Akademik

distinguer

distinguer [ distɛ̃ge ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1360; lat. distinguere; cf. distinter (XIIIe)
I
1Permettre de reconnaître (une personne ou une chose d'une autre), en parlant d'une différence constitutive, d'un trait caractéristique. caractériser, différencier, séparer. Le langage distingue l'homme des animaux. « Tout ce qui distingue les hommes paraît peu de chose » (Vauvenargues). « Ce qui distingue la sensibilité moderne de la sensibilité classique » (Camus).
2Reconnaître (une personne ou une chose) pour distincte (d'une autre), selon des traits particuliers permettant de ne pas confondre. différencier, discriminer, isoler, séparer. On ne peut distinguer ces jumeaux l'un de l'autre. Je suis « d'une ignorance incroyable. Je ne distingue pas le seigle du blé, ni le peuplier du tremble » (Balzac). Distinguer le bien et le mal; le vrai du faux. « dans cette sorte d'enfance de l'humanité, on peut déjà distinguer trois âges » (Fustel de Coulanges). Intrans. Distinguer entre deux choses : faire la différence.
3(mil. XVIIe) Mettre (qqn) à part des autres, en le remarquant comme supérieur. « je le distinguais, voilà tout; et distinguer un homme, ce n'est pas encore l'aimer » (Marivaux).
4Percevoir d'une manière distincte, sans aucune confusion, par l'un des cinq sens. apercevoir, discerner, reconnaître, voir. « on distingue peu à peu des objets dans l'obscurité, à mesure que les yeux s'y habituent » (Montherlant). Distinguer qqn au milieu d'une foule, parmi d'autres. Distinguer les sons, les odeurs, les goûts.
Fig. Percevoir. « la grâce française où l'on distingue toujours la joie de bien jouer un rôle brillant » (Stendhal).
IISE DISTINGUERv. pron.
1Se rendre distinct, différent (de). se différencier, 1. différer, se particulariser, se séparer, se singulariser. « vérifier par quelle qualité propre, personnelle, il se distingue des autres » (Baudelaire).
2S'élever au-dessus des autres, se faire connaître, remarquer, se rendre célèbre. s'illustrer, se signaler. Se distinguer par son savoir, ses exploits. Il se distingua pendant la guerre, dans telle bataille : il se couvrit d'honneur. Il s'est distingué en mathématiques. Chercher à se distinguer. Par ext. (Choses) Être remarquable. Son style se distingue par la sobriété.
3Être perçu, discerné. apparaître, se montrer, se remarquer. « À l'horizon se distinguait maintenant la rive africaine » (Mac Orlan).
⊗ CONTR. Confondre, identifier.

distinguer verbe transitif (latin distinguere, séparer) Percevoir par les sens, en particulier par la vue, l'ouïe : Notre oreille ne distingue pas les ultrasons. On distingue à peine les passants dans le brouillard. Découvrir, déceler quelque chose par l'esprit : Distinguer une certaine agressivité dans les propos de quelqu'un. Reconnaître, différencier quelque chose ou quelqu'un en percevant les caractéristiques qui font sa spécificité : Distinguer le vrai du faux. Distinguer deux jumeaux. Constituer l'élément caractéristique qui différencie quelqu'un, quelque chose de quelqu'un, quelque chose d'autre : La parole distingue l'homme de l'animal. Mettre une personne au-dessus des autres, la considérer comme supérieure, à part : Il s'imagine que ses vertus le distinguent du commun des mortels. Honorer quelqu'un, lui décerner une marque particulière d'honneur, de faveur : Distinguer publiquement le meilleur élève d'une classe.distinguer (citations) verbe transitif (latin distinguere, séparer) Jean-Pierre Claris de Florian Sauve, Gard, 1755-Sceaux 1794 Académie française, 1788 Moi, disait un dindon, je vois bien quelque chose ; Mais je ne sais pour quelle cause Je ne distingue pas très bien. Fables, Le Singe qui montre la lanterne magique distinguer (difficultés) verbe transitif (latin distinguere, séparer) Construction 1. Distinguer qqch (qqn) de qqch d'autre (de qqn d'autre) = constituer l'élément caractéristique qui différencie, qui sépare. Deux aigrettes de plumes sur la tête distinguent le hibou de la chouette. Sa taille la distingue de sa sœur, qui est plus petite. 2. Distinguer de / d'avec : distinguer le bien du mal, distinguer le bien d'avec le mal . Les deux constructions sont admises, mais distinguer de est plus courant. Recommandation Dans l'expression soignée, préférer ces deux constructions à distinguer une chose et une autre, très courant dans l'expression orale non surveillée (distinguer le fond et la forme). Remarque Il est parfois nécessaire d'employer distinguer d'avec pour éviter une ambiguïté. Par exemple, il faut savoir distinguer l'ami du flatteur peut être compris : « il faut savoir faire la distinction entre l'ami et le flatteur », ou : « il faut savoir reconnaître celui qui est l'ami de l'homme qui flatte ». 3. Distinguer entre, parmi = discerner, remarquer. On distingue la silhouette du château entre les arbres. Le réalisateur a distingué cette jeune débutante parmi les figurants du film. 4. Se distinguer v.pr. = se signaler, s'illustrer. Il s'est distingué par sa compétence. ● distinguer (synonymes) verbe transitif (latin distinguere, séparer) Percevoir par les sens, en particulier par la vue, l'ouïe
Synonymes :
- différencier
- discriminer
Contraires :
- confondre
- mélanger
- mêler
Découvrir, déceler quelque chose par l'esprit
Synonymes :
- apercevoir
- découvrir
- reconnaître
Reconnaître, différencier quelque chose ou quelqu'un en percevant les caractéristiques qui...
Synonymes :
- démêler
- discerner
- isoler
Contraires :
- assimiler
- identifier
Constituer l'élément caractéristique qui différencie quelqu'un, quelque chose de quelqu'un, quelque chose...
Synonymes :
- séparer

distinguer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Rendre particulier, différent, reconnaissable. Sa taille le distingue des autres.
d2./d Faire la différence entre (des personnes ou des choses). Savoir distinguer le fer de l'acier.
|| v. intr. Distinguer entre le possible et le probable.
d3./d Remarquer, porter un intérêt particulier à (qqn qui se signale par ses mérites). Le professeur l'a tout de suite distingué.
d4./d Percevoir avec quelque netteté, par les sens ou par l'esprit. Distinguer une odeur, un bruit. Je distingue assez bien vos intentions.
rII./r v. Pron.
d1./d être reconnaissable. Papier qui se distingue par son grain.
d2./d Se signaler par ses qualités, ses mérites, etc. Se distinguer par ses talents, son audace.
d3./d être perçu, reconnu. Une voix se distinguait dans la rumeur.

⇒DISTINGUER, verbe trans.
Par un effort d'attention, aboutir à découvrir ou à déterminer, sans confusion possible, dans des êtres ou des choses, ce qui les rend différents (d'êtres ou de choses de même niveau ou de même environnement).
A.— [L'effort d'attention porte sur des différences de nature (caractères, traits, attributs, etc.); le suj. désigne une pers. ou un être assimilé; l'adj. corresp. est distinct]
1. [Le discernement est l'aboutissement d'une opération des sens]
a) Distinguer qqc. Distinguer un chant, une silhouette, un visage. J'écoute et je distingue les accents d'une voix humaine (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 363). Elle tendait son oreille à un roulement éloigné. On distingua le bruit d'une voiture mêlé à un claquement de fers (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 88). Je distingue l'odeur des lys (CLAUDEL, Ville, 1901, I, p. 432) :
1. Assis l'un près de l'autre, éclairés par la lueur des deux lanternes suspendues au plafond, ils purent distinguer les changements survenus à leurs traits depuis leur séparation, marquée pour elle et pour lui par tant d'incidents graves.
GOZLAN, Le Notaire de Chantilly, 1836, p. 222.
SYNT. Distinguer les couleurs, des formes, une foule, la pâleur, les paroles, les traits, des voix; distinguer dans la pénombre.
[Avec un compl. circ. (prép. par) indiquant le sens, l'organe qui permet le discernement] Cet aveugle distingue par le toucher une pièce d'or d'une pièce d'argent (Ac. 1932).
Distinguer que + sub. compl. On distinguait dans la demi-obscurité du soir d'hiver que la table, la cheminée et même les fauteuils étaient chargés de grands vases, d'objets de prix, d'armes anciennes (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 76).
b) [Avec un compl. d'obj. second.]
Distinguer qqc. d'autre chose. Je distingue le cachet rouge du cachet bleu (RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 102). Dès que nous savons distinguer un éléphant d'un parapluie, nous regardons comme faite l'éducation de notre œil (FAURE, Esprit formes, 1927, p. 209).
Distinguer qqc. d'avec une autre. Nous étions si éloignés que nous ne pouvions distinguer la cavalerie d'avec l'infanterie (Ac. 1798-1932).
Distinguer qqc. sur d'autres (rare). Sa robe était bleue et si simple, que vous ne l'eussiez pas distinguée sur tant d'autres robes bleues qui passaient (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 141).
2. [Le discernement est l'aboutissement d'une opération de l'esprit]
a) Distinguer qqc. Il faut distinguer trois espèces de sectes religieuses et philosophiques en Allemagne (STAËL, Allemagne, t. 5, 1810, p. 144). Ces observations permettent à Zuckermann de distinguer trois facteurs dans le comportement soi-disant maternel de la guenon et de son petit (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 6) :
2. Et voici qu'aujourd'hui je distingue son optimisme, je le querelle, j'en distingue l'accent superficiel, la pensée facile, injustifiée, indigne d'une si puissante orchestration.
BARRÈS, Mes cahiers, t. 9, 1911-12, p. 14.
[Avec un 2e compl.]
Distinguer qqc./qqn (d'une autre chose, pers.). Je ne distingue plus le bien du mal et j'ai besoin qu'on me trace ma route (SARTRE, Mouches, 1943, II, tabl. 1, 4, p. 62). Pour distinguer les paranoïaques constitutionnels des paranoïaques délirants, le docteur Genil-Perrin les appelle les « petits paranoïaques » (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 548).
Distinguer qqc./qqn d'avec. Distinguer l'ami d'avec le flatteur (Ac. 1798-1932).
Distinguer entre (qqc. et une autre). Toutefois il est incontestable qu'extases, visions, ravissements sont des états anormaux, et qu'il est difficile de distinguer entre l'anormal et le morbide (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 242). Mais comment saurais-tu distinguer entre les effets et les causes (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 634) :
3. Ici, comme dans tous les domaines, il faut maintenir à la fois le monisme nécessaire de la conception philosophique et les distinctions qui ont une valeur usuelle. Dans une automobile, pratiquement, il faut distinguer entre le mécanisme moteur, la structure des organes de transmission et d'utilisation de mouvement — et la quantité de mouvement fournie par la combustion de l'essence.
RUYER, Esquisse d'une philos. de la struct., 1930, p. 61.
[Avec un compl. prép. en indiquant le résultat (classes d'êtres ou de choses) de l'opération] Distinguer (des personnes, des choses) en. Les individus ont été distingués en intellectuels, sensitifs et volontaires (CARREL, L'Homme, 1935, p. 293).
b) En partic. Reconnaître (dans une chose ou entre plusieurs) ce qu'il y a de différent et y avoir égard. Synon. diviser, séparer. Distinguer les divers sens d'un mot (Ac. 1835-1932).
Emploi abs. Il faut distinguer. Je vous accorde le principe; mais, avant de tirer les conséquences, distinguons (Ac. 1835-1932).
3. Emploi factitif. Réaliser les conditions (de 1 et/ ou 2) permettant ou rendant nécessaire le discernement, faire que les oppositions soient discernables par les sens ou par l'esprit.
a) [Le suj. désigne celui ou ce qui réalise ces conditions, avec gén. un compl. circ. (prép. par) indiquant le trait qui permet le discernement] Distinguer les objets par des noms différents (Ac. 1835-1932). On l'appelait le grand Cointet pour le distinguer de son frère, qu'on nommait le gros Cointet (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 566).
Emploi pronom. à sens passif. Ces philosophes se distinguaient des autres hommes par leur vêtement comme, aujourd'hui, un prêtre se distingue par le sien des hommes qui l'entourent (GILSON, Esprit philos. médiév., 1931, p. 30). C'est, dit-il, un vieux préjugé, une proposition triviale, de dire que l'homme se distingue de l'animal par la pensée (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949 p. 88) :
4. ... végétaux et animaux représentent bien les deux grands développements divergents de la vie. Si la plante se distingue de l'animal par la fixité et l'insensibilité, mouvement et conscience sommeillent en elle comme des souvenirs qui peuvent se réveiller.
BERGSON, L'Évolution créatrice, 1907, p. 120.
b) [Le suj. exprime le trait inhérent (à l'être ou à la chose) qui permet le discernement] L'espèce de casque qui distingue cet animal [le caméléon] (CUVIER, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 31). Je sais enfin ce qui distingue l'homme de la bête : ce sont les ennuis d'argent (RENARD, Journal, 1904, p. 943) :
5. L'homme est, avant tout, l'inventeur des armes, des outils et des machines. C'est à l'aide de ces inventions qu'il a pu manifester ses caractères propres, ceux qui le distinguent de tous les autres êtres vivants.
CARREL, L'Homme, 1935, p. 67.
B.— [L'effort porte sur des traits qui valorisent, en mettant à part ou au-dessus un être ou une chose; l'adj. corresp. est distingué]
1. Mettre à part (quelque chose ou quelqu'un) par un trait de singularité, de supériorité.
a) [Le suj. désigne celui ou ce qui est valorisé, avec gén. un compl. circ. (prép. par) indiquant le trait qui valorise]
Emploi pronom.
Réfl. L'auteur se distinguait par un esprit éminemment classique (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 269) :
6. ... à l'université McGill où il [McDowey] se distingua tant par ses exploits dans tous les sports, boxe, lutte, rugby, hockey, que par les hautes marques qu'il décrocha dans la plupart des matières.
GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, p. 279.
Abs. à sens passif. Chercher à se distinguer (Ac. 1835-1932).
b) [Le suj. désigne le trait qui valorise; l'obj. désigne celui ou ce qui est valorisé] Les vertus chrétiennes qui distinguent si éminemment la princesse (COTTIN, Mathilde, t. 5, 1805, p. 319). La délicatesse de nos estomacs nous distinguait du commun (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 49) :
7. La gravité des mœurs, l'intégrité, la science, qui distinguoient si éminemment la magistrature française, lui avoient acquis, avec le respect et la confiance des peuples, une haute considération dans l'Europe entière.
LAMENNAIS, De la Religion, 1826, p. 85.
2. [Le suj. désigne la pers. qui valorise; l'obj., la pers. qui est valorisée] Mettre (quelqu'un) à part des autres personnes, de manière à le valoriser à leurs yeux et le traiter avec des égards particuliers, généralement en vue d'une fin définie. Dès qu'il parut à la cour, le prince le distingua d'une manière flatteuse (Ac. 1798-1932). Il s'échauffa et finit par crier que les Napoléon savaient distinguer les hommes de cœur et d'énergie (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 304).
Rem. On rencontre ds la docum. a) Distinguable, adj. Susceptible d'être distingué. (Quasi-)synon. distinct. Des chansons sans signification ni mots distinguables (FLAUB., Corresp., 1850, p. 176). b) Distinguant, ante, en emploi adj. [Correspond à distinguer A 3] Qui permet la distinction, le discernement. Si la « manufacture » et la « machino-facture » sont indiscernables en acte, elles ne sont nullement indiscernables selon la manière! Or, de toutes les manières, la plus distinguante est la médiation (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 149). c) Distingueur, adj. masc. Qui fait état d'une distinction. Leur logique rudimentaire, de roc, de fer, est impénétrable à tout raisonnement contradictoire et « distingueur » (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 114).
Prononc. et Orth. :[], (je) distingue []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1310 « reconnaître (quelqu'un ou quelque chose) par un trait, une différence qui le distingue » (G. DU BUS, Roman de Fauvel, 634 ds T.-L.); 2. 1370-82 « (d'une chose) permettre de reconnaître (quelqu'un ou quelque chose) par quelque trait » (ORESME, Le Livre du ciel et du monde, éd. A. D. Menut et A. J. Denomy, 81 a, 324 : Et ces hemisperes sont distinguez ... par le elevacion de(s) poles); 3. 1580 « percevoir par l'un des cinq sens » (B. PALISSY, Disc. admir., éd. A. France, 448); 4. 1666 « élever quelqu'un du commun » (MOLIÈRE, Le Misanthrope, I, 1 : je veux qu'on me distingue); 1670 « (en parlant de choses) élever au-dessus du commun » (BOSSUET, Duch. d'Orl. ds LITTRÉ). Empr. au lat. class. distinguere « séparer, diviser, différencier », cf. 1216 destincter « exprimer en particulier, en détachant de l'ensemble » (ANGER, Trad. Vie St Grégoire, 1069 ds T.-L.), dér. du lat. distinctus, v. distinct. Fréq. abs. littér. :7 023. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : 10 784, b) 7 994; XXe s. : a) 9 895, b) 10 431. Bbg. MAT. Louis-Philippe 1951, p. 61. — QUEM. 2e s. t. 1 1970. — QUEM. Fichier (s.v. distinguable).

distinguer [distɛ̃ge] v. tr.
ÉTYM. V. 1360; lat. distinguere; cf. Distinter, XIIIe (→ Distinct) distinguere vient de dis-, et stingere verbe infixé, de l'intensif stigare, cf. instigare « piquer »; d'abord « séparer par des marques ».
1 (Le sujet désigne une différence, un trait caractéristique.) Permettre de reconnaître (une personne ou une chose d'une autre). Caractériser, différencier, séparer. || La raison, le langage distingue l'homme des animaux. || Caractéristiques qui distinguent une chose d'une autre, d'avec une autre.Distinguer les hommes, les éléments d'un ensemble.Distinguer une chose dans un ensemble, entre, d'entre plusieurs choses semblables.
1 Tout ce qui distingue les hommes paraît peu de chose. Qu'est-ce qui fait la beauté ou la laideur, la santé ou l'infirmité, l'esprit ou la stupidité ? Une légère différence des organes, un peu plus ou un peu moins de bile, etc. Cependant ce plus ou ce moins est d'une importance infinie pour les hommes; et lorsqu'ils en jugent autrement ils sont dans l'erreur.
Vauvenargues, Maximes, 239.
2 Ce qui distingue la sensibilité moderne de la sensibilité classique, c'est que celle-ci se nourrit de problèmes moraux et celle-là de problèmes métaphysiques.
Camus, le Mythe de Sisyphe, p. 142.
3 (…) se parer d'un uniforme spécial qui les distinguait de la foule.
P. Mac Orlan, le Quai des brumes, XI, p. 161.
2 (Mil. XVIIe). Élever au-dessus du commun, rendre remarquable par un trait de supériorité. || Vertus qui distinguent une nation; un homme.Absolt. || Aimer ce qui distingue.
4 Vous aimez dans la vertu même tout ce qui distingue, tout ce qui attire les regards publics.
Massillon, Mystères, Œuvre de miséricorde, in Littré.
5 Je ne vois que la condamnation à mort qui distingue un homme, pensa Mathilde : c'est la seule chose qui ne s'achète pas.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, VIII, p. 285.
(Sujet n. de personne). Mettre (qqn) à part des autres, en le remarquant comme supérieur. || On le distingua parmi ses collègues pour cette fonction. Choisir, préférer, remarquer.
6 Je refuse d'un cœur la vaste complaisance
Qui ne fait de mérite aucune différence;
Je veux qu'on me distingue; et pour le trancher net,
L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait.
Molière, le Misanthrope, I, 1.
7 Il me semble (…) qu'on le distingue beaucoup et qu'on a de grands égards pour lui.
Montesquieu, Lettres persanes, XLVIII.
Spécialt. Montrer une inclination particulière pour qqn, et, spécialt, le prendre pour partenaire sexuel.
8 Dans le fond, je le distinguais, voilà tout; et distinguer un homme, ce n'est pas encore l'aimer (…)
Marivaux, l'Heureux Stratagème, I, 4.
9 (…) elle passait pour avoir distingué le notaire Lupin dans sa jeunesse.
Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 147.
3 Reconnaître (une personne ou une chose) pour distincte (d'une autre), selon des traits particuliers permettant de ne pas confondre. Différencier, discriminer, isoler, séparer, spécifier. || Distinguer les êtres, les objets selon leurs particularités. Classer, distribuer. || Distinguer les genres, les espèces. || On ne peut distinguer ces jumeaux l'un de l'autre.
10 Élevée avec lui dans le sein de sa mère,
J'appris à distinguer Bajazet de son frère (…)
Racine, Bajazet, I, 4.
11 (…) sa robe (du douc), variée de toutes couleurs, semble (…) différencier son espèce (…) Il est fort aisé à distinguer des autres singes.
Buffon, Hist. nat. des animaux, Le douc, t. IV.
12 Dans le temps qu'il y avait des jansénistes, on les distinguait à la longueur du collet de leur manteau.
Chamfort, Caractères et Anecdotes, Vaisselle duc d'Ayen.
13 (…) je suis, je vous l'avoue, d'une ignorance incroyable. Je ne distingue pas le seigle du blé, ni le peuplier du tremble; je ne sais rien des cultures ni des différentes manières d'exploiter une terre.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 815.
Ne pas savoir distinguer sa main droite de sa main gauche.Distinguer le bien et le mal; le vrai du faux. Cribler, démêler, discerner, juger (→ Apprendre, cit. 18). || Distinguer les desseins et les intentions (→ Délibérer, cit. 13). || Distinguer les divers sens d'un mot. Analyser, spécifier. || Distinguer les termes d'une proposition (→ Débattre, cit. 4).
14 Par une grande finesse de discernement, on distinguera les pensées stériles des idées fécondes (…)
Buffon, Disc. sur le style, Œ., t. XII, p. 326.
15 Rien n'est plus difficile que de distinguer dans l'enfance la stupidité réelle, de cette apparente et trompeuse stupidité qui est l'annonce des âmes fortes.
Rousseau, Émile, II.
16 Et même, dans cette sorte d'enfance de l'humanité, on peut déjà distinguer trois âges, que les géologues sont convenus d'appeler l'âge de la pierre, l'âge du bronze, l'âge du fer.
Fustel de Coulanges, Leçons à l'impératrice…, p. 10.
Traiter différemment.Absolument :
17 Sans distinguer entre eux qui je hais ou qui j'aime (…)
Racine, Mithridate, IV, 5.
4 (Le sujet désigne une personne, un organe sensoriel, un sens). Percevoir d'une manière distincte, sans confusion, par l'un des cinq sens.(Vue). || On commence à distinguer les montagnes. Apercevoir, discerner, reconnaître, voir (→ Angle, cit. 2). || Œil exercé qui distingue les moindres détails. || Distinguer un détail à l'œil nu. || Distinguer qqn au milieu d'une foule. || L'éloignement, l'obscurité empêche de distinguer les objets, leur contour. || Formes indécises qu'on distingue mal ( Indistinct).(Autres sens). || Distinguer les sons, les odeurs, les goûts. || Cet aveugle distingue par le toucher une pièce d'or d'une pièce d'argent (Académie).
18 Moi, disait un dindon, je vois bien quelque chose;
Mais je ne sais pour quelle cause
Je ne distingue pas très bien.
Florian, Fables, II, 7.
19 Dès que l'enfant commence à distinguer les objets, il importe de mettre du choix dans ceux qu'on lui montre.
Rousseau, Émile, I.
20 Tout était noir. On ne distinguait rien. On entendait un bruit d'écume; mais on ne voyait pas la rivière.
Hugo, les Misérables, V, IV.
21 Je commence à voir quelque chose. Mais je ne distingue rien. Tout ce qui file et qui dérive, mes regards le suivent un instant et le perdent sans l'avoir divisé (…)
Valéry, Eupalinos…, p. 13.
22 Il me semble que j'entends mille bruits dans cette pièce, qui d'abord semblait silencieuse, comme on distingue peu à peu des objets dans l'obscurité, à mesure que les yeux s'y habituent.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 90.
23 Jacques distingua aussitôt, parmi d'autres, une voix qui avait un timbre spécial, vibrant et pourtant voilé; celle de Jenny.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 202.
Fig. Percevoir.
24 (…) la grâce française où l'on distingue toujours la joie de bien jouer un rôle brillant, si ce n'est même l'orgueil de le jouer.
Stendhal, Journal, p. 376.
25 (…) Il est essentiellement effacé, terne, et sa valeur même est difficile à distinguer hors du domaine où elle exerce.
J. Chardonne, l'Amour du prochain, p. 182.
——————
se distinguer v. pron.
1 Se rendre distinct, différent de… Différer, particulariser (se), séparer (se), singulariser (se). || Nation qui se distingue des autres par un caractère personnel (→ Chanceler, cit. 6). || C'est un original qui cherche à se distinguer.
26 (L'âme) Se mêlant tout à fait avec ce corps qu'elle anime, à la fin elle a peine à s'en distinguer.
Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu…, V, I, in Littré.
27 (…) il reste (…) à chercher et à vérifier par quelle qualité propre, personnelle, il (le grand artiste) se distingue des autres.
Baudelaire, l'Art romantique, XXI.
28 Plus je les comparais l'une à l'autre (la Grèce et la Toscane), mieux je voyais en quoi elles se distinguent du reste.
Ch. Maurras, Anthinéa, p. 7.
29 Les clairons et les tambours se distinguaient des autres soldats par un galon noir et rouge cousu sur les manches de la vareuse en deux losanges superposés.
P. Mac Orlan, la Bandera, VI, p. 65.
2 (Littér. ou style soutenu). S'élever au-dessus des autres, se faire connaître, remarquer, se rendre célèbre. Illustrer (s'), signaler (se). || Se distinguer par son savoir, son esprit, ses vertus, ses talents, ses exploits.Il se distingua pendant la guerre, dans telle bataille : il se couvrit d'honneur. || Se distinguer dans les lettres. || Chercher à se distinguer. || Il se distingue dans son groupe : il tient le premier rang.
30 (…) l'envie audacieuse de se distinguer du commun de ses semblables n'est le plus souvent qu'une tricherie commise envers la société et une injure impardonnable faite à tous les gens modestes (…)
E. Fromentin, Dominique, I, p. 4.
31 À l'école primaire, puis au collège, l'enfant ne se distingua guère.
Henri Mondor, Pasteur, I, p. 14.
Fam. || Quel bon gâteau ! La cuisinière s'est distinguée.
(Choses). Être remarquable. || Son style se distingue par la pureté.
3 Être perçu, discerné. Apparaître, montrer (se), remarquer (se). || Les maisons qui se distinguent sur le rivage.
32 Il enchâsse de belles pensées, de jolis traits, de beaux et riches exemples, et, au milieu de la bonhomie de son style, cela aussitôt se distingue.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, VI, p. 267.
33 A l'horizon se distinguait maintenant la rive africaine : des montagnes d'un violet noir et la masse ronde et sombre des courtes végétations.
P. Mac Orlan, la Bandera, IV, p. 43.
——————
distingué, ée p. p. adj.
1 Qui n'est pas confondu. || Sens d'un mot judicieusement distingué.
34 Les mouches que j'avais observées étaient toutes distinguées les unes des autres par leurs couleurs.
Bernardin de Saint-Pierre, Études de la nature, 1.
35 Ses poésies sont toutes en distiques, mais si peu distingués par l'imprimeur qu'on est sujet à les lire de suite, et à chercher un sens général à tant de vers rangés par paires.
Rivarol, Littérature, Œ., p. 75.
2 (Personnes; groupes; choses humaines). Littér. Remarquable par son rang, son mérite. Brillant, célèbre, éminent, supérieur. || C'est l'un des peintres les plus distingués du siècle. || Écrivain, orateur distingué (→ Abondant, cit. 7; cause, cit. 51). || Notre distingué collaborateur.
36 Quelque distingué que soit un homme, peut-être ne jouit-il jamais sans mélange de la supériorité d'une femme.
Mme de Staël, Corinne, VIII, 3.
37 Les hommes distingués se recrutent de nos jours à peu près en égale proportion dans tous les rangs.
Renan, in Pierre Larousse.
Une société distinguée. Choisi, crème, élite.
37.1 (…) Cet homme d'un nom et d'un mérite si distingué (…)
La Bruyère, Discours à l'Académie, Préface.
37.2 J'ai pourtant vu nombre de sots qui n'avaient et ne connaissaient point d'autres mérites dans le monde que celui d'être nés nobles ou dans un rang distingué.
Marivaux, le Paysan parvenu, IV, in Littré.
37.3 La fille de vingt ans appartient à l'une des familles les plus distinguées du Poitou (…); pas une (des filles) enfin qui ne puisse réclamer les plus beaux titres (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 172.
(Dans les formules de politesse, à la fin des lettres). Particulier, spécial. || Recevez l'assurance de mes sentiments distingués, l'expression de ma considération distinguée. Considération (cit. 11).
3 Cour. (Personnes). Qui a de la distinction (II., 3.). || Votre amie est très distinguée.
38 Ma grand-mère avait trouvé ces gens parfaits, elle déclarait que la petite était une perle et que le giletier était l'homme le plus distingué, le mieux qu'elle eût jamais vu. Car pour elle, la distinction était quelque chose d'absolument indépendant du rang social.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 33.
(Choses). || Manières distinguées. || Toilette, mise distinguée. || Air distingué.
39 (…) une grâce distinguée et fière se dégageant de toute sa petite personne (…)
Loti, Ramuntcho, I, V, p. 75.
Fam. || Elle trouve distingué d'avoir une voiture noire. || Ce papier à lettres fait distingué.
CONTR. Assimiler, confondre, identifier. — Cacher, effacer, ignorer. — (Du p. p.) Inférieur, médiocre, ordinaire. — Commun, grossier, vulgaire.
DÉR. Distinguable. — V. Distinct, distinction.

Encyclopédie Universelle. 2012.