cramponner [ krɑ̃pɔne ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1428; de crampon
1 ♦ Techn. Fixer, retenir, saisir avec un crampon. Cramponner les pierres d'un mur.
2 ♦ Fig. Fixer, retenir avec force.
♢ Fam. Cramponner qqn. ⇒ importuner, retenir; fam. coller, tanner. « telle femme dont nous ne dirons pas qu'elle nous aime mais qu'elle nous cramponne » (Proust).
3 ♦ Cour. SE CRAMPONNER v. pron. S'accrocher, s'attacher comme par un crampon. « La joubarbe se cramponne dans le ciment » (Chateaubriand).
♢ Se tenir fermement. ⇒ s'accrocher, s'agripper, se retenir. Se cramponner au bras, au cou de qqn. « Elle soufflait l'alcool et se cramponnait pour ne pas tomber » (Bloy) .
♢ Fig. Se cramponner à une idée, à un espoir. « Le Petit Chose ne veut pas mourir. Il se cramponne à la vie, au contraire, et de toutes ses forces » (A. Daudet). Absolt Cramponne-toi, ça va être dur !
4 ♦ P. p. adj. Blas. Croix cramponnée, dont les extrémités sont représentées munies de crampons.
⊗ CONTR. Arracher, défaire, 1. détacher, séparer. 1. Lâcher, laisser.
● cramponner verbe transitif (de crampon) Familier. Importuner quelqu'un en s'obstinant auprès de lui : Tu me cramponnes avec toutes tes questions. Poser des crampons à la semelle d'une chaussure.
cramponner
v.
d1./d v. tr. TECH Attacher avec un crampon. Cramponner des fers.
d2./d v. Pron. S'accrocher de toutes ses forces. Enfant qui se cramponne au cou de sa mère.
|| Fig. Il se cramponne à ses idées folles.
⇒CRAMPONNER, verbe.
A.— Emploi trans.
1. TECHNOLOGIE
a) Attacher, assembler au moyen d'un ou de crampon(s). Anton. décramponner. Cramponner les pierres d'une assise entre elles au moyen de queues d'aronde de fer ou de bronze coulées en plomb (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 29) :
• 1. Nous avons une pompe, et le tuyau de plomb était cramponné contre la paroi du puits. Le crampon ou les crampons ont dû lâcher. Le tuyau s'est décollé, on pourrait dire, et il fait le serpent dans le vide.
GIONO, Solitude de la pitié, 1932, p. 17.
b) Mettre des crampons à (un fer à cheval); mettre des fers à crampons à (un cheval).
Rem. Cet emploi est attesté par Ac. 1798-1932 et la plupart des dict. encyclopédiques.
2. Usuel
a) P. anal. Accrocher, agripper fermement. Entailler la glace devant lui d'encoches où cramponner ses pieds et ses mains (A. DAUDET, Tartarin Alpes, 1885, p. 193). Il m'entraîne vers la sortie du côté du Louvre (...) Il me cramponne par la manche (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 540).
b) Fig. et fam. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Retenir (quelqu'un) de manière importune et avec insistance. Synon. (partiels) ennuyer, importuner. [Il] devrait avoir la délicatesse de ne pas vous cramponner avec ses invitations (AYMÉ, Mouche, 1957, p. 167) :
• 2. ... il [Jacques] trouvait mille prétextes pour expliquer ce retard. On avançait (...) ou bien sa montre s'était arrêtée (...) ou encore il avait été « cramponné » par quelqu'un.
GYP, Leurs âmes, 1895, p. 198.
B.— Emploi pronom. [Avec compl. introduit par à]
1. [Le compl. prép. désigne une chose ou une pers.] S'accrocher, s'agripper fermement à. Se cramponner à qqn, au bras de qqn, à la table. Il [Parent] redescendit lentement, en se cramponnant à la rampe pour ne point tomber (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 593). Qui se cramponnait à la crinière de sa monture pour ne pas être désarçonné (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 62) :
• 3. La mer montait, les hommes se cramponnaient à l'épave en reculant devant l'eau pas à pas : on ne leur aurait pas fait lâcher prise à coups de hache, me disait le capitaine.
GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, p. 266.
— Emploi abs. [Pour annoncer une déclaration surprenante] Cramponnez-vous! Synon. Tenez-vous bien! Et il [Mathieu] a inventé, écoutez bien et cramponnez-vous, il a inventé le saoulomètre (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Normand, 1882, p. 70).
— P. métaph. Un arbre secoué par l'orage se cramponne à la terre de toutes ses racines (GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p. 231).
— Être cramponné à. Le petit écolier cramponné au chapiteau (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 21). Ses mains sont cramponnées à ses genoux (GIONO, Regain, 1930, p. 127).
2. Au fig.
a) [Le compl. introduit par à désigne un élément de situation, une réalité soc., psychol.] Tenter de conserver, ne pas vouloir renoncer à. Se cramponner à un bénéfice, à ses principes, à des souvenirs, au travail. Synon. s'accrocher à. Il [le Petit Chose] se cramponne à la vie (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 341). Il faut bien se cramponner toujours à quelque espérance (MÉRIMÉE, Lettres à Viollet-le-Duc, 1870, p. 178). Elle se cramponnait à de vieux mythes (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 558) :
• 4. ... le personnel politique de Vichy demeure égal à lui-même : il s'accroche aux places et se cramponne au pouvoir ...
L'Œuvre, 21 janv. 1941.
— Être cramponné à. Cet homme cramponné à son passé (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 220).
b) [Sans compl. introduit par à] Tendre sa volonté, tenir bon. Pour « tenir le coup », je me raidis, me cramponne et toute ma volonté s'y use (GIDE, Journal, 1946, p. 304).
— [Avec un compl. introduit par contre] Résister avec obstination. Il fallait qu'il se cramponne ferme contre le torrent des idées (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 403). Se cramponner contre la tentation de la noblesse (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1501).
C.— Emploi intrans. Progresser avec des crampons (cf. crampon A 2 b alpinisme) :
• 5. Il examina la suite de l'ascension. C'était tout en glace. « Remettons les crampons! » Ils eurent à surmonter de grandes difficultés, mais Brigitte cramponnait avec beaucoup d'aisance et Peau-d'Âne taillait, le moins possible, de courtes encoches pour les mains et des nids de pigeon pour le bout des souliers.
R. FRISON-ROCHE, Retour à la montagne, Paris, Le Livre poche, 1971 [1957], p. 316.
Rem. 1. On rencontre ds la docum. a) Le part. passé cramponné, ée en emploi adj., hérald. Cramponné. Se dit des pièces, principalement des croix, dont une ou plusieurs branches sont terminées en crampon (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 759). b) Le part. prés. cramponnant, ante, en emploi adj. au sens de « importun ». Cette jalousie soupçonneuse, contrôleuse, cramponnante, des êtres qui se sont rencontrés (...) n'est faite que de la peur harcelante de la solitude (MAUPASS., Sur l'eau, 1888, p. 326). 2. Lar. encyclop. et ROB. Suppl. 1970 citent le subst. masc. cramponnage. Progression avec des crampons (cf. supra C).
Prononc. et Orth. :[], (je) cramponne []. Ds Ac. 1694-1932. FÉR. Crit. t. 1 1787 propose la graph. cramponer. Étymol. et Hist. 1. 1428-29 « fixer au moyen de crampons » (Compte d'ouvrages, 5e Somme de mises, A. Tournai ds GDF. Compl.); 2. 1616-20 se cramponner « s'accrocher, s'agripper » (D'AUBIGNÉ, Hist., II, 209); 3. 1690 fig. (d'un animal) avoir l'âme cramponnée (FUR.). Dér. de crampon; dés. -er. Fréq. abs. littér. :439. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 353, b) 849; XXe s. : a) 650, b) 718.
cramponner [kʀɑ̃pɔne] v.
ÉTYM. 1428; de crampon.
❖
———
I V. tr.
1 Techn. Attacher, fixer, retenir, saisir avec un crampon. || Cramponner les pierres d'un mur. || Assembler deux pièces de bois en les cramponnant.
♦ Cramponner un cheval, le ferrer avec des fers à crampon.
2 Fig. Fixer, retenir avec force (qqch.). ⇒ Attacher.
1 La peur de trébucher cramponne notre esprit à la rampe de la logique.
Gide, les Nouvelles Nourritures, I, II, p. 208.
2 À cet être, à telle femme dont nous ne dirons pas qu'elle nous aime mais qu'elle nous cramponne, nous préférons la société de n'importe quelle autre qui n'aura ni son charme, ni son agrément, ni son esprit.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. X, p. 73.
———
II V. intr. (Mil. XXe). Alpin. Progresser sur des crampons. ⇒ Crampon. || « Elle émerge d'un couloir de glace dans lequel elle a “cramponné” tout le matin » (l'Express, 12 août 1983, p. 48).
——————
se cramponner v. pron. (De I.).
1 S'accrocher, s'attacher comme par un crampon. || Le lierre se cramponne au mur.
3 La joubarbe se cramponne dans le ciment (…)
Chateaubriand, le Génie du christianisme, III, V, 5.
2 Cour. Se tenir fermement. ⇒ Accrocher (s'), agripper (s'), retenir (se), tenir (se). || Se cramponner au bras, au cou de qqn. || Il se cramponnait au volant de sa voiture.
3.1 (…) de ses mains, de ses jambes, et de tout ce que Dieu a donné à l'homme pour se cramponner ou se souder à la terre (…)
Giraudoux, Siegfried et le Limousin, p. 207.
4 L'une des femmes voulait l'emmener chez elle. Elle se cramponnait lourdement à son cou.
P. Mac Orlan, la Bandera, III, p. 31.
♦ Absolument :
5 Elle soufflait l'alcool et se cramponnait pour ne pas tomber. Sans rien dire, il referma impétueusement, au risque d'envoyer rouler la pocharde (…)
Léon Bloy, la Femme pauvre, II, p. 250.
♦ Cramponnez-vous ! : tenez-vous, tenez-vous bien (au propre et au fig.).
♦ Fig. || Se cramponner à une idée, à un espoir. || Il s'y cramponne comme à une bouée, comme à une planche de salut. || Se cramponner avec ténacité, obstination, frénésie à une dernière chance. || Ce malade se cramponne à la vie.
6 Non ! non ! le Petit Chose ne veut pas mourir. Il se cramponne à la vie, au contraire, et de toutes ses forces (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, XVI, p. 391.
7 (…) si vous pouviez supposer à quelle force de volonté je me retiens et je me cramponne (…)
Courteline, Boubouroche, Nouvelle, p. 66.
8 Il se cramponnait à cette idée comme un naufragé à une bouée.
P. Mac Orlan, la Bandera, IV, p. 51.
♦ Fam. S'attacher obstinément à qqn pour en obtenir qqch.
——————
cramponné, ée p. p. adj. (De I.).
1 Attaché, lié par un crampon.
♦ Fig. Fortement attaché, tenu contre qqch. || « Le type cramponné au volant » (Cl. Simon, le Palace, p. 68).
9 Boghari (…) est un petit village entièrement arabe, cramponné sur le dos d'un mamelon soleilleux et toujours aride (…)
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, I, p. 25.
10 (…) toujours cramponné à ses jupes, il faut à tout instant le remonter, le rassurer, le consoler (…)
N. Sarraute, le Planétarium, p. 142.
2 Blason. || Croix cramponnée, dont les extrémités sont représentées munies de crampons.
➪ tableau Termes de blason.
❖
CONTR. Arracher, décramponner, défaire, détacher, rompre. — Abandonner, lâcher, laisser.
DÉR. Cramponnage, cramponnement.
Encyclopédie Universelle. 2012.