détruire [ detrɥir ] v. tr. <conjug. : 38>
• 1050; lat. pop. °destrugere, refait sur destruere « abattre »
1 ♦ Jeter bas, démolir (une construction). ⇒ abattre, raser, renverser, ruiner; destruction. Détruire un bâtiment, un mur. Détruire les fondements d'un édifice. ⇒ miner, saper. « Le roi fit détruire jusqu'aux pierres et aux fondements matériels de Port-Royal » (Saint-Simon). Détruire une ville par bombardement terrestre, aérien. ⇒ bombarder. Détruire de fond en comble. — Ville détruite.
2 ♦ Par ext. Altérer jusqu'à faire disparaître. ⇒ anéantir, annihiler, supprimer; s'autodétruire . Détruire une forêt par le feu. ⇒ brûler, incendier (cf. Réduire en cendres). Détruire en brisant, en écrasant. ⇒ briser, broyer, casser, défoncer, démolir, pulvériser (cf. Mettre en pièces). Les Russes décampèrent « détruisant tout sur leur route pour retarder au moins les Suédois » (Voltaire). Détruire une lettre, un document. Les substances caustiques, les acides détruisent les tissus organiques. ⇒ attaquer, corroder, ronger. « Le temps qui détruit tout » (La Fontaine).
3 ♦ Supprimer (un être vivant) en ôtant la vie. ⇒ tuer. Détruire les insectes nuisibles, les parasites (⇒ désinsectiser, déparasiter) . Détruire les mauvaises herbes (⇒ désherber) , les ronces (⇒ débroussailler) . Un fléau, une épidémie qui détruit la population d'un village. ⇒ exterminer. Une fusillade détruisit la moitié de la section. ⇒ décimer, massacrer.
♢ SE DÉTRUIREv. pron. Il a tenté de se détruire. ⇒ se suicider, se tuer (cf. Mettre fin à ses jours).
4 ♦ Fig. Défaire entièrement (ce qui est établi, organisé, élaboré). ⇒ anéantir, supprimer. Détruire un régime politique, social. ⇒ abattre, renverser. Détruire la rébellion. ⇒ étouffer, juguler. Détruire un usage, une institution. ⇒ abolir, annuler. « Beaucoup d'hommes avaient intérêt à détruire une organisation sociale qui n'avait pour eux aucun bienfait » (Fustel de Coulanges). Détruire un argument, une théorie, une certitude. ⇒ éliminer, renverser. Cela détruit votre thèse. ⇒ réfuter. V. pron. « On ne peut pas demander au capitalisme de se détruire soi-même » (Martin du Gard).
♢ Détruire une illusion. ⇒ dissiper, enlever. Cette mésaventure détruisit tous ses espoirs. Détruire l'orgueil, les prétentions de qqn. ⇒ abattre. « Soutenir la piété jusqu'à la superstition, c'est la détruire » (Pascal).
5 ♦ Absolt (opposé à construire, créer, faire) « Pour vivre, il faut détruire » (Buffon). « Le besoin de détruire est encore plus puissant que l'espoir de construire » (Martin du Gard).
6 ♦ SE DÉTRUIREv. pron. récipr. Se détruire réciproquement; avoir une action contraire. ⇒ se combattre, s'entre-détruire, se nuire. « Le propre de tout ce qui est vraiment beau est de subsister en soi sans se détruire réciproquement et sans se nuire » (Sainte-Beuve).
⊗ CONTR. Bâtir, construire, édifier. Créer, 1. faire. Établir, fonder; conserver.
● détruire verbe transitif (latin populaire destrugere, du latin classique destruere) Démolir quelque chose, le mettre à bas, l'abattre, le raser ; anéantir : Les bombardements ont détruit la ville. Ravager quelque chose, l'anéantir, le faire disparaître : La tempête a détruit les récoltes. Tuer, supprimer un être vivant : Détruire les insectes avec un insecticide. Ruiner la santé physique ou morale de quelqu'un, lui faire du mal, nuire à son équilibre psychologique, mental : L'alcool l'a complètement détruit. Réduire quelque chose à néant : Vous avez détruit tous mes projets, tous mes espoirs. Littéraire. Discréditer quelqu'un : Elle cherche à me détruire auprès du directeur. ● détruire (citations) verbe transitif (latin populaire destrugere, du latin classique destruere) Marie de Vichy-Chamrond, marquise du Deffand château de Chamrond, près de Charolles, Bourgogne, 1697-Paris 1780 Vous combattez et détruisez toutes les erreurs ; mais que mettez-vous à leur place ? Lettre à Voltaire Nicolas Joseph Florent Gilbert Fontenoy-le-Château, Vosges, 1750-Paris 1780 Sur les mondes détruits le temps dort immobile. Le Jugement dernier Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Celui qui peut créer dédaigne de détruire. Premières Méditations poétiques, la Prière Pablo Ruiz Picasso Málaga 1881-Mougins 1973 Je fais un tableau, ensuite je le détruis. Mais à la fin du compte rien n'est perdu. Le rouge que j'ai enlevé d'une part se trouve quelque part ailleurs. Conversations avec Christian Zervos, 1935 in Cahiers d'art Simone Weil Paris 1909-Londres 1943 Nous ne possédons rien au monde — car le hasard peut tout nous ôter — sinon le pouvoir de dire je. C'est cela qu'il faut donner à Dieu, c'est-à-dire détruire. La Pesanteur et la Grâce Plon Napoléon III, empereur des Français Paris 1808-Chislehurst, Kent, 1873 On ne détruit réellement que ce qu'on remplace. Commentaire Cette maxime se trouve dans une lettre adressée en 1848 par le prince Louis Napoléon au général Piat. En fait, elle avait été employée plus d'une fois auparavant. Johann Wolfgang von Goethe Francfort-sur-le-Main 1749-Weimar 1832 MÉPHISTO — Je suis l'esprit qui toujours nie, et c'est avec justice : car tout ce qui existe est digne d'être détruit ; il serait donc mieux que rien n'existât. MEPHISTO — Ich bin der Geist, der stets verneint ! Und das mit Recht ; denn alles, was entsteht, Ist wert, daß es zu Grunde geht ; Drum besser wär's, daß nichts entstünde. Premier Faust, cabinet d'étude Omar Khayyam Nichapur vers 1047-Nichapur vers 1122 Le créateur, s'il a formé les êtres, Pourquoi les a-t-il détruits ensuite ? S'ils étaient laids, à qui la faute ? S'ils étaient beaux, pourquoi les briser ? Rubaiyyat, 128 (quatrains, Trad. El Anet et Mirza Muhammad) Éditions la Sirène ● détruire (difficultés) verbe transitif (latin populaire destrugere, du latin classique destruere) Conjugaison ● détruire (synonymes) verbe transitif (latin populaire destrugere, du latin classique destruere) Démolir quelque chose, le mettre à bas, l'abattre, le raser ; anéantir
Synonymes :
- abattre
- démanteler
- raser
Contraires :
- bâtir
- édifier
- ériger
- réparer
Ravager quelque chose, l'anéantir, le faire disparaître
Synonymes :
- anéantir
- ruiner
- saccager
Contraires :
- créer
- produire
Tuer, supprimer un être vivant
Synonymes :
Contraires :
- protéger
détruire
v. tr.
d1./d Démolir, abattre (un édifice). Détruire un immeuble vétuste.
d2./d Anéantir (en altérant, en cassant, en brûlant, etc.). Détruire des papiers compromettants.
|| Fig. Détruire une illusion.
d3./d Donner la mort à. Poison qui détruit les rongeurs.
|| v. Pron. Se suicider.
— Ruiner sa santé. Il se détruit en buvant.
⇒DÉTRUIRE, verbe trans.
Défaire la structure de ce qui est organisé de manière à en modifier l'aspect général. Anton. construire.
A.— 1. a) Mettre à bas un édifice ou un ouvrage d'art réalisé selon un plan déterminé (cf. démolir, raser). Détruire un bâtiment, une construction, un échafaudage, un édifice, un monument, un ouvrage d'art. Détruire un escalier (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 192) :
• 1. Il a dit qu'il détruirait le temple,
Seigneur, et qu'en trois jours il le rebâtirait.
HUGO, La Fin de Satan, Le Gibet de Jésus-Christ, 1885, p. 860.
— Emploi pronom. passif. Ces bâtiments se détruisent tous les jours faute de réparation (Ac. 1932).
b) P. méton. Détruire [une ville]. Démolir entièrement (cf. dévaster, ravager). Un affreux cataclysme détruisit Saint-Pierre (RADIGUET, Bal, 1923, p. 19).
2. P. anal. Modifier l'aspect d'une personne ou d'une chose de manière à ce qu'on ne puisse plus la reconnaître. La route d'Angers est hideuse. D'interminables haies détruisent l'horizon (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 141) :
• 2. La vie de province et la mise un peu négligée à laquelle Séverine se laissait aller depuis dix ans donnaient je ne sais quoi de commun à ce beau profil et l'embonpoint avait détruit ce corps si magnifique...
BALZAC, Le Député d'Arcis, 1847, p. 334.
♦ Emploi pronom. :
• 3. Le médecin, assez anatomiste pour reconnaître une taille délicieuse, comprit tout ce que les Arts perdraient si ce charmant modèle se détruisait au travail des champs.
BALZAC, La Rabouilleuse, 1842, p. 390.
— Détruire la santé. Ruiner progressivement la santé. La mystique peut modifier les besoins du corps, sans, pour cela, par trop altérer la santé ou la détruire (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 147).
♦ Emploi pronom. Se détruire la santé. Elle aimait mieux se détruire toute seule la santé (ZOLA, Terre, 1887, p. 136).
3. P. ext. Faire disparaître de manière à ce qu'il n'y ait plus de traces.
a) [L'objet désigne une chose] Où donc sont-elles, ces mystérieuses mitrailleuses que notre artillerie ne parvient pas à détruire? (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 265) :
• 4. J'ai la bonne habitude, dit la marquise à ces deux hommes, de ne détruire jamais aucun papier, et bien m'en prend; voici neuf lettres que la Sanseverina m'a écrites en différentes occasions.
STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, p. 244.
— Emploi pronom. passif. L'épaisseur [de la larme batavique] résiste au marteau, et se laisse entamer par la lime sans se détruire (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 215).
b) [L'obj. désigne une pers. ou un animal] Un niais possédé du démon de la haine ou de la cupidité, qui a un ennemi à détruire ou un grand-parent à annihiler (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 759). Il faut détruire tout le gibier comme funeste à l'agriculture (FLAUB., Bouvard, t. 2, 1880, p. 177). Aider l'Angleterre à détruire la marine espagnole (BAINVILLE Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 272).
— Emploi pronom. réfl. [Le suj. désigne une pers.] Supprimer sa vie (cf. se suicider, se tuer). Ma pensée était de me détruire. À plusieurs reprises, je me dirigeai vers la Seine (NERVAL, Aurélia, 1885, p. 324).
— Emploi pronom. réciproque. Se faire périr mutuellement :
• 5. Le crime est rare; je veux dire le crime qualifié, authentique, tombant sous le coup de la loi. Les hommes se détruisent par des moyens qui leur ressemblent, médiocres comme eux. Ils s'usent sournoisement. Et les crimes d'usure, Monsieur, ça ne regarde pas les juges! ...
BERNANOS, Un Crime, 1935, p. 787.
Rem. On rencontre le composé s'entre-détruire. L'Europe se couvre de soldats, régiments embusqués derrière les vieilles haines, les vieux préjugés, les vieilles ambitions, comme les survivants d'une épidémie derrière les tombeaux d'un cimetière où ils achèveraient de s'entre-détruire en se fusillant sur les morts de la veille (DE VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 11).
c) Emploi abs. Besoin, envie, frénésie, fureur, instinct de détruire. Créer, détruire, ce sont les deux ravissements de l'enfance : créer est long; détruire est court, facile (MICHELET, Oiseau, 1856, p. 307).
B.— Au fig.
1. Défaire entièrement ce qui est organisé selon une structure déterminée. Détruire une institution, un régime, un système (philosophique, politique, religieux); détruire la famille, la société; détruire une œuvre, un ouvrage. La religion est un tout auquel on ne touche pas. Retrancher quelque chose à ces pratiques séculaires, c'est les détruire (RENAN, Drames philos., Prêtre Nemi, 1888, I, 4, p. 539).
2. P. ext. Faire disparaître complètement. Détruire un argument, une certitude, une conviction, une croyance; détruire l'amour, le charme. C'était moi la preuve, la preuve qu'on avait cachée d'abord, espéré détruire ensuite (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Parricide, 1884, p. 478). Pour une promesse enfantine que tu lui as faite, tu es en train de détruire ton bonheur (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 293).
— Emploi pronom. réfl. L'émotion se développe pour se détruire et triompher d'elle-même, mais n'y parvient jamais (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 273).
— Emploi pronom. réciproque. Des détails se détruisaient les uns les autres (ESTAUNIÉ, 1896, p. 233). Les coutumes se superposent sans se détruire (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 223).
Rem. On rencontre avec le même sens le composé s'entre-détruire. Il faut, (...) accueillir toutes les négations qui s'entre-détruisent (BLONDEL, Action, 1893, p. XXI).
3. Ruiner moralement. Détruire une personne. Recette pour détruire les philosophes (VALÉRY, Tel quel I, 1941, p. 207) :
• 6. Cette douloureuse aventure du père... était jetée à la face du fils... On espérait, par ce coup de massue inattendu, frapper Delbos en plein cœur, l'assassiner moralement, le discréditer..., le détruire...
ZOLA, Vérité, 1902, p. 120.
— Détruire une personne dans l'esprit de qqn (Ac. 1932). Décréditer entièrement une personne auprès de quelqu'un.
♦ Emploi pronom. réfl. Se perdre. C'est que formé du même sang que Lucile, j'étais né comme elle pour me tourmenter et me détruire (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 727). On sentait qu'il mettait à se critiquer, à se détruire lui-même, un acharnement féroce (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 84).
Rem. On rencontre ds la docum. le part. prés. adj. détruisant, ante. Qui détruit. Des forces détruisantes (BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 151).
Prononc. et Orth. :[], (je) détruis []. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. destruire; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 destruire « défaire une construction » (Alexis, éd. Chr. Storey, 143); 2. ca 1100 « anéantir, faire disparaître » (Roland, éd. J. Bédier, 835); spéc. 1648 se détruire « avoir une action contraire, se combattre » (CORNEILLE, Polyeucte, III, 1); 3. 1135 « supprimer un être vivant » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 1919); 1784 pronom. « se suicider » (Bernardin de Saint-Pierre ds Lar. Lang. fr.); 4. 1172-74 « défaire entièrement ce qui était établi, organisé » (G. DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 2377); 5. fin XIIIe s. soi destruire « se nuire à soi-même » (Partenopeus de Blois, éd. J. Gildea [ms. Arsenal 2986], Appendix I, 504 [9440]); 6. XIIIe s. « discréditer quelqu'un dans l'esprit d'autrui » (Récits d'un ménestrel de Reims, éd. N. de Wailly, p. 33, § 63). Du lat. pop. destrugere, lat. class. destruere, « démolir une construction; porter atteinte à; anéantir ce qui était établi ». Fréq. abs. littér. :3 347 (détruisant :160). Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 6 388, b) 3 635; XXe s. : a) 4 007, b) 4 424. Bbg. DE GOROG (R.). The concept to destroy in Old French and the question of synonymy. Linguistics. 1972, t. 93, pp. 27-43.
détruire [detʀɥiʀ] v. tr. [CONJUG. conduire.]
ÉTYM. 1050; du lat. pop. destrugere, refait sur le supin destructum, de destruere de, de-, et struere « disposer, bâtir ». → Structure, traire.
❖
♦ Altérer profondément et violemment (quelque chose d'organisé) de manière à faire perdre l'aspect, la forme, les caractères essentiels. ⇒ Altérer, défaire (cit. 2). — REM. Dans tous les sens, le sujet peut désigner un être humain, une collectivité ou une chose (force concrète ou abstraite); le compl. ne désigne un être vivant qu'en 3. et 6.
1 Défaire entièrement, jeter bas (une construction). ⇒ Abattre, démolir, raser, renverser, ruiner. || Action de détruire ⇒ Destruction. || Qui détruit. ⇒ Destructeur. || Détruire un bâtiment, un édifice, un monument, une statue (→ Dégrader, cit. 5). || Détruire un mur, une cloison, des clôtures (cit. 2). || Détruire les fondements d'un édifice. ⇒ Miner, saper. || Détruire les fortifications d'une place. ⇒ Démanteler. || Détruire une ville par bombardement terrestre, aérien. ⇒ Battre (en brèche), canonner (vieilli); bombarder. || Détruire par des armes atomiques. ⇒ Atomiser. || Le temps détruit peu à peu les édifices les plus solides. || Les eaux détruisirent la jetée. || Détruire de fond en comble (cf. Ne pas laisser pierre sur pierre).
1 Pendant qu'il la détruit (la maison) et qu'il la renverse pour la refaire toute neuve (…)
Bossuet, Sur la mort, 2.
2 Le Seigneur a détruit la reine des cités.
Racine, Athalie, III, 7.
3 Le roi fit détruire jusqu'aux pierres et aux fondements matériels de Port-Royal (…)
Saint-Simon, III, 415.
4 Le temps, qui détruit si rapidement les monuments des empires, semble respecter dans ces déserts ceux de l'amitié, pour perpétuer mes regrets jusqu'à la fin de ma vie.
Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, p. 20.
♦ Les Romains détruisirent Carthage (→ Cité, cit. 3). ☑ Il faut détruire Carthage (Delenda Carthago ou delenda est Carthago), mots par lesquels Caton l'Ancien terminait tous ses discours. (L'expression s'emploie parfois pour exprimer une volonté tenace d'abattre un obstacle, une institution, etc.).
2 (Sujet n. de personne ou de chose). Altérer jusqu'à faire disparaître, jusqu'à mettre fin à… ⇒ Anéantir, annihiler, supprimer; réduire (à néant…). || Détruire partiellement qqch. ⇒ Détériorer. || Détruire des papiers par le feu. ⇒ Brûler, incendier (→ Réduire en cendres). || La flamme, le feu a tout détruit. ⇒ Consumer, dévorer. || Détruire qqch. en brisant, en écrasant. ⇒ Briser, broyer, casser, défoncer, démolir, dépecer, disloquer, écraser, enfoncer, fracasser, pulvériser, rompre (→ Mettre en pièces). || La grêle, le froid a détruit toutes les récoltes. ⇒ Dévaster, ravager, saccager. || Le raz de marée, le tremblement de terre a détruit deux villes. ⇒ Abîmer, engloutir; ensevelir. || Détruire une lettre, un document. — Les substances caustiques, les acides détruisent les tissus organiques. ⇒ Désorganiser, pourrir. || La rouille détruit peu à peu le fer. ⇒ Attaquer, atteindre, corroder, entamer, mordre, ronger. — La lumière, le soleil détruit les couleurs. ⇒ Éteindre, passer (faire). — Détruire un stock de marchandises. || Détruire un bien en le consommant. ⇒ Absorber, consommer, user (de). || Des dépenses exagérées détruisirent sa fortune. ⇒ Absorber, consumer, dévorer, dilapider, dissiper, engloutir, épuiser. || Détruire l'édition d'un livre en le mettant au pilon. || Les iconoclastes détruisaient les images saintes. — Détruire tout sur son passage, détruire par le fer et par le feu. ⇒ Désoler. — Dieu qui a créé le monde, peut le détruire. — « Le temps, qui détruit tout » (→ Appui, cit. 31, La Fontaine). — Les abus détruisent sa santé. ⇒ Ruiner. — Faux pron. || Se détruire la santé.
5 La création et le déluge étant passés, et Dieu ne devant plus détruire le monde (…)
Pascal, Pensées, IX, 621.
6 Les jours, les mois, les années s'enfoncent et se perdent sans retour dans l'abîme des temps; le temps même sera détruit (…)
La Bruyère, les Caractères, XIII, 31.
7 Les Russes (…) décampèrent et se retirèrent vers le Borysthène, gâtant tous les chemins, et détruisant tout sur leur route pour retarder au moins les Suédois.
Voltaire, Hist. de Charles XII, IV.
8 Quant à nos misérables meubles (…) j'espère que le temps en aurait assez pitié pour en détruire jusqu'au moindre vestige.
Th. Gautier, Préface de Mlle de Maupin (éd. critique Matoré, p. 39).
9 Dans sa pleine liberté, l'esprit est pareil à cet insecte stupide qui passe la moitié de son existence à filer un cocon, et l'autre moitié à le détruire.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », IV, p. 113.
3 (1135). Supprimer (un ou plusieurs êtres vivants) en ôtant la vie. ⇒ Périr (faire), tuer. || Un fléau, une épidémie qui détruit la population d'un village. ⇒ Exterminer. || Une fusillade détruisit la moitié de la section. ⇒ Décimer, foudroyer; fusiller, massacrer. || La guerre a détruit l'élite du pays. ⇒ Faucher, moissonner (fig.). — Détruire les animaux nuisibles, les parasites. || Détruire les microbes par la désinfection, la stérilisation. — REM. Dans ce sens, lorsque le complément désigne des êtres humains, détruire ne s'emploie guère qu'avec un sujet impersonnel.
10 (…) le mémorable hiver de 1709, plus terrible encore sur ces frontières de l'Europe, détruisit une partie de son armée.
Voltaire, Hist. de Charles XII, IV.
4 Absolt. (Opposé à construire, créer, faire). || Il est plus facile de détruire que de construire. || Les hommes ont perfectionné les moyens de détruire. ⇒ Destruction.
11 (…) il conclut qu'il est plus aisé de détruire que de bâtir.
Voltaire, l'Ingénu, 10.
12 Pour vivre il faut détruire.
Buffon, Hist. nat. des animaux, Bœuf.
13 (…) en Gaule (après la conquête des Romains) l'agriculture remplaça la guerre; le travail qui produit remplaça le travail qui détruit.
Fustel de Coulanges, Leçons à l'impératrice sur les origines civiles de la France, p. 102.
14 Dans la lutte éternelle entre le mal et le bien, la partie n'est pas égale : il faut un siècle pour construire ce qu'un jour suffit à détruire.
R. Rolland, Au-dessus de la mêlée, p. 59.
15 Le besoin de détruire est encore plus puissant que l'espoir de construire (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 101.
16 Les longs raisonnements où les héros de Sade démontrent que la nature a besoin du crime, qu'il lui faut détruire pour créer, qu'on l'aide donc à créer dès l'instant où l'on détruit soi-même (…)
Camus, l'Homme révolté, II, p. 57.
5 (V. 1172). Fig. Défaire entièrement (ce qui est établi, organisé), jusqu'à faire disparaître. ⇒ Anéantir, supprimer. || Détruire un régime politique, social. ⇒ Abattre, renverser. || Détruire la dictature, la tyrannie. || Les factions menacent de détruire le régime. ⇒ Ébranler, grignoter, miner, ronger, saper. || Les Barbares détruisirent l'Empire romain. || Détruire un complot, une société secrète. || Détruire la rébellion. ⇒ Étouffer, étrangler, juguler. || Détruire une institution. ⇒ Abolir. || Détruire le commerce d'un pays par le blocus. || Détruire un culte, une religion, une secte. || Détruire la famille, la société. || Détruire la loi, la justice. || Détruire les clauses d'un traité, d'un contrat. ⇒ Biffer, effacer, enlever, rayer, retrancher, supprimer. || Détruire un accord, un pacte. ⇒ Dissoudre, rompre. — Détruire une œuvre, un ouvrage. — Détruire un usage. ⇒ Abolir, annuler, infirmer, invalider. || Détruire les abus. ⇒ Déraciner, extirper. — Détruire un préjugé, une légende. ⇒ Démolir (fam. et fig.). || Détruire un argument, une hypothèse, une théorie. ⇒ Bouleverser, culbuter, éliminer, repousser. || Cela détruit votre thèse. ⇒ Réfuter, renverser.
17 Ne pensez pas que je sois venu pour détruire la loi ou les prophètes, je ne suis pas venu les détruire, mais les accomplir.
Bible (Sacy), Évangile selon St Matthieu, V, 17.
18 Ceux qui s'offraient à détruire la tyrannie par un seul coup (…)
Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette-Anne d'Angleterre.
19 (…) il y a bien de la différence entre détruire le principal fondement d'une fable, et en altérer quelques incidents (…)
Racine, Andromaque, 2e Préface.
20 Une mode a à peine détruit une autre mode, qu'elle est abolie par une plus nouvelle, qui cède elle-même à celle qui la suit (…)
La Bruyère, les Caractères, XIII, 15.
21 Rome fut détruite parce que toutes les nations l'attaquèrent à la fois (…)
Montesquieu, Rome, 19.
22 C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir.
Rousseau, le Contrat social, II, XI.
23 Avant de songer à détruire un usage établi, on doit avoir bien pesé ceux qui s'introduiront à sa place.
Rousseau, Lettre à d'Alembert.
24 Toute doctrine sociale qui cherche à détruire la famille est mauvaise, et, qui plus est, inapplicable.
Hugo, Littérature et philosophie mêlées, Journal révolutionnaire, 1830, Oct.
25 Beaucoup d'hommes avaient intérêt à détruire une organisation sociale qui n'avait pour eux aucun bienfait.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, p. 282.
♦ (Domaine psychique). Détruire une illusion. ⇒ Dissiper, enlever. || Cette mésaventure détruisit tous ses espoirs. ⇒ Décevoir, dégriser, désillusionner, revenir (faire). || Détruire l'orgueil, les prétentions de qqn. ⇒ Abattre, jeter (bas). || Une telle attitude devait détruire ma confiance. ⇒ Ébranler, effacer. || Cette mauvaise nouvelle détruisit toute sa joie. ⇒ Corrompre, gâter, troubler. Dans un sens atténué. ⇒ Affaiblir, atrophier, dégrader, diminuer, émousser, éteindre, étioler. || L'égoïsme détruit toutes les vertus. ⇒ Dessécher (cit. 5). || Détruire le naturel. ⇒ Chasser. || Détruire les forces, l'âme. ⇒ Accabler (cit. 15). — Détruire les mauvais instincts. || Détruire la piété, la foi.
26 Soutenir la piété jusqu'à la superstition, c'est la détruire.
Pascal, Pensées, IV, 255.
27 Il y aura toujours des pauvres, parce que l'homme ne détruira jamais le péché en soi.
Lamennais, Paroles d'un croyant, IX.
28 (…) s'il fallait détruire tous les rêves et toutes les visions des hommes, la terre perdrait ses formes et ses couleurs et nous nous endormirions tous dans une morne stupidité.
France, Thaïs, I, p. 46.
29 La muraille de l'escalier où je vis monter le reflet de sa bougie n'existe plus depuis longtemps. En moi aussi bien des choses ont été détruites que je croyais devoir durer toujours (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 55.
30 Les soupçons posés dans un esprit éclatent comme des mines en chapelet et ne détruisent un amour que par explosions successives.
A. Maurois, Climats, I, XVII, p. 116.
31 Mais c'était détruire, par un caprice, tout un avenir laborieusement échafaudé.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 57.
6 (XIIIe). || Détruire qqn, l'abattre. ⇒ Perdre; nuire (à). || Détruire une personne, une réputation dans l'esprit de tous. ⇒ Décréditer, discréditer.
32 Quel mal vous ai-je fait ? et quelle est mon offense ?
Pour armer contre moi toute votre éloquence ?
Pour me vouloir détruire, et prendre tant de soin
De me rendre odieux aux gens dont j'ai besoin ?
Molière, les Femmes savantes, IV, 2.
——————
se détruire v. pron.
1 Passif. Tomber en ruine; être détruit. ⇒ Craquer, crouler, écrouler (s'), effondrer (s'). || Cet édifice se détruit peu à peu. — Par ext. ⇒ Disparaître, éteindre, passer, périr. || Le chagrin (cit. 14) se détruit sous l'effet du temps.
33 Marbre, perle, rose, colombe,
Tout se dissout, tout se détruit;
La perle fond, le marbre tombe,
La fleur se fane et l'oiseau fuit.
Th. Gautier, Émaux et camées, « Affinités secrètes ».
2 (1648). Récipr. Avoir une action contraire; s'anéantir réciproquement. ⇒ Combattre (se), contrarier (se), nuire (se).
34 Mille agitations, que mes troubles produisent,
Dans mon cœur ébranlé tour à tour se détruisent (…)
Corneille, Polyeucte, III, 1.
35 La troisième preuve est que leurs discours sont contraires et se détruisent, de sorte que (…) il y a contradiction manifeste et grossière.
Pascal, Pensées, X, 659.
36 Le propre de tout ce qui est vraiment beau est de subsister en soi sans se détruire réciproquement et sans se nuire.
Sainte-Beuve, Chateaubriand, t. I, 8e leçon, p. 179.
37 (…) et ils (les hommes) ont depuis enchéri de siècle en siècle sur la manière de se détruire réciproquement.
La Bruyère, les Caractères, X, 9.
♦ Par ext. Se nuire l'un l'autre, se discréditer réciproquement.
38 Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire :
Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire.
La Fontaine, Fables, VIII, 3.
3 (1784). Réfl. Se détruire soi-même, physiquement ou moralement. ⇒ Autodétruire (s'); autodestruction. || Il a tenté de se détruire. ⇒ Suicider (se), supprimer (se).
39 On l'avait vu à midi du côté de la rivière, et finalement la mère Barbeau craignait qu'il ne s'y fût jeté pour finir ses jours.
Cette idée, que Sylvinet pourrait avoir eu envie de se détruire, passa de la tête de la mère dans celle de Landry (…) et il se mit vivement à la recherche de son frère.
G. Sand, la Petite Fadette, p. 52-53.
40 Une vie puissante, qui est réduite à soi, se détruit.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », IV, p. 125.
41 On ne peut pas demander au capitalisme de se détruire lui-même, en sapant ses propres assises !
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 225.
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détruit, ite p. p. adj.
♦ Dont la structure est défaite. || Édifice détruit. ⇒ Ruine (en ruine). || Les vestiges, les débris (cit. 9), les décombres d'un bâtiment détruit. || Ville détruite.
42 Cette admirable ruine avait toute la majesté des grandes choses détruites.
Balzac, le Cabinet des antiques, Pl., t. IV, p. 343.
♦ Totalement supprimé. || Un ouvrage détruit. — Fig. || Un bonheur, un rêve détruit. || Des espoirs détruits. — Régime détruit par l'envahisseur. — Par exagér. || Organisme détruit peu à peu par la maladie. ⇒ Miné, rongé.
43 (…) un corps miné et lentement détruit à la fois par la durée et par le désir, par les années et par une passion qui ne s'assouvit plus.
F. Mauriac, la Pharisienne, VIII, p. 116.
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Encyclopédie Universelle. 2012.