adresser [ adrese ] v. tr. <conjug. : 1>
• déb. XVe; adrecier XIIe; « dresser, redresser, diriger » en a. fr. et jusqu'au XVIIe; de 1. a- et dresser
1 ♦ Émettre (des paroles) en direction de qqn. « La question que lui adressait la cantinière » (Stendhal). Jamais « ils ne m'ont adressé la parole » (Bosco). « Le reproche qu'on m'adresse » (Renan). Adresser des vœux, un compliment, une critique à qqn.
2 ♦ (XVIe) Envoyer en direction de qqn. Il a paré le coup que son adversaire lui adressait.
♢ Faire parvenir à l'adresse de qqn. La dernière lettre que vous m'avez adressée. Spécialt Envoyer en dédiant (un ouvrage).
3 ♦ Diriger (qqn) vers la personne qui convient. Le médecin m'a adressé à un spécialiste.
4 ♦ Inform. Définir une adresse en vue d'établir une liaison avec (un dispositif). Adresser une mémoire, un périphérique.
5 ♦ V. pron. S'ADRESSER À (qqn),lui parler; aller le trouver, avoir recours à lui. « Tu peux appeler le type à qui tu t'adresses : Monsieur le Président » (Duhamel). Je ne peux pas vous renseigner, adressez-vous à l'hôtesse. C'est à la femme et non au médecin que je m'adresse. Fig. « Lamennais s'adresse au cœur » (Hugo), fait appel au cœur, cherche à le toucher.
♢ (Sujet chose) Être adressé, destiné. « C'est à vous, s'il vous plaît, que ce discours s'adresse » (Molière). Le public auquel ce livre, ce film s'adresse, qu'il veut toucher (⇒ cible) .
● adresser verbe transitif (ancien français drecier, diriger) Faire parvenir quelque chose à quelqu'un, le lui envoyer directement : Adresser une lettre à un ami. Diriger quelqu'un vers une personne, un service : Adresser un malade à un spécialiste. Proférer, dire quelque chose qui le concerne à l'intention de quelqu'un : Adresser des compliments, des reproches à quelqu'un. ● adresser (expressions) verbe transitif (ancien français drecier, diriger) Adresser un regard, un sourire, un signe, etc., à quelqu'un, exprimer par un geste, une mimique, une intention, son sentiment à quelqu'un. Adresser la parole à quelqu'un, lui parler. Machine à adresser, machine imprimant des enveloppes ou des bandes d'envoi de journaux ou de catalogues. ● adresser (synonymes) verbe transitif (ancien français drecier, diriger) Faire parvenir quelque chose à quelqu'un, le lui envoyer directement
Synonymes :
- dépêcher
- envoyer
- expédier
Contraires :
- recevoir
Diriger quelqu'un vers une personne, un service
Synonymes :
- dépêcher
- envoyer
- expédier
Contraires :
- recevoir
Proférer, dire quelque chose qui le concerne à l'intention de quelqu'un
Synonymes :
- énoncer
Contraires :
- recevoir
Adresser un regard, un sourire, un signe, etc., à quelqu'un
Synonymes :
- dédier
- destiner
● adresser
verbe transitif
(anglais to address)
En informatique, adjoindre une adresse à une information.
adresser
v.
rI./r v. tr.
d1./d Dire, exprimer (qqch à l'intention de qqn). Il m'a adressé ses remerciements. Je ne lui adresse plus la parole.
d2./d Envoyer vers (qqn), faire parvenir (à qqn). Adressons-lui cette lettre chez ses parents.
d3./d Envoyer (une personne à une autre). Cet ami m'a adressé son fils.
d4./d INFORM Fournir (à une mémoire) une adresse de mot afin d'accéder au contenu de ce mot (donnée, information).
rII./r v. Pron.
d1./d Parler (à qqn). Il s'adressa au peuple.
|| être destiné à. C'est à moi que cette question s'adresse?
d2./d Aller trouver, avoir recours à. Adressez-vous au gardien!
I.
⇒ADRESSER1, verbe trans.
I.— Emploi trans. (cf. art. à) [Gén. suivi d'un obj. second. précédé de la prép. à. Le suj. est toujours une pers.] Faire parvenir à destination.
A.— Envoyer quelque chose vers (ou à) un destinataire ou un lieu de destination. Anton. recevoir.
1. [L'obj. dir. est une chose matérielle (le plus souvent une lettre) envoyée à une pers. précise, par l'intermédiaire d'une autre pers. ou de la poste] Envoyer quelque chose à quelqu'un en un certain lieu, à une certaine adresse (cf. adresse) :
• 1. ... il tenait une cassette ouverte; il y avait quelques lettres; j'en vis une pour sa sœur, une autre adressée à Valérie;...
B.-J. DE KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 264.
• 2. Ce 24 juillet 1837. Je n'ai reçu votre lettre que depuis deux jours, mon cher ami, parce que vous me l'aviez envoyée à Baugy, au lieu de me l'adresser chez moi.
A. DE TOCQUEVILLE, Correspondance avec Henry Reeve, 1837, p. 39.
Rem. Dans l'ex. 1, l'emploi en synon. de adressé à et de la prép. pour montre que la valeur sém. de adresser est proche de la simple idée d'attrib. ou de destination.
— ADMIN. DES POSTES
— Adresser qqc. poste restante. Expédier quelque chose en mettant comme lieu de destination : poste restante.
— Adresser qqc. franco. L'expédier sans frais pour le destinataire. Anton. en port dû :
• 3. Asserme devait ses succès à une imagination baroque et fertile. Au temps où il représentait les Alpes-Orientales, il avait un préfet peu maniable. Le cabinet d'alors hésitait à faire sauter cet administrateur. Une idée vint au député. Il alla chez un marchand de couronnes funéraires, il choisit un bel article, jais noir, avec l'inscription : souvenirs et regrets, il fit emballer, adresser franco, sans nom d'expéditeur, à M. le Préfet des Alpes-Orientales. Le lendemain, même envoi d'un autre magasin;...
E.-M. DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent, 1899, p. 17.
Rem. Pour adresser une enveloppe, cf. adresser2.
2. [L'obj. dir. est une pers.] Envoyer une personne auprès d'une autre (avec des recommandations, des références, un mot d'introduction) :
• 4. Ma tante Marie (...) avait approché Mme Swetchine, Montalembert, les frères Lamennais, Lacordaire, le banquier Rothschild. C'est par elle qu'en 1901 je fus recommandé au P. de Valépée. C'est par elle qu'en février 1894, je fus adressé à l'abbé Leriche.
A. BILLY, Introïbo, 1939, p. 28.
— Vieilli. Être bien adressé :
• 5. J'ai (...) trouvé fort de mon goût Mme Mansell, à Tours, et Miss Mélina, sa sœur, deux jolies et gracieuses Anglaises, aux manières distinguées, chez qui nous avons reçu l'hospitalité la plus aimable (...) amies de Lady Bentinck, la femme du gouverneur général des Indes. Nous étions, vous voyez, bien adressées.
E. DE GUÉRIN, Lettres, 1839, pp. 282-283.
Rem. Pour la constr., cf. être bien ou mal reçu.
B.— [L'obj. désigne une parole ou un geste ayant une signif. précise pour son destinataire] Exprimer quelque chose à l'intention de quelqu'un.
1. [Une parole agréable ou désagréable] Adresser la parole à qqn. Lui parler avec une intention précise :
• 6. Le rieur, (...), se crut obligé de lui adresser des excuses qui furent faites et reçues de fort bonne grâce.
J. DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 2, 1821, p. 273.
• 7. Le duché d'Aumale a été longtemps dans notre famille avant d'entrer dans la maison de France, expliquait M. de Charlus à M. de Cambremer, devant Morel ébahi et auquel, à vrai dire, toute cette dissertation était sinon adressée du moins destinée.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 951.
Rem. Autres syntagmes : adresser un reproche à qqn :faire un reproche à qqn; - une question à qqn :poser une question à qqn, l'interroger; - une prière à qqn :invoquer qqn; - des compliments, des vœux; - des excuses à qqn :faire des excuses à qqn; - une injure à qqn :insulter qqn.
2. [Un geste, gén. de courtoisie] Adresser un salut. Faire un geste en direction de quelqu'un :
• 8. Il ralentit encore le pas. Dans la rue de la banne, à mesure qu'il avançait vers le marché, les boutiquiers accouraient sur les portes, le suivaient curieusement des yeux. Il fit un petit signe de tête au boucher, qui resta ahuri, sans lui rendre son salut. La boulangère, à laquelle il adressa un coup de chapeau, parut si effrayée qu'elle se rejeta en arrière. La fruitière, l'épicier, le pâtissier se le montraient du doigt d'un trottoir à l'autre.
É. ZOLA, La Conquête de Plassans, 1874, p. 1116.
Rem. Autres syntagmes : adresser un sourire à qqn :faire un sourire; - un regard à qqn :lancer, jeter un regard.
C.— LITTÉR. [L'obj. dir. désigne une œuvre, un doc., une lettre, etc.] Adresser un ouvrage à qqn. Avoir en vue un destinataire privilégié en écrivant ou en dédicaçant cet ouvrage :
• 9. Est-ce le temps de nous diviser. Battus de tous les vents, pour nous deux est-ce le temps de nous séparer. Vais-je gratter sur ma copie votre nom, faire un faux en somme, puisqu'elle était faite pour vous, puisqu'elle était inscrite pour vous, puisqu'elle vous était adressée, puisqu'elle vous était envoyée. Vais-je mettre à la place, à votre place un faux-nom, en somme, un nom feint, un pseudonyme.
Ch. PÉGUY, Victor-Marie, comte Hugo, 1910, p. 808.
Rem. Inscrite est un latinisme (cf. CIC., Off. 2, 21 : Liber qui inscribitur Laelius « livre ayant pour titre : Laelius »; ici portant sur la page de titre : pour vous, Daniel Halévy).
• 10. ... quoi qu'il advienne j'achèverai le livre, dût-il ne point paraître ni maintenant ni même après notre mort à tous deux, et je remettrai à Gide la fin du livre puisque la lettre-envoi est essentiellement à lui, adressée à lui seul, en dehors de toute question de publication.
Ch. DU BOS, Journal, mai 1928, p. 114.
• 11. Maurras y exposait la doctrine devant Bainville, Dimier, Montesquiou, Vaugeois, et même Souday, qui n'était pas ennemi de ces conversations, qui les écoutait comme on essaye un jour un pernod, et à qui Maurras adressait ses livres avec des dédicaces chaudement tournées,...
L.-P. FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, p. 159.
D.— Emplois vieillis ou littér.
1. Arch. littér. Adresser ses pas (vers un lieu ou vers une pers.). Diriger ses pas, se diriger :
• 12. Depuis trois ans j'étais retiré à Aulnay : sur mon coteau de pins, en 1811, j'avais suivi des yeux la comète qui pendant la nuit courait à l'horizon des bois; elle était belle et triste, et, comme une reine, elle traînait sur ses pas son long voile. Qui l'étrangère égarée dans notre univers cherchait-elle? À qui adressait-elle ses pas dans le désert du ciel?
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 468.
Rem. Dans cet ex. l'emploi de la prép. à pour vers (cf. art. à) est également un arch.
2. Adresser (une balle, etc. dans qqc.). Tirer, lancer.
— Emploi abs. Bien adresser. Être bon tireur.
— Au fig. Adresser un trait, une flèche à qqn :
• 13. Dans le précédent poème de Guiraldes le « et plutôt qu'à juger autrui, à me laver de mes propres impuretés », m'atteignait comme une flèche à moi adressée, en songeant à mon futur entretien avec Mauriac.
Ch. DU BOS, Journal, nov. 1938, p. 220.
3. Adresser un mot à qqn. L'appliquer à quelqu'un :
• 14. Les hommes vraiment coupables sont ceux qui, après s'être approchés de Louis XVIII, après en avoir obtenu des grâces et lui avoir fait des promesses, ont pu se réunir à Bonaparte; le mot, l'horrible mot de trahison est fait pour ceux-là; mais il est cruellement injuste de l'adresser à l'armée française.
G. DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, t. 2, 1817, p. 259.
Rem. Ce dernier emploi est proche de l'emploi B 1.
II.— Emploi pronom.
A.— S'adresser qqc. (emploi pronom. réciproque). S'adresser des lettres d'amour, d'injures... (cf. supra I A); s'adresser la parole; s'adresser des sourires, des signes... (cf. supra I B).
B.— S'adresser à. [Gén. suivi d'un obj. second. précédé de la prép. à] Aller dans une direction déterminée afin d'atteindre un destinataire (ou une certaine destination).
1. [Le suj. est une pers. (ou un être assimilé à une pers.)]
a) [L'obj. second. est une pers.]
— Se tourner vers une personne déterminée pour lui parler :
• 15. — Vous, poursuivit Baccarat, s'adressant à Léon Rolland, il n'a fallu rien moins que mon apparition subite et la vue de l'homme qui a été votre ami, pour dissiper les fumées de cette ivresse sanguinaire allumée dans vos veines.
P.-A. PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 3, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 203.
• 16. Il reprit sa marche, puis s'assit au fond du salon. Comme s'il s'adressait à un témoin de cette scène, il se tourna vers une chaise, et dit, avec des gestes passionnés :
— On pardonne une sottise à un ami. Mais on ne pardonne rien à sa femme. On veut qu'elle soit un monde, votre monde! On veut qu'elle partage même vos idées!
J. CHARDONNE, L'Épithalame, 1921, p. 264.
Rem. 1. S'adresser s'emploie fréquemment au part. prés.; il introduit presque toujours le discours dir. ou bien est empl. en incise dans le corps du discours; empl. conjointement avec des verbes tels que parler et dire, il est destiné à les compléter, c.-à-d. à indiquer la pers. visée, ou, si elle est déjà nommée (ex. 15) à la préciser. 2. (En parlant d'un orateur, d'un écrivain) s'adresser à qqn, parler en public, écrire pour qqn :
• 17. ... Passavant plaît aux jeunes. Peu lui chaut l'avenir. C'est à la génération d'aujourd'hui qu'il s'adresse (ce qui vaut certes mieux que de s'adresser à celle d'hier) — mais comme il ne s'adresse qu'à elle, ce qu'il écrit risque de passer avec elle.
A. GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, p. 990.
— En partic. Aller, se tourner vers quelqu'un, pour lui parler et obtenir de lui un renseignement, un service, la satisfaction d'un désir :
• 18. Hier, dimanche, réunion chez moi le matin. On raconte une anecdote que je ne garantis pas comme vraie, mais dont l'invention, même si elle est faite à plaisir, peut donner une idée des mœurs du temps. On prétend que le maréchal Molitor, voulant obtenir une place de sous-préfet pour un de ses parents, a été s'adresser à M. de Corbière, Ministre de l'Intérieur. Celui-ci l'a fort bien reçu, mais lui a dit qu'il serait bon, avant d'aller plus loin dans les démarches, de voir M. de Lavaux (Jésuite), préfet de police. Celui-ci, employant toujours les formes les plus douces, lui conseilla d'en parler à M. Franchet (Jésuite), chef de division à la police.
E.-J. DELÉCLUZE, Journal, 1825, p. 185.
• 19. Il y a bien longtemps que j'ai de prêt Les Paysans, qui serviront près d'un mois le feuilleton de La Presse, il ne faut pas quinze jours pour les mettre en état de paraître; mais il faut savoir à qui s'adresser, où aller pour les faire composer.
H. DE BALZAC, Correspondance, 1840, p. 121.
• 20. Maison fermée. Un mur. Personne, sauf un chien sur le mur. Pour louer, s'adresser au chien. Il vous recevra.
J. RENARD, Journal, 1906, p. 1077.
Rem. 1. L'ex. 19 offre l'étroite synon. entre s'adresser à qqn et aller dans un certain lieu, synon. qui ne fait que confirmer l'idée de direction contenue dans le verbe.
Rem. 2. Au lieu d'être suivi d'un obj. second. de pers., s'adresser peut s'employer avec un adv. de lieu, qui renvoie à une pers. implicite :
• 21. Artistes ou partisans, ceux qui désirent des ordres d'assaut ou des chansons de marches, ceux qui attendent des appels de pied et des sonneries de clairon se trompent en se tournant vers moi. Ils commettent une erreur de personne. Qu'ils veuillent bien m'excuser, je ne peux rien pour eux. Il faut qu'ils s'adressent ailleurs.
J.-R. BLOCH, Destin du Siècle, 1931, pp. 29-30.
Rem. 3. L'obj. second. de pers. peut être tout à fait implicite. S'adresser se construit alors absol. avec une détermination adv. qualitative. Peut être rapproché de l'expr. frapper à la bonne, à la mauvaise porte :
• 22. Lorsque le général Bonaparte fut nommé consul, ce qu'on attendait de lui, c'était la paix. La nation était fatiguée de sa longue lutte; et, sûre alors d'obtenir son indépendance, avec la barrière du Rhin et des Alpes, elle ne souhaitait que la tranquillité, certes elle s'adressait mal pour l'obtenir.
G. DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, t. 2, 1817, p. 32.
Il se rencontre except. au part. passé pris substantivement, un mal adressé (pers. qui s'est adressée à qqn par méprise) :
• 23. Le laquais sort. Resté seul, don César se rassied, s'accoude sur la table, et paraît plongé dans de profondes réflexions.
C'est le devoir du chrétien et du sage, quand il a de l'argent, d'en faire un bon usage. (...) Mais je n'ose m'y fier, car on va me reprendre la chose. C'est méprise sans doute, et ce mal-adressé aura mal entendu,...
V. HUGO, Ruy Blas, 1838, IV, 3, p. 426.
b) Au fig. [L'obj. second. est une chose abstr.] Se tourner vers quelque chose afin d'en obtenir ce qu'on désire, ce dont on a besoin; recourir à :
• 24. Un échotier de Clartés signe l'existentialiste et au fond le mot a pris aujourd'hui une telle largeur et une telle extension qu'il ne signifie plus rien du tout. Il semble que, faute de doctrine d'avant-garde analogue au surréalisme, les gens avides de scandale et de mouvement s'adressent à cette philosophie, qui ne peut d'ailleurs rien leur apporter dans ce domaine; ...
J.-P. SARTRE, L'Existentialisme est un humanisme, 1946, p. 16.
2. [Le suj. est une chose traduisant l'activité, la parole, les gestes, etc. d'une pers.]
a) [L'obj. second. est une pers.] Aller vers, être destiné à :
• 25. Son petit volume — qu'on trouve chez l'éditeur Victor Lecoffre — offre cette originalité que, sous une forme très pure et très distinguée, il s'adresse à tous, au grand public. C'est au peuple directement qu'est destinée cette histoire de son grand ami.
F. COPPÉE, La Bonne souffrance, 1898, p. 134.
• 26. Nos relations étaient fondées sur un malentendu qui ne pouvait manquer de se manifester dès que mes hommages, au lieu de s'adresser à la femme relativement supérieure qu'elle croyait être, iraient vers quelque autre femme aussi médiocre et exhalant le même charme involontaire.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes 2, 1921, p. 503.
• 27. — Mais enfin, puis-je savoir si ce rire ou ce ricanement s'adresse à votre serviteur?
— Mais à qui donc voulez-vous que je le dédie?
P. VALÉRY, Variété 4, 1938, p. 187.
• 28. ... mais le regard est une intention. Faute de cette intention, la vision n'est qu'un phénomène abstrait et indifférent. Surtout une paire d'yeux ne fait pour moi un regard que si elle est dirigée sur moi, orientée vers moi, que si elle s'adresse à moi dans l'imploration, l'invocation ou l'interpellation.
V. JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, p. 91.
Rem. Parfois l'idée de direction l'emporte sur celle d'attrib. et de destination, ou vice-versa.
b) P. méton. [L'obj. second. désigne une partie du corps traduisant la pensée, le sentiment, etc. d'une pers.] :
• 29. Quand Madame de Mortsauf me quittait pour un moment, elle semblait laisser à l'air le soin de me parler d'elle; les plis de sa robe, quand elle s'en allait, s'adressaient à mes yeux comme leur bruit onduleux arrivait joyeusement à mon oreille quand elle revenait;...
H. DE BALZAC, Le Lys dans la vallée, 1836, p. 283.
II.
⇒ADRESSER2, verbe trans.
Néol. Adresser une enveloppe. Écrire une adresse sur une enveloppe.
— Machine à adresser. Machine servant à imprimer les adresses de journaux, envois publicitaires, etc., expédiés à intervalles réguliers.
Rem. Il s'agit prob. d'une formation parallèle à affranchir une lettre (« coller les timbres sur une lettre, sur une enveloppe »).
Prononc. — 1. Forme phon. :[], j'adresse []. À l'inf., Pt ROB. transcrit la 2e syllabe avec [e] fermé. D'apr. WARN. 1968, la prononc. en [] ouvert relève du lang. soutenu et celle en [e] fermé du lang. cour. — Rem. Au XIXe s., GATTEL 1841 et FÉL. 1851 transcrivent cette syllabe avec [e] fermé, l'ensemble des dict. notant [] ouvert. Enq. :/2s/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : adressable, adressage, adressant, adresse. Cf. dresser.
Étymol. ET HIST. — 1. Début XIIe s. emploi pronom. « se dresser debout, se lever » (Psautier de Cambridge, éd. F. Michel, XLIII, 26 ds GDF. : Adrece tei [exsurge], aie nus et rachate nus); 1170 trans. « relever, mettre debout » (Rois, éd. Curtius, 199 : faire adrecier les ruines del temple Nostre Seignur). — 1560-1621 « élever, dresser (un monument) » (PASQUIER, Recherches ds HUG.); 2. 1174 emploi pronom. « aller droit vers, se diriger vers (un lieu) » (BENOIT DE STE MAURE, Chron. des ducs de Norm., éd. F. Michel, 3916 ds T.-L. : Tres parmi Seigne s'adrecerent, Dreit a Paris tenent lur curs); 1172-1175 trans. « (obj. animé) diriger (vers qqn) » (CHRÉT. DE TROYES, Chevalier au lion, éd. Förster, 3058 ds T.-L. : adreça Vers lui son palefroi anblant); ca 1155 abs. adrecier à « parvenir jusqu'à (en transperçant avec la lance) » (WACE, Brut, éd. Arnold, 13 090 : E crievent oilz s'il i adercent), d'où a) XIVe s. trans. « émettre (des paroles) en direction de qqn » (Ménagier, éd. Soc. bibliophiles fr., 1, 105, ibid. : adreça ses paroles à elle); 1518 adrecier à « adresser la parole (à qqn) » (Mém. à de Galas, Arch. B.-Pyr. ds GDF. : Par ledit ambassadeur fut commensé le propos adroissant aus dis seigneurs de Chievres, leur disent...); b) 2e moitié XVIe s. trans. « envoyer (qqc) en direction de qqn » (AMYOT, Marc., 14 ds LITTRÉ : Il receut sur son propre corps plusieurs coups qui estoient addressez à Æmylius); 3. 1170 trans. « redresser, mettre en état (un obj.) » (Rois, éd. Curtius, 24 : pur aguiser e adrecier e le soc e le picois); ca 1160 emploi fig. « réparer (un toit) » (WACE, Rou, éd. Andresen, 1, 287 ds T.-L. : E se il a le tort, bien li adrecera). — 1580-1588, emploi fig., MONTAIGNE, I, 254 ds LITTRÉ.
STAT. — Fréq. abs. litt. :7 595. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 13 559, b) 11 406; XXe s. : a) 9 110, b) 9 138.
BBG. — BAILLY (R.) 1969 — BAR 1960. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BOISS.8. — Canada 1930. — CAPUT 1969. — COMTE-PERN. 1963. — Éd. 1913. — JAL 1848. — LE ROUX 1752. — SPR. 1967. — ST-EDME t. 1 1824.
1. adresser [adʀese] v. tr.
ÉTYM. Déb. XVe; adrecier, XIIe; « dresser, redresser » et aussi « diriger » en anc. franç. et jusqu'au XVIIe; de 1. a-, et dresser.
❖
1 Vx. Diriger (qqn, qqch.) vers un but. || Adresser ses pas quelque part, vers une personne, vers un lieu, se diriger.
1 Mais votre frère Attale adresse ici ses pas.
Corneille, Nicomède, I, 1.
2 (XVIe). Littér. Envoyer en direction de qqn. || Il a paré le coup qui lui était adressé (⇒ Appliquer, porter).
3 Cour. Faire parvenir à l'adresse de qqn. ⇒ Envoyer, expédier. || Je n'ai pas reçu la dernière lettre que vous m'avez adressée.
2 Vois cet homme qui passe; il a de quoi payer
Adresse-lui tes dons, ils auront leur salaire.
La Fontaine, Fables, XII, 22.
♦ Spécialt. || Adresser (une lettre, un colis) poste restante, l'expédier en indiquant comme lieu de destination : poste restante. — Adresser (un paquet) franco, l'expédier sans frais pour le destinataire.
♦ Spécialt. Envoyer en dédiant (un ouvrage). ⇒ Dédier. || Il a adressé son dernier livre à quelques amis.
2.1 Maurras y exposait la doctrine devant Bainville, Dimier, Montesquiou, Vaugeois, et même Souday, qui n'était pas ennemi de ces conversations, qui les écoutait comme on essaye un jour un pernod, et à qui Maurras adressait ses livres avec des dédicaces chaudement tournées (…)
Léon-Paul Fargue, le Piéton de Paris, p. 159.
4 Diriger (qqn) vers la personne qui convient. || Le médecin m'a adressé à un spécialiste. || Il m'a adressé son protégé en me le recommandant chaudement. — Au p. p. Vx. || Être bien adressé, vivement recommandé.
3 On sait assez que le destin
Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage.
La Fontaine, Fables, VI, 18.
4 On nous a adressés à vous (…) et nous venons implorer votre aide.
Molière, le Médecin malgré lui, I, 5.
5 Émettre (des paroles) en direction de qqn. || Je ne vous ai pas adressé la parole. ⇒ Parler. || Adresser une question à qqn, l'interroger. ⇒ Poser. || Adresser des compliments, des reproches, des vœux… à qqn. ⇒ Transmettre. || Adresser des injures à qqn, l'insulter. ⇒ Proférer. || Je vous adresse toutes mes excuses. || Ils se sont adressé des mots très durs.
5 Il entend la bergère adressant ces paroles
Au doux zéphir (…)
La Fontaine, Fables, I, 17.
6 Il ne m'a pas trouvé assez bien faite pour m'adresser ses vœux.
Molière, la Princesse d'Élide, V, 2.
7 (…) le reproche qu'on m'adresse de porter atteinte à la religion.
Renan, Vie de Jésus, Avertissement.
7.1 Le duché d'Aumale a été longtemps dans notre famille avant d'entrer dans la maison de France, expliquait M. de Charlus à M. de Cambremer, devant Morel ébahi et auquel, à vrai dire, toute cette dissertation était sinon adressée du moins destinée.
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 951.
♦ Fig. || Il lui adresse un regard furtif. ⇒ Jeter. || Elle adressa aux spectateurs son plus beau sourire. — Ils s'adressèrent un salut réciproque.
6 Vx. Envoyer, tirer (un projectile). — Absolt. Tirer. || Il adresse bien. — Fig. || Adresser une flèche (→ ci-dessus, 5.). ⇒ Décocher.
——————
s'adresser v. pron.
1 (Réfléchi). Aller trouver directement qqn. ⇒ Parler (à), demander (à), recours (avoir recours à), tourner (se tourner vers). || Il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints. || Je ne peux pas vous renseigner, adressez-vous à la concierge.
8 Vous voulez de l'argent, ô mesdames les eaux
Dit-il, adressez-vous, je vous prie, à quelque autre.
Ma foi, vous n'aurez pas le nôtre.
La Fontaine, Fables, IV, 2.
8.1 Maison fermée. Un mur. Personne, sauf un chien sur le mur. Pour louer, s'adresser au chien. Il vous recevra.
J. Renard, Journal, 1906, in T. L. F.
2 (Passif). Être adressé, destiné à, concerner directement. || Ce livre s'adresse à un large public.
9 C'est à vous, s'il vous plaît, que ce discours s'adresse.
Molière, le Misanthrope, I, 2.
10 Ceci s'adresse à vous, esprits du dernier ordre.
La Fontaine, Fables, V, 16.
10.1 C'est comme un ordre (…) qui vient de nulle part et qui ne s'adresse à personne, car il n'est jamais vraiment exprimé.
J.-M. G. Le Clézio, l'Extase matérielle, p. 19.
11 (…) l'écrivain (Lamennais) s'adresse au cœur par toutes les tendresses, à l'esprit par tous les artifices, à l'âme par tous les enthousiasmes.
Hugo, Littérature et Philosophie mêlées, p. 68.
12 (…) l'artiste s'adresse à la sensibilité, non à l'intelligence.
Henri Lichtenberger, Richard Wagner, p. 107.
13 Le plus urgent me paraît être de déterminer en quoi consiste ce langage physique, ce langage matériel et solide par lequel le théâtre peut se différencier de la parole ?
Il consiste dans tout ce qui occupe la scène, dans tout ce qui peut se manifester et s'exprimer matériellement sur une scène, et qui s'adresse d'abord aux sens au lieu de s'adresser d'abord à l'esprit comme le langage de la parole.
A. Artaud, le Théâtre et son double, Idées/Gallimard, p. 54.
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CONTR. Recevoir.
DÉR. Adressable, adressage, 1. adresse, 3. adresse.
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2. adresser [adʀese] v. tr.
ÉTYM. V. 1960; de 1. adresse.
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♦ Munir (un message, une lettre) d'une adresse. — Absolt. || Machine à adresser.
Encyclopédie Universelle. 2012.