atterrer [ atere ] v. tr. <conjug. : 1> ♦ Vx Jeter dans l'abattement, la consternation. ⇒ abattre, accabler, consterner. — Mod. (sujet chose) ⇒ désoler, stupéfier. Ça m'atterre. (pass.) Elle était atterrée par cette nouvelle. Le pape « atterré, ému et tremblant » (Vigny).
● atterrer verbe transitif (de terre) Jeter quelqu'un dans la stupéfaction, l'abattement ; consterner, accabler : Les résultats scolaires de mon fils m'ont atterré. ● atterrer (difficultés) verbe transitif (de terre) Orthographe Avec deux t et deux r. Remarque Ce verbe est formé du radical de terre et du préfixe ad-, avec changement du d en t devant la consonne initiale t, formation que l'on retrouve dans atterrir. ● atterrer (synonymes) verbe transitif (de terre) Jeter quelqu'un dans la stupéfaction, l'abattement ; consterner, accabler
Synonymes :
- abattre
- accabler
- anéantir
- démoraliser
Contraires :
- exalter
- ragaillardir (familier)
- réconforter
- réjouir
atterrer
v. tr. Accabler, consterner. Cette défaite nous a atterrés.
|| Pp. adj. Ils ont des mines atterrées.
I.
⇒ATTERRER1, verbe trans.
A.— Vx, rare. [Le compl. d'obj. dir. désigne un animé] Mettre à terre, abattre :
• 1. Jason, toujours invulnérable, saisit un des taureaux par la corne, et d'un bras nerveux il l'amene près du joug et l'aterre; il en fait autant au second, et il les tient ainsi tous les deux abattus.
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 279.
Rem. Dans l'ex. suiv. le sens fig. (infra B 2) rappelle peut-être discrètement la valeur étymol. du mot :
• 2. Considérant les monceaux de décombres à quoi les villes étaient réduites, traversant les villages atterrés, recueillant les suppliques des bourgmestres au désespoir, voyant les populations d'où les adultes masculins avaient presque tous disparu, je sentais se serrer mon cœur d'Européen.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 206.
B.— Au fig.
1. Rare. [Le compl. désigne des pers., les puissants, des ennemis, ou bien, p. méton., une chose abstr., la puissance, l'autorité (de qqn, d'un pays)] Abattre, écraser, réduire à néant :
• 3. Nous serons pauvres à deux, mais c'est être riche. On a tant vanté le vrai bonheur dans les livres roses et dans les romances qu'on n'ose vraiment plus croire, ni dire, de crainte d'être banal, qu'il y a des baisers qui valent des pièces de cinq francs et des regards qui valent des billets de mille francs. C'est très triste, vraiment. Enfin, il est une raison qui vaut mieux que toutes celles-là et qui atterre toute objection : « Nous nous aimons! » Comprenne cela qui voudra. Tu aimes, tu le sentiras.
MALLARMÉ, Correspondance, 1862, p. 56.
2. Cour. [Le compl. d'obj. dir. désigne toujours une pers. ou une collectivité; fréq. au passif] Accabler quelqu'un; le mettre dans un état de consternation et d'affliction profondes (avec parfois une idée d'effroi) :
• 4. Atterré d'un tel accueil, confondu, devenu stupide, et comme un homme sur qui la foudre vient d'éclater et qu'elle aurait privé de tout sentiment, j'ai reculé pour reprendre la route que je venais de franchir...
LATOUCHE, L'HÉRITIER, Dernières lettres de deux amans de Barcelone, 1821, p. 105.
Rem. Dans l'ex. suiv., un emploi rare de atterré qui s'applique aux yeux et signifie « rempli d'atterrement » :
• 5. Les pauvres yeux atterrés se firent violence pour retenir leurs grosses larmes.
DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent, 1899, p. 404.
SYNT. Le dégoût, une idée, des mots, la mort, un regard, un spectacle atterrent; le désespoir atterre ma pensée; être atterré d'un tel accueil, par un dernier coup, d'un malheur si grand, du succès de qqn, sous une révélation soudaine, de tant d'audace, d'apprendre la disparition d'un ami.
PRONONC. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[], j'atterre []. Pt ROB. transcrit la 2e syll. de l'inf. avec [e] fermé (cf. aussi LAND. 1834 et FÉL. 1851). 2. Forme graph. — Les dict. mod. dont Ac. 1932 écrivent atterrer. 3. Hist. — FÉR. 1768 indique qu'il faut prononcer un seul t et 2 rr. Cf. aussi GATTEL 1841 qui recommande ,,r forte``. Ac. 1798 admet atterrer ou attérer (cf. aussi LAND. 1834 : ,,attérer ou mieux atterrer``, et BESCH. 1845). Ac. 1835, s.v. atterrer, signale que ,,quelques-uns écrivent attérer``. FÉR. Crit. t. 1 1787 propose la graphie aterrer avec un seul t. Le reste des dict. donne atterrer. Lar. 19e et Nouv. Lar. ill. ajoutent : ,,on dit aujourd'hui atterrir.``
BBG. — LE ROUX 1752.
II.
⇒ATTERRER2, ATTÉRER, verbe intrans.
A.— MAR. Arriver de la haute mer dans le voisinage d'une terre, et la reconnaître. Synon. plus mod. atterrir2 :
• 1. Atterrer ou atterrir, v. n. C'est découvrir la terre, en venir à vue, la reconnaître au bout d'un voyage de long cours. On dit, nous avons atterré sur Belle-Île, sur Ouessant, sur les Sorlingues, etc. Atterrissage et atterrir remplacent parmi les matelots en général, les mots atterrage et atterrer. Ils disent, à l'atterrissage; tel jour nous avons fait notre atterrissage, nous avons atterri sur Belle-Île, etc.
WILL. 1831.
B.— P. ext.
1. MARINE
a) [Le suj. désigne un vaisseau, un bâtiment ou, p. méton., l'équipage] Venir à terre, aborder :
• 2. Il s'agit d'attérer à Saint-Domingue. Après la traversée de l'océan, venant d'Europe, et s'être mis en latitude du vieux cap de Saint-Domingue, on fait route à l'ouest jusqu'à ce que l'on reconnaisse la Grange. Ensuite on va reconnaître le Cap-français, et puis l'on côtoie l'île de Saint-Domingue jusqu'au môle Saint-Nicolas en passant entre la Tortue et le port de Paix.
BAUDRY DES LOZIÈRES, Voyage à la Louisiane, 1802, p. 155.
• 3. Lorsqu'il [le Préfet] apprit qu'une chaloupe montée seulement de deux hommes était atterrée, il ne douta point qu'Armand ne fût un des deux naufragés, car tous les pêcheurs parlaient de lui comme de l'homme le plus intrépide à la mer qu'on eût jamais vu.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 258.
Rem. Attesté ds Ac. 1798, DG.
b) [Le suj. désigne des choses diverses charriées par les flots de la mer] :
• 4. Je puis encore citer ces deux bouteilles, dont la première, jetée par un Anglais dans la baie de Cadix, fut pêchée sur les côtes de Normandie, avec une lettre adressée à Londres; et dont la seconde, mise à la mer à cent vingt lieues de la côte d'Espagne, a attéré sur le cap Prior avec une lettre à mon adresse. J'ai appris qu'une troisième bouteille avait été jetée, il y a plusieurs années, à deux cents lieues au nord de l'île-de-France, et qu'elle avait abordé dans cette île.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 84.
Rem. La forme avec auxil. être (ex. 3) indique le résultat de l'action, l'état de chose consécutif à l'action.
2. AÉRON. Synon. anc. et inus. de atterrir :
• 5. — Une voix propose d'atterrer (...) : il n'y a plus une ombre d'hésitation quand celui d'entre nous qui s'est plus spécialement chargé de la boussole et des cartes déclare que la mer est à six lieues.
NADAR, Mém. du Géant, 1864, p. 349 (GUILB. Aviat. 1965).
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1160 « renverser par terre » (BENOIT, Ducs de Normandie, II, 14468 ds GDF. Compl. : Eissi atterron les Normanz, les orgoillos, les sorquidanz), qualifié de ,,vieilli`` par DG; 1590 fig. « accabler » (MONTAIGNE, III, 6 ds HUG. : Je ne me sens pas assez fort pour soustenir le coup et l'impetuosité de cette passion de la peur, ny d'autre vehemente. Si j'en estois un coup vaincu et atterré, je ne m'en releverois jamais bien entier); 2. 1153 mar. « prendre terre, aborder » (WACE, St Nicolas, éd. N. Delius, 860 ds T.-L. : Tut droit en sunt al port venu, Dont il estoient esmëu. A terre [lire Aterré] sunt, isnel le pas Vont al mustier saint Nicholas); av. 1307 « id. » (G. GUIART, Royaux Lignages, éd. Buchon, II, 9493, ibid. : Mes ele [la flotte des quatre nes] fiert sus un sablon, Ou les quatre ensemble serrees Sont a fine force aterrees); LITTRÉ et DG notent : ,,Les marins disent aujourd'hui atterrir``.
STAT. — Fréq. abs. littér. :365. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 447, b) 491; XXe s. : a) 819, b) 412.
BBG. — GUILB. Aviat. 1965. — JAL 1848. — LE CLÈRE 1960. — PAMART (P.). Mots de Chateaubriand. Vie Lang. 1969, p. 452. — WILL. 1831.
ÉTYM. 1160; de 1. a-, terre, et -er.
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1 Vx. Renverser par terre. ⇒ Abattre, terrasser.
1 Hercule le saisit, le combat et l'atterre.
Delille, les Géorgiques, 2.
2 Fig., vx. Écraser, anéantir (un personnage puissant, un ennemi, l'autorité de quelqu'un).
3 Vx. Jeter dans l'abattement, la consternation, la stupéfaction. ⇒ Abattre, accabler, consterner, foudroyer, stupéfier. || Atterrer qqn, son esprit. — Mod. (Littér.). Au passif. || Être atterré par, de (vx) quelque chose.
2 Le coup, le rude coup dont je suis atterré.
Molière, Don Garcie, III, 2.
3 Il semble que la consternation qui avait si longtemps atterré l'esprit des Génois eût passé dans les Allemands.
Voltaire, le Siècle de Louis XV, 21.
4 (…) je méditais une Histoire du Valais, un plan de tragédie en prose, dont le sujet, qui n'était pas moins que Lucrèce, ne m'ôtait pas l'espoir d'atterrer les rieurs
Rousseau, les Confessions, VIII (→ Confondre).
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atterré, ée p. p. adj.
♦ Consterné.
5 Sitôt que l'Empereur fut sorti de l'appartement, deux ecclésiastiques vinrent auprès du Saint-Père, et l'emmenèrent en le soutenant sous chaque bras, atterré, ému et tremblant.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, III, 6.
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DÉR. Atterrant, atterrement.
HOM. 2. Atterrer.
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ÉTYM. 1153; de 1. a-, et terre.
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♦ Par ext. Venir à terre; échouer à terre (en parlant de choses, d'épaves…).
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DÉR. Atterrage.
HOM. 1. Atterrer.
Encyclopédie Universelle. 2012.