dénaturer [ denatyre ] v. tr. <conjug. : 1>
1 ♦ Rare Changer, altérer la nature de (qqch.). ⇒ altérer, vicier. « Un fût plein, que le printemps moisi dénature et qui de vin tourne en vinaigre » (Colette).
♢ Techn. Faire subir la dénaturation (2o) à; rendre impropre à l'alimentation.
2 ♦ (Abstrait) Changer la nature de, donner une fausse apparence à. Dénaturer un fait, un événement. ⇒ déformer, fausser. Dénaturer la pensée, les paroles, les écrits de qqn, par une fausse interprétation. ⇒ contrefaire, défigurer, déformer, travestir. Ses opinions ont été dénaturées par le journal.
● dénaturer verbe transitif Altérer un goût, une saveur : Un médicament qui dénature le goût du vin. Fausser le sens de quelque chose, en altérer la nature ; déformer : Le compte-rendu dénaturait son discours. Modifier la nature ou le sens d'un acte juridique, avec l'intention de l'interpréter. Pratiquer la dénaturation de certaines substances. ● dénaturer (synonymes) verbe transitif Altérer un goÛt, une saveur
Synonymes :
- adultérer
- frelater
Fausser le sens de quelque chose, en altérer la nature ; déformer
Synonymes :
- défigurer
- déformer
- fausser
Modifier la nature ou le sens d'un acte juridique, avec...
Synonymes :
dénaturer
v. tr.
d1./d Changer la nature, les caractères spécifiques de. Engrais chimique qui dénature le goût des légumes.
|| TECH Opérer la dénaturation de. Dénaturer de l'alcool.
d2./d Fig. Changer le caractère de, altérer, déformer. Citation tronquée qui dénature la pensée de l'auteur.
⇒DÉNATURER, verbe trans.
A.— Emploi trans.
1. Changer dans sa nature, dans son apparence ou sa présentation, par une modification spontanée ou voulue; priver de son caractère naturel. (Quasi-)synon. contrefaire.
a) [L'obj. désigne une réalité matérielle (un objet, une substance comestible — pour la rendre impropre à la consommation — ou non)] Dénaturer du sel, du vin. Le rapport Lilienthal faisait en plus état de la possibilité de dénaturer les matières fissiles par la présence d'isotopes les rendant impropres aux usages militaires tout en permettant leur utilisation à des fins civiles (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 66).
— DR. Dénaturer son/un bien. Transformer le(s) bien(s) immobilier(s) que l'on possède, en capitaux mobiliers. Dénaturer une créance. La convertir en une créance de nature différente.
b) [L'obj. désigne une entité abstr.; cf. altérer1 ex. 16] Dénaturer les paroles, la pensée de qqn. Synon. défigurer, déformer, fausser, travestir.
— Dénaturer un texte. Lui faire subir des modifications qui en altèrent la signification. On n'eut plus que la ressource banale de tronquer des passages pour dénaturer un texte (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 1, 1797, p. XXVI).
c) [L'obj. désigne une pers., un aspect de l'être humain] Je vois Verlaine superbe, endimanché, absurde et dénaturé déjà par quelques apéritifs, arriver à ce restaurant avec Cazales (BARRÈS, Cahiers, t. 9, 1911-12, p. 26) :
• 1. Le bonhomme suffoquait d'indignation et de peur. « Si on peut dire! ... si on peut dire... des menteries comme ça pour dénaturer un honnête homme! Si on peut dire! ... »
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, La Ficelle, 1883, p. 127.
2. [Avec une idée de modification en mal] Rendre dur, méchant, dépraver (quelqu'un, quelque chose). Elle [l'autopunition inconsciente] est immorale deux fois; elle dénature la mauvaise conscience qu'elle rend, de mauvaise, méchante, tout en lui retirant sa clairvoyance de conscience morale (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 705).
B.— Emploi pronom.
1. Perdre spontanément ou volontairement sa nature, ses qualités naturelles.
a) Emploi à sens passif
— [Le suj. désigne une réalité physique, un objet, une substance] Ces sensations se mêlent d'une manière remarquable; elles se dirigent, s'éclairent, se modifient, et peuvent même se dénaturer mutuellement (CABANIS, Rapp. phys. mor., t. 2, 1808, p. 309).
— [Le suj. désigne une entité abstr.] Par elles enfin [l'ignorance et la cupidité] se sont dénaturées les idées du « bien » et du « mal », du « juste » et de l' « injuste », du « vice » et de la « vertu » (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 49).
— [Le suj. désigne un être vivant, un aspect de l'être humain] L'homme n'a pas cessé de se dénaturer dans le tragique orgueil de condamner son frère (HUGO, Fin Satan, 1885, p. 887).
b) Emploi à sens réfl. Au XIVe siècle il y avait en Castille, à l'usage des « Ricos omes », une procédure particulière pour se dénaturer, c'est-à-dire pour changer de roi et de patrie (MÉRIMÉE, Portr. hist. et littér., 1870, p. 81).
2. [Avec une idée de modification en mal, le suj. désignant une pers.] Perdre ses sentiments naturels d'humanité, devenir méchant. Son cœur s'était endurci et dénaturé (Ac. 1835-78). Synon. se pervertir :
• 2. Parmi ceux-là [les soldats qui s'endurcirent aux excès], quelques vagabonds se vengèrent de leurs maux jusque sur les personnes; au milieu de cette nature ingrate ils se dénaturèrent.
SÉGUR, Hist. de Napol., IV, 4 ds LITTRÉ.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. a) Apr. 1174 desnaturer pronom. « avoir une attitude contraire à la nature, changer de nature, dégénérer » (WACE, Rou, Chron. ascendante des ducs de Normandie, éd. A. J. Holden, 78) — 1611 « renier l'hommage dû à son seigneur, renier son pays » (COTGR.); b) fin du XIIIe s. part. passé « dépouillé de sentiments naturels, humains » (Chanson d'amors de pure povreteit, 69, ms. Germot, éd. P. Meyer ds Bulletin de la S.A.T.F., 1884, p. 79); 1690 part. passé subst. (DANCOURT, Folle enchère, 193 ds IGLF); 2. a) 1718 « changer la nature de quelque chose » (Ac. : denaturer son bien); b) 1735-43 « altérer, changer l'apparence de quelque chose » (Obs. sur les Ecrits mod., t. 11, p. 4 et 5 ds Trév. Suppl. 1752); c) 1779 chim. « modifier la nature d'une substance » (BUFFON, Hist. nat., t. 21, p. 55); 1873 part. prés. adj. « propre à altérer la nature d'une substance » (Gazette des Tribunaux, 4 janv., p. 10 ds LITTRÉ); 1927 part. prés. subst. (CHAMPLY, Nouv. Encyclop. prat., t. 18, p. 28); d) 1845-46 « rendre impropre à sa destination ordinaire » (BESCH. : dénaturer une liqueur, du vin); 1863 part. passé adj. (LITTRÉ); e) 1964 part. prés. subst. (Nucl.). Dér. de nature; préf. dé-; dés. -er. Fréq. abs. littér. :298. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 737, b) 261; XXe s. : a) 367, b) 276.
DÉR. Dénaturement, subst. masc., rare. Action de dénaturer [une entité abstr.]. Nier radicalement tous les fameux bienfaits de 89. Montrer l'énormité de l'enflure, de la blague, du dénaturement de la presse, des journaux, des livres libéraux, à propos des idées, des principes, des faits mêmes de la Révolution (GONCOURT, Journal, 1861, p. 925). — 1res attest. a) Av. 1475 desnaturement « action de dénaturer; déshéritement; rébellion, félonie » (G. CHASTELLAIN, Chronique, éd. J. Kervyn de Lettenhove, t. 4, p. 9), seulement chez cet aut.; b) [av. 1870 « action de dénaturer » (Ragon, s. réf. ds Lar. 19e)] 1861 (GONCOURT, loc. cit.); de dénaturer, suff. -ment1. — Fréq. abs. littér. : 1.
dénaturer [denatyʀe] v. tr.
ÉTYM. Après 1174, desnaturer; de 1. dé-, nature, et suff. verbal.
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1 Changer, altérer la nature de (qqch.). ⇒ Altérer, changer, corroder, corrompre, empoisonner, falsifier, gâter, transformer, vicier. || Dénaturer du vin. ⇒ Frelater, sophistiquer. || Dénaturer une substance chimique.
1 Sous le nom de matières volcaniques, je n'entends pas comprendre toutes les matières rejetées par l'explosion des volcans, mais seulement celles qui ont été produites ou dénaturées par l'action de leurs feux (…)
Buffon, Hist. nat. des minéraux, t. III, p. 66.
2 Ce qui sent comme ça c'est un fût plein, que le printemps moisi dénature et qui de vin tourne en vinaigre.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 14.
♦ Techn. Faire subir la dénaturation (2.) à (qqch.); rendre impropre à la consommation pour l'homme. || Dénaturer de l'alcool, du sel. ⇒ Dénaturation; → Betterave, cit. 1.
♦ Par ext. || Dénaturer un objet volé, pour qu'on ne puisse le reconnaître. ⇒ Défigurer, déguiser, maquiller, transformer.
2 (Abstrait). Changer la nature de; donner une fausse apparence à. || Dénaturer un fait, un événement, en dissimuler, en changer certaines circonstances, certaines conditions essentielles à sa nature. ⇒ Déformer, fausser. || Dénaturer la pensée, les paroles, les écrits de qqn, par une fausse interprétation. ⇒ Calomnier, contorsionner, contrefaire, défigurer, déformer, détourner (de son sens), estropier, fausser, pervertir, travestir, tronquer. || Dénaturer un texte, en altérer le sens, lui donner une signification qu'il n'a pas. ⇒ Forcer, torturer; violence (faire violence à un texte). — Faire perdre le caractère naturel (de qqn, de qqch.). || Dénaturer l'âme, le caractère de qqn. ⇒ Dépraver, pervertir.
3 J'aurai dénaturé cet heureux naturel (…)
4 Qui n'a pas entendu, en se demandant s'il rêve, une parole glisser au fond de son être et tout y dénaturer, comme une fiole de poison versée dans la fontaine ?
M. Barrès, Un jardin sur l'Oronte, p. 218.
5 Une lueur trouble et malheureuse dénaturait son regard toujours si net.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, II, p. 286.
3 Sc. Traiter (un mélange fissible) par dénaturation.
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se dénaturer v. pron.
♦ Perdre sa nature, son caractère naturel. || Des faits qui se dénaturent en passant de bouche en bouche. — (En parlant des personnes). Perdre, par des actions mauvaises, son caractère de personne humaine. ⇒ Dépraver (se).
6 Parmi ceux-là (les soldats qui s'endurcirent aux excès), quelques vagabonds se vengèrent de leurs maux jusque sur les personnes; au milieu de cette nature ingrate, ils se dénaturèrent.
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dénaturé, ée p. p. adj.
1 Qui a subi la dénaturation. || Alcool, sel, sucre dénaturé. — Profondément modifié par un mélange.
7 C'est à qui réalisera le mélange le plus baroque, les liquides les plus dénaturés.
Colette, Claudine à l'école, p. 250, in T. L. F.
2 Altéré jusqu'à perdre les caractères considérés comme naturels, chez l'homme. || Goûts dénaturés. ⇒ Dépravé, pervers.
♦ Mœurs dénaturées : dépravations (notamment sexuelles; cf. Contre nature).
8 L'élégant historien du coucou a essayé de justifier les procédés singuliers et presque dénaturés de l'oiseau.
Charles Bonnet, Contemplation de la nature, Ve partie, 6.
3 (Personnes). || Parents dénaturés, qui négligent de remplir leurs devoirs à l'égard de leurs enfants. ⇒ Cruel. || Mère dénaturée. ⇒ Marâtre.
♦ Enfant dénaturé. ⇒ Ingrat, monstre.
9 L'amour étouffe en vous la voix de la nature :
Et je pourrais aimer des fils dénaturés !
Corneille, Rodogune, IV, 3.
10 Il y a des occasions où un fils qui manque de respect à son père, peut, en quelque sorte, être excusé; mais si, dans quelque occasion que ce fût, un enfant était assez dénaturé pour manquer à sa mère, à celle qui l'a porté dans son sein, qui l'a nourri de son lait, qui durant des années, s'est oubliée pour ne s'occuper que de lui, on devrait se hâter d'étouffer ce misérable, comme un monstre indigne de voir le jour.
11 L'abandon de ses enfants la fit regarder comme une mère dénaturée, et les femmes d'une réputation irréprochable répétèrent avec satisfaction que l'oubli de la vertu la plus essentielle à leur sexe s'étendait bientôt sur toutes les autres.
B. Constant, Adolphe, V, p. 43.
4 Fig. || Vérité dénaturée. || Fait dénaturé. ⇒ Faux.
12 Qui ne sait d'ailleurs comment les alarmes se propagent, comment la vérité même dénaturée par les craintes exagérées, par les échos d'une grande ville (…)
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CONTR. Conserver. — Respecter. — (Du p. p. adj.) Naturel.
DÉR. Dénaturant, dénaturateur, dénaturation.
Encyclopédie Universelle. 2012.