ÉPAULE
L’épaule humaine est un ensemble d’articulations qui unissent le membre supérieur au squelette thoracique. Les os en présence sont le sternum, le premier arc costal, les deux éléments de la ceinture scapulaire (clavicule en avant et omoplate en arrière), enfin l’humérus, os du bras. Les moyens d’union constituent à la fois de véritables articulations, du type diarthrose, et des fausses articulations, ou espaces de glissement. Cependant, toutes fonctionnent en synergie dès que les mouvements atteignent une certaine amplitude. En contrepartie de sa grande mobilité, ce système articulaire est relativement fragile.
Description
L’articulation sterno-claviculaire met en relation l’extrémité interne de la clavicule avec le bord supérieur du sternum et le premier cartilage costal. Un ménisque transforme cette diarthrose du type «emboîtement réciproque» en une véritable énarthrose, lui conférant ainsi une plus grande mobilité. Trois ligaments capsulaires, dits sterno-claviculaires, renforcent cette jointure. Mais le rôle principal est dévolu à un ligament
«à distance», le ligament costo-claviculaire, véritable axe des mouvements. Il se situe à quinze millimètres de l’articulation sterno-claviculaire, ce qui amplifie les déplacements de l’extrémité externe de la clavicule (fig. 1).
L’articulation omo-claviculaire est une arthrodie qui met en présence l’extrémité externe de la clavicule et une volumineuse saillie de l’angle externe de l’omoplate, l’acromion. L’articulation est renforcée par le ligament acromio-claviculaire, élément de la partie supérieure de la capsule, et par deux ligaments à distance, les ligaments coraco-claviculaires. L’articulation omo-claviculaire est biseautée, avec un interligne presque vertical, d’où la relative fréquence des luxations externes de la clavicule.
Os horizontal, incurvé en S italique, tendu en pont entre le sternum et l’omoplate, la clavicule se fracture souvent lors d’une chute sur le moignon de l’épaule. Sur le plan dynamique, par son extrémité distale, elle maintient «à bout de bras» l’omoplate, et, partant, tout le membre supérieur.
L’articulation scapulo-thoracique est un simple espace de glissement interposé entre l’omoplate et la paroi thoracique. L’omoplate est un os plat, triangulaire, plaqué sur le versant postéro-latéral des sept premières côtes. Sa face antérieure, ou thoracique, est concave, matelassée par le muscle sous-scapulaire. Entre ce muscle et le plan des côtes et des muscles intercostaux, s’intercale une épaisse nappe charnue, le muscle grand dentelé. Les déplacements de l’omoplate s’effectuent entre le grand dentelé et la paroi du thorax, par l’intermédiaire d’une lame de tissu conjonctif lâche (la fausse articulation thoraco-serratique de Gilis, fig. 2). Ces déplacements sont soit des mouvements de translation, soit des mouvements de rotation. Translation verticale dans l’action de hausser les épaules, sous l’action du muscle trapèze; translation horizontale, projetant l’épaule en dehors (omoplates décollées) par le muscle grand dentelé, ou en dedans, contre le rachis, par le muscle rhomboïde. Rotation autour d’un axe passant par le col de l’omoplate: celle-ci bascule, donnant lieu au mouvement de sonnette qui est facilement repérable au niveau de la pointe de l’os. Les deux variétés de déplacements se combinent fréquemment; ainsi, sous l’action du grand dentelé, l’omoplate subit à la fois une translation en dehors et une rotation externe, mouvement obligatoire dès que l’élévation du bras atteint une certaine amplitude.
L’articulation scapulo-humérale est la pièce maîtresse de l’épaule; les surfaces cartilagineuses comprennent la tête de l’humérus et la cavité glénoïde de l’omoplate. Les modes de station et de locomotion se reflètent dans la configuration des surfaces articulaires, le développement des moyens de contention, l’orientation de l’omoplate. Le membre antérieur des quadrupèdes prend appui au sol; l’omoplate a une disposition franchement latérale, la capsule et les ligaments sont relativement solides. La station érigée de l’homme et la locomotion bipède «libèrent» le membre supérieur de ses fonctions d’appui. Il acquiert une plus grande mobilité, qui se traduit par les particularités suivantes: une orientation nettement postérieure de l’omoplate, inclinée à 30 ou 400 par rapport au plan frontal; une tête humérale bien développée (un tiers de sphère) opposée à une cavité glénoïde plus petite, trop plane, entraînant à la fois l’incongruence et le non-emboîtement des surfaces en présence. Il existe, certes, un bourrelet glénoïdien, fibro-cartilage en forme d’anneau qui augmente la concavité de la glène, mais la capsule, très mince, maintient mal les deux os.
Trois ligaments gléno-huméraux, plaqués sur la capsule, et un élément plus résistant, le ligament coraco-huméral, situé au pôle supérieur de l’articulation, n’assurent qu’une contention insuffisante.
Le rôle principal est dévolu aux tendons des muscles voisins: biceps et courts-rotateurs. La longue portion du muscle biceps brachial s’insère sur le col de l’omoplate et le bourrelet, au pôle supérieur de la glène. Son trajet initial, horizontal, dirigé de dedans en dehors, place le tendon à l’intérieur de la capsule articulaire.
On appelle courts-rotateurs quatre muscles, nés de l’omoplate, qui recouvrent par leurs tendons la capsule de l’épaule et se terminent sur les tubérosités de l’humérus. Il s’agit du sous-scapulaire en avant, inséré sur le trochin, du sus- et du sous-épineux en haut, du muscle petit rond en arrière, ces trois derniers se fixant sur le trochiter (fig. 3).
La deuxième articulation de l’épaule , ou fausse articulation acromio-humérale, est un espace de glissement, occupé par une volumineuse bourse séreuse. Elle coiffe les quatre tendons courts-rotateurs, et permet à l’extrémité supérieure de l’humérus, engainée par ces tendons, de glisser sous la voûte acromio-claviculaire. Le muscle deltoïde recouvre le tout, d’où le nom de bourse séreuse sous-deltoïdienne qui désigne parfois la bourse sous-acromio-coracoïdienne.
Physiologie
L’élément de base, l’articulation scapulo-humérale, articulation de la racine du membre supérieur, est une énarthrose ; elle permet des mouvements autour d’une infinité d’axes, et son jeu, de très grande amplitude, se reflète dans la circumduction. L’orientation de l’omoplate guide les déplacements naturels du bras. Autour d’un axe parallèle à la plaque de l’omoplate ont lieu l’antépulsion du bras, ou flexion qui dirige le membre supérieur en avant et en dedans, et la rétropulsion, ou extension qui l’amène en arrière et en dehors. L’abduction, ou latéralité en dehors, dirige le bras un peu en avant, autour d’un axe perpendiculaire à l’omoplate. L’adduction, ou latéralité en dedans, est limitée par la présence du thorax; une flexion préalable du bras lui donne une certaine amplitude, par exemple dans l’action de se croiser les bras.
Il existe enfin un mouvement de rotation, interne ou externe, qui s’effectue autour d’un axe vertical.
Articulation fragile, exposée aux traumatismes, l’épaule est protégée par deux butées osseuses, l’apophyse coracoïde en avant, l’acromion en dehors. Elles n’entravent nullement l’amplitude des mouvements; dans l’abduction du bras, par exemple, l’omoplate entre en jeu dès que le déplacement approche de 900. Le mouvement de sonnette, bien visible au niveau de la pointe, éloigne l’acromion du trochiter, si bien que l’abduction totale est voisine de 1800.
Le muscle principal de l’épaule est le deltoïde ; ses trois faisceaux accomplissent tous les mouvements, sauf l’adduction. Le faisceau antérieur, ou claviculaire, permet la flexion et la rotation interne; il est puissamment aidé par un adducteur, le grand pectoral, et ces deux muscles jouent un rôle de premier plan dans le lancer. Le faisceau postérieur, ou spinal, est extenseur et rotateur externe. Le faisceau moyen, ou acromial, le plus épais, est l’abducteur par excellence. Tous les chefs du deltoïde participent à l’abduction et, cependant, le muscle, pris isolément, est peu efficace. Le deltoïde, par ses insertions, est un élévateur du bras; il tend à coincer le trochiter sous l’acromion. D’où la nécessité d’un mécanisme complémentaire, représenté par un muscle transversal, le sus-épineux; en se contractant le premier, le sus-épineux enfonce la tête humérale dans la glène, donne un point d’appui au deltoïde; il est pour cette raison appelé le «starter» de l’abduction.
L’adduction n’est pas possible lorsque le bras pend le long du corps; elle nécessite soit une flexion préalable, sous l’action du grand pectoral, du grand rond, soit une extension, sous l’influence du grand dorsal.
La rotation axiale de l’épaule complète l’important mouvement de pronation-supination de l’avant-bras. Sont rotateurs internes les muscles grand pectoral, grand rond, grand dorsal, sous-scapulaire, ainsi que le faisceau antérieur du deltoïde; sont rotateurs externes le sous-épineux, le petit rond et le faisceau spinal du deltoïde.
Certains muscles, dits fixateurs de l’omoplate, interviennent dans l’action de soulever une charge: le rhomboïde, le trapèze, l’angulaire de l’omoplate. D’autres sont nécessaires au grimper: le grand dorsal, le grand pectoral. Mais, en pratique, le jeu de l’épaule est subordonné à celui de la main. Pour porter la main à la bouche, pour réaliser les gestes les plus délicats, écrire, dessiner, aussi bien que les exercices de force, visser, marteler, etc. Il faut une adduction suffisante du bras, 450 au minimum, assortie d’un certain degré de flexion et de rotation interne.
Pathologie
Parmi les nombreuses affections de l’épaule seront retenus les traumatismes et les arthrites, lesquelles sont dues à des processus inflammatoires et dégénératifs.
Le traumatisme le plus banal est l’entorse de l’épaule, qui peut survenir lors d’une chute à la renverse sur la main. La douleur se projette soit en avant, dans la coulisse bicipitale, soit en dehors, sous l’acromion. Une entorse grave peut s’accompagner de la rupture du tendon de la longue portion du biceps, plus souvent de la «rupture de la coiffe» des muscles courts-rotateurs; il s’agit d’une brèche de la capsule avec rupture des tendons sus- et sous-épineux, ce que met en évidence l’arthrographie de l’épaule. Elle entraîne une limitation de l’abduction et peut, dans certains cas, nécessiter une réparation chirurgicale.
Parmi les fractures , on oppose les lésions parcellaires, comme la fracture du trochiter, et les fractures complètes du col chirurgical de l’humérus.
Les fractures du col sont fréquentes chez les personnes âgées. Les fragments sont souvent pénétrés, et la consolidation (qui peut laisser des séquelles) s’obtient par simple immobilisation.
La luxation de l’épaule est très commune. Il faut différencier la forme habituelle, qui survient après un important traumatisme, et nécessite pour la réduire une anesthésie générale. Par contre, la luxation récidivante, fréquente chez les jeunes, souvent préparée par des malfaçons de la tête et du col de l’humérus, peut se produire à la suite d’un simple faux mouvement; elle se réduit par une faible traction, mais récidive parfois au cours de la même journée. Elle nécessite une intervention réparatrice, qui vise à refixer à la glène le bourrelet désinséré, ou à créer une butée osseuse.
Sous le terme imprécis d’arthrite de l’épaule, on englobe des lésions inflammatoires, fugaces, du type rhumatisme articulaire aigu; des affections microbiennes, à staphylocoques (ostéomyélite), à bacilles tuberculeux (tumeur blanche); enfin des processus dégénératifs, assez voisins des arthroses. La forme la plus fréquente est la périarthrite scapulo-humérale ; la radiographie montre le siège des lésions, au niveau de la deuxième articulation de l’épaule: aspect irrégulier du trochiter, avec géodes et zones hypercondensées, calcification avec ou sans rupture des lames tendineuses des courts-rotateurs («coiffe»). Typiquement, la maladie se déroule en deux phases: une période inflammatoire, hyperalgique, évolutive; puis une période ankylosante, aboutissant à une grave limitation de l’abduction.
épaule [ epol ] n. f.
1 ♦ Partie supérieure du bras à l'endroit où il s'attache au thorax (articulation de l'humérus avec la ceinture scapulaire). Os (⇒ clavicule, omoplate) , muscles de l'épaule (⇒ deltoïde; 2. scapulaire) . Épaule démise, luxée. Creux sous l'épaule. ⇒ aisselle. Le creux de l'épaule, au-dessus du sein. Elle lui arrive à l'épaule, aux épaules. Donner une tape amicale sur l'épaule. La courbe, l'arrondi des épaules. Largeur d'épaules, d'une épaule à l'autre. ⇒ carrure. Être large d'épaules. Épaules carrées. Fam. Avoir les épaules en portemanteau. — Épaules tombantes, peu saillantes. — Avoir la tête enfoncée dans les épaules, le cou très court. — Robe à épaules nues. Elle « avait jeté sur ses épaules frileuses une courte pèlerine de laine grise » (Green). Bretelles, épaulettes qui passent sur les épaules. — Lire par-dessus l'épaule de qqn, en étant derrière lui. — Charger, porter un fardeau sur les épaules. Porter un enfant sur les épaules, l'enfant étant assis jambes pendantes sur la poitrine. Fig. Responsabilité qui pèse, qui repose sur les épaules. ⇒ dos. Il n'a pas les épaules assez larges pour porter le poids de cette entreprise. — Rouler les épaules, les faire tourner à chaque mouvement de bras correspondant à un pas, en marchant; fig. se donner un air important (cf. fam. Rouler les mécaniques). — Hausser, lever les épaules : témoigner son indifférence, son mécontentement ou son mépris par un mouvement d'épaules vers le haut. Un haussement d'épaules. « Quant à toi, la meilleure réponse que tu puisses faire c'est de hausser les épaules et de dire comme autrefois : tra la la » (Sand). — Faire toucher les épaules (à son adversaire),le terrasser à la lutte de telle sorte que ses deux épaules touchent le sol; fig. le vaincre.
♢ Loc. fig. Avoir la tête sur les épaules : être sensé, savoir ce qu'on fait (cf. Avoir les pieds sur terre). — Changer son fusil d'épaule. — Donner un coup d'épaule à qqn, l'aider dans sa réussite. ⇒ épauler (cf. Donner un coup de main).
2 ♦ Chez les quadrupèdes, Partie de la jambe de devant qui se rattache au corps. Les épaules du cheval.
♢ Cette partie découpée pour la consommation. Une épaule de mouton, de veau. Épaule désossée, roulée. Épaule de porc (⇒ jambon) .
3 ♦ Partie du vêtement qui recouvre l'épaule. Couture d'épaule. Patte d'épaule, que l'on coud sur l'épaule (⇒ épaulette) .
● épaule nom féminin (bas latin spathula, spatule) Articulation qui unit le bras au thorax. Région du corps entre ces deux articulations (au pluriel) : Avoir les épaules larges. Morceau de boucherie correspondant au membre antérieur chez le mouton et chez le veau, à l'ensemble du collier et du paleron chez le bœuf. Alpinisme Replat nettement marqué sur une arête en contrebas du sommet. Fortification Partie d'un ouvrage où une face se raccorde au flanc adjacent. ● épaule (citations) nom féminin (bas latin spathula, spatule) Valery Larbaud Vichy 1881-Vichy 1957 Je n'ai jamais pu voir les épaules d'une jeune femme sans songer à fonder une famille. A. O. Barnabooth, Journal intime Gallimard ● épaule (expressions) nom féminin (bas latin spathula, spatule) Familier. Avoir la tête sur les épaules, être sensé, équilibré. Familier. Donner un coup d'épaule à quelqu'un, lui prêter son concours. Faire quelque chose, traiter quelqu'un par-dessus l'épaule, faire quelque chose, traiter quelqu'un avec négligence, avec désinvolture. Faire toucher les épaules à quelqu'un, le terrasser, avoir raison de sa résistance. Syndrome épaule-main, douleur et raideur unilatérales de l'épaule et de la main. Périarthrite de l'épaule, toute affection caractérisée par des douleurs dues à une inflammation des tissus au voisinage de l'articulation de l'épaule. Sur les épaules, se dit d'un cheval dont la masse est supportée pour une trop grande part par les membres antérieurs.
épaule
n. f.
d1./d Masse musculaire et partie du squelette assurant la liaison du membre supérieur avec le corps. Articulation de l'épaule, qui joint l'humérus à la ceinture scapulaire.
|| Loc. Avoir les épaules tombantes.
— Hausser, lever les épaules, en signe de dédain.
— Donner un coup d'épaule à qqn, l'aider.
— Avoir la tête sur les épaules: être bien équilibré.
d2./d (Animaux) Partie supérieure de chaque membre.
⇒ÉPAULE, subst. fém.
I.— Domaine humain
A.— Partie supérieure du bras (articulation de l'humérus) se rattachant au thorax (ceinture scapulaire). Épaules carrées, larges. Au premier pansement, (...) je sus que j'avais l'os de l'épaule gauche cassé (ERCKM.-CHATR., Conscrit 1813, 1864, p. 139) :
• 1. Tout à coup, quand elle était fatiguée, elle avait une épaule plus haute que l'autre, un vague air de famille avec une mandragore, qui rappelait sa mère.
ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 18.
SYNT. Épaules tombantes, voutées; épaules d'athlète, de boxeur, de nageur; balancer, rouler ses épaules; monter une charge à l'épaule; s'asseoir épaule contre épaule; objet placé à hauteur d'épaule; défaire sa veste d'un mouvement d'épaule; donner une tape sur l'épaule de qqn; cheveux qui retombent sur l'épaule; sangloter contre l'épaule de qqn; charger un sac sur ses épaules; avoir la tête enfoncée dans les épaules; Atlas fut condamné à porter le monde sur ses épaules.
— P. méton., COUT. Partie du vêtement qui recouvre l'épaule. C'est un très joli costume de page, (...) avec (...) manches légèrement bouffantes à l'épaule, col officier (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1939, p. 70).
B.— Locutions
1. Loc. verbales
a) Hausser, lever, soulever et plus rarement hocher les épaules; avoir un haussement et plus rarement un soulèvement d'épaules. Avoir un mouvement d'épaules pour manifester son indifférence, son mépris ou quelque autre sentiment. L'autre répondit, haussant les épaules d'un air de lassitude : — C'est le temps de la saison (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 2). Jacques, sans se forcer à sourire, souleva les épaules avec indifférence (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1268). Il revint vers le guichet avec un haussement d'épaules découragé (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 981).
b) Avoir les épaules à + inf. ou subst. Être capable de, être à la hauteur de. Ce fut le succès, mais le succès comme il vient à Paris, c'est-à-dire fou, le succès à écraser les gens qui n'ont pas des épaules et des reins à le porter (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 114). Évidemment, J. Tom Lévis n'est pas à la hauteur de son rôle, il n'a pas les solides épaules de l'emploi (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 333).
c) [En termes de lutte] Faire toucher les épaules à qqn. Faire en sorte que l'adversaire touche des épaules contre le sol, et p. ext. le vaincre. Ce combat sans merci, où tour à tour les deux antagonistes, épuisés, furent sur le point de toucher des épaules (Tennis et Golf, 16 juin 1935, p. 1 ds GRUBB, Fr. sp. neol., 1937, p. 37).
— Au fig. Sortir vainqueur d'une situation. On s'installait dans la guerre (...) nous avions repris le dessus, nous lui avions fait toucher les épaules à cette femelle; on était à présent comme mariés avec elle, la lune de miel était finie (VIALAR, Pt jour, 1947, p. 288).
d) Avoir la tête sur les épaules. Être réaliste, bien équilibré, plein de bon sens. J'en ai assez de vos devinettes et de vos symboles. J'ai ma tête sur mes épaules, moi, et les pieds par terre. Je vais donner des ordres (COCTEAU, Machine infern., 1934, 4, p. 133).
e) Changer son fusil d'épaule. Changer de méthode, de tactique. Après sa maladie, Gustave changea son fusil d'épaule et découvrit les longs effets de la ténacité (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 205).
f) Pousser le temps par l'épaule. ,,Se désennuyer comme on peut, en attendant le moment qu'on désire`` (Ac. 1835, 1878) :
• 2. C... qui fait comme moi un cours ici, est un charmant compagnon dont l'amitié m'a bien souvent aidé à « pousser le temps par l'épaule »
GREEN, Journal, 1949, p. 127.
g) Au fig. Peser aux (sur les) épaules (avec une idée de poids physique ou moral à supporter). Constituer une charge pénible à supporter. Il baissait la tête, comme si la honte du garçon avait pesé sur ses épaules (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 152). La pauvreté de sa famille lui pèse aux épaules (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 139).
— Plier les épaules. Se résigner. Il lui fallut de longs mois pour plier les épaules et accepter ses souffrances d'homme laid (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 644).
— Retomber sur les épaules de qqn. Être mis à la charge de quelqu'un en raison de l'incompétence de celui qui en était d'abord chargé. Vous passez votre vie à marier les uns et à mettre les autres en terre; c'est aimable de votre part, mais comme pendant ce temps-là, votre service qui ne se fait pas tout seul me retombe sur les épaules, je vous déclare que j'en ai assez (COURTELINE, Ronds-de-cuir, Plumeau, 1885, p. 188).
— Porter qqc. sur ses épaules. L'avoir à charge. Il y avait (...) le « pharisien fort d'épaules » (schikmi), qui marchait le dos voûté comme s'il portait sur ses épaules le fardeau entier de la Loi (RENAN, Vie Jésus, 1863, p. 341).
h) ,,Mettre qqn dehors par les deux épaules. Le chasser honteusement`` (Ac.).
i) Vieilli. ,,Il ne jette point les épaules de mouton par la fenêtre. Se dit d'un homme avare`` (Ac. 1835).
2. Loc. nominale. Coup d'épaule. Coup donné à quelqu'un ou quelque chose avec l'épaule; mouvement des épaules pour faire ou désigner quelque chose. Négrel avait tâché vainement de l'enfoncer [la porte] à coups d'épaule (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1446). — On se mesure? proposa-t-il en désignant d'un coup d'épaule un appareil à billes (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 79).
— Au fig. Effort efficace. N'oubliez pas ce que je vous ai dit; c'est un coup d'épaule qui sauvera mon hiver, et dont je vous serai profondément reconnaissant (NERVAL, Corresp. 1830-55, p. 185).
♦ Donner un coup d'épaule à qqn, prêter son épaule à qqn. L'aider de manière efficace. Paris a vu deux ou trois parvenus de ce genre, dont le succès est une honte et pour l'époque et pour ceux qui leur ont prêté leurs épaules (BALZAC, Mme de La Chanterie, 1850, p. 220). Camille. — ... Soyez aimable avec lui [M. Grivet], n'est-ce pas? Il n'est que sous-chef, mais il peut, à l'occasion, me donner un bon coup d'épaule (ZOLA, Th. Raquin, 1878, I, 6, p. 63).
3. Loc. adv.
a) Par-dessus l'épaule
♦ Avec dédain, mépris. Regarder qqn par dessus l'épaule; parler à qqn par dessus l'épaule. Il est aux pieds du fauteuil de Sacy, qui lui parle par-dessus l'épaule et dont le mépris enjoué a l'air de tomber de haut sur ce candidat romantique et bizarre (GONCOURT, Journal, 1868, p. 472). Et nous passâmes, pendant qu'ils nous saluaient, et que nous les regardions avec mépris, par-dessus l'épaule (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 320).
♦ ,,Faire qqc. par-dessus l'épaule. Ne point le faire du tout. Pensez-vous qu'il veuille acquitter sa dette? Il vous payera par-dessus l'épaule`` (Ac. 1835, 1878).
♦ Fam. ,,Manger par-dessus l'épaule, jouer par-dessus l'épaule. Manger derrière les autres, jouer sans avoir de place à la table de jeu`` (Ac. 1835, 1878).
b) (Être) sur les épaules. Être ruiné. [Jeannine]... je considérais Liebert comme définitivement sur les épaules Il allait être ruiné (VIALAR, Bon Dieu, 1953, p. 194).
II.— [Chez les animaux] Partie supérieure du membre antérieur se rattachant au tronc et p. méton., en boucherie, morceau de viande correspondant au membre antérieur chez le mouton, le veau et le porc, et à l'ensemble du membre antérieur et du collier chez le bœuf. Je tirai de ma boîte un morceau de pain, une épaule d'agneau froid, et une gourde du petit vin que vous savez (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 46).
III.— Emplois techn.
A.— FORTIF. ,,L'épaule d'un bastion. La partie saillante que forme la réunion des pans nommés Flanc et Face. On dit aussi l'angle d'épaule`` (Ac.).
B.— MAR. ,,Partie arrondie de l'avant de la coque qui forme souvent un léger renflement destiné à permettre au bateau de bien aller à la lame`` (BARBER. 1969).
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. épaulon, région. Synon. épaule. Jourdan, à genoux, surveillait le rôtissement. Juste, la chair du chevreau venait de se fendre au pli de l'épaulon (GIONO, Joie demeure, 1935, p. 155).
Prononc. et Orth. :[epo:l]. Enq. : /epol, D/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1100 espalles (Roland, éd. J. Bédier, 647 et 1344). Du b. lat. spathula « spatule », « omoplate ». Fréq. abs. littér. :11 713. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 7 674, b) 19 497; XXe s. : a) 19 861, b) 20 876. Bbg. EKBLOM (R.). Die Entwicklung der Wörter vom Typus spatulam > épaule. In : [Mél. Mélander (J.)]. Uppsala, 1943, pp. 129-139. — LEUMANN (M.). Spatule Schulter. Vox. rom. 1937, t. 2, pp. 470-472.
épaule [epol] n. f.
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1 Partie supérieure du bras à l'endroit où il s'attache au thorax (articulation de l'humérus avec la ceinture scapulaire). || Os (⇒ Clavicule, omoplate), muscles de l'épaule (⇒ Deltoïde; scapulaire). || Creux sous l'épaule. ⇒ Aisselle. || Le creux de l'épaule, au-dessus du sein. || Saillie de l'épaule.
1 Le membre supérieur rattaché au tronc par son premier segment, l'épaule ou ceinture scapulaire, nous présente, en allant de la ceinture à l'extrémité libre (…)
1o Les articulations des os de l'épaule entre eux et avec le thorax;
2o L'articulation du bras avec l'épaule, ou articulation capsulo-humérale (…)
L. Testut, Traité d'anatomie…, t. I, p. 566.
♦ Avoir de belles épaules (→ Arrondir, cit. 6; beau, cit. 19; blancheur, cit. 2). || Largeur d'épaules, d'une épaule à l'autre. ⇒ Carrure. || Être carré des épaules (→ Découpler, cit. 3). || Il est grand et large d'épaules (→ C'est une armoire à glace). || Vénus grecque aux larges épaules. || Avoir les épaules carrées, épaisses, fortes, larges (→ Compter, cit. 7), musclées, puissantes, robustes, hautes, rondes. || Des épaules avalées (cit. 36; vx), effacées, fuyantes, rentrées, tombantes. || Épaule charnue, grasse (→ 1. Placer, cit. 17). || La courbe (cit. 4), l'arrondi des épaules. || Porter les épaules en arrière (→ Attitude, cit. 10). || Sanglots qui soulèvent, qui secouent les épaules. || Épaule démise, disloquée, rompue (→ Aventure, cit. 11). || Luxation de l'épaule. || Épaule ballante, flottante, par suite d'une paralysie des muscles scapulaires. || Avoir une épaule plus haute que l'autre, une bosse entre les deux épaules (→ Difformité, cit. 1). — ☑ Loc. Avoir la tête enfoncée, engoncée dans les épaules : avoir le cou très court (→ Cou, cit. 7; difforme, cit. 3).
2 (…) il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur ses yeux pour n'être point vu (…)
La Bruyère, les Caractères, VI, 83.
3 (…) un petit homme haut de trois pieds et demi, extraordinairement gros, avec une tête enfoncée entre les deux épaules : voilà mon oncle.
A. R. Lesage, Gil Blas, I, 1.
4 Les habillements (…) coupés sans doute pour la taille maigre et pour les bras et les épaules grêles d'une enfant cloîtrée (…) s'étaient rencontrés trop étroits pour la stature découplée et pour les épaules arrondies et fortement nouées au corps de cette belle fille du soleil et de la mer.
Lamartine, Graziella, IV, XXX.
5 Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies sur lesquelles j'aurais voulu pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 785.
6 Les épaules fermes, rebondies, mates et blanches comme le marbre dépoli des statues antiques, ne se dessinent qu'assez tard; c'est un fruit d'automne, juste compensation de la perte de quelques fleurs de printemps.
Th. Gautier, Portraits contemporains, p. 393.
7 Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses,
Ta tête se pavane avec d'étranges grâces (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Le beau navire ».
8 Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Baudelaire, les Fleurs du mal, « À celle qui est trop gaie ».
9 (…) son regard revenait, malgré elle, au corps de cette belle fille tombée en travers du divan, à cette épaule nue, secouée par les hoquets, et dont la chair gonflait la dentelle.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 50.
♦ ☑ Loc. fig. Avoir la tête sur les épaules : être sensé, bien équilibré.
9.1 On désire le bonheur du couple : lui a fait son devoir, elle est plutôt jolie, et tous deux ont la tête sur les épaules.
Alain Bosquet, les Bonnes Intentions, p. 70.
♦ Cheveux qui tombent, qui flottent sur les épaules (→ Abondant, cit. 1; boucle, cit. 3; coiffer, cit. 1). || Pièce de l'armure qui recouvrait l'épaule. ⇒ Épaulière. || Jeter un châle (cit. 2), une écharpe sur ses épaules. || Bandoulière, baudrier, bretelle, bricole qui passe sur l'épaule. || Ornement qui se porte sur l'épaule. ⇒ Chausse, épitoge, étole; épaulette, galon, patte. || Habit qui dégage (cit. 8) les épaules. || Robe qui laisse les épaules nues. ⇒ Décolleter (cit. 1).
10 Elle (…) avait jeté sur ses épaules frileuses une courte pèlerine de laine grise.
J. Green, Léviathan, p. 60.
♦ D'épaule : qui se porte sur l'épaule. || Ruban d'épaule (→ Dénouer, cit. 12). || Patte d'épaule.
♦ À l'épaule, aux épaules : à la hauteur des épaules. || Elle lui va à peine à l'épaule, aux épaules.
♦ (Emplois entraînant l'idée de charge). || Sur, dessus… l'épaule, les épaules. || Charger, porter un fardeau sur les épaules. || Le géant Atlas fut condamné à porter le monde sur ses épaules. || Palanche reposant sur l'épaule. || Mettre l'arme sur l'épaule (→ Arbalète, cit. 3). || L'arme sur l'épaule droite, commandement militaire. || Appliquer la crosse du fusil contre l'épaule pour tirer. ⇒ Épauler. — Fig. ⇒ Dos. || Tout est retombé sur ses épaules, sur lui. || Avoir une lourde charge sur les épaules. || Épreuve, péril, responsabilité qui pèse, qui repose sur les épaules. || Porter sur ses épaules le poids des affaires publiques. || Il n'a pas les épaules assez larges, assez fortes pour porter seul le poids de cette entreprise. → Avoir les reins solides. ☑ Avoir, porter (qqn ou qqch.) sur ses épaules, l'avoir à charge.
11 Que sa présence me pèse sur les épaules !
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 6.
12 (…) je veux m'ôter sa charge (de Ch. de Sévigné) de dessus les épaules, qui ne me pesait rien quand il l'aimait, et qui me pèse présentement plus de quarante mille écus.
Mme de Sévigné, 788, 6 mars 1680.
13 Tenez, Saint-Père, à Toulon, je n'avais pas de quoi acheter une paire d'épaulettes, et au lieu d'elles j'avais une mère et je ne sais combien de frères sur les épaules.
A. de Vigny, Servitude et grandeur militaires, III, V.
14 À sentir reposer sur ses jeunes épaules le poids de cette machine immense dont vivaient des hommes si nombreux, il éprouvait une joie absurde et enivrante.
A. Maurois, Bernard Quesnay, XXIX, p. 197.
♦ ☑ Loc. fig. Changer son fusil d'épaule. ⇒ Fusil.
♦ (Positions, attitudes, gestes…). || Pencher sa tête sur l'épaule, sur son épaule. || Appuyer sa tête contre l'épaule; coucher sa tête sur l'épaule de qqn. || Prêter son épaule à qqn pour qu'il s'y repose. || Il posa la main sur mon épaule. || Donner des coups (→ Appliquer, cit. 32), une tape amicale sur l'épaule. || Être serré épaule contre épaule dans la cohue. || Prendre, chasser qqn par les épaules, en le poussant par les épaules. || Donner un coup d'épaule pour enfoncer une porte. || Footballeur qui écarte son adversaire d'un coup d'épaule.
15 (…) vous le deviez mettre dehors par les épaules.
Molière, Dom Juan, IV, 5.
16 On dit que M. de Grignan a ordre d'aller pousser par les épaules le vice-légat hors d'Avignon (…)
Mme de Sévigné, 530, 1er mai 1676.
17 Nous étions épaule contre épaule, pied contre pied, tous les nerfs tendus, et les bras entrelacés comme des serpents, chacun s'efforçant d'enlever de terre son ennemi.
Fénelon, Télémaque, V.
18 Le roi les créait chevaliers, en leur frappant sur l'épaule du plat de son épée.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, IV, V, I.
19 Sa prétendue ivresse ne se montrait d'ailleurs qu'à un léger rosissement du visage, un attendrissement des yeux bleus, et une plus grande facilité à coucher sa tête sur l'épaule de Jerphanion.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XXI, p. 230.
20 (…) l'épaule contre la fente des volets, il essayait de vaincre cette dernière résistance et de faire ployer le petit loquet de fer.
J. Green, Léviathan, p. 105.
♦ ☑ Loc. fig. Vx. Prêter l'épaule à qqn. ⇒ Épauler. — ☑ Mod. Donner un coup d'épaule à qqn., l'aider. — Syn. plus cour. : donner un coup de main.
♦ ☑ Vx. Pousser le temps avec l'épaule : faire passer le temps.
♦ ☑ Rouler les épaules ou (vx) marcher des épaules, les faire tourner à chaque mouvement de bras correspondant à un pas, en marchant. Fig. Se donner un air important (→ fam. Rouler les mécaniques).
21 (…) des gens qui entrent sans saluer que légèrement, qui marchent des épaules, et qui se rengorgent comme une femme (…)
La Bruyère, les Caractères, VIII, 17.
♦ ☑ Baisser, plier les épaules : accepter avec soumission (→ Courber l'échine).
22 Aucun mot de reproche ne lui venait aux lèvres, et ce n'était ni le chagrin, ni la jalousie qui, à cette minute, lui faisait plier les épaules, mais le sentiment de son impuissance, de leur irresponsabilité, et le poids même de la vie.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 93.
♦ ☑ Loc. Hausser, lever les épaules : témoigner son indifférence, son mécontentement ou son mépris par un mouvement d'épaules vers le haut. → Furieux, cit. 13; garce, cit. 3; garer, cit. 5. || Un haussement d'épaules (→ Armistice, cit. 2; cabaretier, cit. 1; chétif, cit. 6).
23 Et vous avez un ridicule orgueil, une impertinente présomption qui fait hausser les épaules à tout le monde.
Molière, le Malade imaginaire, II, 6.
24 À tous les éclats de rire, il haussait les épaules (…)
Molière, la Critique de l'École des femmes, 5.
25 Quant à toi, la meilleure réponse que tu puisses faire c'est de hausser les épaules et de dire comme autrefois : tra la la.
G. Sand, Lettres à Musset, p. 69.
26 Après tout, combien négligeable le haussement d'épaules de ceux qui ne comprennent pas, auprès de ces affections ardentes que l'on éveille çà et là (…)
Loti, les Désenchantées, III, XIV.
26.1 (…) un général français en civil, délivré par nous, m'a dit dédaigneusement : « Bien entendu, on ne nous avait pas mis avec les rayés (…) » Beaucoup de gifles se perdent, et un seul homme ne peut hausser que deux épaules.
Malraux, Antimémoires, Folio, p. 618.
♦ (À la lutte). || Faire toucher les épaules (à son adversaire) : terrasser son adversaire de telle sorte que ses deux épaules touchent le sol. — ☑ Fig. Faire toucher les épaules à qqn, le vaincre, le battre.
♦ Regarder, lire par-dessus l'épaule de qqn, en étant derrière lui (→ Dessus, cit. 4). || Se pencher sur l'épaule de qqn (→ Dictée, cit. 5).
27 Et vous croyez bien que je me rends maîtresse de la lettre pour qu'on ne lise pas sur mon épaule ce que je ne veux pas qui soit vu.
♦ Figuré :
28 Il faut regarder les livres par-dessus l'épaule de l'auteur.
Valéry, Rhumbs, p. 164.
♦ ☑ Faire qqch. par-dessus l'épaule, avec négligence. → Par-dessous la jambe. ☑ En avoir par-dessus les épaules : en être excédé. → En avoir plein le dos. ☑ Regarder qqn par-dessus l'épaule, le regarder de haut, avec dédain, mépris.
2 (Chez les quadrupèdes). a Partie de la jambe de devant qui se rattache au corps. || Blesser un sanglier à l'épaule. || Les banderilles (cit. 1) lacèrent les épaules du taureau. || Les épaules du cheval (cit. 6).
♦ Manège (d'un cheval). || Trotter des épaules : soulever pesamment les épaules.
b Cette partie de l'animal, découpée pour la consommation (chez le bœuf, l'épaule comprend le collier). || Une épaule de mouton (⇒ Éclanche), de veau. || Épaule désossée, roulée. || Morceau de porc ou de bœuf en arrière de l'épaule. ⇒ Paleron.
3 Par ext. Partie du vêtement qui recouvre l'épaule. || Monter, garnir, rembourrer les épaules d'une veste (⇒ Épaulette).
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II Emplois figurés (technique ou poétique).
1 Fortif. || Épaule d'un bastion, partie où le flanc rejoint la face.
♦ Alpin. Plate-forme, replat sur une arête, au pied d'un bloc. ⇒ Replat.
2 Mar. « Renflement au-dessus des façons de l'avant » (Gruss). ⇒ Joue. || L'épaule d'un bâtiment lui permet de résister à la lame.
3 Renflement de la bouteille après le col.
4 Poét. || L'épaule des collines (cit. 4). ⇒ Croupe.
29 On ne voit qu'une épaule de colline toute velue et le vent en rebrousse les poils.
J. Giono, Regain, p. 35.
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DÉR. Épaulard, épaulée, épauler, épaulette, épaulière.
COMP. Épaule-de-mouton.
Encyclopédie Universelle. 2012.