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CARBURANTS
CARBURANTS

Au sens large, les carburants sont des composés chimiques, le plus souvent liquides ou gazeux, dont la combustion en présence d’air permet l’obtention d’énergie mécanique dans les moteurs thermiques. À l’origine, la dénomination «carburant» était réservée aux produits utilisés dans les moteurs classiques, à allumage commandé, munis d’un carburateur et d’un système d’allumage par étincelle. Le terme carburant s’applique maintenant à l’ensemble des produits alimentant les divers types de moteurs (moteur classique à essence, moteur Diesel, réacteur d’avion). Le mot combustible présente une signification plus générale puisqu’il englobe les produits qui viennent d’être cités et ceux qui sont employés dans les chaudières, les foyers fixes, les centrales thermiques et nucléaires (fuel domestique, fuel lourd, charbon, uranium).

Les carburants sont, dans leur version classique, des mélanges d’hydrocarbures issus des opérations de raffinage et de transformation du pétrole brut. Mais le charbon et la biomasse peuvent également constituer une matière première pour l’obtention de produits organiques oxygénés (alcools, éthers, esters...) utilisables comme carburants de substitution.

Les caractéristiques physico-chimiques de chaque type de carburant dépendent étroitement du type de convertisseur d’énergie envisagé, et résultent d’un compromis entre les exigences du système moteur-véhicule et les contraintes de l’industrie du raffinage.

Supercarburant et essence ordinaire

La consommation de supercarburant et d’essence ordinaire a atteint 18 millions de tonnes en France en 1990, soit environ 24 p. 100 de la quantité de pétrole brut traité.
Dans l’avenir, la part relative des essences (super et ordinaire) dans le bilan pétrolier français devrait croître assez rapidement en raison essentiellement des réductions de demande en produits moyens et lourds (fuel domestique et fuel lourd). La situation française devrait donc se rapprocher progressivement de celle qu’on observe depuis longtemps aux États-Unis où plus de 40 p. 100 du pétrole est transformé en essence pour automobiles.

Le supercarburant et l’essence ordinaire présentent des propriétés physiques très voisines, imposées par le mode d’alimentation et les conditions d’utilisation du moteur à allumage commandé. Les deux types de produits diffèrent cependant par leur constitution chimique et leur comportement au cours du processus de combustion.

Propriétés physiques

La densité, la courbe de distillation et la pression de vapeur constituent les caractéristiques physiques du carburant les plus importantes pour obtenir en toute circonstance un fonctionnement satisfaisant du véhicule.

Les spécifications françaises en cette matière sont indiquées dans le tableau 1. La densité doit rester comprise entre deux bornes qui diffèrent légèrement suivant le type de carburant (essence ordinaire, supercarburant avec ou sans plomb). Les valeurs moyennes relatives aux produits commerciaux oscillent entre 0,730 et 0,760 pour les supercarburants, entre 0,720 et 0,745 pour les essences ordinaires.

Le constructeur d’automobiles tient compte d’une densité moyenne du carburant au cours du réglage et de la mise au point du carburateur. Sur les véhicules en service, une variation trop importante de densité entre les différents carburants commerciaux possibles pourrait perturber l’alimentation des moteurs en modifiant le dosage du mélange carburé. Il en résulterait soit des instabilités de fonctionnement dues à un mélange trop «pauvre», soit un rejet trop important d’oxyde de carbone et de produits imbrûlés à l’échappement. En outre, la consommation volumique de carburant dépend de la densité: elle est généralement plus faible avec un carburant plus dense. Il est admis que ces perturbations restent acceptables et tolérables si la plage de variation de densité ne dépasse pas trente millièmes. Cette plage, respectée par les raffineurs, permet de disposer d’une certaine souplesse au stade de la formulation des carburants.

La courbe de distillation du carburant représente le pourcentage de produit distillé à pression ambiante, en fonction de la température. Elle est en général définie par quelques repères: point initial, point final, pourcentages distillés à 70 0C et à 100 0C, désignés respectivement par les symboles E70 et E100.

La pression de vapeur se détermine au moyen d’une méthode normalisée; elle s’exprime par la pression relative développée à 37,8 0C par les vapeurs issues d’un certain volume d’essence et recueillies dans une enceinte métallique de forme et de contenance bien déterminées.

Il existe une corrélation entre les caractéristiques de distillation et la tension de vapeur; cependant, cette dernière peut être ajustée commodément par adjonction d’une faible quantité de butane, sans modification profonde de la courbe de distillation.

De façon systématique, le démarrage à froid et la mise en action du véhicule sont d’autant plus aisés que le point initial et la température correspondante au point «10 p. 100 distillé» sont plus bas. Cette constatation indique la voie à suivre pour obtenir un carburant de comportement satisfaisant en hiver. Toutefois, une autre contrainte peut apparaître: il s’agit de risque de givrage, c’est-à-dire de formation de glace dans le corps du carburateur lorsque l’air est chargé d’humidité. Le phénomène de givrage entraîne des instabilités de fonctionnement et même des calages au ralenti ou en régime de croisière; il est favorisé par l’emploi de carburants trop volatils dont la vaporisation facile contribue à refroidir la tubulure d’admission. Il faudra donc en hiver un carburant suffisamment volatil pour assurer un bon démarrage, tout en se gardant d’un excès dans ce sens afin d’éviter les risques de givrage.

Lors du fonctionnement du véhicule par temps chaud, il convient d’éviter certains incidents, comme la formation de tampons de vapeur ou la percolation. Le premier phénomène se caractérise par l’existence de poches gazeuses dans les canalisations du circuit d’alimentation en carburant, ce qui provoque un fonctionnement irrégulier ou, dans les cas extrêmes, une immobilisation du véhicule. La percolation correspond, sur une voiture à l’arrêt, à une évaporation intense du carburant, provoquant un désamorçage de la cuve à niveau constant du carburateur et une accumulation trop importante d’essence vaporisée dans la tubulure d’admission. Il peut en résulter de sérieuses difficultés de démarrage après une courte période d’arrêt par temps chaud. Les spécifications tiennent compte des contraintes antagonistes précédentes qui deviennent, l’une ou l’autre, prédominantes selon la saison. La réglementation (tabl. 1) porte à la fois sur la courbe de distillation fixant des valeurs minimale et maximale pour les termes E70 et E100, et sur la pression de vapeur, astreinte à des bornes précises. En outre, les techniciens ont institué un contrôle supplémentaire par l’intermédiaire de l’indice de volatilité, ou Fuel Volatility Index (F.V.I.). Celui-ci est donné par la relation:

où P.V.R. est la pression de vapeur (mbar) et E70 le pourcentage distillé à 70 0C.

F.V.I. ne doit pas dépasser une valeur limite, indiquée dans les spécifications et variable selon la saison. La réglementation française définit quatre saisons (juin-sept., sept.-nov., nov.-avr. et avr.-juin) et trois qualités distinctes (même niveau de septembre à novembre et d’avril à juin).

Le point final de distillation des carburants ne doit pas dépasser une valeur limite, fixée actuellement à 215 0C. En effet, la présence de fractions trop lourdes conduirait à une combustion incomplète et à un certain nombre d’inconvénients concomitants: consommation volumique plus élevée, répartition irrégulière du carburant entre les cylindres, dilution du lubrifiant, encrassement de la chambre de combustion, usure prématurée du moteur. En pratique, le point final de distillation des carburants se situe entre 170 0C et 200 0C.

Propriétés thermiques

La chaleur de vaporisation constitue théoriquement une caractéristique importante pour la préparation du mélange carburé. En fait, cette grandeur reste sensiblement constante pour tous les carburants classiques – de l’ordre de 335 J/g – et n’entraîne pas habituellement de contrainte particulière. Il faut toutefois signaler ici que l’emploi de certains carburants de substitution à forte chaleur de vaporisation, comme les alcools et notamment le méthanol, exige des adaptations ou des modifications du circuit d’admission.

Le pouvoir calorifique varie généralement peu pour l’ensemble des carburants classiques. Exprimé en volume, il est le plus souvent de 2 à 3 p. 100 plus élevé pour le supercarburant que pour l’essence ordinaire. Les valeurs moyennes sont de l’ordre de 32 500 kJ/l et 31 700 kJ/l pour chacun des deux types de qualité. À l’intérieur d’une même catégorie de produit, les écarts extrêmes de pouvoir calorifique volumique dépassent rarement 3 p. 100.

Propriétés chimiques

Avant de décrire les contraintes imposées en matière de structure chimique des carburants, il est nécessaire de rappeler les différents mécanismes possibles de combustion dans le moteur d’automobile.

Le processus normal consiste en une combustion rapide mais progressive de la charge, grâce à la propagation d’un front de flamme issu de l’étincelle jaillissant entre les électrodes de la bougie d’allumage.

Le phénomène parasite est le cliquetis ; il s’agit d’une auto-inflammation, instantanée et en masse, d’une partie de la charge non encore brûlée et portée à température et pression élevées par le mouvement du piston et par le dégagement d’énergie dû à la propagation du front de flamme. Le cliquetis, qui se manifeste par un bruit métallique très caractéristique, ne peut subsister de façon permanente car il entraînerait des contraintes mécaniques et thermiques trop sévères, génératrices à brève échéance d’incidents destructifs très graves tels que détérioration de culasse et de soupapes ou même percement de piston.

Certains types d’hydrocarbures présentent une bonne résistance à l’auto-inflammation, et doivent alors être recherchés pour la constitution des carburants car ils permettent d’accroître le taux de compression des moteurs et donc d’améliorer les rendements énergétiques sans risquer l’apparition du cliquetis. De façon générale, les structures hydrocarbonées les plus résistantes au cliquetis sont les paraffines et oléfines fortement ramifiées, et les composés aromatiques: benzène, toluène, xylènes. Les paraffines et oléfines en chaînes droites, avec plus de quatre atomes de carbone, sont au contraire très propices au cliquetis. Le tableau 2 donne la composition chimique des carburants français.

Sur le plan théorique, le comportement d’un carburant peut s’exprimer par la notion de délai d’auto-inflammation selon l’expression:

où le délai représente le temps nécessaire au déclenchement du phénomène sous la pression P et la température T; A, n et B sont des grandeurs caractéristiques du carburant. Dans le moteur, la pression et la température des gaz non brûlés varient à chaque instant en raison du mouvement du piston et du dégagement progressif d’énergie accompagnant le déplacement du front de flamme. La connaissance des paramètres A, n , B et la détermination de la loi d’évolution de la température et de la pression en fonction du temps permettraient théoriquement de prévoir l’existence éventuelle et le moment d’apparition du cliquetis. Une telle approche n’est cependant pas appliquée en pratique, car elle implique la mise en œuvre de techniques expérimentales et de calculs complexes.

Pour caractériser le comportement des carburants en matière de résistance au cliquetis, la méthode traditionnelle, et d’ailleurs universellement employée, consiste à introduire la notion classique d’indice d’octane. Le carburant testé est comparé à deux hydrocarbures purs choisis comme référence. Il s’agit respectivement du 2, 2, 4-triméthylpentane (ou isooctane), très résistant à l’auto-inflammation, auquel on attribue arbitrairement l’indice 100, et du n- heptane, peu résistant, qui reçoit l’indice 0. Un carburant présente un indice d’octane X s’il se comporte comme un mélange de x p. 100 d’isooctane et de (100 漣 x ) p. 100 de n- heptane. Les mélanges binaires isooctane-heptane sont appelés carburants primaires. Des indices supérieurs à 100 peuvent aussi être définis: le produit de référence est alors l’isooctane additionné de faibles quantités de plomb tétraéthyle.

La détermination d’un indice d’octane implique le choix de conditions opératoires précises. La mesure est effectuée sur un moteur de laboratoire appelé CFR, en souvenir du groupe d’étude (Cooperative Fuel Research) constitué en 1928 aux États-Unis pour standardiser des méthodes de caractérisation des carburants.

Le moteur CFR est monocylindre; il fonctionne à pleine admission et à faible régime de rotation: de 600 à 900 tr/min selon la procédure retenue. Le taux de compression est variable; il peut être réglé en marche par un déplacement vertical du cylindre commandé par un ensemble manivelle et crémaillère. Le principe de la méthode consiste à augmenter progressivement le taux de compression jusqu’à l’obtention d’une intensité «standard» de cliquetis repérée par un détecteur de pression implanté dans la chambre de combustion. Il suffit alors, pour déterminer l’indice d’octane, de se reporter à une table de référence fournissant le taux de compression critique des différents mélanges binaires.

Deux procédures normalisées fournissent respectivement les indices RON (méthode «Recherche» ou «F1») et MON (méthode «Motor» ou «F2»). Lors de la détermination du RON, le moteur fonctionne à 600 tr/min, avec une avance à l’allumage fixe et sans réchauffage du mélange carburé. Le MON correspond à un régime de rotation de 900 tr/min, une avance à l’allumage variable avec le taux de compression et surtout une température d’admission de 150 0C. L’écart de précision de la mesure, pour les carburants classiques, est de l’ordre de 0,3 point pour le RON et de 0,7 point pour le MON. Le RON constitue une caractéristique plus usuelle et plus répandue que le MON; aussi, lorsqu’on cite l’indice d’octane, sans référence précise à l’une ou l’autre des procédures, il s’agit dans tous les cas du RON.

Le MON des carburants est toujours plus faible que le RON. La différence RON 漣 MON est appelée sensibilité: elle constitue une indication de la sensibilité du carburant à une modification des conditions de température et de pression, dans le sens imposé par le passage de l’une à l’autre des procédures normalisées sur le moteur CFR. La sensibilité des carburants finis varie le plus souvent entre 6 et 13, selon la nature des constituants. Une sensibilité élevée – donc un MON faible – traduit notamment une détérioration importante de la résistance au cliquetis lorsque la température augmente. Ce type d’évolution se manifeste lorsque le moteur fonctionne à vitesse élevée et, concrètement, les carburants «sensibles» présentent une tendance marquée au cliquetis à haut régime dont les conséquences sur le plan mécanique sont particulièrement redoutables.

En France, le RON du supercarburant doit être compris entre 97 et 99, celui de l’essence ordinaire entre 89 et 92. Il n’existe pas de spécification officielle pour le MON, mais celui du supercarburant est presque toujours supérieur à 86; au-dessous de ce seuil, il existerait en effet, sur les véhicules modernes, un risque certain de cliquetis à haut régime. C’est pour se protéger tout spécialement contre ce dernier type d’incident que, en Allemagne, la spécification du supercarburant porte non sur le RON mais sur le MON, qui doit être supérieur ou égal à 87.

Concrètement, l’accroissement d’indice d’octane de 6 à 7 points (RON ou MON) entre l’essence ordinaire et le supercarburant permet d’élever de 1 point environ (de 8,5 à 9,5 en moyenne) le taux de compression du moteur, ce qui entraîne un gain de rendement de 4 à 6 p. 100. L’existence d’une corrélation très étroite entre indice d’octane et rendement explique tous les efforts déployés dans l’industrie du raffinage pour obtenir des carburants de très haute qualité.

La connaissance de l’un des deux indices d’octane, ou même du couple RON-MON, ne suffit pas à prévoir le comportement d’un carburant sur un moteur de série; dans ce cas, en effet, l’évolution de la pression et de la température en fonction du temps, dans les gaz soumis au risque de cliquetis, peut être très différente de celle qu’on observe sur le moteur CFR. Il est possible de comparer, sur moteur au banc d’essai, ou sur véhicule, le comportement du carburant à celui des mélanges primaires. Plusieurs procédures correspondant à cette approche ont été mises au point et conduisent à définir des indices d’octane «Route». Ceux-ci fournissent des renseignements utiles mais fragmentaires. L’expérience montre qu’un même carburant, testé sur différents véhicules dans des conditions de fonctionnement variées, peut présenter selon les cas des écarts de comportement très importants, correspondant par exemple à une variation de plus de 10 points de l’indice d’octane «Route».

Certains carburants, notamment, peuvent occasionner du cliquetis lors des phases d’accélération du véhicule, à partir de faibles régimes de rotation du moteur. Dans ces conditions, en effet, l’ouverture rapide du volet d’admission entraîne des difficultés de mise en suspension du carburant dans l’air et de transport du mélange carburé vers le cylindre. Le moteur reçoit préférentiellement les fractions les plus volatiles du carburant souvent caractérisées par une forte tendance au cliquetis. Le comportement d’un carburant en accélération s’exprime souvent au moyen d’une caractéristique, notée R 100 ou plus simplement R. Celle-ci est, par convention, la différence entre le RON du carburant et le RON de la fraction distillée avant 100 0C. Le R des carburants commerciaux varie généralement entre 5 et 15. Il n’existe pas de spécification officielle dans ce domaine, mais le raffineur s’efforce, au cours de la formulation du carburant, d’obtenir un R aussi bas que possible.

Procédés de fabrication

L’opération, très complexe, de formulation du carburant consistera à mélanger différents effluents, issus des diverses unités de raffinage, pour obtenir un produit conforme aux spécifications (RON, volatilité, distillation) et possédant en outre certaines qualités complémentaires (MON, R...). Les essences de distillation directe du pétrole brut présentent un RON très faible – de 50 à 70 selon la nature de la charge et l’intervalle de distillation – et ne peuvent constituer qu’un produit d’appoint dans la préparation des carburants modernes. Le procédé de reformage catalytique est spécialement mis en œuvre pour obtenir des fractions pétrolières à haut indice d’octane. À partir d’une charge de nature essentiellement paraffinique, on obtient un «reformat» riche en hydrocarbures aromatiques. Le RON de l’effluent peut varier dans de larges proportions (de 88 à 98) selon les conditions opératoires; cette technique offre donc une grande souplesse d’utilisation. Le reformat présente un MON acceptable: la sensibilité dépasse rarement 10; toutefois, le R est très élevé – de l’ordre de 16 –, ce qui traduit une forte tendance au cliquetis en accélération à faible régime de rotation.

Une autre unité de raffinage apporte une contribution importante à la constitution du carburant: il s’agit du craquage catalytique de fractions lourdes, et plus précisément de distillats sous vides. Les essences de craquage présentent un RON élevé (de 90 à 94), un R très satisfaisant, mais leur MON est particulièrement faible. Cette dernière caractéristique est liée à la présence d’oléfines; ces types d’hydrocarbures présentent toujours une forte sensibilité et un comportement médiocre vis-à-vis des risques de cliquetis à haut régime.

Le procédé dit de vapocraquage fournit essentiellement les grands produits de départ de la pétrochimie (éthylène, aromatiques); cependant, certains de ses effluents peuvent être incorporés au carburant. Ils présentent un RON élevé mais un MON le plus souvent faible, particulièrement lorsqu’ils contiennent des oléfines.

D’autres techniques fournissent des produits bien adaptés à une utilisation dans les carburants. Ainsi, l’alkylation qui consiste à condenser deux hydrocarbures gazeux, l’un paraffinique (isobutane), l’autre oléfinique (propylène ou isobutène), donne un alkylat à haut indice d’octane (93-96) et à faible sensibilité. L’isomérisation qui conduit à des structures paraffiniques ramifiées à partir d’hydrocarbures en chaîne droite constitue également un procédé intéressant bien que peu développé jusqu’à présent.

Enfin, la formulation du carburant est complétée par l’adjonction de fractions légères (butane, isopentane) issues soit de la distillation directe, soit des procédés de conversion. Ces produits, qui servent principalement à ajuster la tension de vapeur et la courbe de distillation, présentent un RON élevé – supérieur à 90 – mais ne constituent qu’un appoint.

Le tableau 3 présente une estimation de la composition globale du pool carburants en France; sont également indiqués, à titre de comparaison, les chiffres correspondant au pool américain, qui indiquent une plus forte participation des effluents de conversion (craquage, alkylation) par rapport au reformat. À moyen terme, la situation française dans ce domaine devrait se rapprocher progressivement de celle qu’on observe aux États-Unis.

Les contraintes en matière de disponibilité, de coût et de qualité des différentes bases de raffinerie permettent d’obtenir assez aisément un mélange final présentant un RON de l’ordre de 92 et satisfaisant à l’ensemble des propriétés physico-chimiques requises pour une utilisation correcte sur moteur. Seul le RON est encore éloigné de l’objectif à atteindre: 97 pour le supercarburant. L’obtention d’un tel niveau, uniquement par adaptation du schéma de raffinage, pourrait être réalisée dans certaines circonstances favorables; toutefois, elle serait le plus souvent soit techniquement impossible, soit trop coûteuse.

Il existe heureusement des additifs permettant d’accroître sans difficulté technique ou économique l’indice d’octane des carburants: ce sont les alkyles de plomb, connus et utilisés depuis 1922 environ. Il s’agit de plomb tétraéthyle, Pb(C2H5)4 ou PTE, de plomb tétraméthyle, Pb(CH3)4 ou PTM, de mélanges physiques de ces produits, ou encore de composés mixtes renfermant diverses combinaisons possibles de groupements C2H5 et CH3: Pb(C2H5)2(CH3)2, Pb(C2H5)3 CH3, Pb(C2H5)(CH3)3. Les produits de base PTE et PTM sont des liquides, présentant respectivement une température d’ébullition de 205 0C et 110 0C. Les doses d’additifs sont généralement exprimées en grammes de plomb par litre de carburant et correspondent à des teneurs en plomb comprises actuellement entre 0,15 et 0,80 g/l.

Les alkyles de plomb sont des inhibiteurs d’auto-inflammation dont l’action fait intervenir l’oxyde métallique PbO. Celui-ci désactive les espèces radicalaires propagatrices de chaîne, du type OH ou (HO)2, dont la croissance constitue un préalable nécessaire au déclenchement de l’auto-inflammation. Le mécanisme envisagé peut correspondre par exemple au schéma suivant:

Concrètement, l’addition d’alkyles de plomb dans un carburant se traduit par un gain de plusieurs points d’indice d’octane. Ainsi, à partir d’un niveau de RON voisin de 92, les accroissements sont de l’ordre de 2 à 2,5 points pour une teneur en plomb de 0,15 g/1, de 5 à 6 points pour 0,4 g/1, de 6 à 7 points pour 0,5 g/1. Pour des teneurs en plomb plus élevées, on observerait un effet de saturation et les améliorations supplémentaires d’indice d’octane deviendraient minimes.

Le PTM présente généralement une plus grande efficacité que le PTE; celle-ci se manifeste sur deux plans. D’abord, le PTM dont la température d’ébullition est plus faible accompagne, en cas de ségrégation, les fractions les plus volatiles du carburant et contribue par conséquent à améliorer le R. Le PTM est également plus efficace que le PTE lorsque le moteur fonctionne à vitesse élevée, car dans ce cas l’élément actif PbO est obtenu à un moment plus opportun au cours du cycle de combustion.

L’introduction d’alkyles de plomb dans le carburant pourrait entraîner la formation de dépôts, en quantités importantes, dans les chambres de combustion et dans le système d’échappement. Pour éviter cet inconvénient, on incorpore à l’additif des produits d’entraînement appelés «scavengers». Il s’agit du dibromoéthane, C2H4Br2, et du dichloroéthane C2H4Cl2, qui, lorsque l’oxyde de plomb a rempli son office d’inhibiteur, transforment ce produit réfractaire en bromure et chlorure de plomb, eux-mêmes volatils aux températures régnant à l’intérieur du cylindre et susceptibles d’être évacués en grande partie par les gaz d’échappement.

La suppression du plomb: causes et conséquences

Les alkyles de plomb qui permettent d’accroître aisément et à faible coût l’indice d’octane des carburants deviennent toutefois indésirables en cas de réglementation antipollution très sévère, non pas en raison de leur toxicité directe qui n’a jamais été démontrée, mais parce qu’ils constituent des poisons pour les pots d’échappement catalytiques à base de métaux précieux utilisés pour supprimer les polluants gazeux (oxyde de carbone, hydrocarbures imbrûlés et oxyde d’azote).

Les pots catalytiques et les carburants sans plomb se sont développés depuis les années 1970 aux États-Unis, au Canada et au Japon, compte tenu des normes antipollution très strictes en vigueur dans ces pays.

En Europe, la C.E.E. a adopté en 1985 une nouvelle réglementation qui, progressivement, impose l’emploi de pots catalytiques sur les véhicules de plus de 2 litres de cylindrée. Parallèlement, la directive du 20 mars 1985 stipule que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la disponibilité et la distribution uniformément répartie sur leur territoire du carburant sans plomb, à partir du 1er octobre 1989. Le nouveau carburant sans plomb, encore appelé Eurosuper, doit présenter un RON minimal de 95 et un MON minimal de 85. Ce produit est déjà largement diffusé en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas et en Scandinavie depuis 1986. Il est apparu plus tard dans d’autres pays, comme la France ou l’Italie.

À terme, la vitesse de pénétration des carburants sans plomb en Europe dépendra de plusieurs composantes (maintien ou durcissement des normes antipollution, fiscalité, pressions d’associations pour la protection de l’environnement...).

En France, il est prévu que le carburant sans plomb remplace, à brève échéance, l’actuelle essence ordinaire dont le marché est en très nette régression.

Les enjeux technico-économiques de la suppression du plomb sont considérables et concernent à la fois les industries automobile et pétrolière. Les nouveaux véhicules devront en effet se satisfaire d’un carburant dont le RON aura été réduit de 2 à 3 points. Les adaptations nécessaires (baisse du taux de compression, réduction de l’avance à l’allumage) entraîneront un accroissement de consommation de l’ordre de 2 à 3 p. 100; de son côté, l’industrie du raffinage devra relever de 3 points environ (de 92 à 95) le RON moyen des composants du pool essence. Le bilan économique de la suppression complète du plomb dans les carburants français entraînera une dépense totale de l’ordre de 3 milliards de francs, incluant les achats supplémentaires de pétrole brut, les coûts opératoires et les charges d’investissement en raffinerie. L’indice d’octane retenu (RON = 95) pour le nouveau carburant constitue cependant une valeur optimale: un niveau plus faible ou plus élevé provoquerait en effet des dépenses plus importantes, soit en ce qui concerne la consommation des véhicules, soit en matière de coût de raffinage.

Adaptation moteur-carburant: exigence en octane

Lors de la conception du moteur et du véhicule, le constructeur doit tenir compte des limitations imposées par les caractéristiques des carburants afin d’assurer un fonctionnement exempt de cliquetis. De son côté, le raffineur cherche à obtenir les meilleurs produits pétroliers au moindre coût. Ces approches complémentaires constituent l’adaptation moteur-carburant et font appel au concept d’exigence en octane. Celle-ci représente le niveau d’octane du carburant nécessaire pour éviter toute trace de cliquetis, dans les conditions les plus sévères de fonctionnement du véhicule.

L’exigence en octane varie avec différents paramètres de réglage et de conception du moteur (taux de compression, avance à l’allumage, dosage de la carburation, géométrie et métallurgie de la chambre de combustion). D’autre part, pour un même modèle de véhicule, les dispersions d’exigence peuvent être notables et dépasser plusieurs points. Ces variations sont dues aux modifications de réglage d’un véhicule à l’autre, mais aussi à l’action des dépôts de chambres de combustion. En effet, pendant la première phase d’utilisation d’un véhicule, ces dépôts s’accumulent sur les parois, contribuent à augmenter le taux de compression et surtout à élever la température des gaz soumis au risque de cliquetis. Ainsi, l’exigence en octane croît avec le kilométrage (de 2 à 6 points environ) pendant un parcours variable selon le type d’usage, mais généralement compris entre 10 000 et 40 000 kilomètres. Ensuite, l’exigence se stabilise ou fluctue légèrement en fonction de l’état du moteur et de ses conditions d’utilisation.

Compte tenu des dispersions qui viennent d’être décrites, la détermination de l’exigence en octane d’un parc automobile doit nécessairement faire intervenir des critères statistiques. Les résultats s’expriment le plus souvent en indiquant le pourcentage de véhicules «satisfaits» pour un carburant de RON donné (cf. figure). En réalité, on se borne à rechercher une plage plutôt qu’une valeur précise, puisque, à RON donné, la tendance au cliquetis peut varier en fonction d’autres caractéristiques du carburant (MON, R).

Les déterminations d’exigences en octane permettent de préconiser, pour chaque type de véhicule, l’alimentation avec tel ou tel type de carburant. Ainsi, en France, 10 p. 100 environ des véhicules en circulation peuvent utiliser de l’essence ordinaire, tandis que les autres exigent du supercarburant. L’utilisation de carburant sans plomb sera évidemment réservée à des véhicules spécialement adaptés.

Additifs de finition

Les supercarburants et essences contiennent en très faibles proportions (de quelques p.p.m. à 1 000 p.p.m.) des additifs divers. Parmi ceux-ci, il faut citer les colorants ajoutés pour distinguer les produits les uns des autres et détecter les fraudes éventuelles, les produits antioxydants qui évitent la formation de gommes et de sédiments, les additifs surfactants qui interviennent en maintenant propre ou en nettoyant le système d’admission des moteurs.

Gazole

Le développement du transport routier de marchandises et la diffusion croissante de voitures particulières équipées de moteurs Diesel ont entraîné en France, depuis 1975 environ, une augmentation très importante de la consommation de gazole: celle-ci atteignait en 1990 près de 17 millions de tonnes par an.

Le gazole présente des caractéristiques très voisines de celles du fuel domestique qui – outre son emploi principal comme combustible de chauffage – sert à l’alimentation des moteurs Diesel de tracteurs agricoles et d’engins de travaux publics.

Les contraintes en matière de propriétés physiques et chimiques du gazole sont naturellement imposées par les particularités de l’alimentation et de la combustion dans ce type de moteur.

Propriétés physiques

La densité, l’intervalle et la courbe de distillation, la viscosité, le comportement à basse température forment un ensemble de caractéristiques physiques particulièrement importantes du gazole.

La densité est comprise entre 0,820 et 0,850 à 15 0C. Le constructeur du moteur souhaite que la plage de variation entre les différents produits proposés sur le marché soit aussi faible que possible, afin de ne pas entraîner des modifications de réglage du système d’injection.

La nécessité de réaliser une injection sous haute pression et une pulvérisation de fines gouttelettes au moyen d’un injecteur impose des contraintes bien précises en matière de caractéristiques de distillation. Les gazoles distillent habituellement entre 150-180 0C (point initial) et 360-380 0C (point final). Les spécifications françaises exigent, par exemple, une fraction distillée inférieure à 65 p. 100 à 250 0C et supérieure à 85 p. 100 à 350 0C.

La viscosité intervient dans le mécanisme de rupture et de pulvérisation du jet de gazole à la sortie de l’injecteur; elle doit être, selon la réglementation, inférieure à 9,5 centistokes à 20 0C. En pratique, la viscosité des gazoles classiques est le plus souvent comprise entre 3 et 5 centistokes à 20 0C.

Le gazole doit traverser un filtre à mailles très fines avant son introduction dans la pompe d’injection; en effet, celle-ci constitue un organe d’une très grande précision mécanique et dont le fonctionnement risquerait d’être enrayé par des impuretés et des particules solides en suspension dans le liquide. Mais certains hydrocarbures paraffiniques, présents dans le gazole, peuvent cristalliser partiellement à basse température et colmater le filtre disposé sur le circuit d’alimentation. Cet incident doit être évité car il peut entraîner une immobilisation du véhicule. Il existe donc un ensemble de spécifications relatives au comportement du gazole à basse température. Les caractéristiques prises en compte sont le point de trouble , la température limite de filtrabilité et le point d’écoulement . Le tableau 4 indique les valeurs exigées en France pour ces trois caractéristiques, selon la saison et le type de carburant Diesel considéré. Depuis 1987, il a été décidé de distribuer, au cœur de la saison hivernale, un gazole, dit «grand froid», plus fluide que le gazole classique type «hiver» et présentant une température limite de filtrabilité inférieure à 漣 18 0C.

L’obtention d’une très bonne tenue à froid du carburant Diesel implique une adaptation des techniques de raffinage (choix de pétroles bruts peu paraffiniques, intervalle de distillation plus étroit, mise en place de procédés d’hydrodéparaffinage...). L’incorporation d’additifs fluidifiants constitue également une solution efficace et intéressante sur le plan économique. Par ailleurs, certains aménagements sur le véhicule (disposition judicieuse des filtres, réchauffage) contribuent grandement à améliorer le fonctionnement des moteurs Diesel par temps froid.

Propriétés chimiques

Dans le moteur Diesel – encore appelé moteur à allumage par compression –, la combustion se déclenche par auto-inflammation du gazole injecté dans l’air comprimé. L’adoption d’un taux de compression élevé – généralement compris entre 15 et 22 – favorise ce processus, mais il est nécessaire en outre que le carburant présente une structure chimique propice à l’auto-inflammation. Cette qualité est exprimée par l’indice de cétane , déterminé, comme l’indice d’octane, à partir de deux hydrocarbures de référence: le n -cétane (indice 100) et l’ 見-méthyl-naphtalène (indice 0). La mesure s’effectue sur un moteur CFR Diesel dans des conditions de fonctionnement normalisées. La méthode consiste d’abord à rechercher le taux de compression critique correspondant à un délai d’auto-inflammation fixé, et ensuite à reporter la valeur obtenue sur une courbe d’étalonnage établie avec différents mélanges binaires des deux hydrocarbures de référence.

La spécification française impose un indice de cétane minimal de 48. Un indice de cétane trop bas provoquerait des difficultés de démarrage à froid, une augmentation du niveau de bruit dû à des gradients de pression trop élevés dans la chambre de combustion et un fonctionnement erratique à faible charge. À l’inverse, si l’indice de cétane devenait trop élevé – supérieur à 60 par exemple –, le moteur serait peu bruyant mais présenterait un rendement thermodynamique nettement moins satisfaisant. Il n’y a donc aucun intérêt technico-économique à accroître l’indice de cétane des gazoles au-delà de 50-55.

La teneur en soufre du gazole fait l’objet d’une réglementation, en raison essentiellement de la nocivité de l’anhydride sulfureux rejeté dans l’atmosphère par les gaz d’échappement. En France, et dans plusieurs pays d’Europe, la concentration maximale de soufre admise est de 0,3 p. 100. Cette contrainte implique la mise en œuvre d’un procédé de raffinage, appelé hydrodésulfuration, relativement complexe et coûteux sur le plan énergétique.

La fabrication du gazole en raffinerie pose des problèmes moins complexes que l’obtention des essences. En effet, la distillation du pétrole brut sous pression atmosphérique fournit une coupe moyenne dont les caractéristiques sont souvent très proches de celles qu’on recherche pour le gazole. Cependant, d’autres unités fournissent des effluents qui peuvent devenir des constituants du gazole; c’est le cas notamment du craquage catalytique et de la visco-réduction. Les produits ainsi obtenus présentent cependant des caractéristiques peu satisfaisantes (teneur en aromatiques élevée et indice de cétane faible, stabilité médiocre, forte tendance à l’encrassement des injecteurs...). Leur contribution à la formulation du gazole doit donc rester limitée (teneurs inférieures à 10 ou 15 p. 100). Enfin, l’hydrodésulfuration, déjà citée, doit être mise en œuvre pour ajuster le niveau de soufre à la valeur requise. Cette dernière opération contribue en fait à accroître le coût énergétique du gazole.

Il est souvent admis que la diffusion croissante de voitures particulières à moteur Diesel peut constituer une voie vers une utilisation plus rationnelle de l’énergie. Le coût énergétique du gazole constitue ici un élément favorable mais non déterminant. Le fait essentiel repose sur la faible consommation de carburant des véhicules Diesel. Cette constatation doit cependant être assortie d’une analyse approfondie; ainsi le gazole présente un pouvoir calorifique volumique supérieur d’environ 10 p. 100 à celui du supercarburant, et la comparaison de consommation des deux produits doit être effectuée en joules et non en litres. De plus, les comparaisons doivent porter sur des véhicules de performances semblables en ce qui concerne la puissance et le couple. Finalement, après prise en compte des précautions citées précédemment, il apparaît globalement – de la raffinerie jusqu’au moteur – un gain énergétique de l’ordre de 15 p. 100 en faveur du moteur Diesel pour un type d’utilisation et de circulation assez représentatif de la situation moyenne européenne. Il est évident, par ailleurs, que les avantages du moteur Diesel s’amplifient lors d’un usage du véhicule en zone urbaine, et qu’ils s’amenuisent au contraire avec la conduite rapide, sur autoroute par exemple.

La diffusion du petit moteur Diesel d’automobile présente donc d’indéniables avantages sur le plan énergétique; néanmoins, cette évolution pourrait être limitée par d’autres contraintes liées à certains polluants émis plus particulièrement par ce type de moteur (particules, hydrocarbures polynucléoaromatiques) et à certaines nuisances spécifiques (bruit, odeur...).

Kérosène

Ce produit, encore appelé carburéacteur, alimente les avions à réaction, qui assurent désormais la presque totalité des transports aériens. En France, sa consommation a atteint 3,7 millions de tonnes environ en 1990. Les spécifications prévoient l’existence de trois types de produits, désignés par les sigles TR0, TR4, TR5, auxquels correspondent respectivement les dénominations américaines JP1, JP4, JP5. En réalité, le seul produit utilisé en pratique dans le monde entier est le TR0 ou JP1.

Contrairement aux moteurs à piston, les réacteurs sont parcourus par un écoulement gazeux continu. Le déplacement de l’appareil est assuré par une poussée due à l’énergie cinétique des gaz d’échappement. Le problème de combustion essentiel consiste à maintenir une flamme stable dans un mélange inflammable circulant à grande vitesse, de l’ordre de 100 m/s. Le carburant doit donc aisément être pulvérisé et vaporisé dans l’air, ce qui impose certaines caractéristiques physiques.

Ainsi, le kérosène présente une densité de l’ordre de 0,790 à 15 0C, intermédiaire entre celle des essences et du gazole. Le point initial de distillation est compris entre 150 et 180 0C, le point final entre 230 et 250 0C.

Pour maintenir un rendement énergétique satisfaisant et assurer la longévité des matériaux nobles mis en œuvre dans l’aviation, il est nécessaire d’obtenir une flamme claire minimisant les échanges de chaleur par rayonnement et réduisant la formation de dépôts riches en carbone sur les parois métalliques. Cette contrainte conduit à limiter la teneur en constituants aromatiques dans le kérosène. Celle-ci ne doit pas dépasser 20 p. 100 (volume), selon les spécifications en vigueur pour le TR0. En réalité, dans les produits commerciaux, la concentration en aromatiques dépasse rarement 15 p. 100.

Le pouvoir calorifique du kérosène présente une importance particulière car il conditionne le rayon d’action de l’appareil. De hautes performances dans ce domaine peuvent être recherchées pour certaines applications militaires. Les coupes pétrolières classiques n’offrent que peu de possibilités: il faut alors isoler ou préparer des produits spéciaux à haute énergie volumique.

Certaines caractéristiques du kérosène sont imposées par les conditions particulières d’emploi en altitude. Ainsi, le produit doit rester liquide et limpide à très basse température, jusqu’à 漣 50 0C, de façon à éviter toute perturbation dans le circuit d’alimentation en carburant. Les risques proviennent de traces d’eau qui peuvent cristalliser et obturer les canalisations de carburant. L’emploi d’additifs antiglace est alors recommandé. La viscosité à froid fait également l’objet d’un contrôle: elle doit rester inférieure à 15 centistokes à 漣 34 0C.

Sur les avions supersoniques sont apparues de nouvelles contraintes, non plus de comportement à froid, mais au contraire de stabilité thermique à haute température. En effet, sur ces appareils, l’échauffement cinétique est important et peut imposer l’emploi du carburant comme fluide réfrigérant dans des échangeurs. Il est alors indispensable que le kérosène qui s’échauffe reste parfaitement stable et ne conduise pas, notamment, à la formation de dépôts de carbone. La stabilité thermique du kérosène fait donc l’objet d’une surveillance attentive, pour toutes les utilisations à vitesse supersonique. Il est cependant admis que des avions comme le Concorde doivent s’alimenter avec le même kérosène que les avions classiques subsoniques.

Autres carburants

Carburants spéciaux

Les gaz de pétrole liquéfiés ou GPL sont proposés, dans certains pays, pour l’alimentation des moteurs d’automobiles. Ainsi, la consommation de GPL-carburant atteignait, en 1985, 1 873 000 tonnes au Japon, 1 330 000 tonnes aux États-Unis, 893 000 tonnes aux Pays-Bas et 821 000 tonnes en Italie. En France, elle ne dépasse pas 60 000 tonnes par an, malgré une certaine incitation fiscale et l’autorisation, depuis 1985, d’une alimentation alternée de GPL et de carburant classique.

L’alimentation au GPL nécessite un équipement particulier du véhicule, réservoir, électrovanne, vaporisateur-détendeur, carburateur à gaz.

L’emploi de GPL offre un certain nombre d’avantages techniques sur le plan du rendement énergétique, de la longévité du moteur et des émissions de polluants. Les inconvénients concernent notamment l’encombrement du réservoir, la légère perte de puissance, le coût de transformation.

L’essence «aviation» est encore employée sur les moteurs à piston équipant les avions de tourisme et de loisir. Ses caractéristiques sont voisines de celles du supercarburant avec toutefois une plus forte résistance au cliquetis et des caractéristiques de distillation plus soignées pour éviter tout incident en vol. La consommation française dépassait 30 000 tonnes en 1990.

Les carburants pour moteurs «2 temps» de motocycles et de bateaux hors-bord sont constitués d’une essence traditionnelle pour automobile additionnée de faibles quantités d’huiles (de 2 à 4 p. 100) qui assurent la lubrification, après séparation dans le carter-pompe et dans le cylindre. En France, la consommation de carburants «2 temps» est de 300 000 tonnes par an.

Enfin, les moteurs Diesel utilisés dans l’industrie et la marine sont alimentés avec des produits pétroliers plus lourds et moins élaborés que le gazole. Leur structure et leurs propriétés sont proches de celles des fuels.

Carburants de substitution

Les études relatives à l’obtention et à l’utilisation de carburants d’origine non pétrolière ont pris une grande importance depuis 1970, en raison de leur impact potentiel sur la réduction des importations de pétrole et sur la diversification des sources d’énergie.

Les composés organiques oxygénés, alcools et éthers, issus du gaz naturel, du charbon ou de la biomasse peuvent notamment constituer des carburants de remplacement pour le moteur à allumage commandé, car ils se caractérisent tous par des indices d’octane élevés – parfois largement supérieurs à 100. Les produits le plus souvent envisagés sont:

– le méthanol, issu du gaz de synthèse CO + H2 et fabricable à partir de toute matière carbonée fossile ou renouvelable (gaz naturel, charbon, bois);

– les alcools supérieurs, de C2 à C5, qui peuvent être obtenus en même temps que le méthanol à partir du gaz de synthèse;

– l’éthanol tiré de la fermentation des sucres en C6 contenus dans certaines plantes;

– le système butanol-acétone, également obtenu par fermentation des sucres en C6 et en C5. Ces derniers peuvent résulter de l’hydrolyse de l’hémicellulose abondante dans les végétaux;

– les éthers organiques (méthyltertiobutyléther, méthyltertioamyléther) formés par action chimique du méthanol sur des fractions légères oléfiniques de raffinerie.

Le tableau 5 montre quelques caractéristiques de ces composés, comparées à celles du supercarburant et du gazole. Le scénario retenu jusqu’à présent en Europe et aux États-Unis pour la pénétration de ces produits de substitution consiste à les ajouter, à faible teneur, dans les carburants classiques.

La nature et la concentration des constituants oxygénés doivent être soigneusement définies afin de respecter trois impératifs essentiels:

– obtention d’une stabilité satisfaisante en présence de traces d’eau;

– maintien de l’agrément d’utilisation et de conduite du véhicule, malgré les modifications de réglage de carburation;

– perte minimale de pouvoir calorifique pour ne pas accroître la consommation volumique.

Le tableau 6 indique les concentrations maximales admises pour chaque composé oxygéné selon la réglementation française du 15 septembre 1987, émanant elle-même de la directive européenne du 5 décembre 1985. Il faut noter, par exemple, que la teneur en méthanol est limitée à 3 p. 100 (volume) avec nécessité d’incorporer un cosolvant, l’alcool tertiobutylique par exemple. L’éthanol peut être utilisé sans cosolvant, mais sa teneur ne doit pas dépasser 5 p. 100 (volume).

Le principal intérêt technique des constituants oxygénés réside dans l’accroissement des indices d’octane qu’ils permettent lors de la formulation des carburants sans plomb. Les gains sont de l’ordre de 1 à 1,5 point pour le RON, de 0,6 à 1 point pour le MON.

En Europe de l’Ouest, la pénétration des carburants oxygénés s’est effectuée progressivement depuis 1982; elle atteignait, en 1990, 3 millions de tonnes, soit près de 2 p. 100 du pool carburants, et se répartissait à parts presque égales entre le méthanol, l’alcool tertiobutylique et le méthyltertiobutyléther. Leur diffusion est surtout importante aux Pays-Bas et en Allemagne; elle demeure très restreinte en France. L’éthanol n’est pratiquement pas utilisé en Europe, compte tenu de son coût élevé par rapport aux produits pétroliers; cependant, son emploi fait l’objet de nombreuses études dans la perspective d’une résorption des excédents agricoles. Il faut signaler à ce sujet que, aux États-Unis, un carburant appelé gasohol, renfermant 10 p. 100 d’éthanol, est proposé dans de nombreux États; sa consommation s’élevait à 30 millions de mètres cubes en 1986, soit déjà environ 7 p. 100 du marché total américain.

L’alimentation des moteurs à allumage commandé avec des carburants très riches en alcool constitue une autre stratégie possible, retenue notamment au Brésil où sont consommés plus de 7 millions de mètres cubes par an d’éthanol-carburant, avec un parc de 2 millions de véhicules alimentés exclusivement avec de l’éthanol. Cette option exige une nouvelle conception des moteurs et le choix de réglages incompatibles avec un retour aux carburants traditionnels.

Dans le moteur Diesel, la substitution partielle ou totale du gazole par des alcools se révèle assez difficile car ces composés sont naturellement peu propices – en raison de leurs caractéristiques physico-chimiques – à une combustion par auto-inflammation. Des substances comme les huiles végétales et leurs dérivés constituent de meilleurs combustibles de substitution pour ce type de moteur. Cette voie paraît particulièrement intéressante dans les pays de climat tropical ou équatorial qui possèdent des excédents ou des ressources potentielles en plantes oléagineuses.

Encyclopédie Universelle. 2012.