existence [ ɛgzistɑ̃s ] n. f.
• XIVe; bas lat. existentia
I ♦
1 ♦ Philos. Le fait d'être ou d'exister, abstraction faite de ce qui est. ⇒ 2. être. Le Cogito de Descartes assure l'homme de son existence. « Le sentiment de l'existence dépouillé de toute autre affection est par lui-même un sentiment précieux de contentement et de paix » (Rousseau). Débat sur l'existence de Jésus-Christ. ⇒ historicité. Preuves de l'existence de Dieu. « On ne sait pas ce qu'il [Dieu] fait en dehors de nous, et c'est ce en quoi il ne nous touche en rien, qui établirait son existence » (Valéry). — (1925) (Opposé à essence) Selon Sartre l'existence précède l'essence. ⇒ existentialisme.
2 ♦ (XIXe) Cour. Le fait d'exister, d'avoir une réalité (pour un observateur). « Son arrivée [du maire] surprit aussi madame de Rênal; elle avait oublié son existence » (Stendhal). Découvrir l'existence d'un corps chimique. J'ignorais l'existence de ce testament. Déceler l'existence d'une tumeur. ⇒ présence. L'enfant tourna la tête « vers elle, le temps de s'assurer de son existence » (Duras). « il était renseigné sur l'existence d'une organisation qui s'occupait de ce genre d'opérations » (Camus).
II ♦ Par ext. (déb. XVIIIe)
1 ♦ Vie considérée dans sa durée, son contenu. Avoir une existence agitée, bien remplie. Les joies, les peines de l'existence. Au cours de son existence. Événement qui marque un tournant dans une existence. Une existence heureuse, malheureuse. « Il n'y a de beau que les existences malheureuses » (Chateaubriand). « Mon existence que j'avais rêvée si belle, si poétique, si large, si amoureuse, sera comme les autres monotone, sensée, bête » (Flaubert). Traîner une existence misérable. « un bonheur si tôt perdu et qui n'aura servi qu'à empoisonner le reste de mon existence » (Henriot). Conditions, moyens d'existence (⇒ ressources) . — Par ext. (en parlant d'une situation, d'une institution) ⇒ durée. Coutume qui a plusieurs siècles d'existence. On ne donne guère à ce gouvernement plus de trois mois d'existence.
2 ♦ Mode, type de vie. S'habituer à une nouvelle existence. « Dans cet intérieur à la fois comique et sinistre, où tout proclamait la petitesse d'une existence bourgeoise » (Green).
3 ♦ Être vivant. « Il n'y a vraiment que le mariage pour unir deux existences » (Maupassant).
⊗ CONTR. Inexistence, non-être, non-existence; essence. Absence. — 1. Mort.
● existence nom féminin (bas latin existentia) Fait d'exister, d'avoir une réalité : Prouver l'existence d'un complot. Présence en un lieu, fait d'être là : Depuis son retour, il n'a pas signalé son existence. Fait de durer : Ce gouvernement a eu une longue existence. La vie : Être las de l'existence. Manière de vivre, mode de vie : Vouloir changer d'existence. La vie considérée dans sa durée : Il a lutté pendant toute son existence. Littéraire. Être vivant : Sauver des existences humaines. ● existence (citations) nom féminin (bas latin existentia) Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 Les vocations manquées déteignent sur toute l'existence. La Maison Nucingen Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Il y a des moments dans l'existence où le temps et l'étendue sont plus profonds, et le sentiment de l'existence intensément augmente. Fusées Léon Bloy Périgueux 1846-Bourg-la-Reine 1917 Mon existence est une campagne triste où il pleut toujours. La Femme pauvre Mercure de France Léon Blum Paris 1872-Jouy-en-Josas 1950 Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l'existence. Nouvelles Conversations de Goethe avec Eckermann Gallimard André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 C'est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires. L'existence est ailleurs. Manifeste du surréalisme Pauvert Michel Butor Mons-en-Barœul 1926 Notre existence quotidienne est un mauvais feuilleton par lequel nous nous laissons envoûter. Répertoire II Éditions de Minuit Sidonie Gabrielle Colette Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954 Je vis sur le fonds de frivolité qui vient au secours des existences longues. L'Étoile Vesper Le Milieu du Monde Armand Salacrou Rouen 1899-Le Havre 1989 Il y a des vies de femmes qui ne sont qu'une suite de larmes, et dont l'existence, en fin de compte, est une réussite. Comme les chardons Gallimard François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 L'intérêt que j'ai à croire une chose n'est pas une preuve de l'existence de cette chose. Lettres philosophiques, XXV Søren Aabye Kierkegaard Copenhague 1813-Copenhague 1855 La meilleure preuve de la misère de l'existence est celle qu'on tire de la contemplation de sa magnificence. Ou bien… ou bien ● existence (expressions) nom féminin (bas latin existentia) Moyens d'existence, ressources que l'on a pour vivre. ● existence (synonymes) nom féminin (bas latin existentia) La vie
Synonymes :
- destin
- destinée
- jours
- vie
existence
n. f.
d1./d Fait d'être, d'exister. L'existence d'un peuple, d'un fait.
d2./d PHILO L'existence: la réalité de l'être (par oppos. à essence).
d3./d état de ce qui existe. Existence d'une institution.
|| Durée de ce qui existe. Notre association a deux ans d'existence.
d4./d Vie et manière de vivre de l'homme. Arriver au bout de son existence. Existence heureuse, pénible.
⇒EXISTENCE, subst. fém.
A.— Le fait d'exister.
1. Lang. cultivée, PHILOS. [Le mot est pris dans sa plus grande extension] Philosophie(s) de l'existence; conscience, sentiment de l'existence; affirmer, croire à, prouver l'existence de Dieu. Sa doctrine [de Malebranche] de l'indémonstrabilité de l'existence du monde extérieur (GILSON, Espr. philos. médiév., 1931, p. 15) :
• 1. La mort n'ayant réellement pas d'existence, la mort étant le non-être, n'entre dans le monde et en nous que par la connaissance.
P. LEROUX, Humanité, t. 2, 1840, p. 542.
— En partic. Philosophie existentialiste; [p. oppos. à essence] Réalité individuelle, actuelle, unique et contingente. Existence concrète, vécue :
• 2. L'existentialisme athée, que je représente, est plus cohérent [que l'athéisme du XVIIIe siècle]. Il déclare que si Dieu n'existe pas, il y a au moins l'être chez qui l'existence précède l'essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept, et que cet être, c'est l'homme ou, dit Heidegger, la réalité humaine. Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après.
SARTRE, Existent., 1946, p. 21.
— Jugement d'existence p. oppos. à jugement de valeur (cf. jugement existentiel). [Le] dilemme qui fait de l'existence ou bien un prédicat ou bien une sorte de qualité ontologique qui viendrait s'ajouter du dehors à l'existant. — Seule donc l'intervention de la pensée substitue à la position irréductible d'un donné comme existant la notion d'un jugement d'existence portant sur un objet (MARCEL, Journal, 1914, p. 25).
— Existence morale, physique. Dimension morale, physique de l'existence (cf. G. GUSDORF, Traité de l'existence morale, Paris, A. Colin, 1949).
— Expr. Être persuadé de qqc. comme de sa propre existence :
• 3. Ce doute rafraîchit les sens de Maurice : un nuage sombre monta de son visage et ne dévoila un moment que des traits paisibles et bienveillants.
— Soyez persuadée comme de votre existence, reprit-il avec franchise, que j'ai entendu rire et causer hier dans le pavillon d'Édouard.
GOZLAN, Notaire, 1836, p. 168.
— Spéc., MATH. Théorème d'existence. Théorème qui affirme l'existence d'un élément d'un ensemble donné possédant une propriété donnée (cf. Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 60).
2. Cour. Le fait que quelque chose ou quelqu'un se rencontre en un lieu ou dans un temps donné.
a) [L'accent est mis sur la composante « présence »]
— [En parlant d'une pers. ou d'un animal] Révéler, signaler, soupçonner l'existence de qqn. À peine avait-il cessé le dialogue désagréable avec les officiers, qu'il avait oublié leur existence (STENDHAL, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 34). Pourtant parfois un clapotis décelait l'existence d'une rainette qui venait respirer, un moment, entre les roseaux (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 188) :
• 4. Il y a donc eu des banquiers dès la plus haute antiquité et les historiens signalent leur existence dès la civilisation babylonienne.
BAUDHUIN, Crédit et banque, 1945, p. 125.
— [Le plus souvent en parlant d'une chose] Signaler l'existence d'une espèce végétale à une époque donnée; constater l'existence d'un minéral à une époque géologique donnée :
• 5. Le dosage de l'urée sanguine met fréquemment en évidence une hyperazotémie. Il peut exister de l'albumine dans les urines. Ces deux anomalies permettront de soupçonner l'existence d'une néphrite chronique.
QUILLET Méd. 1965, p. 340.
b) [L'accent est mis sur la composante « réalité »]
— [En parlant d'une pers.] :
• 6. Le propriétaire d'une rente viagère n'en peut demander les arrérages qu'en justifiant de son existence, ou de celle de la personne sur la tête de laquelle elle a été constituée.
Code civil, 1804, art. 1983, p. 356.
— [Le plus souvent en parlant d'une chose] Apprendre, avoir connaissance, découvrir, être informé (de) l'existence d'un complot, d'une machination, d'une pièce compromettante :
• 7. Si le ministre, contestant le fond du droit réclamé, statue sur l'existence ou l'inexistence de la dette, la décision ministérielle est sujette au recours contentieux.
BARADAT, Organ. préfect., 1907, p. 78.
SYNT. Admettre, affirmer, attester, conclure à, établir, mettre en évidence, montrer, nier, reconnaître l'existence de qqc.; faire un constat d'existence.
c) [L'accent est mis sur la composante « identité, statut »] En donnant à regret une existence légale aux enfants naturels (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 212). En France, seule l'héraldique urbaine a une existence légale (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 752) :
• 8. Dans un syndicalisme qui repose beaucoup plus sur l'initiative des militants et leur capacité d'entraîner la base que sur la discipline des organisations, la section syndicale d'entreprise n'a pas d'existence juridique.
REYNAUD, Syndic. Fr., 1963, p. 217.
d) P. ext. (sens atténué). Le fait qu'il y a quelque chose. Une conception élargie de la défense nationale justifie l'existence d'un service civil national et de coopération (Serv. milit. et réf. armée, 1963, p. 85).
Rem. Les dict. enregistrent l'emploi de existence dans le vocab. comm. Existence(s) en magasin. Ensemble des marchandises existant en magasin (cf. existant II A 2 a et exister A 2).
B.— P. ext. Vie, manière concrète de vivre. Beaux rêves avortés, ambitions déçues, Souterraines ardeurs, passions sans issues, Tout ce que l'existence a d'intime et d'amer (GAUTIER, Comédie mort, 1838, p. 6). Mon existence est plate comme ma table de travail, et immobile comme elle (FLAUB., Corresp., 1859, p. 324) :
• 9. C'est la société qui trace à l'individu le programme de son existence quotidienne. On ne peut vivre en famille, exercer sa profession, vaquer aux mille soins de la vie journalière, faire ses emplettes, se promener dans la rue ou même rester chez soi, sans obéir à des prescriptions et se plier à des obligations.
BERGSON, Deux sources, 1932, p. 12.
SYNT. a) (Mener, avoir) une existence active, agitée, austère, confortable, désordonnée, effacée, étriquée, fabuleuse, facile, frivole, hasardeuse, indépendante, intolérable, monotone, paisible, précaire, régulière, rude, scandaleuse, sédentaire, studieuse, tranquille, végétative; une existence brisée, comblée, perdue; (supporter, traîner) une existence vide; (les épisodes d')une existence mouvementée; (être réduit à, confiné dans) une existence solitaire; une brève, frêle, misérable, triste existence. b) Les agréments, les bienfaits, les charmes, les difficultés, les joies, les (bons) moments, les nécessités, les tracas, les vicissitudes de l'existence; (modifier) le cours, le déroulement de son existence; (marquer) un tournant dans l'existence; dans/dès les premières années de (l', son)existence; (on lui prête encore) quelques années d'existence; une existence de dévouement, de labeur, de privation; une existence de paradis; une existence de débauche, de paresse, de plaisir; une existence sans consistance. c) S'arranger une existence; (se) compliquer l'existence; se débattre dans l'existence; consacrer (une bonne partie de) son existence à qqn ou à qqc., à faire qqc.; décider de son existence; embellir son existence, faciliter l'existence; gâcher, meubler, organiser, orienter son existence; partager l'existence de qqn; persévérer dans l'existence; recevoir l'existence (de ses parents); traîner son existence; être fatigué, las de l'existence; avoir peur de l'existence; trouver un intérêt, un sens à l'existence; avoir un but dans l'existence.
— Expr. Dire adieu à l'existence; mettre fin à son existence. Souvent fam. Une drôle d'existence; quelle existence! l'existence a du bon; c'est à douter de l'existence! (faire mener à qqn) la pire des existences; l'existence commence à me peser; ce n'est (vraiment) pas une existence; s'empoisonner l'existence.
— P. anal. [En parlant d'une chose] À Londres (...) l'ancien métropolitain à vapeur qui avait plus d'un demi-siècle d'existence (SOULIER, Gdes applic. électr., 1916, p. 160). La composition, le nombre et la durée d'existence de ces commissions [spéciales] varient considérablement (Pt manuel Conseil Europe, 1951, p. 31).
— Existence matérielle :
• 10. — Nous avons dit tout cela. Nous avons même expliqué, avec une foule de détails, que nous étions tous pauvres, que nous vivions tous plus ou moins de petits métiers, que nous pensions assurer notre existence matérielle en donnant quelques heures par jour de travail manuel et que, le reste de notre temps, nous entendions le consacrer à la pensée, à l'art, à la philosophie, à tout ce qui peut embellir et même ennoblir la vie.
DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 47.
Moyens d'existence. Tout moyen permettant d'assurer la vie du point de vue matériel. Pourvoir à l'existence de qqn.
— Manière de vivre; style de vie. Mode d'existence. L'existence de bandit qu'il [le chef des brigands de Schiller] adopte (STAËL, Allemagne, t. 2, 1810, p. 276). La préhistoire aussi est entrée dans l'art [au XIXe s.]; Cormon a reconstitué l'existence de l'homme des cavernes (HOURTICQ, Hist. art, Fr., 1914, p. 404) :
• 11. Quoique, aujourd'hui, l'étendue des domaines pastoraux tende à s'accroître, c'est toujours la petite propriété, sous forme d'exploitation directe, qui reste par excellence le mode d'existence auvergnate.
VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 295.
♦ Temps pendant lequel on vit d'une certaine façon. Il nous paraît essentiel que tous les enfants reçoivent, au cours de leur existence scolaire, une éducation « technique » prise dans le sens de relier le travail manuel, l'expérience et l'abstraction (B. SCHWARTZ, Réflex. prospectives, 1969, p. 17).
♦ Vx. Rang, position dans la société. C'est un homme qui a une belle existence (Ac. 1835, 1878) :
• 12. ... le progrès de la nation vers l'unité s'accéléra par une plus grande concentration du pouvoir, et le progrès vers l'égalité civile par l'abaissement dans la vie de cour des hautes existences nobiliaires, et par l'élévation simultanée des différentes classes du Tiers État.
THIERRY, Tiers État, 1853, p. 15.
Rem. On notera la double valeur d'expr. du type : Mener une existence d'ascète : a) Je mène une existence d'ascète (en ce moment parce que j'en ai besoin économiquement ou moralement), ce cas se classe sous « vie » au sens gén.; b) Pour parvenir à la sainteté, il faut mener une existence d'ascète, ce cas se classe sous « mode d'existence, style de vie ».
— P. méton., le plus souvent au plur. Êtres vivants. L'incendie de la grande forêt, et surtout de la grande forêt humide, est bien la seule méthode qui procure le primordial moyen d'y installer des existences humaines vivant plus ou moins de la culture (BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p. 191).
Rem. On relève l'emploi philos. s'existentialiser, verbe réfl. Donner une existence à une essence. Le propre de l'existence, c'est de se donner à elle-même une essence, c'est-à-dire de retrouver un accès vers cet être qui est le lieu même de l'essence. Ce n'est pas à l'essence qu'il appartient de s'existentialiser. C'est plutôt à l'existence qu'il convient de s'essentialiser (L. LAVELLE, Introd. à l'ontologie, Paris, P.U.F., 1947, p. 83).
Prononc. et Orth. :[]. Cf. é-1. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1330 « fait d'exister, réalité » (G. DE DIGULLEVILLE, Pèl. vie humaine, 5291 ds T.-L.); 2. 1734 « vie considérée dans sa durée et dans son contenu » (VOLTAIRE, Rem. sur Pen. de Pascal, VI ds ROB. : notre existence n'est point si malheureuse qu'on veut nous le faire accroire); 1795 « mode, type de vie » déplorable existence (GENLIS, Chev. cygne, t. 1, p. 60); 3. 1795 « fait d'avoir une réalité pour un observateur » (ID., ibid., t. 1, p. 204 : toi qui ... ignore jusqu'à l'existence de Célanire). Empr. au b. lat. ex(s)istentia « existence ». Fréq. abs. littér. :13 356. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 20 072, b) 16 027; XXe s. : a) 15 111, b) 21 999. Bbg. RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 420.
existence [ɛgzistɑ̃s] n. f.
ÉTYM. XIVe; bas lat. exsistentia, du lat. class. existere. → 1. Exister.
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1 (XIVe). Philos. Le fait d'être ou d'exister, abstraction faite de ce qui est. || Existence des êtres, des choses. ⇒ 2. Être. || Le Cogito de Descartes assure (cit. 43) l'homme de son existence. || Avoir une existence. ⇒ 1. Exister. || Avoir la conscience, le sentiment de son existence, de son existence corporelle. ⇒ Cénesthésie. || Existence morale. || Être persuadé d'une chose comme de son existence, y croire fermement. — Existence d'un principe créateur (→ Athée, cit. 12), d'un absolu (→ Dieu, cit. 30). || L'existence de Dieu. ⇒ Croire. || Preuves de l'existence de Dieu.
1 L'impossibilité où je suis de prouver que Dieu n'est pas me prouve son existence.
La Bruyère, les Caractères, XVI, 13.
2 La preuve de l'existence de Dieu la plus belle, la plus relevée, la plus solide et la première, ou celle qui suppose le moins de choses, c'est l'idée que nous avons de l'infini.
Malebranche, De la recherche de la vérité, III, II, 6.
3 Je confesse que je ne vois nulle impossibilité dans l'existence de plusieurs êtres prodigieusement supérieurs à nous, lesquels auraient chacun l'indépendance d'un globe céleste.
Voltaire, Il faut prendre un parti, XXIV.
4 De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d'extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence; tant que cet état dure, on se suffit à soi-même, comme Dieu. Le sentiment de l'existence dépouillé de toute autre affection est par lui-même un sentiment précieux de contentement et de paix (…)
Rousseau, Rêveries…, 5e promenade.
5 (…) tous les athées de Sade posent en principe l'inexistence de Dieu pour cette raison claire que son existence supposerait chez lui indifférence, méchanceté ou cruauté.
Camus, l'Homme révolté, p. 55.
6 (…) l'existence de Dieu serait très fortifiée si on pouvait donner à Dieu d'autres emplois, et lui trouver d'autres aspects que ceux attenant à la Création. Mais on ne sait pas ce qu'il fait en dehors de nous, et c'est ce en quoi il ne nous touche en rien, qui établirait son existence.
Valéry, Analecta, XLVII.
♦ Jugement d'existence, qui affirme ou nie l'existence de quelque chose (opposé à jugement de valeur). ⇒ Existentiel.
♦ (V. 1925). Par oppos. à essence (cit. 8). || L'existence d'un être humain : la réalité vivante, vécue (par oppos. à un concept de l'être, une essence qui délimiterait une nature humaine). ⇒ Existentialisme. || Une philosophie de l'existence (ce syntagme peut se comprendre au sens vague : « une philosophie de la vie »).
7 En termes philosophiques, tout objet a une essence et une existence. Une essence, c'est-à-dire un ensemble constant de propriétés; une existence, c'est-à-dire une certaine présence effective dans le monde. Beaucoup de personnes croient que l'essence vient d'abord et l'existence ensuite (…) L'existentialisme tient, au contraire, que chez l'homme — et chez l'homme seul — l'existence précède l'essence.
8 Cette conception prospective de l'existence, Heidegger l'oppose à l'inertie, à la détermination totale de l'existentia classique, de la substance, tout au moins de l'image dégradée qu'on en a souvent proposée. L'être humain n'est pas ce que le décret éternel et inamovible d'une essence lui a imposé d'être, il est ce qu'il a résolu d'être, autodétermination. Il ne saurait donc être pourvu d'une définition abstraite, d'une nature antérieure à son existence, il est ce qu'il se fait.
E. Mounier, Introd. aux existentialismes, p. 41.
9 (…) si la description de l'essence relève de la philosophie proprement dite, seul le roman permettra d'évoquer dans sa réalité complète, singulière, temporelle, le jaillissement originel de l'existence.
S. de Beauvoir, l'Existentialisme et la sagesse des nations, p. 119.
2 (Rare avant le XIXe). Cour. Le fait d'exister, d'avoir une réalité (pour un observateur). — (En parlant d'une personne). ⇒ Présence. || Soupçonner l'existence d'un espion dans une affaire. || Depuis son retour il n'a pas signalé son existence. ⇒ Manifester (se). || Je ne m'attendais pas à le voir : j'avais complètement oublié son existence.
10 Lorsque le maire de Verrières revint de la ville, il fut bien surpris de trouver l'allée faite. Son arrivée surprit aussi madame de Rênal; elle avait oublié son existence.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VIII.
11 (…) dans vingt-cinq ans, ce sera par Gavarni qu'on apprendra l'existence des duchesses de la rue du Helder, des lorettes, des débardeurs, des étudiants; tout ce joyeux monde de la bohème aura disparu devant les mœurs anglo-américaines qui tendent à nous envahir (…)
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, p. 174.
♦ (XIVe). En parlant d'une chose. || Découvrir l'existence d'un corps chimique, d'une étoile, d'une nappe de pétrole. || Cette radio a révélé l'existence de graves lésions (→ Cutiréaction, cit.). || Déceler l'existence d'une tumeur. ⇒ Présence. || Signaler l'existence d'un club, d'une bibliothèque, d'une œuvre récente. || Connaissez-vous le dernier livre de X ? — J'en ignorais l'existence. || Justifier l'existence d'une coutume, d'une situation (→ Canadien, cit. 1). — ⇒ Réalité. || L'existence d'un complot. || L'existence de classes sociales (→ Classe, cit. 1). || L'existence des jugements moraux (→ Amoral, cit. 2). || Existence d'un motif, d'une circonstance atténuante.
12 Il s'agit, vous le savez peut-être, d'interdire, pour des raisons de moralité, l'existence de casinos avec jeux de hasard dans un certain rayon autour de Paris.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXII, p. 189.
13 (…) il était renseigné sur l'existence d'une organisation qui s'occupait de ce genre d'opérations.
Camus, la Peste, p. 156.
14 La préhistoire elle-même serait romantique dès l'instant que l'un des plus lointains de nos pères a conçu, au delà du monde réel, l'existence possible des choses rêvées (…)
Émile Henriot, les Romantiques, p. 467.
15 Cet homme, à la fois si souple, si fuyant, croyait à la rigueur de sa mission : à la vertu morale du beau, à l'existence du vrai, à la pérennité du goût.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 255.
♦ Comm. || Existence en magasin (d'une marchandise) : quantité de marchandises qui se trouvent en magasin. ⇒ Existant, stock.
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1 (1734, Voltaire). Vie considérée dans sa durée, son contenu. || La brève existence de l'éphémère. || L'existence d'une plante (→ Aquatique, cit. 2). — (Contexte humain). || L'existence d'une personne. || L'existence quotidienne. || Les vicissitudes de l'existence. || Une existence malheureuse. ⇒ Destin (→ Avenir, cit. 34). || Traîner une existence misérable. || Avoir une existence oisive; agitée (→ Abréviation, cit. 1). — Quelle existence ! || Ce n'est pas une existence ! || Il a peiné durant toute son existence. || Vouer son existence à qqch., à une œuvre. || Passer son existence à ne rien faire. || Se compliquer, s'empoisonner l'existence. || Sentir le vide de son existence (→ Amèrement, cit. 2). || Être fatigué, las de l'existence. || À la fin de son existence (→ Diminuer, cit. 19). ☑ Mettre fin, mettre un terme à son existence; dire adieu à l'existence : se tuer, mourir. ⇒ Jour. — Assurer son existence matérielle. || Conditions (cit. 5), moyens d'existence. ⇒ Ressource (→ ci-dessous, cit. 22, 24.1 et 24.2). || Pourvoir à l'existence de quelqu'un.
16 Pourquoi nous faire horreur de notre être ? Notre existence n'est point si malheureuse qu'on veut nous le faire accroire. Regarder l'univers comme un cachot, et tous les hommes comme des criminels qu'on va exécuter, est l'idée d'un fanatique.
Voltaire, Remarques sur les « Pensées » de Pascal, VI.
17 La mémoire étend le sentiment de l'identité sur tous les moments de son existence (de l'individu).
Rousseau, Émile, II.
18 (…) et moi, languissant loin de vous, je traînerai ma pénible existence entre les regrets et le malheur.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXII.
19 Mon existence que j'avais rêvée si belle, si poétique, si large, si amoureuse, sera comme les autres, monotone, sensée, bête (…)
Flaubert, Correspondance, 24 févr. 1839, t. I, p. 42.
20 C'était son heure jeune (du papillon), et son heure exubérante, et son heure d'amour, et le but et le couronnement de toute son inférieure existence de larve. Vite, vite, dans le délire d'exister, il agitait ses ailes (…)
Loti, Figures et Choses…, p. 158.
21 Dans sa pleine liberté, l'esprit est pareil à cet insecte stupide qui passe la moitié de son existence à filer un cocon et l'autre moitié à le détruire.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », IV, p. 113.
22 L'existence matérielle de l'homme de l'esprit, quand elle ne lui est pas assurée par les biens indépendants, elle n'est que subterfuges sociaux, stratagèmes, situations peu nettes, réticences avec le métier nécessaire, professions à demi exercées, malaisément supportées.
Valéry, Autres rhumbs, p. 250.
23 (…) ces apôtres demeuraient malgré eux des individualistes : bien qu'ils eussent voué leur existence au triomphe d'une cause collective (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 44.
24 « un bonheur sitôt perdu et qui n'aura servi qu'à empoisonner le reste de mon existence… »
Émile Henriot, Portraits de femmes, Lettre de Mme Foucaud à Flaubert, p. 361.
24.1 — Domicile ?
— 8, boulevard de l'Officier-Inconnu.
— Moyens d'existence ?
— Joue du saxophone dans les boîtes de nuit; actuellement, chômeur.
R. Queneau, le Chiendent, p. 104.
24.2 La moindre petite enquête vous aurait montré que cette femme est la maîtresse d'un nommé Robert qui doit avoir une trentaine d'années de moins que vous et qui n'a pas de moyens d'existence avoués.
René Floriot, La vérité tient à un fil, p. 17.
♦ (Av. 1869, Lamartine). Par ext. (en parlant d'une situation, d'une institution…). ⇒ Durée. || Cette institution a plusieurs siècles d'existence. || On ne donne guère à ce gouvernement plus de trois mois d'existence.
2 Mode, type de vie. || L'existence nomade. || Mener une existence d'ascète (cit. 4). || Changer d'existence en se mariant. || Cette existence ne lui convient pas. || Je m'habitue à ma nouvelle existence.
25 Il faudrait donc dire adieu à cette existence si bonne, si pure, si radieuse, à ce respect de tous, à l'honneur, à la liberté ! (…) Grand Dieu ! au lieu de cela, la chiourme, le carcan, la veste rouge, la chaîne au pied (…) !
Hugo, les Misérables, I, VII, III.
26 Il ne prend pas son parti d'avoir dû renoncer à ses « succès » d'autrefois ! de ne plus pouvoir mener l'existence qu'il menait ! son existence de joli garçon ! son existence dissolue ! son existence immorale d'avant la guerre !
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 54.
27 Elle a renoncé tristement à l'existence qui l'eût rendue heureuse, et qu'elle avait goûtée, près de Paris (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 336.
28 Dans cet intérieur à la fois comique et sinistre, où tout proclamait la petitesse d'une existence bourgeoise (…)
J. Green, Léviathan, p. 208.
29 Satisfait d'une modique fortune et d'une existence obscure (…)
30 Existence se répand en divers sens (au XVIIIe s.). P. A. signale dans Montagnac : « un être de son espèce avec qui elle pût partager les peines et les plaisirs de l'existence » (vie); dans Mme de Beaum. : « Ils n'ont qu'une existence empruntée » (manière de vivre) […] dans Gresset : « Quand on ne doit point sa réputation à des protecteurs… ni son existence à l'esprit d'autrui… » (situation) […].
F. Brunot, Hist. de la langue franç., t. VI, p. 1386.
3 (1862, Hugo). Par métonymie. (Une, des existences). Être vivant. || Les existences qui nous entourent (→ Associer, cit. 13). || Sauver des existences humaines (→ Antisepsie, cit.).
31 La destinée unit brusquement et fiança avec son irrésistible puissance ces deux existences déracinées, différentes par l'âge, semblables par le deuil.
Hugo, les Misérables, II, IV, III.
32 Il n'y a vraiment que le mariage pour unir deux existences.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 140.
33 Mais pourquoi, pensai-je, pourquoi tant d'existences, puisqu'elles se ressemblent toutes ? À quoi bon tant d'arbres tous pareils ?
Sartre, la Nausée, p. 168.
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DÉR. Existentialiser, existentiel.
COMP. Coexistence, inexistence, non-existence, préexistence.
Encyclopédie Universelle. 2012.