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dépraver

dépraver [ deprave ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1212 « altérer »; lat. depravare « tordre, corrompre », de pravus « mauvais »
1(1580) Amener (qqn) à désirer le mal, à s'y complaire. corrompre, pervertir. Dépraver un adolescent. Les mauvais exemples l'ont dépravé. Par ext. Vieilli ou littér. Rendre (une habitude, une pratique, une coutume) moralement mauvaise. « tu dépraves l'institution du mariage » (Balzac). 1. dégrader, profaner, ravaler.
2Vx ou littér. (sujet chose) Altérer, faire dévier de la norme. Dépraver le jugement, le goût. corrompre, fausser, gâter, vicier.

dépraver verbe transitif (latin depravare, corrompre) Pervertir quelqu'un, le corrompre en faussant son sens moral ; pousser quelqu'un à commettre des actes immoraux : Dépraver un adolescent. Altérer gravement le goût, les sentiments en leur faisant perdre leur nature ; gâter, corrompre. ● dépraver (synonymes) verbe transitif (latin depravare, corrompre) Pervertir quelqu'un, le corrompre en faussant son sens moral ; pousser...
Synonymes :
- corrompre
- débaucher
- dégrader
- gangrener
- perdre
- pervertir
Altérer gravement le goÛt, les sentiments en leur faisant perdre...
Synonymes :
- altérer
- avilir
- frelater
- gâter
- vicier

dépraver
v. tr. Amener (qqn) à faire et à aimer le mal; corrompre. Ses fréquentations l'ont dépravé. Dépraver les moeurs. Syn. pervertir.

⇒DÉPRAVER, verbe trans.
I.— Vieux
A.— [Le compl. d'obj. désigne un organe, une fonction physiol.] Affaiblir et dégrader de manière grave et souvent irrémédiable le fonctionnement normal de quelque chose. Cela déprave l'estomac, la digestion (Ac. 1835, 1878). Le poisson, d'une grande fraîcheur, avait un bon parfum, ce parfum un peu âpre et irritant qui déprave l'appétit (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 698).
Emploi pronom. à sens passif. Les sécrétions s'altèrent, l'appétit se déprave et la digestion se fait capricieuse (BALZAC, Lys, 1836, p. 240).
B.— P. anal.
1. [Le compl. d'obj. désigne la nature ou l'état de nature] Ces événements atroces n'arrivent pas, j'en suis sûr, dans les climats où l'aisance et une vie abondante ne dépravent pas leur naturel [des insectes] (MICHELET, Insecte, 1857, p. 222). En ce pauvre univers on a tout dépravé (E. AUGIER, Jeunesse, 1858, III, p. 307).
2. [Avec une idée d'affaiblissement] Elle [la luxure] a déformé ma vision, dépravé mes rêves (LORRAIN, Phocas, 1901, p. 287). Cf. s.v. apetisser ex. 2.
3. [Le compl. d'obj. désigne un produit de l'esprit humain] Déformer gravement.
a) CRIT., vx. Dépraver un texte. Le reproduire de manière gravement défectueuse, le corrompre. Johnson a cru qu'on avait dépravé le texte de l'« Eikon Basiliké » (CHATEAUBR., Litt. angl., t. 2, 1836, p. 38).
b) [Le compl. d'obj. désigne un genre littér.] [Verlaine] dépravait [le sonnet], en n'accouplant que des rimes masculines (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 246).
II.— Usuel
A.— [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou un groupe considéré comme une pers. morale, plus partic. dans le domaine de la vie sexuelle]
1. Corrompre les inclinations de manière grave et souvent définitive, en faussant le sens moral, la moralité de quelqu'un. Hommes dépravés par la licence des camps. Quasi-synon. avilir, dégrader, pervertir. Le scélérat, tout à fait régence, essayait bien de me dépraver, de me prêcher le saint-simonisme en fait de femmes (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 11) :
1. La stupidité de son mari et la misère de son milieu lui sont trop dures, et la livrent sans défense à un premier amant qui la déprave et qui l'abandonne. La brutalité de celui-ci prépare la malheureuse à mieux goûter la délicatesse du second, mais celui-ci n'est que lâcheté déguisée et qu'égoïsme faussement tendre...
BOURGET, Essais de psychol. contemp., 1883, p. 112.
P. méton. Amener quelqu'un à accomplir, par une sorte d'instinct irrépressible, des actes immoraux. Elle était restée honnête parce que son mari était honnête; livrée à elle même, le malheur aurait pu la dépraver et la pousser au mal (SUE, Myst. Paris, t. 3, 1842-43, p. 364).
Emploi pronom. à sens passif. Perdre tout sens moral, se livrer à des actes immoraux. N'ayant personne pour la conduire, la diriger, l'enfance, abandonnée à elle-même, se déprave rapidement (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p. 83). Après m'être dépravé et corrompu au contact des hommes (LORRAIN, Phocas, 1901 p. 317). Il est pas bien difficile pourvu qu'il se déprave! N'importe quel bouge ça lui va!... Tout lui est bon! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 490).
2. P. ext. Corrompre profondément une personne en la détournant vers le mal.
a) Domaine de la vie mor. en gén. L'homme, dépravé par l'orgueil (LAMENNAIS, Indifférence, t. 1, 1817-23, p. 246). Il dépravera très bien quelqu'un [Ethal] pour voir jusqu'où ce quelqu'un mènera la flambée du vice (LORRAIN, Phocas, 1901 p. 214). Il ne lui [à la bourgeoisie] reste pour servir ses appétits qu'une intelligence et une sensibilité d'homme de lettres dépravé par des succès de salon (AYMÉ, Confort, 1949, p. 75).
Emploi pronom. à sens passif. La pente des instincts fauves, le fatal vent Du malheur en courroux profond se dépravant (HUGO, Année terr., 1872, p. 311). Entendre dire qu'il n'y a point de sûreté avec la jeunesse de maintenant et que l'homme se déprave de plus en plus jeune (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 10).
Emploi abs. La conversation déprave. D'homme à homme, elle rend cynique (TAINE, Notes Paris, 1867, p. 274).
b) En partic.
) [P. réf. à la doctrine de J.-J. Rousseau, selon qui l'homme, né bon, est dépravé par la société; cf. Discours sur l'origine de l'inégalité, Paris, 1755, p. 138 et Émile, 1762, p. 525 : l'homme est naturellement bon, (...) la société déprave et pervertit les hommes] Les publicistes modernes veulent que la société déprave l'homme (BONALD, Législ. primit., t. 2, 1802, p. 75). C'est la civilisation, c'est l'humanité dépravée par le luxe et la science, c'est le torrent de venin qui engloutira toute parole de vertu, tout espoir de régénération (SAND, Lélia, 1833, p. 117) :
2. Le fouriérisme a besoin, pour s'expérimenter, d'âmes vierges qu'il lui est possible de pétrir à sa guise; quant aux vieux adeptes, dépravés par la civilisation, ils n'ont pas assez de foi en eux-mêmes, ils n'oseraient se prendre pour composer leur personnel d'essai.
PROUDHON, Les Confessions d'un révolutionnaire, 1849, p. 252.
) Domaine relig., p. réf. au dogme du péché originel. La religion seule nous enseigne ce qu'est la nature, en quoi elle est bonne et comment elle a été dépravée (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 81). Bien que, en punition de leur orgueil, les démons soient dépravés, ils peuvent néanmoins entendre la voix de Dieu, qui leur parle comme aux bons anges (Dict. théol. cath., t. 4, 1re part., 1920, p. 372).
) Domaine soc. et pol. Le pouvoir déprave presque toujours ceux qui le possèdent (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 343). Car les tyrannies dépravent également l'esclave et le maître, font de l'un un monstre d'égoïsme, de l'autre une guenille avilie (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 350).
[Sans idée de non-retour] Si les lois et les gouvernemens, d'abord sages et justes, ensuite se dépravent, c'est que l'alternative du bien et du mal tient à la nature du cœur de l'homme (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 54).
Rem. Ds certains de ses emplois, notamment du début du XIXe s., le verbe a parfois le sens de « affaiblir dangereusement ». Elle [une guerre inutile] déprave les générations naissantes (CONSTANT, Esprit de conquête, 1813, p. 179). Ce mal du délire! Quelle épouvantable influence il exerce sur les facultés humaines! Il affaiblit la mémoire, il éteint la raison, il déprave tout, jusqu'à l'âme (LATOUCHE, L'HÉRITIER, Lettres amans, 1821, p. 55). Il y a dans le « barathrum » des capitales, comme dans le désert, quelque chose qui fortifie et qui façonne le cœur de l'homme, qui le fortifie d'une autre manière, quand il ne le déprave pas et ne l'affaiblit pas jusqu'à l'abjection et jusqu'au suicide (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 404).
B.— [Le compl. d'obj. désigne une chose]
1. [Le compl. d'obj. désigne un aspect de la pers., une faculté ou un comportement dont on attend normalement un fonctionnement conforme à la mor.] Altérer gravement et souvent définitivement le bon fonctionnement normalement attendu, en particulier dans le domaine sexuel. Dépraver le cœur, l'esprit, l'âme de qqn. Synon. dénaturer. L'oubli de toute délicatesse, l'inaptitude aux sentimens généreux, et le joug de la misère, les [les filles publiques] livrent aux caprices les plus brutes de l'homme en qui une telle habitude dépravera aussi les sensations et les désirs (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 85). Tout ce qui procure une griserie artificielle, tout ce qui frelate, déprave et vicie la nature, je m'en suis toujours farouchement détourné (GIDE, Journal, 1935, p. 1222) :
3. Partout, l'ignorance, la tyrannie, la misère, ont frappé de stupeur les nations; et des habitudes vicieuses dépravant les sens naturels, ont détruit jusqu'à l'instinct du bonheur et de la vérité : ...
VOLNEY, Les Ruines, 1791, p. 114.
Emploi pronom. à sens passif. Ces précautions ressemblent à ces examens de conscience tout faits, où les imaginations pures se dépravent en réfléchissant à des monstruosités ignorées (BALZAC, Splend. et mis., 1847, p. 519).
[L'ambiance dégradante est surtout évoquée par le suj.] Dépravée par la douleur, elle recherchait ardemment tout ce qui irritait ses nerfs, tout ce qui titillait et éveillait son apathie (BOREL, Champavert, 1833, p. 142). Ce leit-motiv d'infamie sur la biographie de chacun, déprave et déforme tout autour de moi (LORRAIN, Phocas, 1901 p. 279).
2. P. ext., dans d'autres domaines. Altérer, fausser gravement et souvent définitivement une chose en en dégradant le fonctionnement ou les manifestations, les formes.
a) [Le compl. d'obj. désigne un aspect, une fonction de l'être humain] L'éducation avait faussé leur nature, sans la dépraver pourtant d'une façon inguérissable (SANDEAU, Sacs, 1851, p. 60) :
4. Les portions affectives de sa [d'Ortègue] personne étaient atteintes jusqu'à en être dépravées. (...) Cette cohabitation de tous les instants me permettait trop de constater la décomposition morale de son être, ...
BOURGET, Le Sens de la mort, 1915, p. 180.
b) [Le compl. d'obj. désigne une valeur intellectuelle ou esthétique] Dépraver le goût. Synon. vicier. L'art est fait pour orner et fortifier l'esprit, non pour le dépraver et l'affaiblir (SAINT-SAËNS, Harm. et mélod., 1885, p. 312). Le monde intérieur est toujours menacé d'une confusion de sensations obscures, de souvenirs, de tensions, de paroles virtuelles, où ce que nous désirons observer et saisir, altère, déprave en quelque sorte l'observation elle-même (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 111).
Emploi pronom. à sens passif. La raison se détourne de sa lumière, se déprave (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 117).
c) [Le compl. d'obj. désigne une institution humaine qui représente une valeur morale] Tu te livres à des égarements sanctionnés par les lois; en un mot tu dépraves l'institution du mariage (BALZAC, Mém. jeunes mar., 1842, p. 368).
Prononc. et Orth. :[], (je) déprave []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1213 [le bien] dépraver « rendre mauvais, corrompre » (ANGIER, Dialogue de Saint Grégoire, éd. P. Meyer ds Romania, t. 12, p. 148); XVIe s. dépraver [le bon jugement de jeunesse] (Nat. et secr. de l'amour, Ars 2580, f° 4 v° ds GDF. Compl.). Empr. au lat. class. depravare « tordre; corrompre ». Fréq. abs. littér. :97. Bbg. RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 398.

dépraver [depʀave] v. tr.
ÉTYM. 1212; lat. depravare « tordre, corrompre »; de de-, et pravus « difforme; mauvais ».
1 (1580, Montaigne, in G. L. L. F.). Sujet n. de personne ou de chose. Amener (qqn) à désirer le mal, à s'y complaire. Pervertir; dépravation. || Dépraver un adolescent, l'adolescence. || Il essaie de dépraver ses camarades, ses disciples. Corrompre. || Les mauvais exemples l'ont dépravé. Débaucher. || Qui déprave. Dépravateur. || Selon J. J. Rousseau, la société déprave l'homme, qui est naturellement bon. Avilir. Pron. (réfl. → ci-dessous, cit. 1, 3; passif → cit. 4; récipr. → cit. 2).
1 (…) tant de gens parlent d'amour, et si peu savent aimer, que la plupart prennent pour ses pures et douces lois les viles maximes d'un commerce abject, qui, bientôt assouvi de lui-même, a recours aux monstres de l'imagination et se déprave pour se soutenir.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, I, lettre L.
2 (…) le maître et l'esclave se dépravent mutuellement.
Rousseau, Émile, II.
3 (…) l'homme se déprave dès qu'il a dans le cœur une seule pensée qu'il est constamment forcé de dissimuler.
B. Constant, Adolphe, IX, p. 85.
4 Nous avons, nous (Français), le privilège d'entrer dans le vice sans nous y perdre, sans que le sens se déprave, sans que le courage s'énerve, sans être entièrement dégradés.
Michelet, Extraits historiques, p. 19.
Par ext. Rendre (une habitude, une pratique, une coutume) moralement mauvaise. || Dépraver les mœurs d'une classe sociale. || Dépraver une institution. Dégrader, profaner, ravaler.
5 Plus voluptueuse que tendre, tu veux être et la femme et la maîtresse. Avec l'âme d'Héloïse et les sens de sainte Thérèse, tu te livres à des égarements sanctionnés par les lois; en un mot, tu dépraves l'institution du mariage.
Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, Pl., t. I, p. 310.
2 Vx. ou littér. (Sujet n. de chose). Altérer, faire dévier de la norme. || Dépraver le jugement, le goût. Altérer, corrompre, fausser, gâter, pervertir, vicier.Dépraver le goût, l'odorat de qqn (→ ci-dessous, Dépravé, 2.).
3 Par anal. Didact. et vx. (Sujet n. de personne). || Dépraver un texte, le corrompre, le reproduire de manière défectueuse.
——————
dépravé, ée p. p. adj.
(Semble plus cour. que le verbe).
1 Vieilli. Corrompu moralement. || Siècle dépravé. || Mœurs dépravées. || Avoir des goûts dépravés. Pervers. || Conscience dépravée. Amoral, immoral, vénal.
Homme dépravé, nature dépravée. Bas, vicieux, vil.
6 Dans cette vie notre raison vacillante se met souvent du parti de notre cœur dépravé.
Bossuet, Sermons, Jugement dernier, 2.
7 C'est dans les siècles les plus dépravés qu'on aime les leçons de la morale la plus parfaite. Cela dispense de les pratiquer; et l'on contente à peu de frais, par une lecture oisive, un reste de goût pour la vertu.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, t. I, XIX.
8 (…) l'homme, même le plus dépravé par les préjugés du monde aime à entendre parler du bonheur que donnent la nature et la vertu.
Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, p. 15.
9 (…) dans cette ignorance des goûts dépravés, je serais aussi heureux que l'homme primitif rêvé par Jean-Jacques.
G. Sand, François le Champi, Avant-propos, p. 13.
N. (Un, une dépravée). Vx. Personne dénuée de sens moral, de sensibilité éthique.Mod. Personne qui a des goûts dépravés, notamment dans le domaine sensuel, érotique.
2 Anormal (en parlant d'un goût). Perverti. || Avoir le goût, le jugement dépravé. || Avoir les sens dépravés. Dépravation (sensorielle).
10 Le goût dépravé dans les aliments est de choisir ceux qui dégoûtent les autres hommes; c'est une espèce de maladie. Le goût dépravé dans les arts est de se plaire à des sujets qui révoltent les esprits bien faits, de préférer le burlesque au noble, le précieux et l'affecté au beau simple et naturel : c'est une maladie de l'esprit.
Voltaire, Dict. philosophique, Goût.
REM. L'exemple suivant joue sur les deux valeurs : l'écart par rapport à la nature correspond à une corruption morale :
11 (…) j'ose presque assurer que l'état de réflexion est un état contre nature, et que l'homme qui médite est un animal dépravé.
Rousseau, De l'inégalité, I.
CONTR. Améliorer, assainir, édifier, élever, épurer, purifier, sublimer. — (Du p. p.) Droit, honnête, intègre, juste, normal, probe, pur, sain, vertueux.
DÉR. Dépravant.

Encyclopédie Universelle. 2012.