ÉPIGRAPHIE
L’épigraphie est l’une des sciences auxiliaires les plus importantes de l’histoire. Elle nous permet de mieux connaître les anciennes civilisations. Pourtant, comme l’écrit l’un des maîtres incontestés de cette science, Louis Robert, «il n’y a pas d’épigraphie en soi, dont on pourrait définir la méthode et l’apport à l’histoire. Ce sont des choses très dissemblables que les runes, l’épigraphie turque de l’Orkhon, les épigraphies phénicienne ou néopunique ou hébraïque ou sahéenne ou iranienne ou l’épigraphie arabe ou les inscriptions khmer.»
L’intérêt privilégié porté aux épigraphies grecque et romaine s’explique par la variété et l’importance des documents qui offrent parfois des séries suivies pour des civilisations où font défaut les archives au sens moderne du mot. Les inscriptions antiques nous renseignent souvent davantage que les œuvres littéraires. Pour mieux en mesurer l’importance, laissons encore une
fois la parole à Louis Robert qui nous montre ce que serait l’épigraphie de notre monde moderne si toutes archives venaient à disparaître: «Que présente l’épigraphie dans un pays moderne? Des bases de statues aux grands hommes, quelques frises inscrites d’édifices civils ou religieux [...]. Cela dans les villes; la campagne n’a pas d’épigraphie, sauf les monuments aux morts des deux guerres [...]. L’épigraphie, pour le moderne, ce sont essentiellement les épitaphes de nos cimetières.»
1. Épigraphie grecque
L’épigraphie grecque étudie les inscriptions gravées sur matière non périssable: pierre, métal, argile, bois. Ce qui exclut les textes enregistrés sur papyrus ou parchemin, réservés aux spécialités que sont la papyrologie et la paléographie. En très grande majorité, ces documents se présentent de manière uniforme: le texte est gravé en majuscules, sans séparation entre les mots. En outre, d’une extrémité à l’autre du monde où l’on écrit le grec, depuis les frontières de l’Inde jusqu’aux landes d’Écosse, l’écriture évolue, en dépit de variantes infinies, selon des lois qui demeurent assez constantes. On peut parler à juste titre de graphie archaïque, classique, hellénistique, impériale, et même, à l’intérieur de ces catégories, préciser une chronologie que dérobe souvent la nature du document ou la différence des calendriers.
La tâche de l’épigraphiste consiste donc à déchiffrer ces documents, à les dater, autant que faire se peut, à les expliquer, à les situer dans l’histoire.
Le nombre des inscriptions grecques est tel que l’on a pu parler d’une «civilisation de l’épigraphie»; les textes jusqu’alors connus se montent à plusieurs centaines de mille, et chaque année apporte sa moisson de nouveautés: plusieurs milliers sont dans les réserves des musées ou demeurent sur les champs de fouilles, et font l’objet, après des délais plus ou moins longs, de publications savantes. Comparés aux textes littéraires, ces documents offrent le grand avantage d’apporter un témoignage authentique, tel que les contemporains l’établirent, sans qu’aucune altération ne lui fasse écran. Leur défaut n’est pas moins certain: il ne s’agit jamais que de documents fragmentaires, soit en raison de leur isolement, soit à cause de leur sujet ou de leur mutilation. Pourvu de ces seules inscriptions, l’historien de la Grèce n’aurait que grains de sable pour reconstruire l’édifice du passé; s’il en est privé, il ne connaît guère que de lointaines façades sans précision ni décor réel. Encore pour les utiliser doit-il se rendre maître d’une technique, se former aux méthodes d’une érudition, faire œuvre enfin d’une compréhension où les divers éléments prennent leur importance relative pour une meilleure connaissance du passé.
Une technique
Communément, et parfois trop exclusivement, l’épigraphie grecque apparaît d’abord comme une technique. L’épigraphiste doit connaître un certain nombre de moyens grâce auxquels il met à la disposition du public les documents qu’il lit sur le terrain ou dans les musées. Cet aspect matériel de l’épigraphie est indéniable et premier; il n’est pas le seul.
Il faut d’abord décrire le document, indiquer sa nature, sa forme, ses dimensions; quand il est incomplet, la configuration de ses cassures; la dimension des lettres, la disposition relative des lignes; constituer en un mot ce qu’on appelle le lemme , fiche signalétique qui permet d’identifier le monument, de le rapprocher d’autres, semblables, ou de fragments du même texte.
Intervient alors la copie; elle doit reproduire aussi fidèlement que possible sur le papier le texte original: lettres en majuscules; fragments de lettres, si le document est endommagé ou brisé; longueur des lacunes en évaluant autant que possible le nombre de lettres disparues. Il faut surtout essayer de ne pas interpréter, mais de lire ce qui est. Pour aider au déchiffrement sur des pierres difficiles ou très usées, on recourt au procédé du charbonnage: on écrase un éclat de charbon de bois sur la pierre humide, on dilue ensuite cette poussière de charbon dans un peu d’eau qu’on répand au doigt à la surface du texte. Le charbon se dépose au creux des lettres et fait ainsi apparaître un instant les traces les plus effacées.
Restent enfin la photographie et l’estampage. Qu’elle soit faite au soleil ou à la lumière électrique, la photographie doit toujours être prise à la lumière frisante, de manière à faire ressortir le relief des lettres.
Estamper consiste à prendre un «moulage» du texte grâce à un papier à dessin sans colle que l’on humecte et que l’on applique à la surface de la pierre en frappant avec une brosse spéciale à manche (brosse à estampage). Le papier humide forme une pâte qui pénètre au creux des lettres et qui, en séchant, conserve la forme exacte de l’inscription, en particulier des vestiges de lettres qui, lus à l’envers ou à la lumière électrique par transparence, permettent des vérifications ou des lectures impossibles sur la pierre. Outre le papier, on dispose du latex: cette gomme liquide, étendue à la surface du document, s’insinue dans les moindres rainures; une fois solidifiée, elle conserve une image fidèle du texte qu’on déchiffre par transparence. L’avantage de ce procédé est que le latex est pratiquement indéformable; mais il présente aussi des inconvénients: son prix de revient est élevé et on ne peut prendre un moulage sur des pierres verticales, ce qui est souvent le cas des textes gravés sur des monuments en place.
Une érudition
Si nécessaire qu’il soit, ce premier travail n’est qu’une préparation du document. Il reste à le comprendre et à le publier. Le comprendre suppose que l’on a reconnu la catégorie à laquelle appartient le monument.
Les catégories de textes
Les textes les plus fréquents sont les inscriptions funéraires, simples noms sur une pierre tombale, parfois accompagnés d’une formule d’adieu, d’une épithète évoquant le métier du défunt ou ses qualités particulières. Plus rares au début, mais d’autant plus précieuses, les inscriptions funéraires métriques, poèmes en l’honneur du disparu, de sa famille, deviennent de plus en plus nombreuses et prolixes à mesure que les siècles passent. Souvent réduites à un simple distique à l’époque archaïque, au IIIe siècle après J.-C., elles constituent de longs poèmes, souvent centons de formules convenues, mais parfois aussi fruits d’une expression élaborée, allusive et révélatrice. D’autres textes, plus prosaïques, interdisent de profaner la sépulture et menacent les violateurs de tombeaux d’amendes à verser à la cité, au fisc impérial, en attendant que les religions révélées fassent des peines éternelles dans l’au-delà le châtiment suprême.
Nombreuses aussi, car elles correspondent aux modes qui se sont imposées de plus en plus à partir de l’époque classique, les dédicaces honorifiques sont souvent le seul vestige des statues que les cités grecques, les collectivités diverses prirent l’habitude de dresser dans les lieux publics pour remercier leurs bienfaiteurs ou honorer les puissants
du jour, notables locaux, officiers royaux, souverains. Les frais en incombaient le plus souvent aux bénéficiaires eux-mêmes, mais ces monuments nous renseignent, en règle générale, sur la nature des bienfaits qui furent la raison de leur érection.
De telles consécrations sont plus intéressantes encore lorsqu’elles sont offertes à un dieu. Les lieux saints antiques étaient encombrés des offrandes innombrables où l’orgueil du dédicant s’alliait si commodément à sa piété, tout particulièrement dans les grands sanctuaires panhelléniques où le nombre des pèlerins garantissait la publicité d’une victoire ou d’une générosité. Des textes de ce genre ne sont pas moins importants quand ils apparaissent dans de pauvres sanctuaires rustiques: combien de cultes ont retrouvé leur nom grâce à la découverte d’une humble dédicace de paysan ou d’un autel portant le nom de son possesseur divin! L’aubaine est encore plus heureuse quand reparaît un règlement de culte, document précieux pour notre connaissance de la religion grecque où la permanence du rite est essentielle.
À partir du IVe siècle surtout, les cités grecques prirent l’habitude de graver sur des stèles les décrets où étaient exposées les raisons de leurs délibérations, les modalités de leurs décisions, qu’il s’agît d’un citoyen, d’un étranger ou d’un groupe de magistrats qu’il convenait de remercier pour son action. Malgré des variantes de détail, significatives du fonctionnement des institutions dans une cité particulière, le schéma général de ces textes reste le même et les formules identiques, ou presque, à travers le monde grec et les diverses époques.
Les traités d’alliance, les actes de correspondance entre souverains et cités, les conventions de paix sont bien plus rares, de même que les textes de lois – ce que l’on appelle, trop injustement pour les autres catégories de documents, les «textes historiques». De telles inscriptions sont importantes, certes; elles découvrent parfois des pans entiers d’histoire; mais, réduites à elles seules, elles ne sauraient apporter des révélations complètes. Elles exigent d’être replacées dans l’ensemble des textes, inscriptions et textes littéraires.
Les publications des inscriptions
Depuis que la Renaissance a découvert l’Antiquité, depuis que les grands voyageurs des XVIIe-XVIIIe siècles ont entrepris de parcourir la Grèce et l’Orient, les inscriptions grecques s’accumulent dans leurs notes, copies souvent imparfaites, dans les musées d’Europe ou même dans les collections particulières. Aux environs de 1820, l’Allemand Böckh entreprit de réunir en une série de publications l’ensemble des inscriptions grecques connues: ce fut le Corpus inscriptionum graecarum (C.I.G. ). Cette tâche fut rigoureusement menée. Continuée par Franz, elle nous conserve pour certaines régions des textes dont l’original n’a pu être retrouvé.
À partir de 1850-1870, la multiplication des voyages et des grandes entreprises archéologiques a rendu nécessaire la refonte de cette publication. Réalisée pour la Grèce, les îles de l’Égée, l’Italie et l’Occident par l’Académie de Berlin, la présentation de ces textes selon un plan géographique constitue la série des Inscriptiones graecae (I.G. ). Reprenant la même formule géographique, d’autres séries sont parues ou sont en cours de parution; elles concernent les pays balkaniques, la Crète, la Syrie, bientôt l’Égypte.
En outre, les grandes fouilles en Grèce (Olympie, Delphes, Corinthe, Délos, Thasos, Lindos, Cos, Samothrace) et en Asie Mineure (Milet, Didymes, Priène, Magnésie du Méandre) ont présenté séparément les textes découverts au cours de l’exploration archéologique. Pour l’Asie Mineure en général, les inscriptions restent malheureusement encore trop dispersées, que l’on en soit réduit à des publications anciennes ou que l’on doive les chercher dans des revues très diverses.
Tandis que l’on continue ces recueils géographiques, d’autres entreprises ont réuni les documents selon leur nature, assortissant souvent d’un commentaire les textes rassemblés: ainsi des Inscriptions juridiques grecques de Dareste-Haussoullier-Reinach, ou de la Sylloge inscriptionum graecarum et des Orientis graeci inscriptiones selectae de W. Dittenberger où les textes les plus directement utiles à l’historien de l’Antiquité grecque sont rassemblés et commentés. Les deux volumes des Greek Historical Inscriptions , dus à M. N. Tod, complètent cette publication jusqu’à la mort d’Alexandre. Des études comme celle de B. Laum, Stiftungen in der griechische und römische Antike , pour les fondations, celle de H. Bengtson, Die Verträge der griechisch-römischen Welt , pour les traités d’alliance et les actes diplomatiques, celle de C. B. Welles, Royal Hellenistic Correspondence , pour les lettres royales adressées aux cités, ou celle de F. G. Maier, Griechische Mauerbauinschriften , pour les constructions de remparts, ont aussi classé les documents selon leur nature et constituent des instruments de travail commodes pour des études plus générales. C’est en se fondant sur des critères chronologiques que L. H. Jeffery a établi son recueil des Local Scripts of Archaic Greece où elle a commenté les divers textes archaïques constituant une véritable somme des écritures locales. On devra se montrer plus prudent en utilisant les trois volumes des Inscriptiones graecae ad res romanas pertinentes commencés par Cagnat, continués par Lafaye, ou même la monumentale publication de W. Peek, Griechische Vers-Inschriften , t. I: Grab-Epigramme , où le souci de reconstituer les poèmes l’emporte parfois sur les exigences scientifiques ou même raisonnables. Il n’en reste pas moins que de tels recueils sont précieux et doivent être continués pour utiliser l’incessant apport des nouveautés.
Déjà, pour inclure au moins les découvertes postérieures à la publication des Inscriptiones graecae dans un recueil aisément accessible, le Hollandais Hondius entreprit, à partir de 1925, de publier le Supplementum epigraphicum graecum (S.E.G. ), où les textes sont classés selon l’ordre géographique. Malgré parfois de longs délais, cette série continue actuellement, assurée par l’Anglais Woodhead.
Le meilleur instrument de travail est sans nul doute le Bulletin épigraphique , que Jeanne et Louis Robert publient dans la Revue des études grecques depuis 1938, d’abord en collaboration avec R. Flacelière, puis seuls depuis 1940. Chaque année, les auteurs de ce bulletin recensent l’ensemble de la production épigraphique, critiquant à la lumière d’une science incomparable toutes les publications, remettant sur pied bien des éditions boiteuses ou malheureuses. Nul ne saurait s’engager dans la recherche épigraphique et historique grecque qu’il n’ait fréquenté assidûment cette recension.
La méthode des restitutions
La possession de la technique épigraphique, la lecture des recueils où les inscriptions sont présentées ne suffisent pas en effet à former l’épigraphiste pour la publication d’inscriptions nouvelles. Il doit faire sienne une méthode qui, grâce au nombre de textes, grâce aux travaux accomplis, a pris en épigraphie grecque une forme et une rigueur auxquelles d’autres spécialités n’ont pas encore atteint.
Au milieu du XIXe siècle, le Français Letronne, éditant des inscriptions grecques d’Égypte, fixait les règles premières de ce travail. Depuis lors, des savants tels que M. Holleaux en France, A. Wilhelm en Autriche ont défini par leurs travaux la voie qu’il convenait de suivre pour restituer les textes épigraphiques; enfin l’œuvre de L. Robert, dans l’enseignement oral comme dans les publications, a mis en évidence les résultats auxquels on peut prétendre, les limites auxquelles il convient de s’arrêter.
L’essentiel de la méthode réside dans la connaissance des parallèles, dans la familiarité avec les documents non seulement d’une même région – ce qui condamne une épigraphie qui se borne à étudier les textes d’une seule cité ou d’un seul sanctuaire –, mais encore de la même catégorie: ainsi restituera-t-on à Corinthe la liste des victoires d’un athlète d’après des listes parallèles trouvées dans les lieux les plus divers du monde antique. Une restitution qui ne peut invoquer de textes homologues ne saurait être vraiment prise en considération. Comme le rapporte L. Robert, «La problématique perd ses droits. Elle n’est que rhétorique là où il n’y a pas de documents». En revanche, même si l’on ne retrouve pas nécessairement l’expression exacte, le rapprochement de formules empruntées à un texte semblable assure de la validité du résultat. Ainsi comprise, la publication épigraphique cesse d’être un travail de «technicien» pour s’engager au contraire dans une recherche incessante, qui se nourrit non seulement de la lecture des inscriptions, mais des textes littéraires ou de l’étude de la numismatique; M. Holleaux comme A. Wilhelm ont fait voir tout ce que la restitution gagnait à l’étude stylistique des auteurs classiques, hellénistiques ou de la grécité impériale; L. Robert y a ajouté la connaissance des monuments, celle des monnaies, la signification des types monétaires, des inscriptions gravées sur les pièces. Tant il est vrai que l’épigraphie grecque ne se suffit pas à elle-même, exige au contraire une ouverture constante sur la documentation du monde auquel elle appartient pour atteindre à une compréhension véritable.
L’exploitation des inscriptions
Les inscriptions grecques n’intéressent donc pas les seuls «spécialistes» ou même les seuls «historiens». Certes, la multiplication des textes, en particulier sur un même site, a permis de mieux discerner l’évolution de l’écriture, de mieux dater les documents. Mais cette précision chronologique, si elle est appréciable, ne doit jamais être tenue pour absolue: il existe des textes regravés, ou gravés, pour des raisons qui nous échappent, longtemps après l’événement qui a motivé les décisions. Jamais les critères externes ne doivent l’emporter sur les raisons internes, sur le sens du texte.
Le philologue en revanche trouve beaucoup à apprendre dans les textes épigraphiques: l’évolution de la morphologie y est saisie réellement; on y assiste à la disparition des formes anciennes, à la propagation des formes analogiques qui composent la langue commune de l’époque hellénistique; une étude des dialectes grecs ne peut se concevoir sans le recours aux inscriptions: les formes originales subsistent plus longtemps dans les régions rurales, dans les provinces isolées; elles se maintiennent davantage dans les textes religieux, elles disparaissent plus vite dans les grandes cités commerçantes ou les grands lieux de rencontre panhelléniques. Tel texte de Thessalie du début du IIIe siècle avant J.-C. témoigne d’une résistance surprenante du dialecte à un moment où la langue d’Athènes est déjà celle de la koinè (langue commune). Il n’est pas rare enfin qu’une inscription apporte un ou plusieurs mots nouveaux, enrichissant notre lexique ou faisant disparaître le caractère unique de ce que l’on tenait jusqu’alors pour la création d’un auteur, poète ou prosateur.
Dans le domaine des institutions et du droit grec, le rôle des inscriptions est plus décisif encore. Il n’est plus possible désormais d’expliquer un texte politique de Démosthène sans se référer au fonctionnement des institutions que révèlent les actes juridiques de la démocratie athénienne: l’exorde du Discours sur la couronne s’éclaire d’un jour nouveau quand on sait qu’il commente terme à terme, paragraphe par paragraphe, le décret de Ctésiphon, tel que nous pouvons le rétablir par les documents contemporains; ce qui semblait emphase oratoire se révèle soudain vocabulaire technique et précis: terminologie de l’administration financière, des relations entre prêteurs et emprunteurs, entre maîtres et esclaves affranchis. Tout un ensemble de formules auxquelles on ne prêtait qu’une médiocre attention prennent, grâce aux inscriptions, un sens particulier, comme s’éclairent les rapports des assemblées entre elles, du conseil et de l’assemblée du peuple, des magistrats et du corps civique.
L’histoire grecque demeure néanmoins la spécialité privilégiée où l’épigraphie est souvent tenue pour l’humble servante. Les «historiens» ont souvent tendance à considérer qu’il existe deux sortes d’inscriptions: les grands textes historiques et les autres. Découvre-t-on à Trézène une inscription gravée à la fin du IVe siècle ou au début du IIIe siècle avant J.-C., texte où, apparemment, un chroniqueur a composé un décret apocryphe relatif à la décision que prirent les Athéniens en 480, sur le conseil de Thémistocle, d’abandonner Athènes et de courir leur chance sur mer, il n’est pas un historien qui ne juge utile de dire son opinion sur ce texte: une discussion infinie s’engage sur la véracité d’Hérodote ou l’authenticité du nouveau document. Certes, des textes nouveaux éclairent brusquement des périodes que les lacunes de la documentation littéraire laissaient dans l’obscurité: un traité conclu entre les Étoliens et Rome en 212 avant J.-C. oblige à réviser notre conception des rapports entre Rome et l’Orient à cette date; une longue inscription trouvée au Létôon de Xanthe, en Lycie, révèle une action du roi de Macédoine en Grèce centrale au milieu du IIIe siècle avant J.-C., et aucun texte ne la laissait prévoir. De telles découvertes sont précieuses et constituent un événement. Elles témoignent du renouvellement incessant qui fait de l’histoire de l’Antiquité classique un domaine en perpétuelle évolution. Elles ne sont pas les seules à modifier notre savoir.
«Chaque document nouveau, en plus de ce qu’il apporte, permet d’éclairer, si l’on fait les rapprochements nécessaires, le sens des textes ou objets déjà connus parfois depuis cent ans ou plus, et qui étaient énigmatiques ou mal compris: chacun est comme une pierre dans l’eau qui suscite et prolonge très loin des remous et des ondes» (L. Robert). La conscience de la solidarité indissoluble de la documentation antique donne à l’épigraphie grecque son vrai sens. Les innombrables inscriptions funéraires, si longtemps négligées, prennent une signification nouvelle si l’on s’attache à l’étude des noms propres qu’elles révèlent, à la formation de ces noms, à leur diffusion, aux modes qui les font se répandre, aux contacts et aux échanges dont ils gardent la trace. Il n’est pas de texte négligeable aux yeux de l’historien de la civilisation, et cela d’autant moins qu’il s’applique à replacer le document dans son cadre géographique, dans la vie réelle qui fut la sienne. En un temps où la technique va se perfectionnant sans cesse, la spécialisation s’accentuant chaque jour, l’épigraphie grecque risque de céder à la facilité et à la technicité si elle ne collabore pas avec les autres branches de la recherche.
2. Épigraphie latine
Les villes romaines présentaient au regard du passant les textes les plus divers et, à l’inverse du caractère passager et transitoire de l’affichage et de la publicité modernes, cette présence universelle d’écrits destinés à défier le temps devait contribuer à donner à la vie des Anciens le sens du durable et du permanent.
La première tâche de l’épigraphiste est de partir à la quête de ces précieux documents qui font connaître directement la réaction du Romain en face d’un événement ou présentent son comportement à l’égard de ses magistrats ou de ses dieux. Les fouilles archéologiques poursuivies méthodiquement sur des sites de villes ou de nécropoles multiplient le nombre des inscriptions qui reviennent au jour. Beaucoup d’autres que le hasard du travail quotidien des champs a fait remonter à la surface du sol sont disséminées dans les campagnes ou les villages de la région étudiée, et le savant qui sait susciter et utiliser les indications des habitants du pays en trouve fréquemment incorporées aux constructions modernes ou abandonnées au fond d’une grange ou d’un grenier obscur. Les réserves des musées elles-mêmes recèlent encore bien des textes inédits et l’établissement de catalogues minutieux et exhaustifs s’impose comme le premier des travaux à accomplir.
La lecture des inscriptions latines, rédigées en un langage familier au chercheur, présente rarement de graves difficultés. Elles sont cependant caractérisées par une rédaction brève et concise, et il arrive très souvent que seule la lettre initiale du mot soit gravée. Il faut s’habituer à de semblables abréviations que l’on appelle sigles.
L’alphabet latin et les formes de l’écriture épigraphique
L’alphabet latin, qui fait son apparition au cœur de l’Italie à l’extrême fin du VIIe siècle avant J.-C., est d’origine hellénique. Mais ce sont les Étrusques qui l’ont transmis aux Latins comme aux autres peuples qui occupaient différentes régions de la péninsule italienne, Ombriens, Osques, Falisques, Vénètes. La plus ancienne inscription latine connue se lit sur une fibule d’or découverte à Préneste; elle remonte aux environs de 600 avant J.-C., mais, jusqu’à l’époque de César (seconde moitié du Ier s. av. J.-C.), les inscriptions romaines sont assez rares. La marche de l’histoire et de la culture a été bien plus lente à Rome qu’en Grèce ou bien en Étrurie, et la littérature latine elle-même n’a pas vu le jour avant le IIIe siècle avant J.-C.: quant à l’art romain, il est apparu plus tard encore. Ainsi, pendant près d’un demi-millénaire, l’écriture est utilisée parcimonieusement dans le Latium et à Rome. Chaque inscription archaïque nouvelle est, dans ces conditions, une aubaine pour le savant. Très souvent, il s’agit de textes religieux, car l’écriture est demeurée longtemps l’apanage d’une classe de spécialistes, scribes attachés aux temples ou prêtres eux-mêmes.
L’écriture romaine utilisée dans les inscriptions était une écriture capitale qui s’inscrivait entre deux lignes parallèles. Jusqu’au Ier siècle avant J.-C., plusieurs lettres, comme le A, le E, le F, le Q, ont un caractère cursif qui leur confère un aspect archaïque. Mais à l’époque impériale, l’écriture épigraphique est devenue d’une grande régularité et les inscriptions revêtent à la fois noblesse et beauté. Les textes gravés sur bronze, textes législatifs, actes publics ou bien privés, sont rédigés en une écriture un peu différente, aux lettres hautes, étroites et parfois négligées. Cette écriture dite actuaire ne pose cependant aucune difficulté de lecture. Dans l’Antiquité comme à toutes les autres époques, l’homme aimait à tracer rapidement sur les parois des maisons ou des édifices publics des inscriptions traduisant ses réactions, ses amours ou ses haines. De tels graffiti, dont il existe de nombreux exemples, étaient rédigés en une écriture simplifiée, cursive, souvent difficile à déchiffrer. Les combinaisons de plusieurs lettres, dites ligatures, y sont fréquentes, variées et complexes. Dans l’écriture monumentale, elles sont beaucoup plus simples et plus rares.
Données générales
Dans les inscriptions de Rome, le simple particulier apparaît avec son nom, le magistrat avec ses titres, l’empereur avec les dénominations dont il est seul à bénéficier. Parmi les qualités que suppose l’étude épigraphique figurent donc la familiarité avec les noms romains, leur formation et leurs caractères, la connaissance de l’administration romaine et de ses rouages, celle enfin des différents éléments de la titulature impériale.
Le citoyen romain possédait un prénom, un nom et un surnom ; ces tria nomina forment un ensemble auquel s’ajoutent encore la mention du prénom du père et celle de sa tribu d’origine. Le nom est commun à tous les membres d’une même famille ou gens , tandis que le prénom est une appellation individuelle que reçoit l’enfant quelques jours après sa naissance. Le nom d’une femme est moins complexe; en général, elle n’a pas de prénom, sa tribu est rarement mentionnée; cependant, après son nom, figurent sa filiation et son surnom, parfois, au génitif, le nom de son époux. De père en fils, la transmission des noms obéit à des lois simples. L’enfant adopté abandonne ses tria nomina et prend ceux de son père adoptif. L’esclave, qui n’est pas une personne mais une chose, n’a qu’un nom, suivi de celui dont il est la propriété. Le nom du maître est au génitif et se trouve parfois accompagné du mot servus . Par contre, sous l’Empire, quand il a été affranchi, il porte le plus souvent trois noms. Ses nom et prénom sont ceux du maître qui l’a affranchi et il conserve, en guise de surnom, son nom d’esclave. Contrairement à l’homme libre, il n’indique pas sa filiation et le patron tient la place du père légal qui lui a manqué quand il était esclave. L’ancien esclave se dira donc affranchi, libertus , de son ancien maître et le prénom de celui-ci est indiqué au génitif.
Le sentiment du service rendu à l’État est resté particulièrement vif tout au long de l’histoire de Rome, et la légitime ambition du fonctionnaire comme du soldat s’exprime dans un nombre extrêmement élevé d’inscriptions honorifiques ou bien funéraires. Les carrières qui s’offrent ainsi à nos yeux ressuscitent les divers aspects de l’administration romaine, qui était soumise à des règlements précis et fonctionnait avec souplesse et efficacité.
L’empereur est naturellement présent sur un grand nombre d’inscriptions et son nom est accompagné d’une série de titres et d’appellations qui se présentent toujours sous la même forme et dans le même ordre. Plusieurs des éléments de la titulature impériale ont une valeur religieuse et contribuent à créer autour de la personne de l’empereur une sorte de halo mystique et sacré. Le premier terme qui ouvre l’énoncé de toute titulature est imperator . Ce titre, placé en tête, devient un véritable prénom abrégé en imp. Imperator est suivi de Caesar , cognomen de la gens Julia que tous les empereurs reprirent tour à tour. Viennent ensuite l’indication de la filiation du prince et ses noms personnels. Le titre d’Augustus , qui fut donné au premier empereur, à Auguste, en 27 avant J.-C., fut repris par ses successeurs comme un véritable cognomen. Issu du langage religieux, le mot confère à celui qui le porte un prestige dépassant la condition humaine ordinaire. C’est Augustus qui termine le nom même de l’empereur, mais la titulature impériale comporte ensuite un certain nombre de surnoms et de mentions de dignités. Les guerres victorieuses valent à l’empereur des surnoms tirés du nom même des peuples qu’il a soumis: Germanicus , Dacicus . Constante est la mention du sacerdoce principal de Rome que César, Auguste et leurs successeurs ont tour à tour revêtu, pontifex maximus ; constante aussi celle de la puissance tribunicienne, comptée année par année et qui permettait de préciser la durée des règnes. Cette indication sert aujourd’hui à dater exactement les inscriptions sur lesquelles elle figure. Enfin la titulature comporte à nouveau la mention imperator , suivie d’un chiffre qui indique, à cet endroit, le nombre des salutations impériales recueillies, celles-ci correspondant à chaque nouvelle victoire, puis l’indication du nombre de consulats obtenus, enfin le titre de pater patriae , titre honorifique s’il en fut et que le Sénat et le peuple romain accordèrent à Auguste en l’an 2 avant J.-C. Après sa mort, l’empereur était élevé au rang des dieux et le titre de Divus lui était décerné; il figure dans maintes inscriptions de Rome ou des provinces.
Les diverses classes d’inscriptions
Tous les aspects de la vie romaine s’expriment dans l’épigraphie, et on analysera rapidement ici les grandes classes d’inscriptions. Naturellement, la vie religieuse en a suscité de nombreuses dans lesquelles s’expriment l’espoir, la foi, la reconnaissance des fidèles à l’égard des dieux qui règlent la vie des hommes et celle des cités. Au départ, les dédicaces aux divinités sont très courtes et ne comportent que quelques mots. Ainsi lit-on sur tel ou tel ex-voto: coupe [offerte] à Minerve, coupe [offerte] à Vesta. Puis la rédaction se complique, le nom du dédicant fait son apparition et le texte indique ses qualités, ses titres, les raisons de l’offrande, ce qu’elle a coûté, sa date. Enfin, des formules diverses expriment l’acte même du don, de l’offrande: dat , il donne; dedit , il a donné; dedicavit , il a dédié; faciendum curavit , il a fait faire; votum solvit , il s’est acquitté de son vœu. Ces formules apparaissent sous forme de sigles: D, FAC CUR, VS. L’histoire religieuse tire profit de tous ces textes dans lesquels le fidèle s’adresse à son dieu et donne les raisons de son geste. Le tableau vivant de la vie culturelle de Rome et des provinces, tableau infiniment complexe, renaît ainsi. Le meilleur historien des religions orientales dans l’Empire romain, F. Cumont, a largement utilisé l’épigraphie pour éclairer la propagation et la popularité grandissante en Occident des cultes venus d’Orient, tels les mystères de Mithra.
L’admirable publicité que permettait la gravure sur pierre amena tout naturellement les Romains à multiplier les inscriptions honorifiques à la gloire de leurs grands hommes. Ainsi leurs bienfaits et leur renom demeuraient publics et chacun en pouvait prendre aisément connaissance. À partir de la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.), l’habitude se développa à Rome d’élever des statues en souvenir des citoyens illustres disparus et de graver de véritables éloges sur les socles. Autour de son forum, Auguste en fit dresser à la gloire de ceux qui avaient, par leur vie et par leurs actes, contribué à la grandeur de Rome. Sur leurs bases étaient gravés des elogia dont on fit des copies en diverses cités de l’Italie. Dans les siècles suivants, ce type d’hommage fut aussi offert à l’empereur; mais les villes et les provinces ne manquèrent pas non plus d’honorer de la sorte les citoyens auxquels elles devaient reconnaissance pour leur protection et leurs bienfaits.
Le culte funéraire a toujours eu de l’importance à Rome. Pour les anciens Romains, les morts continuaient à vivre dans leurs tombes, d’une existence ralentie, certes, et médiocre, mais cependant substantiellement semblable à celle des vivants. Il leur fallait donc le vin des offrandes et le sang des sacrifices pour retrouver un peu de l’ancienne vigueur qui avait été la leur sur terre. L’épitaphe contribue pour sa part à la survie du mort et c’est la raison pour laquelle le nombre des épitaphes romaines parvenues jusqu’à nous est très élevé.
Ces inscriptions sont dédiées à la mémoire ou bien aux dieux mânes du défunt, du moins à partir de l’époque d’Auguste. Le mort est connu par son nom, souvent par l’indication de sa filiation, de son domicile, de sa tribu et des honneurs qui lui ont été accordés de son vivant. Conformément à la mentalité romaine éprise de précision, la durée de sa vie est donnée avec exactitude; au nombre des années peut s’ajouter celui des mois, des jours et des heures que le destin lui a accordés. Ces inscriptions funéraires n’ont rien de figé, de glacé. Le mort lui-même souvent prend la parole et s’adresse au passant, comme à un ami. Il lui demande de lire son épitaphe et parfois d’appeler à haute voix son nom: «Consiste viator », «Arrête-toi, voyageur»; une formule de ce genre frappait sans cesse le regard du passant le long des voies funéraires qui partaient des portes de Rome.
Mais si le mort, dans son épitaphe, sollicite souvent l’attention et même l’amitié du voyageur, il redoute aussi l’avidité sacrilège de ceux qui oseraient empiéter sur son enclos funéraire et ne craindraient pas de violer sa tombe. Certes les pontifes, gardiens du jus sepulcrorum , du droit des tombeaux, veillaient sur eux. Mais il ne fallait rien laisser dans l’imprécision, et les épitaphes notent souvent la largeur et la profondeur de l’enclos. Il y est aussi dit fréquemment que la tombe est l’inaltérable propriété du mort, qu’elle demeure en dehors de l’héritage, et qu’il faut laisser un passage pour permettre au culte funéraire de s’exercer librement. Ces précisions d’ordre juridique ne semblaient pas toujours suffisantes et le défunt profère de terribles imprécations contre l’éventuel profanateur de sa sépulture. «Que la terre ne te soit jamais légère si tu oses toucher à cette tombe», telle est la menace dont le défunt attend salut et sauvegarde. Sous l’Empire, l’influence des religions orientales favorise la diffusion d’une croyance plus ou moins nette en une survie céleste et bienheureuse. L’étude de l’épigraphie impériale a permis à F. Cumont de mesurer l’étendue de cette foi nouvelle en une héroïsation après la mort et en une immortalité tant souhaitée.
Actes publics et privés
Peu d’actes privés sont parvenus jusqu’à nous en raison du caractère périssable des objets (tablettes de cire par exemple) sur lesquels ils étaient inscrits. Mais le nombre des actes publics de tous genres qui sont entre nos mains est élevé: documents divers et précieux émanant du peuple (textes de lois et plébiscites), du Sénat (sénatus-consultes), de l’empereur (édits, décrets, rescrits et lettres), des magistrats (édits, rescrits et décrets), des municipalités ou des collèges sacerdotaux. C’est là une documentation capitale sur la vie législative, politique et administrative de Rome et de son Empire. Les fastes consulaires qui énumèrent les noms des consuls, des dictateurs et de leurs magistri equitum , des tribuns consulaires et des censeurs, les fastes triomphaux qui contiennent les noms des triomphateurs en précisant le lieu et la date de leurs triomphes et le nom des peuples vaincus fournissent des bases sûres à la chronologie romaine.
La civilisation romaine est une civilisation urbaine qui a multiplié les villes, parées des monuments les plus variés, sur le sol de l’Italie et des provinces. Fier des réussites architecturales sorties de ses mains, le Romain inscrivait sur le nouvel édifice le nom du personnage qui l’avait fait élever ou restaurer, les raisons qui avaient amené sa construction, la date de celle-ci. Ainsi les monuments publics présentaient au regard leurs actes de naissance, sous forme d’inscriptions particulièrement soignées et qui atteignaient parfois elles-mêmes à la dignité d’œuvres d’art. Quand il s’agissait de temples, d’arcs de triomphe ou d’autres monuments d’importance, les lettres de ces inscriptions étaient souvent incrustées de bronze, mais le métal a depuis lors disparu. Grands constructeurs de routes, les Romains n’avaient pas omis de matérialiser les distances entre les villes. Tous les milles (1 481 m), des bornes renseignaient le voyageur et portaient l’indication de la distance les séparant du point de départ ou d’aboutissement de la route et la mention du magistrat ou de l’empereur qui les avait fait ériger.
Il est enfin une foule d’objets de destinations fort variées sur lesquels de courtes inscriptions apparaissent: elles indiquent le plus souvent la provenance de l’objet. Brèves, rapidement tracées, parfois très elliptiques, elles n’en fournissent pas moins de précieuses données sur tel ou tel aspect de la vie économique, sociale ou religieuse du monde romain. On notera tout particulièrement l’intérêt des estampilles sur briques ou tuiles de construction; elles apprennent de quelle fabrique et de quel atelier briques ou tuiles étaient issues. L’histoire édilitaire de Rome trouve dans ces données les plus riches renseignements. Il y a aussi des marques de fabrique sur les vases ou les lampes d’argile, et l’on peut suivre ainsi l’activité d’ateliers célèbres, tels ceux d’Arezzo. Objets de bronze, vases de verre, timbres ou cachets de métal servant à imprimer une signature sur l’argile fraîche portent le nom de leur propriétaire, comme aussi les tessères romaines, pièces de bois, de métal ou d’ivoire qui permettaient à leurs détenteurs d’être admis à telle distribution de blé, ou bien à tel spectacle. C’est toute la vie quotidienne du Romain qu’on retrouve ainsi grâce à ce que les épigraphistes appellent l’instrumentum romain.
épigraphie [ epigrafi ] n. f.
• 1838; de épigraphe
♦ Didact. Science qui a pour objet l'étude et la connaissance des inscriptions. Épigraphie grecque, latine, phénicienne. ⇒ paléographie.
● épigraphie nom féminin (de épigraphe) Science auxiliaire de l'histoire, qui étudie les inscriptions sur matière durable, comme la pierre et le métal. (Elle est particulièrement utile dans la connaissance de l'histoire des civilisations antiques, dont la plupart des documents périssables ont disparu.)
épigraphie
n. f. Didac. étude des inscriptions sur pierre, bois, métal.
⇒ÉPIGRAPHIE, subst. fém.
Science auxiliaire de l'histoire ayant pour objet l'étude des inscriptions (parmi lesquelles les épigraphes), généralement anciennes, gravées ou parfois peintes sur des supports durables. Épigraphie antique, grecque, latine :
• 1. ... l'épigraphie est science relative toujours subordonnée à la découverte d'un texte nouveau, qui contredit les données antérieures, quand elle n'est pas à la merci des humeurs des épigraphistes...
BENOIT, Atlant., 1919, p. 99.
— P. méton. Ce que cette science étudie :
• 2. Il est probable que cette explication est valable pour toutes les autres localités nommées Lugdunum, bien qu'on n'ait encore trouvé aucune mention du dieu Lugus dans l'épigraphie gallo-romaine de Lyon et de ses villes homonymes; ...
L'Hist. et ses méth., 1961, p. 682.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. 1838 (Ac. Compl. 1842). Dér. de épigraphe; suff. -ie. Fréq. abs. littér. :5.
DÉR. Épigraphiste, subst. Spécialiste en épigraphie (supra ex. 1). — []. Ds Ac. 1878 et 1932. — 1re attest. Av. 1870 (Renan ds Lar. 19e); du rad. de épigraphie, suff. -iste. — Fréq. abs. littér. : 3.
épigraphie [epigʀafi] n. f.
ÉTYM. 1838; de épigraphe.
❖
♦ Didact. Science qui a pour objet l'étude et la connaissance des inscriptions. || Épigraphie grecque, latine, phénicienne. ⇒ Paléographie (→ Causer, cit. 8). || Étudier l'épigraphie. ⇒ Épigraphiste.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
❖
DÉR. Épigraphique, épigraphiste.
Encyclopédie Universelle. 2012.