 13 mars 1978, p.20 ds REY-CHANTR. Expr. 1979).
♦Situation inextricable, difficile ou désagréable. Être dans la merde (jusqu'au cou, jusqu'aux yeux); se foutre, se mettre dans la merde; foutre, mettre qqn dans la merde; laisser qqn dans la merde. Je suis pauvre aujourd'hui. J'aurai de l'argent demain (...). Je vais être sage, travailler. Ma petite femme viendra m'embrasser, sans doute. Ça m'est égal d'être dans la merde, pourvu qu'elle mange du homard (RENARD, Journal, 1892, 139). «(...) Tu votais, non? Moi, je votais pas, j'ai vingt-deux ans, j'ai jamais voté». «Qu'est-ce que ça prouve?» «Ça prouve que tu votais comme un con et que tu nous as foutus dans la merde» (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p.211).
2. [En fonction de déterm.]
♦Subst. + de merde. [Qualifie une chose ou une pers. considérée comme méprisable, gênante ou irritante] Je suis maintenant externe libre, ce qui est on ne peut mieux, en attendant que je sois tout à fait parti de cette sacrée nom de dieu de pétaudière de merde de collège (FLAUB., Corresp., 1838, p.30). Honoré brandit les poings au-dessus de la tête de Ferdinand. Il disait n'avoir jamais vu d'animal aussi stupide que ce bougre d'âne bâté de vétérinaire de merde (AYMÉ, Jument, 1933, p.136).
Coup de merde. Coup de cafard. Dehors, j'ai eu encore un coup de noir (...). J'ai eu un coup de merde comme si j'étais devenu mon propre ennemi public numéro un (E. AJAR, L'Angoisse du roi Salomon, Paris, Mercure de France, 1979, p.167).
♦Subst. + à la merde. Ici, ce matin. Pluie et ennuis, cafard, l'âme à la merde, ce plat du jour! (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1940, p.521).
3. Loc. Avoir qqn, qqc. à la merde. Mépriser, détester (cf. avoir à la caille, v. caille2). Et comme je ne puis pas paraître à mon dépôt, en Arles, à cause des copains qui doivent m'avoir à la merde, je voudrais rejoindre le maquis. J'aime mieux recevoir une balle dans la peau si l'on me juge mal que de crever en Allemagne (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.278).
C. — Argot
1. Argot de l'aviat. Temps bouché rendant la visibilité nulle. (Ds ESN. 1966, Lar. Lang. fr., Lexis 1975).
2. Argot de la drogue. Héroïne. P. ext. Toute drogue dure. Les mecs, pour l'héroïne, disent tous «la merde» et il y a eu un môme de huit ans qui avait entendu que les mecs se faisaient des piqûres de merde et que c'était le pied et il avait chié sur un journal et il s'était foutu une piqûre de vraie merde, croyant que c'était la bonne, et il en est mort (E. AJAR, La Vie devant soi, Paris, Mercure de France, 1975, p.230).
3. Argot de l'impr. Encre grasse. Ligne de merde. ,,Ligne placée à l'envers qui laisse une simple trace noire sur la page`` (VOYENNE 1967).
II. — Interj., vulg.
A. — [Marque l'émotion du locuteur qui ne s'adresse pas à un interlocuteur et qui ne vise pas, par son énonciation, à changer un état de fait]
1. [Exprime l'irritation, l'exaspération] Après tout, merde! Voilà, avec ce grand mot on se console de toutes les misères humaines; aussi je me plais à le répéter: merde, merde! (FLAUB., Corresp., 1845, p.180).
a) [Exprime l'indignation, le désespoir (souvent devant la fatalité), l'impuissance] Ah merde alors, penser qu'elle va pourrir comme une charogne ça me fout le coeur à l'envers. Et pour tout le monde c'est pareil, ah merde, merde, merde (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p.203):
• 3. Ça faisait un bruit du côté de Verdun! C'était noir comme du café avec des tressauts de feu comme une charbonnière qui s'enflamme. Et on disait on va remonter. Et là-bas le Louis Butte y s'était saoulé et il avait déchiré le portrait de sa femme et puis celui de sa petite fille, et il avait jeté les morceaux, et il avait dit: «Et puis merde!...» Et puis il était resté là tout droit devant la porte, sans plus savoir, en pleurant...
GIONO, Gd troupeau, 1931, p.97.
b) [Exprime la déception, le dépit] V'nez voir par ici, eh, vous autres! Ça, ça dépasse tout! V'là qu'on s'bombe de pinard! Les assoiffés accourent en grimaçant. — Ah! merde alors! s'écrient ces hommes désillusionnés jusqu'au fond de leurs entrailles (BARBUSSE, Feu, 1916, p.28):
• 4. Il la laissa venir, elle avait une voix rauque et basse, qui se faisait douce comme une porte qu'on prend soin d'ouvrir sans bruit. «Alors, beau brun, tu ne veux pas que je te soulage?» Il était à un moment tel qu'il aurait probablement fait l'amour par terre avec cette créature qui ne s'était pas démaquillée depuis Fachoda. «Je suis fauché», avoua-t-il. Elle eut tout le recul de la faim devant la misère. «Merde», murmura-t-elle simplement pour s'éloigner.
ARAGON, Beaux quart., 1936, p.445.
c) [Exprime l'impatience] Oui ou merde. La fille éclate: — «Qui que ça regarde? Est-il le maître chez lui, oui ou merde?» (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p.1084). Tu veux boire un coup? demanda Guiccioli. Au milieu de la pièce, il y avait une bassine de cuivre remplie de gros vin rouge de l'intendance. (...) — C'est une bassine à confitures, dit Mathieu. Où l'avez-vous prise? — T'occupe pas, dit Guiccioli. Tu bois, oui ou merde? (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p.107).
2. [Exprime l'étonnement, la surprise] Hé, les gars! Ramenez-vous en vitesse! Les quatre soldats se levèrent et se mirent à courir. — Il y a Gérin qui est mort! leur cria-t-il. — Merde! Ils entouraient le mort et le regardaient avec méfiance (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p.101):
• 5. Il lui caressait les cheveux sans penser, un peu comme on flatte une jument, et elle se blottissait toujours plus fort. Là-dessus, la porte du fond s'ouvrit à la volée et Gaston, essoufflé, qui venait chercher de la ficelle pour la toupie ronflante du fils du menuisier, entra étourdiment et surprit la scène; il s'arrêta ébahi, et ne put que penser à mal, ce cher enfant. C'est pourquoi, du fond du coeur, il s'écria: «Ah! merde alors...» et reçut une gifle maternelle.
ARAGON, Beaux quart., 1936, p.152.
3. [Exprime l'admiration] C'était grandiose... sûrement une ancienne demeure de michés du siècle... (...). C'était pas du toc!... Rien que du travail à la main!... Je les connaissais les choses de style! Merde! C'était vraiment magnifique! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.377).
B. — [S'adresse directement à qqn et constitue une réponse à un propos ou à une réaction à un acte; marque la désapprobation ou le refus insultant]
1. [Exprime le refus] Un général anglais (...) leur cria: Braves Français, rendez-vous! Cambronne répondit: Merde! Le lecteur français voulant être respecté, le plus beau mot peut-être qu'un Français ait jamais dit ne peut lui être répété. Défense de déposer du sublime dans l'histoire. À nos risques et périls, nous enfreignons cette défense (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.412). Mais, nom d'un chien, Célestine!... Voyons, Célestine... Écoutez-moi... — Merde!... Ma foi, oui!... J'ai lâché cela, carrément... (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p.126):
• 6. Elle tapa une première fois, pas de réponse; une seconde fois, toujours pas de réponse (...). Elle tapa encore sans se lasser, appelant, se fâchant. Enfin, la voix de Fontan s'éleva, lente et grasse, et ne lâcha qu'un mot: — Merde! Elle tapa des deux poings. — Merde! Elle tapa plus fort, à fendre le bois. — Merde! Et, pendant un quart d'heure, la même ordure la souffleta, répondit comme un écho goguenard à chacun des coups dont elle ébranlait la porte.
ZOLA, Nana, 1880, p.1318.
2. [Exprime la volonté du locuteur de faire taire qqn et/ou de cesser de faire qqc.]:
• 7. — Est-ce qu'il est sucré? questionnait Bébert à propos du sirop. — Lui sucrez pas surtout recommanda la tante. À cette petite charogne... Il le mérite pas que ça soye sucré et puis y m'en vole bien assez du sucre comme ça! Il a tous les vices, tous les culots! Il finira par assassiner sa mère! — J'ai pas de mère, rétorqua Bébert tranchant et qui perdait pas le nord. — Merde! fit la tante alors. J'vais te foutre une tournée de martinet si tu me réponds!
CÉLINE, Voyage, 1932, p.305.
3. [Exprime le fait que le locuteur tient qqn ou qqc. pour négligeable ou dérisoire, qu'il ne tient aucun compte de la chose ou de la personne (de ses actes ou de ses propos)] Monte chez moi, me dit Picasso, je ferai ton portrait. Je ne travaille plus que pour la postérité. — Merde alors pour la postérité! lui répondis-je. Je ne monte pas (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.186):
• 8. L'huissier appela: — Le comte Pierre Maubec de la Dentdulynx. Il se fit un grand silence et l'on vit s'avancer vers la barre un gentilhomme magnifique et dépenaillé, dont les moustaches menaçaient le ciel et dont les prunelles fauves jetaient des éclairs. Il s'approche de Colomban et, lui jetant un regard d'ineffable mépris: — Ma déposition, dit-il, la voici: merde!
A. FRANCE, Île ping., 1908, p.300.
— [S'adresse formellement à qqn ou à qqc.] Merde pour qqn, qqc.; merde pour le droit, la philosophie. Merde pour l'ordre moral! (FLAUB., Corresp., 1877, p.86):
• 9.
Merde pour l'homme aux études! — les historiens, les philosophes, les savants, les commentateurs, les philologues, les vidangeurs, les ressemeleurs, les mathématiciens, les critiques, etc..., de tout ça j'en fais un paquet et je les jette aux latrines.
FLAUB., Corresp., 1839, p.48.
4. Loc. Avoir un œil qui dit merde à l'autre.
Rem. 1. De merde suit un juron et en renforce l'intensité. Merde de merde; nom de Dieu de merde (v. dieu 2e section II B 3 b rem. 1). Honoré (...) hurla par deux fois: — Nom de Dieu, de nom de Dieu de bordel de merde! Surpris, les cléricaux crurent entendre la grande voix de la république et se mirent à craindre (AYMÉ, Jument, 1933, p.216). C'est malheureux bordel de merde qu'on vienne me faire chier jour et nuit?... C'est pas admissible à la fin!... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.384). 2. Pour atténuer la trivialité du mot, on écrit parfois M... ou bien on écrit ou dit (les) cinq lettres, miel. 3. On relève la var. expr. merdre créée par A. Jarry puis reprise par d'autres aut. (p. allus. au personnage de Père Ubu). Plusieurs magistrats. — Nous nous opposons à tout changement.Père Ubu. — Merdre! D'abord, les magistrats ne seront plus payés (JARRY, Ubu, 1895, III, 2, p.58). Il fait un temps épouvantable; on fait du feu. Le froid est agréable pour se chauffer, la pluie pour lire et la merdre pour rester chez soi (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1896, p.274).
REM. 1. [Merde employé comme second élém. d'un nom comp. péj.] a) Fouille-merde, subst. masc. ) Vulg. Personne qui se mêle hors de propos des affaires d'autrui, qui médit et calomnie (v. fouiller rem.). ) Scarabée, coprophage. Synon. bousier. Un bousier, un fouille-merde montant la côte (...) en poussant devant lui un étron (GONCOURT, Journal, 1884, p.315). b) Mange-merde, subst. masc., vulg. Personne médiocre, pauvre et besogneuse. Paul le minable! Le mange-merde! J'ai bien peur qu'ensemble, vous fassiez une belle paire (J.CORDELIER, La Dérobade, 1976, p.99 ds CELLARD-REY 1980). 2. Marde, subst. fém., var. région. (Canada). Pis quand j'vous entends parler d'bombes pis d'fusils, (...) tu m'donnes le goût d'te parler d'la marde pis du pipi qui coulaient l'long d'mes souliers (J. BARRETTE, Dis-moi..., 1975, p.25 ds Richesses Québec 1982, p.1521). Donner de la marde. Créer des ennuis. Yolande de son côté parle des dépenses à encourir pour son auto, de son mari «qui m'donne d'la marde» parce qu'il ne peut plus conduire (M. LETELLIER, On n'est pas..., 1971, p.144, ds Richesses Québec 1982 p. 1522). 3. Merderie, subst. fém., vulg., rare. Objet laid, sans valeur. Cette merderie, j'ai nommé la Dame de Montsoreau, est tombée à plat hier soir (DESAYMARD, Chabrier, 1934, p.140). Sur les guéridons marquetés — second Empire — qui envahissent la canfouine: des sulfures, des bronzes, des «Gallé», des mains de Fatma grandeur nature, des samovars, des merderies incroyables (M. AUDIARD, Le P'tit Cheval de retour, 1975, p.67 ds CELLARD-REY 1980). 4. Merdique, adj. Insignifiant, mauvais, ignoble, laid. Parce que nous on tapait, mais elle, elle cousait ses petites affaires. Et fallait en plus faire le mannequin, essayer ses sapes merdiques, tourner, pas bouger pendant qu'elle épinglait, et admirer en plus (E. HANSKA, Les Raouls, 1976, p.26, ds CELLARD-REY 1980).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Certains aut.: merdre (par assimilation, supra rem.); var. région. (Canada 1930): marde. Étymol. et Hist. 1. Interj. a) ca 1179 se dit pour exprimer la colère, le mépris, l'indignation, le refus (Renart, éd. M. Roques, 870); b) XIXE s. se dit pour exprimer l'étonnement, la surprise, l'admiration (SAIN. Lang. par., p.413); 2. subst. a) fig. ca 1179 se dit pour qualifier des individus sans valeur, sans importance (Renart, 533); 1547 [date d'éd.] de merde se dit grossièrement pour qualifier ce qu'on déprécie (MARG. D'ANG., Marguer. de la marguer., f° 116 ds GDF. Compl.); b) loc. ca 1180 con plus esmuet on la merde, et ele plus put «plus on approfondit une affaire honteuse, plus on y découvre d'infamies» (Proverbe au vilain, éd. A. Tobler, p.108); 1606 plus on remue la merde, plus elle pue (NICOT, 11); fin XIIE s. estre en merde jusques au cou «se trouver dans une situation inextricable» (Audigier, éd. O. Jodogne, 4); 1959 être dans la merde jusqu'aux yeux (ROB.); c) fin XIIE s. «matière fécale de l'homme et de certains animaux» (Audigier, 505); d) 1917 «temps bouché, où la visibilité est nulle» (d'apr. ESN.). Du lat. merda «fiente, excrément». Fréq. abs. littér.:457. Fréq. rel. littér.:XIXE s.: a) 69, b) 523; XXe s.: a) 692, b) 1186.
DÉR. 1. Merder, verbe intrans. a) [Le suj. désigne une pers.] Arg. scol. Ne pas savoir répondre ou mal répondre à une question; mal réussir une épreuve d'examen. Merder en géographie, en composition. (Dict. XXE s.). b) [Le suj. désigne une chose] Vulg. Ne pas réussir, ne pas fonctionner correctement. Ses projets ont merdé. Galopade dans les couloirs. Irruption dans la cellule.Maton: Alors quoi, ... Ça merde?La Fouaille: C'est la faute au nouveau, chef (B. BLIER, Les Valseuses, 1972, p.369 ds CELLARD-REY 1980). — [], (il) merde []. — 1res attest. a) 1596 «évacuer les gros excréments» (HULSIUS), b) 1909 «ne savoir que répondre à une question» (d'apr. ESN.); de merde, dés. -er. 2. Merdoyer, verbe intrans. a) Pop. S'embrouiller, s'empêtrer (dans quelque chose). M. Gaston de Mérindol a joué (...) de très nombreux morceaux, entre autres une Pastorale de son maître Stevenhagen, et une sonate de Beethoven (op. 110) où il a un peu merdoyé (WILLY, Entre deux airs, 1895, p.269). b) Arg. scol. Ne pas savoir répondre à une question. (Dict. XXE s.). Synon. merder (v. supra ce mot a). — [], (il) merdoie []. Conjug. v. aboyer. — 1re attest. 1884 «bafouiller au tableau noir (argot scolaire)» (d'apr. ESN.); de merde, suff. -oyer.
BBG. — QUEM. DDL t.7, 12.
merde [mɛʀd] n. f. et interj.
ÉTYM. Fin XIIe, masc. au déb. XIIIe, R. de Clari; lat. merda.
❖
♦ Familier. (Senti comme plus ou moins vulg., mais très courant).
———
I N. f.
1 Matière fécale (de l'homme et de certains animaux). ⇒ Excrément; fam. 1. bran (vx), caca, crotte; mouscaille (argot). || De la merde. || Marcher dans la merde du pied gauche. — Une merde de chien. ⇒ Étron (cit. 1).
0.1 En avant dans la merde ! crie le premier de la bande. On s'y lance, étreints par le dégoût (…) Comme le boyau est peu profond, on est obligé de se courber la tête très bas pour n'être pas tué et d'aller, en se pliant, vers le fouillis d'excréments taché de papiers épars qu'on piétine.
H. Barbusse, le Feu, t. II, p. 56.
♦ Loc. métaphoriques. — (Par allus. au châtiment infligé à un malpropre). ☑ On lui a mis le nez dans sa merde. ⇒ Caca. — ☑ Traîner qqn dans la merde (→ Dans la boue). ☑ Couvrir qqn de merde : l'injurier. || Il s'est fait couvrir de merde par la critique. — ☑ Être dans la merde (jusqu'au cou, jusqu'aux yeux) : se trouver dans une situation fâcheuse, inextricable (→ Entrer, cit. 31), et aussi, dans la mélasse, la mouscaille. — ☑ Avoir de la merde dans les yeux : ne pas y voir clair (au propre et au figuré).
♦ ☑ Prov. Plus on remue la merde, plus elle pue : plus on approfondit une vilaine affaire, plus on y découvre de saleté, d'ordure, d'ignominie…
♦ ☑ Allusion historique :
1 (…) l'Empereur marcha droit au prince de Bénévent et le prit à partie (…) « Ah ! tenez, vous êtes de la m… dans un bas de soie ! »
Louis Madelin, Talleyrand, III, XXIII.
REM. Jusqu'à une époque récente, le mot était considéré comme très trivial et souvent écrit allusivement m…
2 Adj. || Merde d'oie : qui a la couleur jaune verdâtre des excréments de l'oie. ⇒ Merdoie (→ Caca d'oie).
2 M. Chabert était un bourgeois assez bien mis mais qui avait toujours l'air endimanché et dans les transes de gâter son habit ou son gilet ou sa jolie culotte de casimir « merde d'oie » (…)
Stendhal, Vie de Henry Brulard, p. 26.
3 (1376). Fig. Être ou chose désagréable, pénible ou méprisable, sans valeur. — De la merde : des choses mauvaises (collectif) ou de mauvaise qualité. || On bouffe de la merde, dans ce resto. — C'est de la merde, ce bouquin, ce film. — ☑ Loc. Il ne se croit pas de la merde : il est content de lui.
2.1 — De toute façon, cher monsieur, paternaliste ou pas, c'est quand même mieux que de rester tout seul dans son coin à bouffer de la merde.
É. Ajar (R. Gary), l'Angoisse du roi Salomon, p. 251.
♦ ☑ De merde : méprisable, nul; désagréable. || Quel temps de merde ! || J'en ai marre, de ce boulot de merde. ⇒ Merdique. — ☑ Loc. Un plat de merde : un ensemble de choses désagréables, mauvaises.
♦ ☑ Argot. Avoir qqn, qqch. à la merde : mépriser (cf. argot À la caille).
♦ (Une, des merdes). || Ce type est une vraie merde. || Sale petite merde ! || Ce film est une merde.
2.2 Les rayons de teck encastrés dans le mur et soutenant plusieurs centaines de volumes, c'est-à-dire presque tous les meilleurs écrits produits par l'humanité et aussi des merdes.
J.-P. Manchette, Trois hommes à abattre, p. 28.
♦ Par antiphrase :
2.3 Merci, bon vieux solide, des deux pièces grecques. Il y avait longtemps que je n'avais reçu quelque chose d'aussi crâne de ta seigneurie (…) — La fin de la pièce, excellente. En résumé, voilà deux bonnes merdes, la première surtout.
Flaubert, Correspondance, 10 févr. 1851, t. I, Pl., p. 749.
♦ ☑ Loc. Il ne se prend pas pour une merde (même sens que la loc. ci-dessus). — ☑ Laisser choir, laisser tomber qqn comme une merde.
♦ Objet, affaire sans importance; gain dérisoire (in Cellard et Rey).
4 (1917). Spécialt. Temps bouché, sans visibilité (d'abord argot aviat.). Syn. : pot au noir, purée de pois.
5 Situation désagréable (⇒ Embarras; chierie, emmerdement, merdouille…). || C'est la merde; on est dans la merde. || Quelle merde ! — Spécialt. État psychique pénible.
2.4 (…) à l'idée qu'il va falloir laisser mourir tous mes parasites (…) la merde m'envahit toute et je flanche pour de bon.
A. Sarrazin, la Cavale, p. 32.
♦ Spécialt. Désordre (concret ou abstrait) [surtout dans la loc. suivante]. ☑ Foutre la merde : mettre le désordre (⇒ Bordel). || C'est une vraie fouteuse de merde. — Range ta merde, on ne sait plus où mettre les pieds. ⇒ Merdier.
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II Interj.
1 (XIIIe). Exclamation d'impatience, de colère ou de mépris. ⇒ 1. Bran (vieilli), crotte, zut; par euphémisme mercredi. || Crier, dire « merde » en butant sur un objet, en se brûlant le doigt… (→ Par euphémisme Les cinq lettres, le mot de Cambronne). || Les voisins, on leur dit merde ! (⇒ Emmerder). || Merde pour un tel ! || Ah ! merde alors, qu'est-ce qu'il te faut ! || Merde ! J'ai oublié mes lunettes. ⇒ Mince.
REM. Merde entre dans de nombreux jurons.
3 Pareillement : merde pour l'imprimeur,
Lequel nous vient cy (ici) rompre les cervelles (…)
Clément Marot, Épître, LXXV.
4 (…) un général anglais (…) leur cria : Braves Français, rendez-vous ! Cambronne répondit : Merde ! Le lecteur français voulant être respecté, le plus beau mot peut-être qu'un Français ait jamais dit ne peut lui être répété. Défense de déposer du sublime dans l'histoire. À nos risques et périls, nous enfreignons cette défense. Donc, parmi tous ces géants, il y eut un titan, Cambronne. Dire ce mot et mourir ensuite quoi de plus grand !… Foudroyer d'un tel mot le tonnerre qui vous tue, c'est vaincre.
Hugo, les Misérables, II, I, XIV-XV.
5 Après tout, merde ! Voilà, avec ce grand mot on se console de toutes les misères humaines; aussi je me plais à le répéter : merde, merde !
Flaubert, Correspondance, 97, 15 juin 1845.
♦ ☑ (Interrog.). Oui ou merde ? : oui ou non ?
6 Veux-tu me la garder ? Oui ou merde ?
Céline, Guignol's band, p. 58.
2 (V. 1951). Exclamation d'étonnement, de surprise, d'admiration. || Merde ! Ce qu'elle est belle ! || Merde alors ! C'est rudement bien.
7 Je restais là, la gueule ouverte. Merde alors. C'est tout ce que j'arrivais à penser. Un mec de quatre-vingt-quatre piges qui va consulter une voyante pour qu'elle lui dise ce qui l'attend !
É. Ajar (R. Gary), l'Angoisse du roi Salomon, p. 104.
➪ tableau Principales interjections.
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8 Les mecs, pour l'héroïne, disent tous « la merde ».
É. Ajar (R. Gary), l'Angoisse du roi Salomon, p. 216.
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DÉR. et COMP. Démerder, emmerder; fouille-merde. — Merdailleux, merdaillon, merder, merdeux, merdier, merdique, merdoie, merdouiller, merdoyer. — Sous-merde.
Encyclopédie Universelle. 2012.